II. LE PASSAGE À LA DOMANIALITÉ PRIVÉE
A. UNE ALTERNATIVE ENTRE LA CONSERVATION DE LA DOMANIALITÉ PUBLIQUE ET LE PASSAGE À UNE DOMANIALITÉ PRIVÉE
La question du régime juridique des terrains gérés par ADP est à l'évidence fondamentale. Dans le droit actuel, les biens ressortent tous du domaine public , avec une grande partie « propriété » de l'établissement public ADP, et une autre relevant du domaine public de l'Etat, qui le met à disposition de la société. Or le changement de statut d'ADP, et sa transformation en société anonyme, entraînaient un choix de la part du gouvernement entre deux régimes :
- le maintien de la domanialité publique , ce qui entraînait certaines contraintes spécifiques ;
- le passage à la domanialité privée et le transfert à ADP des emprises aéroportuaires.
1. Les contraintes de la domanialité publique
ADP devenant une société anonyme, il aurait été possible, sur le modèle des autoroutes par exemple, de laisser les biens de l'entreprise dans le domaine public de l'Etat. En conséquence, les biens qui faisaient partie du domaine public de l'entreprise (75 % des emprises aéroportuaires) auraient été récupérés par l'Etat, et une délégation de service public aurait été accordée à ADP.
Cette solution présentait plusieurs avantages. Elle permettait ainsi de s'assurer que les terrains dévolus au transport aérien continuaient à servir cet objet, et que les obligations de service public resteraient contrôlées et gérées par l'Etat.
Cependant, il est apparu que les contraintes propres à la domanialité publique auraient été difficilement compatibles avec la gestion d'une entreprise privée, dans un secteur aussi spécifique que les aéroports. Les exemples étrangers ne sont d'ailleurs pas les plus éclairants aux yeux de votre rapporteur pour avis . En effet, la notion de « domaine public » n'emporte pas les mêmes conséquences dans tous les pays, et la France dispose sur ce point d'une jurisprudence particulièrement riche et contraignante. Pour autant, on est obligé de constater qu'il n'existe aucun « modèle » particulier pour les aéroports. Par exemple, les terrains de l'aéroport de Londres sont du domaine privé, alors que ceux des grands aéroports américains sont du domaine public. En conséquence, il semble que l'exercice de la comparaison ne permette pas d'aborder cette question avec beaucoup de pertinence.
Le maintien du régime de la domanialité publique aurait entraîné de facto la perte par ADP de terrains qui étaient jusqu'à présent sa propriété, ce qui aurait été pour le moins étrange dans le cadre d'un changement de statut censé donner à la société les moyens de son développement et lui permettre de mener à bien d'ambitieux programmes d'investissements. De plus, il semble que les personnels de l'entreprise se soient montrés très attachés à l'intégrité de la société, qui aurait alors été compromise .
Il convient de plus de rappeler que la valeur d'un actif est égale au flux de trésorerie qu'il permet de générer dans le futur . Si l'Etat avait conservé la propriété des terrains, il aurait dû :
- soit demander une redevance symbolique ou nulle , ce qui lui était défavorable puisque les terrains ne rapportaient alors rien ni à l'Etat, ni à la société ;
- soit, s'il avait choisi de demander une redevance qui correspondait à la valeur des terrains , obliger ADP à augmenter ses propres ressources, ce qui ce serait fait au détriment de ses clients et aurait diminué ses possibilités d'investissement.
C'est donc le passage à un régime de domanialité privée qui a été privilégié, mais en tenant compte des obligations du service public .
2. Le choix de la domanialité privée
Les avantages de ce régime peuvent être déclinés en fonction des acteurs impliqués.
Pour l'Etat , on peut y voir le souci de préserver ses intérêts patrimoniaux. En effet, le transfert à ADP en pleine propriété du domaine public permet une meilleure valorisation de la société , les investisseurs étant plus à même de juger de la valeur de l'entreprise avec un modèle de propriété qu'ils connaissent.
Pour les compagnies aériennes , et sous réserve que les missions de service public demeure réalisées, le passage à la domanialité privée est plus protecteur que le maintien de la domanialité publique. En effet, le domaine public se caractérise par le principe de précarité d'une part , et limite les possibilités d'une emprise durable sur les terrains (les baux emphytéotiques) d'autre part.
Pour ADP enfin, les avantages sont évidents, puisque la société conserve la maîtrise de son développement .
En conséquence, le choix du transfert à ADP en pleine propriété des terrains a été fait, et votre rapporteur pour avis y est favorable . Il convient de souligner qu'il ne s'agit en aucun cas d'une perte pour l'Etat, ou bien d'une forme de « cadeau » . En effet, l'Etat est actionnaire à 100 % de la société, comme il est précisé au II de l'article 5 du présent projet de loi : il est donc pour l'heure toujours propriétaire de l'ensemble des emprises, comme cela est actuellement le cas. Si une ouverture de capital est décidée, le placement sera plus attractif pour les investisseurs, ce qui permettra une meilleure valorisation du patrimoine de l'Etat.
Ainsi, l'article 2 du présent projet de loi prévoit le déclassement et le transfert à ADP des « biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper ».