N° 325

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mai 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi organique, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l' autonomie financière des collectivités territoriales ,

Par M. Michel MERCIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 1155 , 1541 , 1546 et T.A. 300

Sénat : 314 et 324 (2003-2004)

Collectivités territoriales.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

La Constitution dispose, en son article 72, tel qu'il résulte du vote de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.

« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences (...) ».

Par ailleurs, l'article 34 de la Constitution dispose que « la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».

C'est donc le principe de libre administration qui apparaît central, l'autonomie financière étant l'une de ses composantes. Le contenu de ce principe a été progressivement précisé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il reste toutefois assez mal défini. En effet, saisi à de nombreuses reprises, le Conseil constitutionnel n'a jamais indiqué précisément le contour de l'autonomie financière des collectivités territoriales, considérant en particulier, que les dispositions législatives qui lui étaient soumises n'avaient pas pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration.

La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 précitée relative à l'organisation décentralisée de la République a introduit de nouvelles dispositions concernant les collectivités territoriales. La plupart d'entre elles figuraient déjà dans des lois ordinaires et ont donc été élevées au rang constitutionnel, de manière à accorder une garantie pérenne aux collectivités territoriales, sous le contrôle du Conseil constitutionnel :

- le principe de subsidiarité : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon » (deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution) ;

- le principe de libre administration des collectivités territoriales : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences » (troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution) ;

- le droit à l 'expérimentation : « Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences » (quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution) ;

- le principe d'indépendance des collectivités territoriales : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre » (cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution) ;

- le principe de libre disposition des ressources : « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi » (premier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution) ;

- le principe de juste compensation des transferts, créations et extensions de compétences : « Tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » (quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution) ;

- l'objectif de péréquation : « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales » (cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution) ;

- le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales : d'une part, « [les collectivités territoriales] peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine » (deuxième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution) ; d'autre part, « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre » (troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution).

Le présent projet de loi organique qui est renvoyé au fond à votre commission des lois fixe donc les conditions dans lesquelles s'applique la règle selon laquelle « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources » . On rappellera que le Conseil constitutionnel a considéré, dans la décision n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 portant sur la loi de finances pour 2004, que « la méconnaissance de ces dispositions [du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution] ne peut utilement être invoquée tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales et déterminer, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et les autres ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources ». Par conséquent, la promulgation du présent projet de loi organique est indispensable pour permettre l'application des dispositions constitutionnelles relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales introduites par la réforme du 28 mars 2003.

I. LE CONTENU DE L'AUTONOMIE FINANCIÈRE

L'autonomie financière est une notion complexe. Elle ne peut se définir en fonction du seul volume de ressources financières dont les collectivités territoriales bénéficient . En effet, s'il constitue un indicateur de l'importance des compétences gérées par les collectivités territoriales, il ne permet pas de juger finement de l'autonomie de celles-ci par rapport à l'Etat. Ainsi, si les Länder allemands disposent de budgets considérables, leur autonomie est à l'évidence limitée compte tenu de leur faible capacité à faire varier les recettes dont ils bénéficient.

On peut considérer que l'autonomie financière des collectivités territoriales implique notamment qu'elles disposent de ressources suffisantes pour exercer leurs compétences, mais aussi de la liberté de choisir leurs modes de gestion, de choisir et d'exécuter leurs dépenses, de déterminer le niveau et les types d'endettement, et d'agir sur le niveau de leurs recettes.

L'autonomie financière des collectivités territoriales reposerait principalement sur trois piliers :

- l'autonomie de gestion ;

- l'autonomie budgétaire ;

- l'autonomie fiscale .

A. L'AUTONOMIE DE GESTION

L'autonomie de gestion correspond aux marges de manoeuvre dont jouissent les collectivités territoriales pour définir les modalités d'exercice de leurs compétences, par exemple, la possibilité d'externaliser certaines activités, de gérer librement leur patrimoine, de déterminer les tarifs de leurs services. D'un point de vue financier, on peut considérer qu'elle s'apprécie notamment à travers la capacité des collectivités territoriales de placer librement leur trésorerie ou de participer au capital de société privées.

Cette autonomie de gestion est un élément essentiel de la décentralisation. Trop souvent, l'Etat a transféré des compétences aux collectivités territoriales de manière tellement réglementée et encadrée qu'il s'agissait davantage pour lui de « sous-traiter » des compétences coûteuses que de faire confiance aux élus locaux, mettant ainsi pleinement en application le principe de subsidiarité.

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