4. Les conclusions de la mission commune d'information du Sénat sur l'amiante
La mission commune d'information sur l'amiante constituée par le Sénat a récemment rendu ses conclusions 46 ( * ) dont votre rapporteur pour avis tient à souligner la qualité et la pertinence. Elle relève que l'amiante a été à l'origine de plus de 35.000 décès, depuis le milieu des années 60 jusqu'à son interdiction en 1997. Compte tenu des très longs délais de latence des pathologies malignes, et notamment du cancer de la plèvre (mésothéliome), 60.000 à 100.000 décès sont attendus dans les 20 à 25 ans à venir .
La mission note que la France n'est pas le seul pays touché par cette catastrophe sanitaire, mais souligne que les carences du système de santé au travail et de prévention des risques professionnels, l'absence à l'époque de tout système de veille et d'alerte ainsi que l'existence d'un lobby industriel de l'amiante ont contribué à une prise de conscience tardive de ce drame.
Elle observe que la responsabilité civile des employeurs pour faute inexcusable est désormais systématiquement reconnue par les tribunaux et que la responsabilité de l'Etat a été affirmée en 2004 par le Conseil d'Etat pour défaut de réglementation spécifique avant 1977, et pour le caractère tardif et insuffisant de la réglementation après cette date.
Quant à la responsabilité pénale des employeurs, de nombreuses procédures sont actuellement pendantes devant les tribunaux et pourraient aboutir à des condamnations, sous réserve d'un feu vert de la Cour de cassation.
La mission d'information relève le problème de financement posé par l'indemnisation des victimes de l'amiante et a constaté que le risque ne relevait pas seulement du passé, du fait de l'amiante résiduel et environnemental auquel sont plus particulièrement exposées certaines populations (professions de « second oeuvre » dans le bâtiment, personnels de maintenance et d'entretien, ouvriers des chantiers de désamiantage...). Elle a ainsi estimé nécessaire de prévenir de nouvelles contaminations en renforçant les dispositifs de précaution, de s'assurer de l'innocuité des produits de substitution, comme les fibres céramiques réfractaires, et de réglementer la mise sur le marché des produits chimiques.
Au total, la mission a constaté que la gestion du problème de l'amiante en France a été défaillante, et que cette défaillance met en cause la responsabilité de l'Etat, justifiant par là la mise en place de dispositifs de réparation, dont les défauts et dérives doivent être corrigés. Elle considère cependant que l'affirmation de la responsabilité de l'Etat, si elle est naturellement essentielle pour faire la lumière sur ce drame qui s'est déroulé sur plusieurs décennies, ne saurait être suffisante et constituer l'explication générale d'une responsabilité collective, tellement large qu'elle éluderait la question de l'enchaînement des responsabilités des différents acteurs.
* 46 « Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir », rapport d'information n° 37 (2005-2006) de nos collègues Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy.