Projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale - Tome V : JUSTICE : ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
OTHILY (Georges)
AVIS 73 Tome V (2002-2003) - commission des lois
Carte du nouveau programme pénitentiaire au format Acrobat ( 987 Ko )Rapport au format Acrobat ( 81 Ko )
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
-
INTRODUCTION
- I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 2003 : UN EFFORT CONSIDÉRABLE
-
II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION
PÉNITENTIAIRE
- A. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION CARCÉRALE
- B. UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS ATTEINTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES
- C. LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE ENFIN MIS EN oeUVRE
- D. DÉTENTION DES MINEURS : LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT ENTENDUE
- E. LES PERSONNELS
- F. LES ÉTABLISSEMENTS
N° 73
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 2002
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2003 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME V
JUSTICE :
ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
Par M. Georges OTHILY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. René Garrec, président ; M. Patrice Gélard, Mme Michèle André, MM. Pierre Fauchon, José Balarello, Robert Bret, Georges Othily, vice-présidents ; MM. Jean-Pierre Schosteck, Laurent Béteille, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo, MM. Charles Ceccaldi-Raynaud, Christian Cointat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Marcel Debarge, Michel Dreyfus-Schmidt, Gaston Flosse, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Daniel Hoeffel, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Jacques Larché, Jean-René Lecerf, Gérard Longuet, Mme Josiane Mathon, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Bernard Saugey, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich, Jean-Paul Virapoullé, François Zocchetto.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
12
ème
législ.) :
230
,
256
à
261
et T.A.
37
Sénat
:
67
(2002-2003)
Lois de finances . |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Après avoir procédé à l'audition de
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et de
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat chargé des
programmes immobiliers de la justice, le mercredi 27 novembre 2002,
la commission des lois, réunie le mercredi
4 décembre 2002 sous la présidence de
M. René Garrec, a examiné, sur le rapport pour avis de
M. Georges Othily, les crédits consacrés à
l'administration pénitentiaire par le projet de loi de finances pour
2003.
Le rapporteur pour avis a notamment formulé les observations
suivantes :
- les crédits du ministère de la justice augmentent de
7,43 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
1,5 milliard d'euros, soit 29,6 % des crédits du
ministère seront consacrés à l'administration
pénitentiaire ; ces crédits permettront notamment la
création de 870 emplois ;
- le projet de budget s'inscrit dans le cadre d'une
programmation
pluriannuelle
, qui avait été recommandée par la
commission d'enquête du Sénat sur les conditions de
détention dans les établissements pénitentiaires. La loi
d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002
définit des objectifs ambitieux pour l'administration
pénitentiaire pour les cinq années à venir ;
- le nombre de détenus a fortement augmenté au cours des
derniers mois pour atteindre 56.385 le 1
er
juillet 2002
contre 48.594 le 1
er
janvier. Dans ces conditions,
le taux
d'occupation moyen des établissements pénitentiaires est
passé de 103 % le 1
er
juillet 2001 à
119 % le 1
er
juillet 2002
. Une telle
surpopulation rend plus difficile le maintien d'un haut niveau de
sécurité dans les établissements pénitentiaires,
contribue à la survenance d'actes de suicides, d'automutilations ou
d'agressions à l'égard du personnel, enfin rend largement
théorique l'exercice de la mission de réinsertion confiée
à l'administration pénitentiaire ;
- la présence de plus en plus importante de détenus atteints
de
troubles mentaux
pose des difficultés à
l'administration pénitentiaire ; les dispositions de la loi
d'orientation et de programmation pour la justice devraient permettre
d'améliorer la prise en charge de ces personnes, grâce notamment
à la
création d'unités d'hospitalisation
sécurisée de psychiatrie
au sein des établissements de
santé ;
- après bien des atermoiements, la mise en oeuvre de la loi
consacrant le
placement sous surveillance électronique
sera
généralisée au cours des prochaines années ;
- face au constat de l'insuffisance du contenu éducatif de la
détention des mineurs dressé par la commission d'enquête du
Sénat sur la délinquance des mineurs, le Gouvernement a
décidé la création de huit
établissements
pénitentiaires spécialisés par les mineurs
, qui
devraient être encadrés à la fois par des personnels
pénitentiaires et des personnels de la protection judiciaire de la
jeunesse ;
- un ambitieux programme de construction d'établissements devrait
permettre la création de 11.000 places au cours des prochaines
années, ce qui contribuera à limiter la surpopulation
carcérale et à améliorer les conditions de
détention comme les conditions de travail des personnels.
La commission a donné un avis favorable à l'adoption des
crédits du ministère de la justice consacrés à
l'administration pénitentiaire.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi de finances pour 2003 soumis au Sénat fixe à
5,037 milliards d'euros le budget du ministère de la justice, ce
qui représente une hausse de 7,43 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002. Si le budget de la justice a déjà
connu une hausse appréciable au cours des dernières
années, le présent projet de loi de finances, qui s'inscrit dans
le cadre de la loi n° 2002-1138 d'orientation et de programmation
pour la justice du 9 septembre 2002, marque un effort sans
précédent.
Au sein des crédits du ministère de la justice, 1,5 milliard
d'euros, soit 29,6 %, seront consacrés à l'administration
pénitentiaire.
I. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE POUR 2003 : UN EFFORT CONSIDÉRABLE
A. UN PROJET DE BUDGET INSCRIT DANS UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE
Dans ses
précédents rapports, votre rapporteur pour avis avait
regretté l'insuffisante lisibilité des actions conduites en
matière pénitentiaire, notamment en ce qui concerne les
programmes de construction d'établissements. La commission
d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires
1(
*
)
s'était prononcée dès 2000 pour l'élaboration d'une
loi de programmation permettant de définir des objectifs et de fixer des
échéances.
La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de
programmation pour la justice répond à ces attentes et
définit un cadre ambitieux pour l'administration pénitentiaire au
cours des cinq années à venir.
1. Les orientations
Le
rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la
justice fixe un certain nombre d'objectifs pour l'administration
pénitentiaire. Il prévoit en particulier :
-
une augmentation de la capacité des établissements
pénitentiaires et une amélioration des conditions de
détention
. Ainsi, un programme de construction
d'établissements vient d'être engagé. Le Gouvernement
présentera une loi d'orientation pénitentiaire qui aura pour
objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions
assignées à la prison. Votre rapporteur pour avis espère
que cette annonce sera suivie d'effets, contrairement à ce qui s'est
produit au cours de la précédente législature. Enfin, une
réflexion sur les dispositifs d'individualisation des peines en cours
d'exécution sera engagée
2(
*
)
;
-
la généralisation du placement sous surveillance
électronique
, afin de permettre, à échéance de
cinq ans, le placement simultané sous surveillance électronique
de 3.000 personnes ;
-
le renforcement des services pénitentiaires d'insertion et de
probation
;
-
le développement des structures en milieu ouvert ;
- l'accroissement du niveau de sécurité des
établissements
;
-
l'amélioration de la prise en charge et du taux d'activité
des détenus.
Il s'agira de lutter contre l'indigence, de veiller au
maintien des liens familiaux et d'améliorer les conditions d'exercice du
travail des personnes détenues et de valoriser leurs acquis sociaux et
professionnels. Rappelons qu'au cours de la discussion du projet de loi
d'orientation et de programmation pour la justice, le Sénat a
supprimé, à l'initiative de notre excellent collègue M.
Paul Loridant, le prélèvement pour frais d'entretien perçu
sur le produit du travail des détenus ;
-
l'amélioration de l'accès des détenus aux soins
médicaux et psychologiques
;
-
la mise à niveau des services d'administration
déconcentrée et de formation
;
-
la revalorisation du statut des personnels pénitentiaires et
l'amélioration des conditions d'exercice de leurs missions
.
2. La programmation
Pour
mettre en oeuvre les orientations précédemment
énumérées, 3.740 emplois devraient être
créés dans l'administration pénitentiaire au cours des
années 2003-2007.
1.313 millions d'euros d'autorisations de programme devraient être
affectés à ces objectifs sur la même période.
B. DES MOYENS SUBSTANTIELS ATTRIBUÉS DÈS 2003 À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
Un grand nombre des actions prévues par la loi d'orientation et de programmation sont d'ores et déjà engagées et se voient attribuer des moyens substantiels dans le projet de loi de finances pour 2003.
Répartition des crédits de l'administration
pénitentiaire
(en millions d'euros)
Titre
III
(moyens des services)
|
1.335
|
Titre IV (interventions publiques) |
7,5 |
Titre V (interventions exécutées par l'Etat) |
148 |
TOTAL |
1.492 |
Parmi
les mesures nouvelles inscrites dans le projet de loi de finances au titre des
dépenses ordinaires figurent :
La création de 870 emplois dont 613 emplois de
surveillants
, qui permettront :
- d'augmenter la capacité des établissements
pénitentiaires et d'améliorer les conditions de
détention ;
- de renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de
probation ;
- de créer des places de détention pour les mineurs ;
- de poursuivre le programme d'ouverture d'unités
hospitalières sécurisées inter-régionales.
Notons que les 870 créations d'emploi prévues par le projet de
budget pour 2003 représentent 23 % des créations d'emploi
prévues par la loi d'orientation et de programmation pour la justice sur
la durée de la législature.
des mesures indemnitaires et statutaires pour le personnel :
- 0,89 million d'euros sont prévus pour l'achèvement de
la réforme du statut du corps des personnels de direction de
l'administration pénitentiaire ;
- une provision de 0,101 million d'euros est prévue en vue de
la réforme du statut des personnels d'insertion et de probation ;
- 18,7 millions d'euros sont prévus afin d'assurer la mise en
oeuvre progressive de l'aménagement et de la réduction du temps
de travail ;
- 0,2 million d'euros sont prévus pour revaloriser
l'indemnité de responsabilité allouée aux personnels de
direction.
l'abondement des crédits de fonctionnement de l'administration
pénitentiaire à hauteur de 12,02 millions d'euros
:
- amélioration des conditions de détention : mise aux
normes des quartiers disciplinaires, maintenance des équipements et
installations, amélioration de l'hygiène individuelle et
collective ;
- amélioration de la prise en charge des personnes placées
sous main de justice avec la reprise d'activités commerciales
gérées par les associations (locations de
téléviseurs) ;
- poursuite du développement du placement sous surveillance
électronique ;
- sécurisation des établissements (tunnels à rayon X,
brouillage des téléphones mobiles, reconnaissance
biométrique) ;
- augmentation du budget de l'Ecole nationale d'administration
pénitentiaire (ENAP) afin d'accroître ses capacités de
formation.
En ce qui concerne les dépenses en capital, 374 millions d'euros
d'autorisations de programme et 150,3 millions d'euros de crédits
de paiement sont prévus aux titres V et VI du projet de budget pour
2003. Sur les 371 millions d'euros d'autorisations de programme
prévues au titre V, 271 correspondent à des projets
nouveaux liés à la loi d'orientation et de programmation :
construction d'établissements pour mineurs
(90 millions d'euros) ;
rénovation des quartiers de mineurs existants
(18 millions d'euros) ;
construction et rénovation de 11.000 places de prison
(141 millions d'euros) ;
sécurisation des établissements
(9 millions
d'euros) ;
poursuite des actions engagées les années
précédentes
(rénovation des grandes maisons
d'arrêt, construction de nouveaux établissements...).
II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
A. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION CARCÉRALE
1. Une augmentation brutale du nombre de détenus
Au
1
er
janvier 2002, 48.594 personnes étaient
détenues en France, contre 47.837 au 1
er
janvier 2001.
Pour la première fois depuis 1997, le nombre de détenus a
augmenté d'une année sur l'autre.
Cette évolution s'est fortement accélérée au
début de l'année 2002 puisque les prisons françaises
accueillaient 56.385 détenus le 1
er
juillet dernier
(ce nombre a diminué à la suite de l'amnistie pour atteindre
53.680 le 1
er
octobre mais a de nouveau augmenté ensuite
pour s'établir à 54.438 le 1
er
novembre). Entre le
1
er
juillet 2001 et le 1
er
juillet 2002, le
nombre de détenus a augmenté de 13,4 %
.
L'augmentation des entrées en détention constatée entre le
premier semestre 2001 et le premier semestre 2002 a concerné tant les
entrées pour crime (+ 21 %) que les entrées pour
délit (+ 23 %).
Les entrées en détention pour vols criminels ont fortement
augmenté (+ 39 %). Les entrées pour viols et violences
criminelles ont respectivement augmenté de 14 et 23 %. Entre 1994
et 2000, le nombre d'incarcérations pour vols criminels avait
diminué de 36 %, tandis que les incarcérations pour viols ou
violences criminelles enregistraient une augmentation (respectivement
+ 11 % et + 18 %).
Parmi les entrées en détention pour délit, l'augmentation
concerne plus particulièrement les délits de masse comme le vol
avec circonstance aggravante (+ 33 %), les recels (+ 36 %),
les entrées et séjours irréguliers sur le territoire
national (+ 32 %) et les cessions et trafics de stupéfiants
(+ 28 %).
Par ailleurs, la durée moyenne de détention continue d'augmenter.
Elle est passée de 4,6 mois en 1980 à 8,4 mois en 2001.
En ce qui concerne la structure de la population pénale par quantum de
peine, le nombre des condamnés à moins de cinq ans
d'emprisonnement a diminué de 11 % entre 1996 et 2001 alors que le
nombre de condamnés à cinq ans d'emprisonnement et plus a
augmenté de 17 %. Au 1
er
janvier 2002, les
condamnés exécutant une peine de vingt à trente ans de
réclusion étaient au nombre de 984 et les condamnés
à perpétuité au nombre de 578. Ces condamnés
à de très longues peines formaient 5 % des condamnés.
2. Une surpopulation carcérale préoccupante
Dans ses
avis précédents, votre rapporteur pour avis constatait une
diminution régulière du taux d'occupation des
établissements pénitentiaires. La situation est radicalement
différente cette année.
Au 1
er
juillet 2002, notre pays comptait 47.982 places de
détention dont 47.471 étaient effectivement disponibles. Compte
tenu de l'augmentation du nombre de détenus,
le taux d'occupation des
établissements pénitentiaires, qui était de 103 % au
1
er
juillet 2001 est passé à 119 % au
1
er
juillet 2002
.
Cette densité varie fortement selon la catégorie
d'établissement, puisqu'elle s'établit à
134 %
dans les maisons d'arrêt
. Parmi ces dernières, 16 ont une
densité dépassant 200 % : Tulle, Bayonne, Lyon Montluc,
Bonneville, Lyon Saint Paul, Grasse, Orléans, Gagny, Fontenay le Comte,
La Roche sur Yon, Le Mans, Laval, Saint Brieuc, Foix, Béziers, Albi.
La situation actuelle est préoccupante. La surpopulation
carcérale rend plus difficile le maintien d'un haut niveau de
sécurité dans les établissements. Elle contribue à
la survenance d'autoagressions (automutilations, suicides...) ou d'agressions
à l'encontre des personnels. Elle peut également entraîner
le non-respect de certaines dispositions du code de procédure
pénale, notamment en ce qui concerne la séparation des
prévenus et des condamnés. Enfin, elle rend largement
théorique l'exercice de la mission de réinsertion confiée
à l'administration pénitentiaire.
Le Gouvernement vient d'annoncer le lancement d'un programme de construction,
qui devrait permettre d'augmenter le nombre de places dans les
établissements pénitentiaires. Toutefois, ces
établissements ne seront livrés que dans un délai de
quatre à six ans. A plus court terme, aucune augmentation significative
du nombre de places de détention n'est à attendre car la
livraison prochaine des établissements du programme « 4.000
places » s'accompagnera de la fermeture d'établissements
vétustes.
Le développement du placement sous surveillance électronique
pourrait permettre de soulager quelque peu les établissements
pénitentiaires. La recherche d'alternatives à
l'incarcération pour les peines les moins graves mérite
d'être poursuivie. A cet égard, la mission sur l'exécution
des courtes peines d'emprisonnement confiée à M. Jean-Luc
Warsmann, député, par M. le garde des Sceaux, pourrait conduire
à de nouvelles évolutions sur cette question.
B. UNE VOLONTÉ D'AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS ATTEINTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES
Dès 2000, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait constaté qu'un grand nombre de détenus souffraient de troubles psychiatriques sérieux. Les dispositions de la loi d'orientation et de programmation pour la justice devraient permettre d'améliorer la prise en charge de ces personnes.
1. Une situation inquiétante
Plusieurs études ont montré que de plus en plus
de
personnes détenues présentaient des troubles mentaux. Ainsi, une
enquête sur la santé des entrants en prison, conduite en 1997,
révélait que 8,8 % d'entre eux avaient fait l'objet d'un
traitement ou d'une hospitalisation en psychiatrie dans l'année
précédant l'incarcération.
Une étude récente
3(
*
)
sur les
arrivants en prison examinés par les services
médico-psychologiques régionaux (SMPR) montre que
55 %
d'entre eux présentent des troubles de la santé mentale
.
Parmi les principaux symptômes rencontrés figurent
l'anxiété, mais aussi les addictions ou les troubles
psychosomatiques.
Dans 48 % des cas, les médecins considèrent importants les
troubles addictifs (sur une échelle : modéré, moyen,
important). C'est également le cas de 15 % des troubles anxieux et
de 25 % des troubles de conduite.
La forte proportion de troubles psychiatriques repérés à
l'entrée dans les établissements est confirmée par des
antécédents fréquents de prise en charge de ces
détenus pour des problèmes de santé mentale. Au total, un
entrant sur cinq a déjà été suivi par le secteur de
psychiatrie. Cette proportion atteint 33 % pour les détenus dont un
trouble est repéré à l'entrée. L'augmentation du
nombre de détenus atteints de troubles psychiatriques s'est traduite par
une
multiplication par dix en moins de dix ans des hospitalisations d'office
de personnes détenues
. Elles ne concernaient que 100 personnes
en 1994 contre plus de 1.000 depuis deux ans.
Enfin, il convient de rappeler que le nombre des suicides de détenus a
fortement augmenté, passant de 59 en 1990 à 138 en 1996 avant de
diminuer légèrement (104 en 2001). La France est l'un des pays
d'Europe où le nombre de suicides en prison est le plus
élevé.
Afin de disposer d'éléments plus complets, notamment sur
l'incidence de la durée d'incarcération sur la santé
mentale, le Gouvernement a décidé de lancer une enquête
épidémiologique nationale sous l'égide de la direction
générale de la santé concernant la santé mentale de
la population carcérale. Les résultats en seront connus en
2004.
2. Des mesures d'amélioration de la prise en charge
La loi
d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a
apporté plusieurs améliorations au dispositif de prise en charge
des détenus atteints de troubles psychiatriques.
Elle dispose que l'ensemble des hospitalisations à temps complet pour
troubles mentaux des personnes détenues, avec ou sans leur consentement,
sont réalisées dans des établissements de santé et
non au sein des établissements pénitentiaires. Elle opère,
pour les personnes détenues, la fusion des régimes
d'hospitalisation sous contrainte (hospitalisation d'office et hospitalisation
à la demande d'un tiers) en un régime unique fondé sur la
nécessité des soins.
En ce qui concerne les modalités de prise en charge des détenus
atteints de troubles psychiatriques, il convient de rappeler que les centres
hospitaliers disposent de moins en moins de services fermés et qu'ils ne
sont plus dès lors en mesure d'assurer de façon efficiente la
garde des personnes détenues hospitalisées.
Certes, lorsque les malades mentaux détenus présentent une
dangerosité psychiatrique pour autrui nécessitant des protocoles
thérapeutiques intensifs et des mesures de sûreté
particulières, ils peuvent être soignés dans l'une des
quatre
unités pour malades difficiles
(UMD) existant sur le
territoire : Villejuif, Cadillac, Sarreguemines et Montfavet. Cependant,
l'orientation en UMD des personnes détenues ne peut se faire que si
l'indication médicale impose cette prise en charge selon un protocole
thérapeutique spécifique à raison de la
particulière gravité des troubles psychiatriques et de la
dangerosité qu'ils présentent.
Pour remédier à ces difficultés, la loi d'orientation et
de programmation pour la justice a posé le principe de l'hospitalisation
des détenus atteints de troubles mentaux au sein d'unités
spécialement aménagées des établissements de
santé (L. 3214-1 du code de la santé publique).
Dix unités d'hospitalisation sécurisée de psychiatrie
(UHSP) devraient être créées pour une capacité de
244 lits
. La conception architecturale de ces unités reste
à définir. Elle devra intégrer les
spécificités pénitentiaires notamment en matière de
sécurité et de maintien des liens familiaux. Le coût en
investissement de la sécurisation de ces dix unités est
évalué à 11,5 millions d'euros. Pour assurer les
fonctions pénitentiaires de sécurité, de suivi et de
coordination, enfin de maintien des liens familiaux, 140 emplois de
personnels de surveillance devront être créés.
Après la création des UHSP, les SMPR seront progressivement
recentrés sur les soins ambulatoires diversifiés, incluant les
hospitalisations de jour et davantage d'activités et d'ateliers
thérapeutiques.
C. LE PLACEMENT SOUS SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE ENFIN MIS EN oeUVRE
Votre
rapporteur pour avis s'est régulièrement inquiété,
au cours des dernières années, de la lenteur de la mise en oeuvre
de la loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997
consacrant le
placement sous surveillance électronique
comme
modalité d'exécution des peines privatives de liberté.
L'année 2002 a été marquée par une
accélération de l'application de cette réforme, dont votre
commission ne peut que se féliciter.
L'expérimentation du placement sous surveillance électronique,
entamée en novembre 2000 dans quatre sites pilotes a
été étendue à de nouveaux sites en 2001 puis
à nouveau en 2002. Les juges de l'application des peines peuvent
actuellement décider la mesure de placement sous surveillance
électronique dans les ressorts des tribunaux de grande instance de
Lille, Dunkerque, Hazebrouck, Agen, Marmande, Auch, Béziers,
Aix-en-Provence, Grenoble, Angers, Dijon, Pontoise et Colmar.
Au cours de son audition par votre commission des Lois, M. Pierre
Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la
justice, a indiqué que
433 mesures de placement sous
surveillance électronique avaient été prononcées
depuis le début de l'expérimentation
et que 365
étaient achevées. Il a précisé que 23 retraits
de la mesure avaient été décidés, 16 pour
non-respect des conditions posées, 3 pour cause d'implication de la
personne condamnée dans d'autres affaires pénales et 4 pour
évasion.
Au regard des résultats de l'expérimentation, le Gouvernement a
décidé la généralisation du placement sous
surveillance électronique à l'ensemble des juridictions dans un
délai de cinq ans.
L'année 2002 a par ailleurs été marquée par la
parution du décret n° 2002-479 du 3 avril 2002
portant modification du code de procédure pénale et relatif au
placement sous surveillance électronique. Ce décret
précise les conditions d'application de la loi de 1997.
Enfin, la loi d'orientation et de programmation pour la justice du
9 septembre 2002 a modifié certaines des règles relatives au
placement sous surveillance électronique. Elle a supprimé la
possibilité d'exécuter une mesure de détention provisoire
sous le régime du placement sous surveillance électronique, qui
avait été introduite par la loi n° 2000-516 du
15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes. En pratique, il semble que cette mesure
n'ait été prononcée qu'une seule fois par un juge des
libertés et de la détention.
En revanche, la nouvelle loi a instauré la possibilité de
placer une personne sous surveillance électronique dans le cadre d'un
contrôle judiciaire.
La loi d'orientation et de programmation a également permis à
l'Etat de confier la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le
contrôle à distance des personnes placées sous surveillance
électronique à des personnes de droit privé
habilitées dans des conditions fixées par décret en
Conseil d'Etat.
Votre rapporteur pour avis se félicite qu'une réforme
portée par le Sénat et notamment par notre ancien collègue
M. Guy-Pierre Cabanel, entre enfin dans une phase pleinement
opérationnelle.
D. DÉTENTION DES MINEURS : LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT ENTENDUE
Au cours
des dernières années, l'administration pénitentiaire a
dû faire face à une augmentation du nombre de mineurs
détenus.
573 mineurs étaient incarcérés au
1
er
janvier 1995, 718 au 1
er
janvier 2000 et 826 au
1
er
janvier 2002.
Dans son rapport publié en juillet 2002, la commission d'enquête
du Sénat sur la délinquance des mineurs
4(
*
)
a constaté que la détention des mineurs
demeurait peu éducative, que les activités proposées aux
mineurs incarcérés restaient insuffisantes et que
l'étanchéité entre les quartiers de mineurs et les autres
quartiers des maisons d'arrêt était loin d'être parfaite.
La commission d'enquête a également observé que la sortie
de prison était rarement préparée, les jeunes passant
brutalement d'une contention totale à une liberté
complète.
Face à cette situation,
la commission d'enquête, refusant le
postulat selon lequel aucun travail éducatif ne serait possible en
milieu fermé, s'est prononcée pour la création
d'établissements pénitentiaires spécialisés pour
les mineurs, conçus spécifiquement pour permettre une prise en
charge intensive en vue de la réinsertion de ces mineurs
. Elle a
souhaité que soit introduite une véritable mixité dans ces
établissements entre l'administration pénitentiaire et la
protection judiciaire de la jeunesse. Elle a enfin estimé que les
nouveaux établissements pour mineurs devraient progressivement remplacer
les actuels quartiers de mineurs des maisons d'arrêt.
Le Gouvernement a pris en compte les recommandations de la commission
d'enquête et vient d'annoncer la construction de huit
établissements pénitentiaires exclusivement
réservés aux mineurs pour un total de 400 places. Deux
établissements devraient être construits en Ile de France, un dans
l'agglomération de Lyon, un dans l'agglomération de Toulouse, un
dans le Sud-Est, un en Alsace, un dans l'agglomération de Valenciennes
et un dans l'agglomération de Nantes.
Ces établissements devraient comporter 40 ou 60 places chacun, ces
capacités devant permettre de concilier la dimension éducative et
une gestion optimale des établissements. Au cours de son audition par
votre commission des lois le 27 novembre 2002, M. Dominique Perben, garde des
Sceaux, a indiqué «
que ces établissements
pourraient être dotés d'équipements de
sécurité plus légers que les autres établissements
pénitentiaires et que l'objectif était de
construire les
établissements autour de la salle de classe
. Il a fait valoir que
les jeunes devraient être occupés de manière continue,
grâce à des activités scolaires, sportives et culturelles.
Il a précisé que des éducateurs de la protection
judiciaire de la jeunesse seraient appelés à intervenir dans ces
établissements spécialisés, de manière à
assurer un véritable suivi des mineurs par les mêmes personnes
pendant la détention et après la sortie
».
En revanche, la loi d'orientation et de programmation pour la justice
s'écarte des recommandations de la commission d'enquête, en ce
qu'elle prévoit une augmentation du nombre de places dans les quartiers
de mineurs des maisons d'arrêt, soit par extension des quartiers actuels,
soit par création de nouveaux quartiers. Il est vrai que le maintien des
liens familiaux implique d'avoir un nombre assez élevé
d'établissements susceptibles d'accueillir des mineurs.
Votre
rapporteur pour avis souhaite néanmoins insister sur la
nécessité de séparer très strictement les mineurs
des autres détenus.
Il convient enfin de noter que la commission d'enquête du Sénat
sur la délinquance des mineurs s'était inquiétée de
l'absence d'aménagements de peines pour les mineurs
détenus
. Le Gouvernement a décidé d'habiliter certains
centres de semi-liberté aux mineurs. L'application aux mineurs de la
mesure de semi-liberté pourrait s'appliquer prochainement à
Haubourdin, Maxéville et Grenoble.
E. LES PERSONNELS
En 2002,
l'effectif budgétaire de l'administration pénitentiaire est de
27.755 agents répartis de la manière suivante :
- 21.749 personnels de surveillance ;
- 2.430 personnels administratifs ;
- 2.214 personnels socio-éducatifs ;
- 719 personnels techniques ;
- 472 personnels de direction ;
- 171 contractuels.
Le projet de budget prévoit la création de 870 emplois
après la création de 1.525 emplois en 2002 et de 530 emplois en
2001. Entre 1990 et 2002, les effectifs budgétaires de l'administration
pénitentiaire sont passés de 21.407 à 28.590.
Les créations d'emplois dans l'administration pénitentiaire depuis 1990
Année |
Nombre de créations d'emplois |
Nombre
d'emplois consacrés
|
Effectifs budgétaires |
1990 |
2 053 |
1.927 (programme 13000) |
21 407 |
1991 |
811 |
511 (programme 13000) |
22 407 |
1992 |
399 |
208 (programme 13000) |
22 704 |
1993 |
430 |
|
23 071 |
1994 |
450 |
|
23 477 |
1995 |
550 |
|
23 908 |
1996 |
730 |
230 (ouverture des établissements de Ducos (Martinique) et Baie Mahault (Guadeloupe)) |
24 619 |
1997 |
211 |
127 (ouverture de Remire-Montjoly (Guyane)) |
24 786 |
1998 |
300 |
12 (programme 4000) |
25 086 |
1999 |
344 |
25 (programme 4000) |
25 474 |
2000 |
386 |
30 (ouverture d'un CPA) |
25 868 |
2001 |
530 |
215 (programme 4000) |
26 233 |
2002 |
1.525 |
276 (programme 4000) |
27 755 |
2003 |
870 |
477 (programme 4000) |
28 590 |
TOTAL |
9 589 |
|
|
Au cours
des cinq années de la législature, 10.000 personnels de
surveillance devront être recrutés. Or, le nombre de candidatures
aux concours a diminué en 2001.
Entendu par votre commission des lois le 27 novembre dernier, M. Dominique
Perben, garde des Sceaux, a indiqué qu'une grande campagne d'information
avait été lancée, grâce à laquelle
l'administration avait reçu 30.000 demandes de renseignements et 20.800
demandes de dossiers d'inscription, soit sensiblement plus que d'habitude.
L'année 2002 a vu l'entrée en vigueur d'une réforme du
statut des personnels de direction
. Depuis une réforme de 1998,
le corps des directeurs est composé de trois grades (directeurs de
2
ème
classe, de 1
ère
classe et hors
classe). Le décret n° 2002-724 du 30 avril 2002 relatif au
statut particulier du corps des directeurs des services pénitentiaires
institue, outre une revalorisation indiciaire par le biais de la suppression
d'un échelon par grade, un nouveau pyramidage des trois grades dont les
effectifs sont portés de 18 à 22 % pour le grade de
directeur hors classe et de 24 à 30 % pour le grade de directeur de
première classe. Ces fonctionnaires disposeront ainsi d'une
carrière plus rapide et plus fluide entre les différents grades.
Le Gouvernement étudie actuellement une réforme du statut des
personnels d'insertion et de probation
, pour prendre en compte
l'accroissement de la charge de travail de ces personnels sous l'effet de
l'augmentation de l'effectif des personnes prises en charge et de l'attribution
de tâches nouvelles. Une provision de 101.033 euros est inscrite dans le
projet de budget pour engager cette réforme.
F. LES ÉTABLISSEMENTS
Dans son précédent rapport sur les crédits de l'administration pénitentiaire, votre rapporteur pour avis avait regretté le manque de lisibilité des actions annoncées en matière de construction d'établissements pénitentiaires. A cet égard, le présent projet de loi de finances marque une heureuse évolution puisqu'un projet cohérent est proposé pour l'ensemble de la législature sur le fondement de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 .
1. Les projets en cours de réalisation
Le
programme « 4.000 places », en cours de réalisation,
prévoit la construction de six établissements : une maison
d'arrêt à
Seysses
(Haute-Garonne), un centre
pénitentiaire au
Pontet
(Vaucluse), une maison d'arrêt
à
Séquedin
(Nord), un centre pénitentiaire à
Liancourt
(Oise), une maison d'arrêt à
La
Farlède
(Var) et une maison d'arrêt à
Chauconin-Neufmontiers
(Seine-et-Marne).
La maison d'arrêt de Seysses devrait être mise en service en
janvier 2003 et le centre pénitentiaire du Pontet en mars 2003.
La mise en service des quatre autres établissements devrait
s'étaler entre le 4
ème
trimestre 2003 et le
2
ème
trimestre 2005.
Un autre programme a été décidé (programme
« 1800 places »), qui prévoit la construction
de maisons d'arrêt à
Saint-Denis de la Réunion
,
Lyon
et
Nice
.
2. Le nouveau programme de construction prévu par la loi d'orientation et de programmation pour la justice
La loi
d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002
prévoit la mise en oeuvre d'un programme de construction
d'établissements pénitentiaires, qui comportera
11.000 places, dont 7.000 consacrées à l'augmentation
de la capacité du parc et 4.000 en remplacement de places
obsolètes.
Dès le 21 novembre 2002, le détail du programme
pénitentiaire a été présenté par le garde
des sceaux.
En pratique, 13.200 places devraient être construites au cours
des prochaines années
, si l'on ajoute aux 11.000 places
prévues par la loi d'orientation et de programmation les
1.800 places prévues par le précédent Gouvernement
mais dont la construction n'a pas encore commencé et les 400 places
que contiendront les futurs établissements réservés aux
mineurs.
Ce programme devrait permettre de remédier à la surpopulation
carcérale et de rééquilibrer la carte
pénitentiaire.
a) Les caractéristiques des futurs établissements
Le
Gouvernement souhaite que les futurs établissements
pénitentiaires soient plus sûrs, plus humains et mieux
équipés.
- Afin de renforcer la
sécurité
, les nouveaux
établissements bénéficieront de dispositifs de
sûreté intérieure complémentaires et d'une
protection périmétrique (double enceinte délimitant un
chemin de ronde surveillée en permanence par des miradors).
En outre, de nouvelles technologies seront mises en place : brouillage des
téléphones portables, développement des tunnels à
rayons X, mise en place de systèmes d'alarme performants et
généralisation des appareils de reconnaissance par
biométrie.
Les maisons centrales seront dotées de dispositifs renforcés de
sécurité passive (dispositifs anti-évasions, dispositifs
anti-intrusion) et active (dispositifs de surveillance et d'intervention). Une
étanchéité forte sera établie entre les
différents quartiers pour contenir et réduire l'ampleur des
phénomènes collectifs.
- Pour améliorer les
conditions de vie dans les
établissements pénitentiaires
, les futurs
établissements devraient comporter 400 à 600 places et
être divisés en unités de 200 places au maximum.
Afin d'améliorer les conditions de travail des personnels
pénitentiaires, un soin particulier sera apporté à
l'ergonomie des postes de travail (locaux de surveillance et miradors), aux
espaces de réunion ainsi qu'au développement d'activités
sociales.
Pour les personnes détenues, la priorité est donnée
à la qualité de vie et à l'hygiène. Des
aménagements particuliers à l'intérieur de la prison
seront prévus : lieux de vie en commun pour préparer
à une meilleure réinsertion, facilités d'accès et
d'information des familles de détenus.
- Des
équipements spécifiques
seront
prévus : des cellules pour personnes handicapées seront
équipées de sanitaires et de mobiliers adaptés. Des
cellules aménagées permettront l'accueil des mères et des
enfants dans des conditions plus satisfaisantes : des salles de jeux pour
les enfants, un espace extérieur spécifique et un accès
aisé sur la cour de promenade seront mis en place.
Afin de préciser encore les caractéristiques des futurs
établissements, le garde des sceaux et le secrétaire d'Etat
chargé des programmes immobiliers de la justice ont confié
à M. René Eladari, ingénieur
général honoraire des Ponts et Chaussées, la mission de
réfléchir et de faire des propositions sur la conception des
nouveaux établissements pénitentiaires.
Votre rapporteur pour avis souhaite souligner l'importance
particulière des études préalables à la
construction d'établissements pénitentiaires. Certains
établissements récents, tels que le centre pénitentiaire
de Remire-Montjoly ou la maison d'arrêt de Luynes, souffrent de
défauts de conception évidents qui nuisent à leur bon
fonctionnement.
b) Une répartition sur l'ensemble du territoire
Le projet gouvernemental prévoit la construction de vingt établissements pénitentiaires pour adultes, qui devraient être répartis de la manière suivante 5( * ) :
Etablissements pénitentiaires pour adultes (20 établissements)
Localisation |
Type |
Capacité |
Mont de Marsan |
CP (1) |
400 |
Agglomération de Dunkerque |
CP |
400 |
Agglomération de Lille |
CP |
400 |
Agglomération du Havre |
CP |
400 |
Agglomération de Beauvais |
CP |
400 |
Agglomération de Lyon |
MA (2) |
600 |
Rhône-Alpes 1 |
CP |
600 |
Rhône-Alpes 2 |
CP |
600 |
Nice |
MA |
600 |
Ajaccio |
CP |
300 |
Orléans (Ingre) |
CP |
600 |
Ile de France |
CD (3) |
600 |
Rennes |
CP |
600 |
Le Mans (Coulaines) |
CP |
400 |
Alençon |
MC (4) |
150 |
Alsace |
CP |
500 |
Nancy |
CP |
500 |
Béziers |
CP |
600 |
Agglomération de Poitiers |
CP |
400 |
A localiser |
MC |
150 |
(1)
CP = centre pénitentiaire (établissement composé au
minimum d'un quartier maison d'arrêt et d'un quartier pour
condamnés)
(2) MA = maison d'arrêt (établissement accueillant des
prévenus et des condamnés à des peines inférieures
à 1 an)
(3) CD = centre de détention (établissement accueillant
exclusivement des détenus condamnés à une peine d'une
durée supérieure à 1 an)
(4) MC = maison centrale (établissement sécuritaire
accueillant les détenus les plus dangereux).
Par ailleurs, 1.600 places seront construites outre-mer, comprenant la
nouvelle maison d'arrêt de la Réunion, dont la construction a
été décidée par le précédent
Gouvernement, et le remplacement de la maison d'arrêt de Basse-Terre en
Guadeloupe.
Enfin, 2000 places sont réservées pour la mise en place de
concepts pénitentiaires nouveaux. Leur localisation sera
déterminée à l'issue des missions respectivement
confiées à M. Pierre Eladari (conception des nouveaux
établissements pénitentiaires) et à
M. Jean-Luc Warsmann, député (courtes peines
d'emprisonnement).
c) Des conditions de réalisation facilitées
Les lois
d'orientation et de programmation pour la justice et pour la
sécurité intérieure ont prévu des dispositifs
destinés à faciliter la réalisation des futurs
établissements pénitentiaires :
- l'article 3 de la loi d'orientation et de programmation pour la
justice a modifié la loi du 22 juin 1987 relative au service public
pénitentiaire. Rappelons que l'article 2 de cette loi a permis de
recourir au secteur privé pour la construction d'établissements
pénitentiaires et la gestion de certaines tâches au sein de ces
établissements. Tout en clarifiant cet article, la loi d'orientation et
de programmation a élargi le
champ des procédures utilisables
en précisant que la convention entre l'Etat et la personne ou le
groupement de personnes doit être un marché passé selon les
procédures prévues par le code des marchés publics, sans
en désigner aucune en particulier. Le texte ne prévoit plus
l'approbation d'un cahier des charges par décret en Conseil d'Etat, ce
qui pourrait permettre de gagner six à neuf mois ;
- l'article 4 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice
a pour sa part étendu la
procédure d'expropriation dite
« d'extrême urgence »
prévue par
l'article L. 15-9 du code de l'expropriation pour cause
d'utilité publique aux terrains choisis pour la construction
d'établissements pénitentiaires ;
- enfin, l'article 3 de la loi d'orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure a permis à l'Etat de
financer par
crédit-bail
la construction des bâtiments
destinés à la justice, à la police et à la
gendarmerie. Ce dispositif permet de passer un marché avec un organisme
financier qui assure le financement de l'ensemble de la prestation :
construction et exploitation.
Le même article a autorisé l'Etat à recourir au
système de la
location avec option d'achat
. Dans ce
système, l'administration met un terrain à la disposition d'un
prestataire privé sous forme d'autorisation d'occupation temporaire. Sur
la base des besoins détaillés formulés dans le cahier des
charges, le prestataire privé finance, réalise puis loue les
établissements dont l'administration pénitentiaire a besoin. Au
terme de la durée de location du bien, l'Etat peut acquérir
l'établissement.
Ces différents dispositifs devraient faciliter la réalisation,
dans des délais acceptables, du programme de construction
d'établissements pénitentiaires.
3. Les constatations de votre commission
Dans le cadre de la préparation du présent rapport, votre rapporteur pour avis a visité la maison d'arrêt de Borgo et le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure.
a) La maison d'arrêt de Borgo
La
maison d'arrêt de Borgo, mise en service le 18 novembre 1993, est
située à 17 km de Bastia. Sa capacité
théorique est de 263 places. Elle comporte un quartier hommes
(140 cellules), un quartier femmes (9 cellules), un quartier accueil
(10 cellules), un quartier de semi-liberté (10 cellules) et un
quartier mineurs (27 cellules).
Jusqu'il y a peu, la maison d'arrêt accueillait la plupart du temps un
nombre de détenus très inférieur à sa
capacité (112 détenus le 1
er
janvier 2000
pour une capacité de 263 places). Cette situation s'est
modifiée au cours de la dernière année,
l'établissement ayant accueilli jusqu'à 200 détenus
(175 le jour de la visite de votre rapporteur pour avis).
Cette évolution pose des difficultés sérieuses à la
direction de la maison d'arrêt, dès lors que le budget d'un
établissement est calculé en fonction du nombre de
journées de détention au cours de l'année n-1.
Ce
système montre à l'évidence ses limites en cas de
variation brutale du nombre de détenus.
Le 24 octobre 2002, la maison d'arrêt accueillait
103 prévenus et 76 condamnés. Parmi ces derniers, seuls
27 étaient condamnés à une peine d'emprisonnement
d'une durée inférieure à un an. Malgré les
prescriptions de la loi interdisant l'incarcération des condamnés
à de plus longues peines en maison d'arrêt, 36 détenus
étaient condamnés à des peines délictuelles
comprises entre un an et dix ans d'emprisonnement, 13 étaient
condamnés à des peines criminelles.
La population pénale accueillie à la maison d'arrêt de
Borgo n'est pas représentative de l'ensemble de la population
pénale. Près de 25 % des prévenus sont poursuivis
pour meurtre ou assassinat.
Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que les locaux
étaient en bon état, ce qui n'est pas le cas pour l'ensemble des
établissements mis en service au début des années 1990. La
maison d'arrêt de Borgo est dotée d'équipements
d'excellente qualité : terrain de sport, gymnase, salle de
spectacles.
Elle comporte également de vastes zones d'ateliers totalement
inutilisées. De la même manière, aucune activité de
formation professionnelle n'était jusqu'à présent mise en
oeuvre. Cette situation s'explique notamment par le fait que les
détenus, plus qu'ailleurs, reçoivent un soutien financier de
leurs familles qui ne les incite pas à souhaiter travailler en prison.
Une formation à l'informatique vient seulement de commencer. Une
formation à la cuisine devrait également être mise en place
en 2003.
Les différents intervenants rencontrés par votre rapporteur pour
avis ont notamment formulé les remarques suivantes :
- le nombre de cellules du quartier de semi-liberté paraît
insuffisant au regard du nombre de détenus qui pourraient
prétendre à cette mesure ;
-
la maison d'arrêt ne dispose plus de personnel technique
chargé de la cuisine, en sorte que l'élaboration des repas est
confiée à un personnel de surveillance assisté de
détenus, ce qui paraît pour le moins singulier
;
- l'insuffisance de la présence de psychiatres ou de psychologues
ne permet pas un suivi satisfaisant des détenus souffrant de troubles
psychiatriques ;
-
le poste central d'information de la maison d'arrêt, qui permet
la surveillance de l'établissement et la gestion de l'ouverture de
certaines portes, est situé dans les locaux administratifs et non
à l'entrée de la zone de détention comme c'est le cas
habituellement
; une telle situation est susceptible de poser des
problèmes de sécurité.
En ce qui concerne le personnel de la maison d'arrêt, l'ensemble des
postes prévus à l'organigramme ne sont pas pourvus, en
particulier en ce qui concerne les chefs de service pénitentiaires et
les personnels administratifs, ce qui pose des difficultés
sérieuses à la direction de l'établissement. Le taux
d'absentéisme est élevé, particulièrement pendant
l'été.
Les représentants des organisations professionnelles rencontrées
par votre rapporteur pour avis ont estimé que les effectifs de la maison
d'arrêt demeuraient insuffisants.
Ils ont critiqué l'absence de
revalorisation depuis 2000 de l'indemnité compensatrice de frais de
transport prévue pour les fonctionnaires exerçant en Corse
.
Ils ont enfin souligné les difficultés rencontrées par les
personnels dans la recherche de logements.
Le Gouvernement a récemment annoncé le transfert en Corse de
certains condamnés incarcérés sur le continent. Le
programme de construction d'établissements pénitentiaires
prévoit la construction d'un centre pénitentiaire dans
l'agglomération d'Ajaccio. Devant votre commission des Lois,
M. Dominique Perben, ministre de la justice, a indiqué que, dans
l'attente de la livraison du nouvel établissement, les détenus
transférés seraient incarcérés soit à Borgo
soit dans l'actuelle maison d'arrêt d'Ajaccio. En pratique, la maison
d'arrêt de Borgo accueille déjà un nombre significatif de
condamnés.
b) Le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure
Le
centre pénitentiaire de Moulins comporte une maison d'arrêt et une
maison centrale. La maison d'arrêt a une capacité théorique
de 154 places et la maison centrale une capacité de 168 places.
Le 1
er
décembre 2002, la maison d'arrêt accueillait 203
détenus, dont 82 condamnés à des peines d'une durée
supérieure à un an d'emprisonnement. La maison centrale
accueillait 122 détenus, dont 22 condamnés à des peines
comprises entre 20 et 30 ans de réclusion criminelle et 23 à la
réclusion criminelle à perpétuité.
Le centre pénitentiaire de Moulins est confronté de
manière récurrente à des difficultés de personnel.
Le directeur du centre pénitentiaire a pris ses fonctions en septembre
dernier. Il est entouré de trois directrices adjointes, qui ont pris
leurs fonctions à la même période. L'une d'entre elles, qui
dirige la maison centrale, a été titularisée en septembre.
La même situation se retrouve dans les autres corps. Alors que le centre
pénitentiaire compte huit postes de chef de service pénitentiaire
de deuxième classe, quatre seulement sont pourvus. Lors du dernier
mouvement de cette catégorie de personnel, aucune candidature n'a
été enregistrée pour cet établissement. Dans ces
conditions, il est très fréquent que des personnels soient
affectés à Moulins dès leur sortie de l'école,
alors que la maison centrale accueille une population pénale
particulièrement difficile.
Une telle situation appelle sans doute une réflexion sur les moyens
de valoriser l'exercice de fonctions pénitentiaires dans les
établissements les plus difficiles.
Au cours de sa visite, votre rapporteur pour avis a pu constater que les moyens
en personnel médical de l'unité de consultations et de soins
ambulatoires (UCSA) étaient insuffisants, notamment en ce qui concerne
la psychiatrie. Le nombre de consultations dans cette discipline a en effet
beaucoup augmenté au cours des dernières années. En outre,
l'établissement compte de plus en plus de détenus
âgés, pour lesquels des prises en charge particulières sont
parfois nécessaires.
Les cuisines de l'établissement sont vétustes et
mériteraient d'être refaites. En ce qui concerne l'entretien et la
maintenance de l'établissement, un contrat a été
passé avec une société privée. Toutefois, ce
contrat ne couvre pas l'ensemble des besoins de l'établissement. Ainsi,
l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison centrale
fait l'objet d'un nettoyage par l'entreprise extérieure mais pas
l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison
d'arrêt !
Il convient enfin de signaler que la maison d'arrêt, mise en service en
1984, devait à l'origine accueillir un quartier de femmes qui n'a jamais
été ouvert. Dans ces conditions, un bâtiment de
l'établissement qui devrait être consacré à la
détention sert en fait à certaines tâches administratives.
*
* *
Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.
1
« Prisons : une
humiliation
pour la République », rapport n° 449 ((1999-2000)
présenté par M. Guy-Pierre Cabanel au nom de la commission
d'enquête présidée par M. Jean-Jacques Hyest.
2
Une mission sur l'exécution des courtes peines
d'emprisonnement vient d'être confiée par le garde des Sceaux
à M. Jean-Luc Warsmann, député.
3
La santé mentale et le suivi psychiatrique des
détenus, étude de la direction de la recherche, des
études, de l'évaluation et des statistiques et du Groupe
français d'épidémiologie psychiatrique.
4
« Délinquance des mineurs : la
République en quête de respect », rapport n°340
(2001-2002) présenté par M. Jean-Claude Carle au nom de la
commission d'enquête présidée par M. Jean-Pierre Schosteck.
5
La carte du nouveau programme pénitentiaire est
présentée en annexe du présent rapport pour
avis.