2. Un dispositif à parfaire
a) Une diminution, sur le long terme, du montant relatif des bourses
S ur la longue période, on observe, en parallèle d'une diminution sensible du nombre et de la part de boursiers dans les effectifs d'élèves, une baisse relative du montant des bourses.
En effet, la part des élèves boursiers est passée de 40 % au milieu des années 1970 (soit plus de deux millions de boursiers) à 30 % au début des années 1980, puis à un peu plus de 23 % aujourd'hui .
Les plafonds de ressources n'ont été, en parallèle, que très peu réévalués (1,4 % en moyenne par an depuis 1993).
Aussi, le taux de couverture des frais de pension et de demi-pension par les bourses de collège a subi une forte érosion ces trente dernières années , comme le montre le tableau ci-après, extrait d'un rapport de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale paru en juin 1995 14 ( * ) .
ÉVOLUTION COMPARÉE DU MONTANT DES BOURSES
DE COLLÈGE
ET DE LA PART DU COÛT DES PENSIONS ET
DEMI-PENSIONS
COUVERTE PAR LES BOURSES
Années |
Montant des bourses par boursier (en francs constants) |
% du prix des pensions et demi-pensions couvert par la bourse |
1970/1971 |
3 138 |
90 |
1975/1976 |
2 168 |
81 |
1980/1981 |
1 464 |
68 |
1985/1986 |
1 086 |
49 |
1990/1991 |
882 |
45 |
1993/1994 |
672 |
31 |
1994/1995 |
485 |
- |
En parallèle, la mise en place des fonds sociaux ne permet pas d'apporter une réponse tout à fait satisfaisante aux besoins des familles modestes.
b) Les fonds sociaux : un dispositif nécessaire, mais qui soulève des critiques récurrentes
Comme l'a relevé à plusieurs reprises l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, la gestion des crédits de fonds sociaux soulève plusieurs critiques.
Ces critiques sont liées, d'une part, aux critères et à la logique même d'attribution des aides et, d'autre part, à l'importance des reliquats constatés dans les établissements.
Les décisions d'attribution des aides sont prises, dans le respect de l'anonymat des dossiers, par une commission qui comprend en général le chef d'établissement ou son adjoint, le gestionnaire, le conseiller principal d'éducation, l'assistante sociale, l'infirmière. Des parents d'élèves sont parfois associés, et la présence d'élèves est possible.
Toutefois, le premier problème est celui de l'identification des difficultés que rencontrent les familles et de leurs besoins . A cet égard, l'Inspection générale relève que la connaissance des situations sociales des familles est très inégale entre les établissements.
L'assistante sociale doit jouer, pour cela, un rôle clé, mais il appartient également aux autres personnels de l'établissement, notamment au chef d'établissement, au conseiller principal d'éducation, aux enseignants ou à l'infirmière scolaire de faire preuve d'une grande capacité d'écoute et d'observation des élèves.
Toutefois, la grande pudeur de certaines familles -pourtant dans le besoin- à déclarer leurs difficultés et leur réticence à demander une aide les écarte du bénéfice des fonds sociaux .
L'IGAEN résume en effet la situation comme suit :
« Il est rarissime que le montant des crédits disponibles ne suffise pas à couvrir les besoins identifiés. Presque toujours, une partie seulement des crédits est utilisée . [...]
Cette situation, qui n'est pas nouvelle, s'explique de plusieurs façons : une gestion trop parcimonieuse, quasiment malthusienne des crédits, un effort insuffisant d'information des familles et de recensement des cas éligibles, la répugnance des intéressés à exposer leurs difficultés et à tendre la main ...Elle peut résulter aussi d'une démarche trop technocratique, voire inquisitoriale . Certains établissements ont ainsi élaboré, à destination des familles désireuses de solliciter une aide, un questionnaire très détaillé assorti de la production de pièces justificatives. De même, dans telle inspection académique, on a instauré un « dossier de demande d'aide » que les familles doivent remplir, puis déposer, document qui ne présente aucun caractère réglementaire, mais, en revanche, un fort aspect dissuasif . » 15 ( * )
En effet, ces obstacles, conjugués à la tendance, dans certains établissements, à thésauriser les crédits de fonds sociaux en fonds de réserve, entraînent une accumulation de reliquats dans les établissements que votre rapporteur a régulièrement pointée du doigt dans ses précédents rapports.
Si ces reliquats ont été réduits ces dernières années, notamment par des mesures de sincérité budgétaire et par la politique volontariste des académies pour inciter les établissements à une consommation plus optimale des crédits, ils restent encore significatifs (près de 49 millions d'euros en 2005), comme le montre le tableau ci-après.
FONDS SOCIAUX : CRÉDITS
DÉLÉGUÉS ET CRÉDITS
CONSOMMÉS
(enseignement public)
Reliquats de gestion N - 1 (réserve en établisse-ments) |
Crédits inscrits en LFI |
Crédits délégués aux académies et au CNED* |
Total crédits utilisables
délégués)* |
Crédits consommés |
dont F. S. collégien |
% |
dont F. S. cantines |
% |
dont F. S. lycéen |
% |
|
2001 |
96 800 908 |
79 118 850 |
62 143 863 |
158 944 771 |
75 014 783 |
18 976 872 |
25 % |
35 804 496 |
48 % |
19 477 073 |
26 % |
2002 |
84 376 045 |
66 496 400 |
37 251 841 |
121 627 886 |
66 969 853 |
16 993 673 |
25 % |
32 537 018 |
49 % |
16 672 314 |
25 % |
2003 |
53 373 592 |
66 125 000 |
51 800 000 |
105 173 592 |
53 010 954 |
12 840 962 |
24 % |
26 631 495 |
50 % |
13 551 640 |
26 % |
2004 |
51 842 117 |
63 856 979 |
46 996 537 |
98 838 654 |
51 455 931 |
13 105 436 |
25 % |
26 390 732 |
51 % |
11 970 073 |
23 % |
2005 (**) |
48 881 677 |
63 856 979 |
31 791 101 |
80 672 778 |
* situation au 1 er septembre 2005
** Source : extrapolation de l'enquête menée auprès des rectorats. 92 % des établissements publics ont répondu à l'enquête en décembre 2004.
C'est pourquoi votre rapporteur estime qu' un rééquilibrage des crédits d'aide sociale en faveur des bourses -notamment des bourses de collège dont le montant est modique-, serait à la fois plus favorable aux familles les plus modestes et plus respectueux de leur dignité.
Aussi, votre rapporteur demandera au ministère de transférer 20 millions de crédits de fonds sociaux vers les crédits de bourses sur critères sociaux, afin de permettre :
- d'une part, la revalorisation du montant des bourses , notamment du taux 1 des bourses du collège (qui passerait à 72 euros) ; les autres taux et la part de bourse de lycée augmenteraient de 5 % ;
- d'autre part, une actualisation des plafonds de ressources pris en compte dans les barèmes.
Si votre rapporteur ne peut amender en ce sens, dans la mesure où ces crédits sont regroupés au sein de la même action, il insistera pour que cette demande soit prise en compte en gestion. Elle contribue, en effet, à optimiser l'allocation des crédits et à améliorer l'efficacité de la dépense publique, tout en allant dans le sens de la promotion de l'égalité des chances.
Il est préférable en effet de privilégier les aides qui sont versées de façon automatique, plutôt que celles fondées sur une démarche d'assistanat.
Certes, un volant complémentaire de fonds sociaux reste nécessaire, afin d'apporter des réponses ponctuelles aux difficultés que rencontrent les familles, notamment pour faire face à des changements brutaux de situation.
A cette fin, la gestion des crédits doit être suffisamment souple pour permettre une rapidité d'intervention et une réactivité qui sont condition de l'efficacité du dispositif. Une priorité est, à cet égard, l'aide à la demi-pension, alors que la baisse de fréquentation des cantines scolaires touche d'abord les établissements les plus défavorisés. D'ailleurs, le taux de consommation du fonds social pour les cantines est, en général, le plus satisfaisant.
Enfin, la répartition des crédits entre les établissements doit être améliorée pour être plus adaptée à leurs besoins, en fonction de leurs caractéristiques sociales. A cet effet, un indicateur, en cours de construction, a été introduit dans le projet annuel de performances du programme « vie de l'élève », pour mesurer le « pourcentage de fonds sociaux utilisés par les établissements en ZEP-REP rapportés au nombre d'élèves en ZEP-REP ».
* 14 Rapport au ministre de l'éducation nationale, « Le service social et médical destiné aux élèves, le service de restauration et d'hébergement, les conditions d'utilisation du fonds social lycéen », IGAEN, Juin 1995.
* 15 Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, Rapport général 1999.