B. DES CHANGEMENTS INDISPENSABLES POUR L'ENSEMBLE DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Tant l'expérience des CER que des CEF ont fait apparaître de nouvelles modalités de prise en charge et d'action éducative dans un cadre contraint, notions qui paraissaient incompatibles à la protection judiciaire de la jeunesse il y a peu.

Aux fortes réticences initiales de certains éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse a succédé une certaine reconnaissance de leur utilité. Néanmoins, il leur est encore reproché d'absorber une part non négligeable des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, alors que seul un nombre restreint de mineurs a été pris en charge dans ces structures (moins de 500 en CEF depuis leur mise en place).

Se pose désormais la question des relais à la sortie de ces dispositifs, les jeunes devant continuer leur parcours éducatif. Les structures traditionnelles de la protection judiciaire de la jeunesse doivent donc également évoluer pour les accueillir, ce qui implique une évolution du recrutement et de la formation des éducateurs.

Enfin, après les efforts importants de réorganisation déployés en réponse aux critiques de la Cour des comptes en 2003, la protection judiciaire de la jeunesse doit encore améliorer ses outils d'évaluation.

1. Accompagner les mineurs dans un parcours éducatif continu et améliorer la prise en charge dans les structures traditionnelles de la protection judiciaire de la jeunesse

Comme on l'a vu précédemment, la part de mineurs délinquants pris en charge par le secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, autrefois minoritaire (34 % en 1992), atteint 75,9 % fin 2004, ce qui a impliqué un important effort d'adaptation.

Plusieurs rapports récents, qu'il s'agisse du rapport d'évaluation du dispositif des centres de placement immédiat (CPI) de l'inspection générale des services de la protection judiciaire de la jeunesse d'août 2005 ou du rapport d'évaluation des premiers CEF de janvier 2005, ont mis en avant l'inanité de prévoir des dispositifs spécifiques très coûteux comme les CER et les CEF si les mineurs pris en charge dans ces structures se trouvaient à leur sortie sans relais adapté , tant en hébergement qu'en milieu ouvert.

Comme le relevait le rapport d'évaluation des CEF : « Les réponses à la délinquance des mineurs sont interactives : en créer de nouvelles, alors que les lacunes des autres ne sont pas traitées, ne permet pas d'améliorer la performance du système ». Il estimait en particulier que la prise en charge dans les foyers d'action éducative (FAE) et les CPI continuait d'être inadaptée à la prise en charge des mineurs délinquants.

Il préconisait donc de mettre en oeuvre les principes éducatifs qui régissent les prises en charge renforcées, contenantes et contraignantes mis en évidence dans le cadre des CEF et des CER dans les FAE et les CPI , qui privilégient les modèles classiques de l'éducation spécialisée fondés sur l'adhésion, le contrat et la relation individuelle.

La reconnaissance de la pertinence de l'éducation contrainte, à laquelle les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont traditionnellement opposés, pourrait être facilitée par le départ à la retraite des éducateurs les plus anciens et le recrutement massif récent d'éducateurs.

Rappelons que la Cour des comptes avait, dans son rapport de juillet 2003 consacré à la protection judiciaire de la jeunesse, qualifié la prise en charge des mineurs en hébergement collectif traditionnel d'« occupationnelle », l'absence de continuité dans les horaires d'activité induisant un désoeuvrement des jeunes. Cette observation confirmait l'évaluation effectuée en 2001 par le cabinet CIRESE, qui relevait pour sa part l'absence de projets d'établissement, l'importance de la rotation des personnels, le mauvais état des locaux, le raccourcissement de la durée de séjour des mineurs (environ deux mois), et la faiblesse du taux d'occupation. La préconisation d'évolution de ces structures trop souvent centrées sur l'hébergement hebdomadaire vers l'investissement éducatif est restée peu suivie, les FAE demeurant les instruments « à tout faire » du placement judiciaire.

Cette exigence pose cependant la question de l'attractivité de la fonction éducative dans le cadre du placement, considéré comme un passage obligé en début de carrière que l'on s'empresse ensuite de quitter. Celle-ci ne pourra être réelle que si le passage en hébergement est valorisé, dans le cadre d'une politique de développement de la carrière.

Le rapport d'évaluation des CPI va encore plus loin, puisqu'il préconise d'étendre les principes de l'éducation renforcée à l'ensemble des acteurs du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, milieu ouvert et insertion compris.

2. Adapter le recrutement et la formation des personnels aux évolutions de l'activité de la protection judiciaire de la jeunesse

Ces dernières années ont eu lieu des recrutements massifs. Après le recrutement de 1.381 éducateurs de 1998 à 2002 13 ( * ) , la LOPJ a prévu la création sur 5 ans de 1.250 emplois, alors que 1.300 départs en retraite devraient intervenir, ce qui implique le renouvellement de près du tiers de l'effectif global.

L'administration de la protection judiciaire de la jeunesse a diversifié les modes de recrutement des éducateurs afin de privilégier la motivation pour le travail social plutôt que les connaissances théoriques de candidats surdiplômés.

Le décret n° 2004-19 du 5 janvier 2004 a ouvert le concours externe sur épreuves, jusque-là réservé aux titulaires d'un diplôme de niveau III, aux candidats ayant obtenu la reconnaissance de leur expérience professionnelle dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel, et a créé le concours dit troisième voie ouvert aux candidats ayant exercé pendant au moins cinq ans dans le domaine éducatif, social, sportif ou culturel 14 ( * ) .

Ces modes de recrutement ont depuis été appliqués deux fois.

Les résultats de la première session ont été relativement modestes puisque sur les 39 postes offerts au concours sur titre, seuls 26 ont été pourvus (pour 37 candidats), 39 des 62 postes ouverts au titre du concours troisième voie étant pourvus (pour 168 candidats).

En revanche, en 2005, les 23 postes du concours sur titre ont pu être pourvus (pour 53 candidats) et 36 des 46 postes du concours troisième voie (pour 211 candidats). Ces concours commencent donc à être connus du public potentiel.

Par ailleurs, la formation des éducateurs doit encore être revue, afin de prendre en compte les nouvelles expériences, comme l'intervention continue des éducateurs en quartiers mineurs, mais aussi de lui garantir une dimension pluridisciplinaire, afin par exemple de former les éducateurs à l'animation d'activités sportives ou au soutien scolaire.

De même, la formation devrait particulièrement préparer les professionnels à la gestion des groupes, à la confrontation aux phénomènes de violence et à la méthodologie de l'observation et de l'évaluation de situations individuelles.

Si cette évolution est particulièrement importante dans la perspective de l'ouverture de huit nouveaux CEF publics dans les deux prochaines années, cette problématique devrait désormais concerner tous les élèves éducateurs. En effet, le rapport d'évaluation des CPI, qui préconise d'étendre les principes de l'éducation renforcée à l'ensemble des acteurs du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, milieu ouvert et insertion compris, suppose une action de formation adaptée à ces missions.

Il appartient également à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse d'intervenir dans la formation d'adaptation des personnels associatifs en établissant des cahiers des charges.

Le rapport du Conseil économique et social sur le recrutement, la formation et la professionnalisation des salariés du secteur sanitaire et social publié en juillet 2004, a mis en évidence au plan national la pénurie de travailleurs sociaux et la forte proportion des « faisant fonction » notamment dans le champ de l'éducation spécialisée.

Cette situation n'est cependant pas forcément dommageable, si une formation d'adaptation est prévue.

Le rapport d'évaluation des CEF notait ainsi que les personnels des CEF associatifs étaient majoritairement des hommes, contrairement à ceux travaillant dans les internats socio-éducatifs, et provenaient d'horizons très différents, les critères de sélection étant largement fondés sur le parcours professionnel et personnel des candidats et non sur le diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé. Il estimait que leur expérience -douze ans en moyenne, dont la moitié auprès de jeunes- leur permettait « d'exercer une autorité naturelle et bienveillante sans crainte des rapports de force ».

Une expérimentation de formation qualifiante à l'intérieur même des CER est mise en oeuvre depuis septembre 2004, plus de 75 % des intervenants éducatifs en CER étant dépourvus de diplômes spécialisés dans le champ éducatif. Financée par les associations, elle s'appuie sur un cahier des charges rédigé par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.

Le même système a été mis en place fin 2004 s'agissant des CEF associatifs. Une formation d'adaptation de deux semaines est désormais prévue avant toute nouvelle ouverture de CEF associatif. Elle pourrait s'inspirer de la formation d'adaptation suivie par les personnels du CEF de Saint-Denis le Thiboult (ouvert dès 2003 et donc non concerné par ce cahier des charges) basée sur un travail sur la violence et la contrainte et comprenant un stage d'une semaine à l'école de police afin d'apprendre à maîtriser une personne violente sans la blesser ni être blessé et à gérer sa peur.

3. Assouplir les règles de gestion de la fonction publique pour les structures publiques

Les structures du secteur public rencontrent un certain nombre de difficultés à cause de l'application des règles de la fonction publique.

Ainsi, certains CER, qui travaillent par sessions, peuvent voir leur fonctionnement paralysé en raison de la défaillance de personnels. En outre, le travail en hébergement collectif classique étant en crise depuis de nombreuses années, les personnels plus chevronnés s'en détournent, ce qui fait peser sur de jeunes éducateurs encore inexpérimentés la prise en charge des mineurs les plus difficiles. Certaines régions connaissent également des difficultés pour pourvoir leurs postes.

Le rapport d'évaluation des CEF rappelait que les postes offerts dans les CEF publics l'avaient été lors du mouvement annuel de personnels, selon la procédure classique d'appel à candidature, ce qui pouvait expliquer les difficultés du CEF public de Beauvais, dont le personnel sortait majoritairement de formation. Il préconisait donc de recruter les personnels du secteur public en fonction de critères tenant compte de la spécificité du cadre CEF, ce qui paraît difficile en l'état des règles actuelles.

Pour répondre à ces difficultés, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a reçu en décembre 2003 l'autorisation de recruter 800 contractuels , représentant 10 % de ses effectifs budgétaires, et dont la rémunération est gagée sur des emplois de titulaires vacants. Ils peuvent bénéficier de contrats de trois ans renouvelables. Les postes vacants à l'issue des mobilités et des concours peuvent être occupés par des agents contractuels, évitant ainsi aux établissements et services de se trouver en grande difficulté.

Au 20 juillet 2005, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse compte 417 agents contractuels dans ses effectifs dont 253 éducateurs. La plus grande partie de ces agents bénéficie de contrats d'une année destinés à couvrir des vacances de postes jusqu'à la prochaine mobilité des agents fonctionnaires. Ce sont d'excellentes recrues potentielles pour les concours de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Recrutés localement, ils peuvent également compenser des déficits dans les régions qui souffrent d'un manque d'attractivité comme l'Ile-de-France ou le Nord.

Le recours à ces contractuels fait cependant l'objet de critiques virulentes de la part du syndicat national des personnels de l'éducation surveillée -PJJ- FSU entendu par votre rapporteur, qui dénonce une précarisation des emplois de la protection judiciaire de la jeunesse.

Cette évolution a été facilitée par la déconcentration aux directions régionales de certains actes en matière de ressources humaines par le décret du 24 mai 2005 15 ( * ) , qui permet notamment aux directeurs régionaux de recruter des contractuels.

De même, la LOLF, qui implique la répartition d'enveloppes d'emplois par budget opérationnel de programme, a entraîné la mise en place au niveau de chaque direction régionale d'une carte des emplois permettant une répartition géographique des emplois budgétaires. Elle tiendra compte en 2007 des normes d'effectifs par type de structures et de services ainsi que de critères de répartition des emplois en fonction de la demande judiciaire (population de moins de 18 ans, délinquance des mineurs...) pour permettre une meilleure adéquation des emplois aux besoins.

Le rapport d'évaluation des CPI émanant de l'inspection générale des services proposait d'affecter les personnels auprès des directions départementales, à charge pour elles de les affecter ensuite en fonction des missions à remplir. Les personnels ne seraient donc plus affectés à un établissement particulier. Le rapport estimait que ceci pourrait contribuer à répondre au problème posé par l'affectation des personnels les moins expérimentés dans les hébergements. Le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse a cependant déjà fait connaître son opposition à cette proposition de réforme particulièrement novatrice.

4. Développer une véritable évaluation

Il importe de mieux connaître l'impact de la prise en charge de la protection judiciaire de la jeunesse sur le parcours des mineurs qui lui sont confiés.

L'un des enjeux majeurs de la LOLF est de faire passer l'Etat d'une culture de moyens à une culture de résultats. A chaque programme sont associés une stratégie, des objectifs et des indicateurs de performance figurant dans les projets annuels de performances (PAP) annexés au projet de loi de finances. Le responsable de programme doit rendre compte au Parlement des résultats obtenus dans un rapport annuel de performances (RAP) lors de l'examen de la loi de règlement.

Si le programme « protection judiciaire de la jeunesse » compte sept objectifs et treize indicateurs de performance , bien peu paraissent réellement pertinents. Comme le soulignait le rapport de la commission des Finances sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF 16 ( * ) , certains objectifs et indicateurs ne reflètent que l'activité ou le niveau des moyens alloués.

Seuls quelques indicateurs comme le taux d'évolution favorable de la situation des mineurs en danger, le taux d'inscription en fin de mesure dans les dispositifs de droit commun ou encore la part des jeunes pris en charge au pénal n'ayant ni récidivé, ni réitéré dans l'année qui suit la clôture, peuvent s'analyser comme des indicateurs de performance.

Ceci s'explique par la résistance culturelle à la notion de performance des professionnels du champ social, mais aussi par la difficulté de cerner le concept d'efficacité finale, alors que la protection judiciaire de la jeunesse n'assure que les premières étapes d'un parcours de réinsertion, et vise avant tout à réinscrire le jeune dans un parcours de droit commun (scolarisation, formation professionnelle...) par l'acquisition de savoirs de base en partenariat avec d'autres opérateurs de l'Etat ou des collectivités locales.

En outre, une grande partie des indicateurs n'est pas encore disponible et exigera une adaptation lourde des systèmes d'information existants. Le rapport d'audit remis en juin 2004 au comité interministériel d'audit des programmes relevait les délais nécessaires à la production de statistiques par le ministère de la justice et leur manque de fiabilité, de nombreux indicateurs nécessitant encore des comptages manuels, alors que les informations ne sont pas toujours recueillies selon un modèle normalisé.

Indicateurs et objectifs

Objectif n° 1 (du point de vue de l'usager) : optimiser le parcours du jeune

Indicateur n° 1 : taux de suivi éducatif continu auprès des mineurs incarcérés (taux de couverture des places en quartiers mineurs)

Observation : Il s'agit d'un indicateur d'activité et non de performance.

Indicateur n° 2 : délais de prise en charge dans le secteur public

Observation : Il conviendrait de soustraire le délai de notification lié au fonctionnement des greffes imputable au programme « services judiciaires ».

Indicateur n° 3 : taux de départements ayant mis en place un dispositif d'accueil d'urgence

Observation : Il s'agit d'un indicateur d'activité qui dépend des conseils généraux.

Indicateur n° 4 : taux de pluridisciplinarité des services et établissements dans le secteur public

Observation : Il s'agit d'un indicateur d'activité.

Objectif n° 2 (du point de vue de l'usager) : contribuer, par l'investigation, à la qualité de la décision judiciaire

Indicateur n° 1 : taux de suivi par les magistrats des préconisations de la protection judiciaire de la jeunesse formulées dans le cadre des investigations (secteur public et secteur associatif habilité)

Observation : Le suivi de la décision par les magistrats ne garantit pas forcément le bien fondé de la préconisation émise par le service éducatif.

Indicateur n° 2 : indice de qualité des mesures d'investigations réalisées par la protection judiciaire de la jeunesse (secteur public et secteur associatif habilité) à partir des réponses à un questionnaire de satisfaction rempli par un échantillon de magistrats.

Observation : Il s'agit cette fois d'un véritable indicateur de performance mais il n'est pas encore renseigné.

Objectif n° 3 (du point de vue du contribuable) : optimiser l'emploi des moyens humains, financiers et matériels

Indicateur n° 1 : taux d'occupation des établissements

Observation : Il s'agit d'un indicateur d'activité.

Indicateur n° 2 : taux d'activité par catégorie de personnel pour chaque type de mesure (secteur public)

Observation : Augmenter le nombre de mesures suivies par un éducateur ne constitue pas forcément un gage de qualité.

Indicateur n° 3 : coût complet des mesures judiciaires par journée ou par acte

Observation : Il s'agit avant tout d'éléments informatifs.

Objectif n° 4 (du point de vue du citoyen) : contribuer à la protection de l'enfance en danger

Indicateur : taux d'évolution favorable de la situation des mineurs en danger (secteur public) après une période de trois mois après la mesure

Observation : L'indicateur concernant le devenir des mineurs délinquants se fonde lui sur une période d'un an. De plus, une aggravation du motif de danger peut simplement signifier que le service éducatif a révélé une situation plus grave que celle initialement connue par le magistrat.

Objectif n° 5  (du point de vue du citoyen) : favoriser par l'action éducative l'intégration sociale, l'insertion scolaire et professionnelle des jeunes sous mandat judiciaire

Indicateur : taux d'inscription dans des dispositifs de droit commun en fin de mesure

Objectif n° 6 (du point de vue du citoyen) : prévenir la réitération et la récidive

Indicateur : part des jeunes pris en charge n'ayant ni récidivé ni réitéré dans l'année qui suit la clôture de la mesure

Observation : L'indicateur ne tient pas compte de la gravité ni de la fréquence de la récidive. Or, une récidive ou réitération pour des faits moins graves pourrait être considérée comme un demi-échec. De plus, les cours d'assises pour mineurs sont exclues du panel à partir duquel est construit cet indicateur. Enfin, l'indicateur ne permet pas de distinguer si le jugement est intervenu pour des faits antérieurs à la mesure.

Objectif n° 7 (du point de vue du citoyen) : répondre à un besoin de justice ou de réparation envers les victimes et la société

Indicateur : part des jeunes pris en charge au pénal pour lesquels une démarche envers la victime ou la société a été mise en oeuvre (secteur public).

Or, la véritable mesure de la performance de l'action de la protection judiciaire de la jeunesse consisterait à connaître réellement le parcours et le devenir des mineurs dont elle a eu la charge.

Les difficultés relevées par le rapport d'évaluation des premiers CEF pour obtenir des informations des directions départementales du lieu de résidence des mineurs faisant l'objet d'un suivi judiciaire confirment l'absence de continuité du suivi, malgré la mise en place d'un « fil rouge » censé permettre de suivre l'évolution des mineurs.

Seules quelques études concernant le devenir des jeunes pris en charge ont été menées localement par des juges pour enfants, comme une étude publiée en septembre 2003 par l'association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF), menée dans deux tribunaux pour enfants sur un échantillon de 304 jeunes à Caen et de 91 jeunes à Pau, suivis jusqu'à l'âge de 22 ans et sur une période allant jusqu'à 10 ans.

Pourtant, la décision de mettre en place un panel de mineurs, véritable instrument de suivi des parcours des mineurs et de mesure de la réitération, date de 1996, soit presque 10 ans.

Il permettra d'observer tous les mineurs nés entre un 1er et un 15 octobre dont l'institution judiciaire a eu à connaître, jusqu'à leur 21 ème année en assistance éducative et tant que les faits commis sont antérieurs à leur majorité s'agissant des mineurs délinquants, ce qui représente environ 4 % de l'ensemble des mineurs suivis par la justice, soit 12.000 personnes. Les données prises en compte ne seront pas seulement judiciaires, mais aussi socio-démographiques (situation familiale et scolaire).

Ce projet a connu de nombreux retards, en raison de la complexité de sa mise en oeuvre. Six juridictions pilotes ont été désignées en octobre 2002 : Paris, Nanterre, Meaux, Nancy, Dijon et Pau. Les premières extractions de données devraient prochainement débuter, sans concerner toutefois la totalité des données socio-démographiques retenues pour éclairer les parcours judiciaires. La phase de généralisation à tous les tribunaux pour enfants et parquets mineurs, autorisée en 2005 par la CNIL, ne fait plus l'objet d'une date précise.

Ce projet pourrait pourtant avoir une importance considérable pour la protection judiciaire de la jeunesse, puisqu'il permettrait d'évaluer l'impact des décisions judiciaires prises en assistance éducative et au pénal sur la trajectoire du mineur, et notamment les effets de la prise en charge éducative. Il serait également possible de mieux connaître les mineurs suivis et leur environnement familial et géographique. La définition d'une politique à l'égard des mineurs pourrait en outre s'appuyer sur des données chiffrées. Par exemple, les conséquences de plusieurs rappels à la loi successifs, parfois discutées, pourraient révéler s'ils ont agi comme un frein à l'entrée dans la délinquance ou s'ils ont au contraire donné au mineur un sentiment d'impunité et banalisé la justice.

Votre rapporteur souhaite donc que des moyens conséquents soient déployés pour cet indicateur .

Enfin, l'administration de la protection judiciaire de la jeunesse cherche à assurer la complémentarité entre secteurs public et associatif en mettant en place des outils communs d'évaluation et de prise en charge.

Le logiciel GAME (Gestion Automatisée des Mesures Educatives) 2000, qui concerne désormais tant les mesures judiciaires que celles non judiciaires, les activités de jour des mineurs, le suivi en détention et les mesures de réparation et équipe tous les services du secteur public, devrait à échéance de 18 mois relier 700 sites à une base nationale unique, ce qui permettra de consolider les données en temps réel (contre deux mois actuellement).

Son extension aux associations habilitées financées par l'Etat devrait être prochainement autorisée par la CNIL, les associations financées par les collectivités locales restant exclues du dispositif.

Le secteur associatif faisant majoritairement l'objet d'une habilitation conjointe par la justice et le conseil général, l'objectif est d'obtenir des associations le traitement dématérialisé des données, d'abord pour les seules informations relatives aux mesures à la charge financière de l'Etat. Les données concernant le placement et le milieu ouvert des mineurs en danger, qui composent plus de la moitié de l'activité associative, continueront à être recensées annuellement et en données de synthèse. A terme, l'accord des conseils généraux à la transmission de ces informations par les associations sera recherché.

Par ailleurs, le recensement annuel de l'activité du secteur associatif devrait atteindre une précision identique à celle du secteur public à court terme grâce au déploiement en directions régionales d'un logiciel de suivi de la dépense et de l'activité du secteur associatif.

En outre, un bureau sera créé au sein de la sous-direction de l'action éducative pour assurer le pilotage et définir l'organisation de l'ensemble des services publics et privés responsables de la prise en charge des jeunes sous main de justice. La détermination des moyens financiers, l'analyse des coûts et la tarification en résultant pour le secteur associatif seront unifiés au sein du bureau des affaires financières en septembre 2006.

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a enfin mis à l'étude un dispositif de rencontres et de formation des directeurs et des chefs de services éducatifs commun aux CEF publics et privés qui sera mis en place en 2006 en collaboration avec les associations concernées.

* 13 584 l'ont d'ailleurs été grâce à des concours exceptionnels autorisés pour trois ans, puis deux ans, permettant le recrutement d'éducateurs dotés d'une expérience professionnelle dans le domaine éducatif, social et médico-social.

* 14 La durée du stage (habituellement de deux ans) est réduite à un an pour les stagiaires de ces deux concours.

* 15 Décret n° 2005-534 du 24 mai 2005 portant déconcentration en matière de recrutement et de gestion de certains personnels relevant du ministère de la justice.

* 16 Rapport sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF fait au nom de la commission des Finances par M. Jean Arthuis n° 220 (2004-2005).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page