II. LES MESURES NOUVELLES : DES AVANCÉES CONCRÈTES ET CIBLÉES À POURSUIVRE

La réduction du budget des anciens combattants est une constante que la démographie du monde combattant accentue d'année en année. Cependant, dans un contexte budgétaire difficile, votre rapporteur tient à saluer les avancées concrètes pour le monde combattant permises par ce projet de budget et la volonté de justice et d'équité qui a présidé au choix de ces mesures.

Il reste, bien sûr, des questions en suspens : elles sont toutefois peu nombreuses et les recommandations de votre rapporteur rejoignent la réflexion d'ores et déjà entamée par le Gouvernement sur chacune d'elles : elles sont donc un encouragement à continuer les efforts entrepris depuis dix-huit mois pour conforter la reconnaissance de la Nation à l'égard du monde combattant.

A. UN BUDGET GUIDÉ PAR UNE VOLONTÉ D'ÉQUITÉ

1. Un effort significatif en faveur des veuves

La part des veuves parmi les ressortissants de l'ONAC augmente d'année en année, du fait des différences d'espérance de vie et de la démographie du monde combattant : sur 4 millions de ressortissants, on compte ainsi 1,6 million de veuves d'anciens combattants (veuves de titulaires de la carte ou de bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre non pensionnées) et 128.514 veuves pensionnées. Au total, les veuves représentent donc plus de 43 % des ressortissants de l'ONAC.

Pourtant, celles-ci ont longtemps été les grandes oubliées de la politique en faveur du monde combattant. Votre rapporteur est heureux de constater que le présent projet de budget apporte enfin des réponses à la situation, à bien des égards préoccupante, de ces femmes qui devraient pourtant elles aussi bénéficier du droit à réparation.

a) Une mesure enfin universelle pour les veuves pensionnées

Malgré des propositions réitérées de votre rapporteur, le précédent gouvernement n'avait apporté que des réponses partielles et insuffisantes à la question de la revalorisation des pensions de veuves.

Les pensions de veuves ont d'abord bénéficié - c'était le minimum - des revalorisations de la valeur du point en application du rapport constant. Par ailleurs, la loi de finances pour 2002 avait augmenté de 120 points la majoration de pension accordée aux veuves des grands invalides.

Pour légitime qu'elle était, cette dernière mesure ne touchait, comme le rappelait votre rapporteur dans son avis de l'année passée, qu'une faible minorité des veuves pensionnées : en 1999, on ne comptait en effet que 1.421 veuves pensionnées à ce titre.

C'est la raison pour laquelle il se réjouit de la mesure proposée par le présent projet de budget prévoyant une augmentation uniforme de 15 points d'indice des pensions de veuves, pour un montant de 11,8 millions d'euros et qui concernera donc plus de 131.000 veuves.

Votre rapporteur souhaite toutefois faire part, une fois encore, de son souci de voir assouplies les conditions de réversion des pensions pour les veuves d'invalides pensionnés entre 60 et 85 % : celles-ci doivent en effet prouver que le décès de leur époux est dû à l'affection pour laquelle il était pensionné afin de pouvoir bénéficier de la réversion de la pension. Or, quelle que soit la cause du décès, ces dernières ont le plus souvent été conduites à réduire leur activité professionnelle pour assister leur mari dans les gestes de la vie quotidienne et n'ont pas pu se constituer une pension suffisante à titre personnel.

b) Un effort de solidarité renouvelé envers les veuves d'anciens combattants

Votre rapporteur se félicite également de la poursuite de l'effort de l'ONAC en faveur des veuves d'anciens combattants. L'Office a d'ailleurs fait des veuves l'un des publics prioritaires de son action.

Ainsi, la campagne d'information menée par l'Office, dès le troisième trimestre 2002, à l'occasion de la création d'une carte spécifique de veuve a permis aux services départementaux de l'ONAC d'identifier les nouvelles veuves et de les informer des interventions dont elles peuvent bénéficier. A la fin du premier semestre 2003, plus de 18.530 cartes ont d'ores et déjà été délivrées.

Il a également été décidé, à l'occasion du renouvellement du conseil d'administration de l'ONAC et des conseils départementaux, d'accroître la représentation des veuves d'anciens combattants au sein des instances décisionnelles de l'établissement public.

Grâce à ces efforts, un rééquilibrage des aides distribuées par l'ONAC a été amorcé : en effet, alors qu'elles représentent 43 % des ressortissants de l'ONAC, les interventions en faveur des veuves ne représentaient, en 2001, que 22,3 % des aides attribuées par l'Office en volume et 32,7 % des aides en montant.

Evolution de l'effort de l'ONAC en faveur des veuves

Part des aides individuelles de l'Office attribuées aux veuves

2000

2001

2002

- en volume

23,9 %

22,3 %

28 %

- en montant

31,9 %

32,7%

35,7 %

L'inscription de l'ensemble de la subvention d'action sociale de l'ONAC dans le projet de loi soumis au Parlement permettra à l'Office de poursuivre cet effort.

2. L'harmonisation des conditions d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord

a) L'alignement à quatre mois de la durée des services requise pour l'attribution de la carte : une mesure d'équité

Les particularités de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc ont conduit le Gouvernement à introduire, lors de la loi de finances pour 1998, un critère alternatif d'attribution de la carte du combattant : ainsi une durée des services en Algérie d'au moins dix-huit mois a été reconnue équivalente à la participation à une action de feu ou de combat, condition exigée à l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour prétendre à la carte du combattant. Cette mesure a permis l'attribution de 39.157 cartes du combattant.

Cette durée a été ramenée successivement à quinze mois par la loi de finances pour 1999, puis à douze mois l'année suivante.

Une exception à cette règle, elle-même déjà dérogatoire, a été ouverte pour les rappelés qui pouvaient en effet difficilement bénéficier des dispositifs existants d'attribution de la carte, du fait d'une durée de séjour en Algérie insuffisante. Dans la mesure où ces derniers avaient dû revenir sous les drapeaux en 1956, après avoir achevé leur service militaire et, le cas échéant, fondé une famille et trouvé un emploi, il paraissait légitime de prévoir une règle particulière à leur égard : la durée requise pour l'attribution de la carte a donc été fixée pour eux à quatre mois.

Le précédent gouvernement a estimé que cette disposition nouvelle devait également bénéficier également aux fonctionnaires de police et aux CRS ayant effectué des séjours en Algérie totalisant au moins quatre mois de présence 6 ( * ) . 1.587 policiers ont bénéficié de cette interprétation extensive, dont la base légale était au demeurant fragile.

Dans ces conditions, il était difficile de maintenir, pour l'ensemble des autres participants aux combats en Afrique du Nord, l'exigence d'une présence de douze mois. C'est la raison pour laquelle, le projet de loi de finances pour 2004 permet l'attribution de la carte du combattant pour une durée des services en AFN d'au moins quatre mois.

Votre rapporteur prend acte de cette mesure d'équité qui met fin au polémiques qui divisaient depuis deux ans le monde combattant. Il attire toutefois l'attention sur le fait que cette mesure pose la question de l'avenir du Titre de reconnaissance de la Nation (TRN), qui est attribué pour une présence de trois mois en Algérie.

b) Une question en suspens : l'harmonisation des dates de fin des hostilités

Votre rapporteur s'étonne que l'harmonisation des durées de séjour requises pour l'attribution de la carte du combattant ne s'accompagne pas d'une harmonisation des dates de fin des hostilités prises en compte pour l'attribution de cette même carte.

En effet, selon le critère retenu pour l'attribution de la carte (quatre-vingt-dix jours en unité combattante ou durée des services désormais égale à quatre mois), les dates prises en compte varient.

Comparaison des dates de fin des hostilités prises en compte
pour l'attribution de la carte du combattant

Critère d'attribution de la carte

Date de fin des hostilités retenue

Algérie

Tunisie

Maroc

90 jours en unité combattante

2 juillet 1962

2 juillet 1962

2 juillet 1962

Durée de service de 12 mois
(4 mois à partir de 2004)

20 mars 1956

2 mars 1956

Le Gouvernement explique que l'harmonisation des durées de service requises pour l'attribution de la carte du combattant « répond notamment à la revendication de militaires qui demandaient, faute de justifier d'une durée de service de douze mois en Algérie, que soit comptabilisé le temps passé au Maroc et en Tunisie postérieurement à mars 1956 ».

Cet argument paraît insuffisant à votre rapporteur. Si l'harmonisation des durées de service permet le règlement d'un nombre important de situations individuelles, il estime qu'il ne faut pas pour autant s'en tenir au statu quo sur la question des dates de fin d'hostilité.

Au demeurant, la fixation d'une date unique permettrait non seulement de mettre en cohérence la législation sur l'attribution de la carte mais serait également un signe fort de reconnaissance pour les militaires stationnés au Maroc et en Tunisie et qui, malgré l'indépendance de ces pays, ont connu la même situation de « risque diffus » qu'en Algérie.

3. L'indemnisation des orphelins de la barbarie nazie : une mesure de justice

Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a créé une mesure d'indemnisation spécifique pour les orphelins dont les parents sont morts en déportation, victimes de persécutions antisémites.

Le champ d'application, limité à certains orphelins juifs, retenu par ce décret, avait alors provoqué un sentiment d'injustice chez un grand nombre d'orphelins de victimes de la barbarie nazie.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur se félicite de l'annonce par le Premier ministre de la création d'une mesure d'indemnisation équivalente pour l'ensemble des orphelins de déportés, fusillés ou massacrés, victimes de la barbarie nazie.

Il lui paraît toutefois nécessaire de rappeler le contexte juridique et historique dans lequel s'inscrit cette mesure : de la prise en compte de ce contexte dépend en effet le succès de la mesure décidée par le Gouvernement.

a) L'indemnisation des orphelins de la déportation : une construction juridique progressive

Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet, depuis longtemps déjà, l'indemnisation des orphelins. Il convient toutefois de remarquer que cette indemnisation n'a pas un caractère personnel mais découle des droits du conjoint survivant : en effet, la pension de veuve est majorée en cas d'enfants mineurs orphelins et ses droits passent à ces derniers au décès de leur mère et aussi longtemps qu'un des orphelins est mineur.

S'agissant des déportés, la mise en place d'un système d'indemnisation particulier remonte à 1948, date à laquelle deux lois 7 ( * ) ont créé les statuts de déporté résistant et de déporté politique.

Les déportés résistants sont assimilés, par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, à des militaires. A ce titre, ils bénéficient, sans conditions de nationalité, du droit à une pension militaire d'invalidité ainsi que des droits qui y sont rattachés. Leurs ayants droit, orphelins notamment, échappent eux aussi aux conditions de nationalité.

Les déportés politiques, au contraire, sont considérés comme des victimes civiles de la guerre. Par conséquent, leur droit à pension - il s'agit dans ce cas d'une pension de victime civile - est soumis à une condition de nationalité française : seules peuvent donc bénéficier d'une indemnisation les personnes françaises au 1 er septembre 1939 et les personnes naturalisées depuis cette date, à condition qu'elles aient été déportées à partir de la France.

Cette condition restrictive de nationalité est également applicable aux orphelins, pour lesquels elle est appréciée à la date du décès de leur parent. Ainsi, les orphelins de parents naturalisés français, mais déportés depuis un autre pays, de même que les orphelins de parents étrangers non naturalisés déportés depuis la France n'ont droit à aucune indemnisation.

b) L'indemnisation par l'Allemagne : un dispositif restrictif

Dans le cadre de l'accord franco-allemand du 15 juillet 1960, la République fédérale d'Allemagne a versé à la France une somme forfaitaire de 400 millions de deutschemark en règlement définitif des indemnisations dues aux ressortissants français victimes des persécutions nazies.

Cette indemnisation, forclose depuis le 1 er mars 1962, est soumise à des conditions strictes de nationalité. La victime directe devait :

- être de nationalité française lors de la déportation (et l'être toujours à la date de l'accord) ;

- avoir acquis la nationalité française entre la date de sa déportation et celle de l'accord ;

- avoir déposé une demande de naturalisation avant sa déportation (dans le cas de victimes mortes en captivité).

L'accord prévoit en outre un droit personnel à l'indemnisation pour les orphelins lorsque aucun des deux parents n'est en mesure d'exercer son droit propre.

Si les motifs de persécution ouvrant droit à indemnisation couvrent tant les persécutions antisémites que les motifs politiques ou idéologiques, une fois encore, les étrangers déportés depuis la France et qui n'ont pas demandé la nationalité française sont donc exclus de l'indemnisation.

c) L'instauration d'une mesure particulière pour les orphelins de la Shoah : une source d'incompréhensions

La mesure d'indemnisation mise en place par le décret du 13 juillet 2000 vise, à la suite des propositions du rapport d'étape de la mission Mattéoli, à permettre l'exercice de la réparation pour les orphelins juifs qui, du fait notamment des conditions restrictives de nationalité ou de mesures de forclusion, n'avaient jamais été indemnisés.


Le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation
pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites

Les bénéficiaires

La mesure concerne les orphelins de toute personne « qui a été déportée à partir de France dans le cadre des persécutions antisémites et a trouvé la mort en déportation » , si l'orphelin était mineur à la date du départ en déportation.

Toutefois, sont exclues de ce droit à réparation les personnes percevant une indemnité viagère versée par l'Allemagne ou l'Autriche.

L'indemnisation

Elle prend la forme :

- soit d'une indemnité en capital de 27.441 euros (soit 180.000 francs) ;

- soit d'une rente viagère de 457,35 euros (soit 3.000 francs) par mois.

Le financement

Le paiement des rentes viagères et des indemnités en capital est assuré par l'ONAC et est financé sur les crédits inscrits au chapitre 46-02 du budget des services généraux du Premier ministre.

Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit 74 millions d'euros à ce titre, soit une progression de 15,6 % par rapport à 2003.

Au 31 juillet 2003, 16.757 dossiers avaient été reçus par le ministère de la Défense et 12.851 mis en paiement par l'ONAC.

Il semble toutefois que le champ d'application retenu ait été défini de façon trop hâtive : ainsi, les orphelins juifs dont les parents sont morts - fusillés ou massacrés - en France, même pour des motifs antisémites, sont exclus de l'indemnisation. Plus encore, les orphelins de déportés pour d'autres motifs, notamment pour faits de résistance, n'ont droit à aucune indemnisation.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, conformément à l'article 115 de la loi de finances pour 2003, a confié à M. Philippe Dechartre une mission de réflexion sur l'indemnisation des orphelins de la barbarie nazie.

d) L'indemnisation des orphelins de la barbarie nazie : éviter de nouvelles injustices

Les consultations et les études réalisées par M. Philippe Dechartre ont fait ressortir la nécessité d'accorder aux orphelins de victimes de la barbarie nazie (déportés résistants mais aussi fusillés ou massacrés) une indemnisation d'un montant identique à celui fixé par le décret du 13 juillet 2000. Toutefois, pour préserver la spécificité des victimes de la Shoah, cette indemnisation fera l'objet d'un décret spécifique.

Votre rapporteur se félicite de cette solution qu'il avait lui-même préconisée dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2003.

Il appelle le pouvoir réglementaire à la plus grande prudence dans la définition du périmètre des ressortissants éligibles à ce dispositif, ainsi d'ailleurs que le recommande M. Philippe Dechartre. En effet, il ne s'agirait pas de susciter à nouveau un sentiment d'injustice en excluant de ce périmètre des personnes qui pourraient estimer avoir vocation à relever du nouveau dispositif d'indemnisation.

Il approuve de ce fait le délai annoncé par le Gouvernement pour la mise en oeuvre de cette mesure et sa décision de recenser préalablement les bénéficiaires potentiels qui explique que les crédits budgétaires nécessaires ne figurent pas dans le présent projet de budget.

4. Le choix de la date de commémoration des morts de la guerre d'Algérie : un chantier enfin clos ?

Votre rapporteur ne saurait achever la présentation des avancées permises par ce projet de budget sans mentionner le choix, enfin arrêté, d'une date d'hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Il approuve tout d'abord la démarche du Gouvernement qui a incité l'ensemble du monde combattant à se mettre d'accord. Les travaux de la commission présidée par le professeur Jean Favier ont ainsi permis à chaque sensibilité de s'exprimer et aux anciens combattants eux-mêmes de fixer la date de commémoration.

Le choix du 5 décembre, date à laquelle a été inauguré le mémorial de la guerre d'Algérie du Quai Branly, a paru particulièrement raisonnable à votre rapporteur car cette date ne peut pas offrir de prise à une quelconque polémique : à l'occasion de cette commémoration, l'ensemble du monde combattant, toutes tendances confondues, a, pour la première fois, rendu un hommage unanime aux morts d'Algérie. Votre rapporteur se félicite donc de ce choix qui n'empêche pas, par ailleurs, la tenue de cérémonies particulières à d'autres dates.

Il tient cependant à rappeler qu'il demeure un conflit pour lequel aucune date de commémoration n'a été fixée : il s'agit de la guerre d'Indochine. C'est la raison pour laquelle il lui semble raisonnable de poser la question d'une date unique de commémoration de l'ensemble des « morts pour la France », tous conflits confondus.

B. DES EFFORTS À POURSUIVRE

1. La revalorisation de la retraite du combattant : une attente forte du monde combattant

La retraite du combattant, parce qu'elle concerne la grande majorité des anciens combattants et qu'elle est le signe de la reconnaissance de la Nation, constitue la mesure à laquelle le monde combattant est, malgré son montant modeste, le plus attaché.

Votre rapporteur expliquait, dans son avis de l'année passée les raisons pour lesquelles la demande des associations d'un abaissement à 60 ans de l'âge de liquidation de la retraite du combattant devait, selon lui, être abandonnée : dans le contexte budgétaire actuel, seul un abaissement progressif de l'âge de la retraite pourrait être envisagé. Or, en 2005, le dernier contingent ayant servi en Algérie aura atteint l'âge de 63 ans et pourra bénéficier de la retraite sans qu'il soit nécessaire de poursuivre l'abaissement de l'âge d'accès.

Il est en revanche favorable à une revalorisation pluriannuelle de cette retraite dont l'indice de référence n'a pas été modifié depuis 1954 : force est de constater que, malgré l'application du rapport constant, son pouvoir d'achat s'est fortement dégradé en cinquante ans.

Son montant, fixé par référence au point des pensions militaires d'invalidité, à l'indice 33, s'élève aujourd'hui, compte tenu d'une valeur du point estimée à 12,83 euros au 1 er janvier 2004, à 423,39 euros par an.

Il reste qu'une telle revalorisation aurait un coût non négligeable : M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants, faisait état, lors de son audition devant votre commission des affaires sociales, d'une dépense de 16 à 17 millions d'euros par point supplémentaire d'indice. Estimant que la revalorisation de la retraite n'était significative, sur le plan individuel, qu'à partir de trois points supplémentaires, il a expliqué que la dépense budgétaire serait alors d'environ 50 millions d'euros.

Au total, pour atteindre l'indice 48 demandé par les associations d'anciens combattants, il faudrait prévoir 250 millions d'euros. Il est évident que le contexte économique et budgétaire actuel ne permet pas d'atteindre un tel objectif en un an.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur envisage une revalorisation échelonnée sur cinq ans. Dans cette perspective pluriannuelle, une augmentation, même très modeste dans un premier temps (un ou deux points) compte tenu de l'environnement économique, pourrait être prévue. Elle pourrait notamment être financée par un redéploiement des crédits auparavant consacrés au fonds de solidarité, aujourd'hui en voie d'extinction.

2. La réforme du rapport constant : donner enfin une lisibilité à l'évolution des pensions

a) Un mécanisme incontestablement utile

La loi du 31 mars 1919 qui a créé les pensions militaires d'invalidité n'avait, à l'origine, prévu aucun mécanisme de revalorisation des pensions : celles-ci n'étaient donc revalorisées qu'au coup par coup, en fonction de décisions gouvernementales prises en opportunité.

Le mécanisme du rapport constant, créé par la loi du 27 février 1948, constitue donc un progrès pour le monde combattant : il pose ainsi comme principe que toute augmentation des traitements de la fonction publique doit entraîner une augmentation des pensions.

Si le principe est simple, sa mise en oeuvre a toutefois été chaotique : à plusieurs reprises, en 1979 puis en 1987, des décalages ont été constatés qui ont conduit à une modification du mode de calcul du rapport constant.

Le mécanisme fixé par l'article 123 du projet de loi de finances pour 1990, actuellement en vigueur, comporte trois étapes :

- à chaque fois que le point de la fonction publique est revalorisé, le point de la pension militaire d'invalidité l'est également, du même taux et à la même date ;

- une fois par an, une comparaison est établie, portant sur l'année n-1, entre l'évolution des traitements des fonctionnaires, mesurée par l'indice INSEE, et celle des pensions. Cette comparaison met généralement en lumière une augmentation plus importante de l'indice INSEE car celui-ci inclut, en plus des revalorisations uniformes du point de la fonction publique, la prise en compte des mesures catégorielles. La valeur du point PMI est donc recalée en fonction de cet écart ;

- au 1 er janvier de l'année en cours, un supplément de pension est versé aux bénéficiaires au titre de l'année écoulée pour tenir compte de ce décalage.

L'application de ce nouveau mécanisme est incontestablement utile : ainsi, sur la période 1990-2002, un pensionné à 100 % percevant l'allocation de grand mutilé (indice 1.000) aura reçu près de 2.000 euros de plus que ce à quoi il aurait eu droit en application du mécanisme de l'ancien article L. 8 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui excluait de la revalorisation la prise en compte des mesures catégorielles.

L'application du rapport constant pour 2004 fait apparaître un décalage de 0,10 % par rapport à l'évolution des traitements des fonctionnaires. En conséquence, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une dotation, au titre du rapport constant, de 2,8 millions d'euros 8 ( * ) .

b) Une réforme nécessaire

Le mécanisme du rapport constant suscite toutefois un certain nombre de critiques de la part du monde combattant. Ces critiques concernent :

- l'absence de contrôle de la commission de concertation sur le contenu et le calcul de l'indice INSEE qui sert de base au recalage de la valeur du point de pension ;

- l'absence de prise en compte des primes dans l'indice INSEE ;

- l'insuffisante prise en compte des mesures « Durafour » ;

- le délai apporté au versement des rappels du recalage.

Mais la critique essentielle porte sur la lisibilité de ce mécanisme qui apparaît à beaucoup trop complexe. C'est la raison pour laquelle l'article 126 de la loi de finances pour 2002 a prévu la transmission au Parlement, dans le délai d'un an, d'un rapport sur les perspectives de la revalorisation des indices de référence utilisés pour le calcul des pensions.

Ce rapport propose une méthode de simplification du rapport constant qui constitue une base de travail utile dans la perspective d'une réforme.


Les conclusions du rapport sur les perspectives de revalorisation
des pensions militaires d'invalidité

« Dans la mesure où l'indice INSEE est modifié à chaque évolution des traitements de la fonction publique, rien n'interdit de songer à n'appliquer au point PMI que l'évolution de l'indice INSEE, à chacune de ses variations.

« Cette méthode offrirait les avantages suivants :

« - prise en compte en temps réel (...) de l'ensemble des évolutions des traitements de la fonction publique exprimées par cet indice ;

« - abandon du système de rattrapage additif a posteriori qui conduit au manque de lisibilité reproché au système actuel ;

« - meilleure adaptation à l'euro, puisque pour avoir un effet tangible, le rattrapage devrait à chaque fois être supérieur à 0,0655957 franc, ce qui n'est pas toujours le cas. »

Source : rapport sur les perspectives de revalorisation des pensions militaires d'invalidité, remis au Parlement en application de l'article 126 de la loi de finances pour 2002

Votre rapporteur ne peut qu'encourager le Gouvernement à mettre en oeuvre ces propositions, afin de concilier à l'avenir lisibilité du dispositif et dynamisme des pensions.

3. L'indemnisation des incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes : poursuivre les négociations

Initialement assimilés aux personnes contraintes au travail, les incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes (RAD et KHD 9 ( * ) , dont le nombre est estimé à 45.000 personnes, ne pouvaient bénéficier que des mesures d'indemnisation existantes en faveur des victimes civiles de la guerre.

Cependant, à la suite de l'arrêt Kocher rendu par le Conseil d'État le 16 novembre 1973, il a été admis que les membres des RAD-KHD, engagés sous commandement militaire dans des combats, pouvaient bénéficier du titre d'incorporé de force dans l'armée allemande et bénéficier, à ce titre, de l'indemnisation mise en place par l'accord franco-allemand du 31 mars 1981 et servie par la fondation « Entente franco-allemande ».

Le problème de l'indemnisation par la fondation « Entente franco-allemande » ne demeure donc posé que pour les seules personnes incorporées de force dans des formations paramilitaires qui n'ont pas participé à des combats, soit environ 5.600 personnes.

En 1998, le comité directeur de la fondation « Entente franco-allemande » a accepté le principe d'un élargissement à cette dernière catégorie d'incorporés de force, hommes et femmes, du droit à l'allocation unique qu'elle est chargée de distribuer. Mais le conseil d'administration de l'Entente a conditionné, jusqu'à présent, la mise en oeuvre de cette indemnisation à une participation de la France.

Lors d'une réunion à Strasbourg, le 12 mai 2003, rassemblant autour du secrétaire d'État aux anciens combattants des membres de la fondation et la plupart des parlementaires alsaciens et lorrains, une concertation a été engagée sur un assouplissement des conditions de versement des indemnisations aux catégories d'incorporés de force qui n'en ont pas encore bénéficié.

D'après les informations transmises par le secrétariat d'État aux anciens combattants, le règlement de cette question pourrait passer par une modification des statuts de la fondation.

Si votre rapporteur partage le constat selon lequel la responsabilité de l'indemnisation des RAD-KHD n'incombe pas à l'État français, il ne peut qu'encourager le Gouvernement à poursuivre la concertation engagée à Strasbourg avec la fondation « Entente franco-allemande ».

* 6 Instruction CAB/CA/AD/BO n° 5716 du 23 juillet 2001.

* 7 Lois du 6 août 1948 pour les déportés résistants et du 9 septembre 1948 pour les déportés politiques.

* 8 Cette dotation se répartit de la façon suivante : 2,24 millions d'euros au titre des pensions militaires d'invalidité (chapitre 46-20) et 0,56 million d'euros au titre de la retraite du combattant (chapitre 46-21).

* 9 RAD :Reichsarbeitsdienst et KHD : Kriegshilfsdienst

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