B. UNE SITUATION FINANCIÈRE CONTRASTÉE
Si le dramatique accident du terminal 2 E du 23 mai 2004, par delà les pertes humaines, aura évidemment un impact significatif sur les comptes 2004, la publication du rapport annuel 2003 montre une situation financière contrastée, avec une amélioration des ratios financiers, à l'exception de ceux relatifs à l'endettement, rendant ainsi inquiet quant à la capacité d'Aéroports de Paris à financer ses investissement sur la période 2005-2007.
1. Une amélioration des résultats dans un contexte sectoriel difficile
a) Un contexte peu favorable à l'économie aéroportuaire en 2003
L'exercice 2003 a été marqué par un contexte difficile sur le plan international et national. Le faisceau Asie a été touché par une restriction des déplacements aériens liée à l'épidémie de pneumopathie atypique. Le faisceau Amérique du Nord est resté affecté par les risques liés au terrorisme et a subi le contrecoup du conflit Irakien. A l'échelle européenne, la liaison Paris - Londres a fait face à la concurrence renforcée de l'Eurostar. En France, la faillite d'Air Lib et celle d'Aéris ont eu un impact sensible sur le trafic.
Sur le plan économique, la faiblesse de la croissance dans la zone euro a eu un impact négatif sur l'économie du transport aérien.
b) Une activité en légère diminution
Dans ce contexte, le trafic des deux grandes plateformes d'ADP s'est réduit de 1,2 % en ce qui concerne le nombre de passagers et de 0,1 % en ce qui concerne les mouvements d'actions commerciaux.
Le trafic passagers s'est ainsi établi en 2003 sur les plateformes de Paris Orly et de Paris Charles de Gaulle à 70,7 millions de passagers contre 71,5 millions en 2002. Le trafic passagers « France » a chuté de 4,8 % en 2003. A l'international, l'exercice 2003 a été marqué par la stabilité, avec néanmoins une hausse du trafic « Europe » de 1,4 %.
Le graphique ci-dessous, s'il montre la forte progression du nombre de passagers depuis dix ans, supérieur au taux de croissance du PIB, montre la forte sensibilité conjoncturelle de l'activité aéroportuaire.
Trafic passagers sur les plateformes d'Orly et de Charles-de-Gaulle
(en millions de passagers et évolution en ·%)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
L'évolution des mouvements d'avions commerciaux est plus régulière. Elle montre néanmoins que les trois derniers exercices n'ont pas été très favorables pour Aéroports de Paris. Les mouvements d'appareils ont en effet un impact direct sur les redevances perçues par ADP.
Evolution des mouvements d'avions commerciaux
sur
les plateformes d'Orly et de Charles-de-Gaulle
(évolution en %)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
c) Des résultats en amélioration néanmoins
Malgré le fléchissement de l'activité sur les plateformes, le chiffre d'affaires consolidé d'Aéroports de Paris est passé de 1.487,4 millions d'euros en 2002 à 1.711,8 millions d'euros en 2003 2 ( * ) , soit une progression de 15,1 %. Hors augmentation de la taxe d'aéroports, le chiffre d'affaires s'établit en hausse de 4 %.
Le produit des redevances aériennes qui représentent 29 % du chiffre d'affaires a augmenté en 2003 de 3,5 % sous l'effet d'une part de la hausse des tarifs, de 5,5 % au 1 er janvier 2003, et de la baisse du trafic passagers 3 ( * ) d'autre part.
Les recettes domaniales qui correspondent aux produits des locations de terrains et de bâtiments au profit principalement des compagnies aériennes ont baissé de 1,8 % du fait de la cessation des activités d'Air Lib.
Le chiffre d'affaires de l'assistance aéroportuaire progresse en revanche de 4 % en 2003.
Les recettes tirées des usages d'installations ont continué de progresser fortement en 2003, grâce au chiffre d'affaires issu des parcs de stationnement, de + 13,2 %.
Les produits commerciaux, qui correspondent aux contributions assises sur les commerces de la zone aéroportuaire, ont eux stagné par rapport à 2002.
Répartition du chiffre d'affaires consolidé d'ADP en 2003 4 ( * )
(en millions d'euros et en %)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
En ce qui concerne les charges, les coûts paraissent relativement contenus, à l'exception des charges courantes qui croissent de 11 % (1,2 milliard d'euros). Les charges de personnel, qui s'établissent à 534,7 millions d'euros, progressent de 5 % pour les raisons suivantes :
- augmentation des salaires en application de mesures salariales de 1,65 % ;
- effet glissement vieillesse technicité (GVT) de 1,33 % ;
- évolution des agents mois (- 0,49 %).
La modération des dépenses d'entretien et de réparation permet de faire apparaître un excédent brut d'exploitation de 610 millions d'euros (33,6 % du chiffre d'affaires) contre 486 millions d'euros (31 % du chiffre d'affaires) en 2002.
Evolution de l'excédent brut d'exploitation d'ADP (chiffres consolidés)
(en millions d'euros et en %)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
La comparaison des comptes de résultat entre 2002 et 2003 fait apparaître une structure de résultats contrastée pour le dernier exercice. Le résultat d'exploitation s'affiche en forte progression d'une année sur l'autre (les dotations aux amortissements et provisions progressent de 4 millions d'euros), passant de 210,2 millions d'euros à 330 millions d'euros en 2003.
Cette très nette progression ne se retrouve pas complètement dans le résultat net d'ADP (incluant les intérêts minoritaires) qui progresse moins fortement, passant de 93,5 millions d'euros en 2002 à 128,9 millions d'euros en 2003, soit une hausse de 37,9 %.
La structure de résultat est marquée en effet par une forte détérioration du résultat financier (liée à l'augmentation des charges d'intérêt d'emprunts) et du résultat exceptionnel.
Ainsi, si les fondamentaux sont bons pour 2003, le rapport annuel laisse apparaître les fragilités suivantes :
- une dépendance forte du chiffre d'affaires (46 %) vis-à-vis des redevances aériennes et de la taxe d'aéroport dont ADP n'a pas la maîtrise ;
- une tension assez forte à la hausse en ce qui concerne les charges courantes, et en particulier les charges de personnel ;
- l'impact négatif croissant du résultat financier lié aux charges d'intérêt .
Structure de résultats d'ADP 2003 (chiffres consolidés)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
Structure de résultats d'ADP 2002 (chiffres consolidés)
(en millions d'euros)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
2. Un ratio d'endettement qui rend le financement de nouveaux investissements difficile
a) Un volume d'investissement important sur moyenne période
Au cours de l'exercice 2003, ADP a réalisé un programme d'investissement de 549,9 millions d'euros en tenant compte des frais d'études et de surveillance des travaux. Cet effort d'investissement est constant depuis plusieurs années. Il a vocation à s'accentuer jusqu'en 2007.
Investissements d'ADP
(en millions d'euros)
2001 |
2002 |
2003 |
2004 (prévision) |
2005 (prévision) |
562,3 |
629,1 |
549,5 |
581,9 |
700 ( ?) |
Source : aéroports de Paris
Pour 50 % en 2003, ces investissements sont liés à une augmentation de capacité de la plateforme aéroportuaire. Il en est ainsi de la construction du satellite dit S3, dans le prolongement de la réalisation des terminaux 2 E et 2 F, lancée à l'automne 2003 pour une mise en service effective à l'horizon 2007. Il en est également ainsi du renforcement des capacités des infrastructures aéronautiques afin de passer sur la plateforme de Paris-Charles-de-Gaulle de 84 mouvements par heure de pointe à un maximum de 100 mouvements par heure. Les autres investissements de capacité concernent des parcs automobiles éloignés des aérogares et le système automatique de transport entre l'aérogare Charles-de-Gaulle 1 et la gare TGV/RER.
Parmi les investissements dédiés au renouvellement et à l'adaptation de la plateforme aéroportuaire (environ 25 % du total en 2003), il convient de citer la rénovation complète de l'aérogare Charles-de-Gaulle 1 qui devrait être achevée en 2008.
Poste budgétaire qui tend à devenir considérable depuis 2001, les investissements de sûreté représentent plus de 10 % du total en 2003.
Investissements de sûreté 2001-2004
(en millions d'euros)
2001 |
2002 |
2003 |
2004 (prévision) |
22,5 |
91,6 |
59,3 |
64,4 |
Source : aéroports de Paris
Sur le plan financier, l'impact des investissement à moyen terme peut s'analyser ainsi : les capitaux employés par passager passeraient de 45 euros par passager aujourd'hui à 65 euros en 2007, soit une augmentation de 50 %, avec un impact significatif sur les dotations aux amortissements et donc sur le résultat.
b) Un endettement supérieur aux fonds propres de l'entreprise
La capacité d'autofinancement d'Aéroports de Paris s'est établie en 2003 à 353,4 millions d'euros contre 301,4 millions d'euros en 2002, ce qui permet à l'entreprise d'autofinancer ses investissements à hauteur de 64 % contre 48 % l'année précédente.
Malgré cette amélioration des conditions de financement, le volume des opérations d'investissement engendre un recours accru à l'endettement. L'endettement net progresse de 13 % par rapport à 2002. Il s'élève à 2.148,7 millions d'euros, à comparer avec les capitaux propres de l'établissement (1.339 millions d'euros).
Evolution de l'endettement net 5 ( * ) par rapport aux fonds propres 6 ( * )
(en millions d'euros et en %)
Source : rapport annuel 2003 d'ADP
Certes, la direction d'ADP s'emploie à lisser la programmation des investissements de manière à ne pas perturber l'échéancier de la dette. Les échéances de remboursement de la dette paraissent aujourd'hui maîtrisées mais la montée de l'endettement, pour faire face aux investissements indispensables, pourrait affecter à moyen terme la soutenabilité de la politique financière poursuivie.
c) La nécessité de répondre au besoin en fonds propres d'Aéroports de Paris
Le besoin en fonds propres d'ADP exprimé par un ratio endettement net/capitaux propres de 150 % est d'ores et déjà considérable . Il convient de le mettre en perspective avec le ratio habituellement rencontré chez les entreprises aéroportuaires similaires, de l'ordre de 30 % à 50 %. BAA, première entreprise aéroportuaire en Europe va faire passer ce ratio de 50 % à 70 % pour faire face à d'importants investissements à l'aéroport d'Heathrow. Ce chiffre n'est en rien comparable avec celui d'Aéroports de Paris, alors même que la programmation des investissements pour la période 2005-2007 montre des besoins considérables et que l'apport éventuel d'ADP au projet Charles-de-Gaulle Express 7 ( * ) n'est pas encore défini.
De toute évidence, il faudra, pour financer les nouveaux investissements et ramener le ratio d'endettement d'ADP à des proportions comparables à ceux de ses homologues européens renforcer très significativement les fonds propres de l'entreprise.
Pour ce faire, il convient de faire appel au marché, l'Etat ne pouvant sur le plan financier assumer une recapitalisation de l'entreprise. C'est ce que rend possible la transformation d'ADP en société anonyme.
* 2 Le chiffre d'affaires au 30 juin 2004 s'établit à 838,6 millions d'euros, pour 36 millions de passagers (+ 8,8 % par rapport au 1 er semestre 2003).
* 3 Il convient en outre de mentionner l'impact de l'abattement de 10 % sur les passagers en transit.
* 4 Redevances aériennes : atterrissage, balisage et stationnement, passagers ; taxe locale d'aéroport , redevances domaniales : terrains, aérogares, hangars, entrepôts, bâtiments... ; usages d'installations : parcs de stationnement, passerelles, transport de voyageurs, comptoirs, matériels... ; prestations industrielles : télécommunications, confort climatique, électricité, eau... ; assistance aéroportuaire : aide technique aux avions en escale, enregistrement des passagers ; produits commerciaux : concessions commerciales, redevance carburant... ; produits divers : travaux, étude, international.
* 5 Endettement net = dettes financières - disponibilités - valeurs mobilières de placement.
* 6 Le chiffre des fonds propres 2003 a fait l'objet sur le bilan d'ouverture de l'exercice 2003 de retraitements comptables à hauteur de 216 millions d'euros. En prenant en compte ce chiffre, le ratio d'endettement net en 2002 aurait atteint 142 %.
* 7 CDG Express : liaison rapide gare de l'Est - Paris Charles-de-Gaulle dont le coût a été évalué à 850 millions d'euros.