B. DES AVANCÉES STATUTAIRES EN FAVEUR DES PERSONNELS DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES
Le projet de loi de finances pour 2003 traduit non seulement la volonté d'améliorer les conditions de travail des personnels des juridictions, mais également le souci de rendre plus attractif l'exercice de leurs métiers . Les revalorisations statutaires financées par le projet de budget pour 2003, certes d'une ampleur inégale, ont le mérite de concerner l'ensemble des acteurs de l'institution judiciaire.
1. La poursuite du renforcement du statut des magistrats judiciaires
a) La montée en puissance de la réforme de la carrière des magistrats
La réforme de la carrière des magistrats, issue de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut de la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature, était destinée à rapprocher leurs carrières de celles des magistrats administratifs et financiers et à restructurer le corps. Elle s'est véritablement mise en place depuis 1 er janvier 2002.
La situation matérielle des magistrats a été substantiellement revalorisée depuis, même si les magistrats situés en haut de la hiérarchie ont été les principaux bénéficiaires de ces mesures nouvelles.
En effet, le « repyramidage » du corps a permis une augmentation significative du nombre d'emplois situés au premier grade et hors hiérarchie. Ainsi les emplois hors hiérarchie représentent-ils près de 10 % des effectifs (694 emplois) contre 5 % auparavant et les emplois du premier grade 60 % contre 36,9 % jusque-là. Le volume des emplois du second grade, majoritaires avant l'entrée en vigueur de la réforme, a été ramené de 57,9 % à moins de 30 %.
Plusieurs décrets d'application de cette réforme ont été publiés au cours de cette année 109 ( * ) . Les opérations de reclassement de magistrats sont actuellement en voie d'achèvement. La réforme de la carrière des magistrats, d'un coût global de 78 millions d'euros, a été entièrement financée par des provisions inscrites chaque année en lois de finances de 1999 à 2002.
Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de la limitation de la durée d'exercice au sein d'une même juridiction applicable à certaines fonctions (chefs de juridiction 110 ( * ) et fonctions spécialisées 111 ( * ) ), cette disposition n'étant applicable qu'aux seules nominations intervenues depuis le 1er janvier dernier.
Toutefois, on peut d'ores et déjà signaler qu'une modification du champ de cette disposition est en cours, le ministère de la Justice ayant fait état de certaines difficultés relatives à la mobilité des juges aux affaires familiales.
En effet, la plupart des juges aux affaires familiales exerce bien souvent d'autres attributions juridictionnelles, sauf dans les très grandes juridictions où le volume du contentieux permet une véritable spécialisation par matière. En outre, le rattachement de ces magistrats à la juridiction supérieure s'est avéré difficile à mettre en oeuvre compte tenu de l'importance des effectifs de magistrats du siège exerçant les fonctions de juge aux affaires familiales.
Ainsi, au cours de la première lecture du projet de loi organique relatif aux juges de proximité le 3 octobre dernier, le Sénat a-t-il adopté un amendement tendant à exclure les juges aux affaires familiales des règles de mobilité imposées à certaines fonctions spécialisées présenté par le Gouvernement, la commission des Lois ayant donné un avis favorable ( article 3 nouveau ).
b) Une revalorisation du régime indemnitaire
Parallèlement à ce chantier, une amélioration du régime indemnitaire est intervenue cette année et devrait être poursuivie en 2003 .
Le taux indemnitaire des magistrats judiciaires, fortement réévalué entre 1988 et 1996 (passant ainsi de 19 % à 37 %), est resté inchangé depuis lors, tandis que les régimes indemnitaires des magistrats de l'ordre administratif ont été substantiellement révisés à la hausse.
Il est donc apparu nécessaire, d'une part, de répondre aux fortes attentes du corps judiciaire, soucieux d'une revalorisation et de voir garanti le versement mensuel d'indemnités jusqu'alors servies trimestriellement, et, d'autre part, de permettre une modulation du régime indemnitaire selon les sujétions nouvelles imposées dans l'exercice des fonctions.
En outre, une refonte du régime indemnitaire, régi jusqu'alors par le décret n°88-142 du 10 février 1988, s'est avérée indispensable à la suite des observations émises par la Cour des comptes dans son rapport sur la fonction publique de l'Etat, selon lesquelles la prime forfaitaire de fonction des magistrats était « servie dans des conditions irrégulières » 112 ( * ) .
Trois décrets ont donc été publiés au début de cette année (décret n° s 2002-30, 2002-31, 2002-32 du 7 janvier 2002) 113 ( * ) . Ces textes, tout en posant le principe d'un versement mensuel des indemnités, n'ont pas pour autant revalorisé le régime indemnitaire, à l'exception de celui applicable aux magistrats de la Cour de cassation. Une enveloppe d'un montant de 2,8 millions d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances afin de revaloriser ce taux de 2 % à compter du 1 er juillet 2003. Il serait ainsi porté à 39 %.
La situation est encore susceptible d'évoluer favorablement. En effet, M. Pascal Clément, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a jugé regrettable le décrochage créé par la loi de finances pour 2003 entre le régime indemnitaire des magistrats judiciaires et celui des magistrats de l'ordre administratif, dont le taux indemnitaire fixé à 41 % par un arrêté du 17 avril 2002 devrait être porté à 45 % à partir du 1 er juillet du fait d'une revalorisation prévue dans le projet de loi de finances. Il a donc déposé un amendement tendant à réduire l'écart constaté 114 ( * ) , qu'il a retiré en séance publique après avoir obtenu du garde des Sceaux la garantie que les deux régimes seraient rapprochés. Le ministre s'est ainsi engagé à augmenter de quatre points le taux indemnitaire des magistrats judiciaires (qui pourrait ainsi être porté à 41 %).
* 109 Un décret en Conseil d'Etat n° 2001-1380 du 31 décembre 2001 a permis de rendre applicables les principales dispositions des nouvelles règles statutaires concernant les magistrats du premier grade et situés hors hiérarchie. Un décret en Conseil des ministres n° 2002-618 du 25 avril 2002 (modifiant le décret n° 69-469 du 27 mai 1969) a défini les nouvelles bornes indiciaires des second et premier grades, tirant ainsi les conséquences de l'unification du premier grade.
* 110 Pour les chefs de juridiction, cette limitation s'élève à 7 ans.
* 111 S'agissant des fonctions de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines, de juge d'instance et de juge aux affaires familiales, cette durée s'élève à 10 ans.
* 112 Rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique de l'Etat - remis au Président de la République en avril 2001 - p. 354 et suivantes.
* 113 Sont concernés les magistrats de l'ordre judiciaire en poste dans les juridictions des premier et second degrés, à l'inspection générale des services judiciaires, à l'ENG et à l'ENM.
* 114 Il s'agissait d'un amendement tendant à réduire les crédits prévus au projet de loi de finances pour financer la revalorisation indemnitaire des magistrats de l'ordre administratif.