C. UNE TIMIDE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES MENACÉES PAR LA PRESSION DES AFFAIRES NOUVELLES
? Après un infléchissement du flux d'affaires nouvelles devant le Conseil d'Etat en 1996 et en 1997, le nombre d'affaires enregistrées se situe depuis trois ans à un niveau élevé (plus de 12.000 affaires par an) notamment en raison de l'importance du contentieux des étrangers. L'année 2001 a connu un important contentieux lié, d'une part, aux élections municipales et cantonales, et, d'autre part, à l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2001 des dispositions issues de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé administratif 65 ( * ) .
Une augmentation du volume d'affaires nouvelles paraît prévisible . Selon le ministère de la Justice, « pour les six premiers mois de l'année 2002, si on constate une stabilité des entrées en ce qui concerne l'activité des juges des référés du Conseil d'Etat, en revanche les pourvois en cassation dirigés contre les ordonnances des juges des référés des tribunaux administratifs connaissent une très forte augmentation 66 ( * ) . Si cette augmentation se poursuit au cours du deuxième semestre, des mesures appropriées seront prises pour maintenir le délai de jugement de ces affaires sans pour autant retarder les délais de jugement des autres contentieux. »
On constate donc que les réformes votées sous la précédente législature n'ont pas été accompagnées par les moyens qu'elles nécessitaient.
Face à l'augmentation prévisible de l'activité du Conseil d'Etat, il convient de noter les efforts accomplis par cette juridiction, parvenue, à effectifs constants, à traiter un volume croissant d'affaires (+35,43 % entre 1990 et 2001). Ainsi le délai théorique d'élimination des stocks a -t-il pu être ramené en dix ans de 2 ans et 3 mois à 10 mois .
? Les cours administratives d'appel connaissent un contexte plus favorable , le nombre d'affaires enregistrées , après avoir triplé entre 1992 et 2000 en raison du transfert échelonné vers ces juridictions de l'appel des recours pour excès de pouvoir, ayant ralenti en 2000 et en 2001 (- 7 %).
Le volume des affaires traitées a plus que doublé entre 1992 et 2001 pour se stabiliser autour de 13.000 affaires. Ces progrès résultent de la création de nouvelles cours administratives d'appel (Marseille en 1997, puis Douai en 1999).
La situation de ces juridictions se révèle néanmoins problématique. Comme le relève fort justement le ministère de la Justice dans une de ses réponses au questionnaire budgétaire : « le rapport des affaires traitées sur les affaires enregistrées reste préoccupant : il s'établit à 78 % seulement en 2000, et à 84 % en 2001, amélioration résultant essentiellement de la réduction du nombre d'affaires enregistrées. Par conséquent, et malgré l'amélioration de ce rapport depuis 1999, les stocks continuent de s'accroître par un effet mécanique. »
Le stock global d'affaires en instance devant ces juridictions représente près du triple de leur capacité de jugement annuelle et engendre une détérioration du délai théorique d'élimination des stocks (3 ans et 1 mois en 2001 contre 2 ans et 11 mois en 2000).
? La pression des affaires nouvelles semble reprendre au sein des tribunaux administratifs , marquant ainsi une rupture avec l'infléchissement observé depuis 1998. L'organisation d'élections en 2001 a conduit pour partie à une augmentation du contentieux.
Comme ceux du Conseil d'Etat, les magistrats des tribunaux administratifs se sont distingués par leurs efforts de productivité, le ratio des affaires jugées sur les affaires enregistrées ayant atteint 105 % en 2000. Si cette progression demeure, elle se ralentit toutefois en 2001 ; leur délai théorique d'élimination du stock, établi à un an et 8 mois, n'a connu cette année aucune amélioration .
Comme l'a indiqué le ministère de la Justice, « cette évolution rend compte à la fois de la permanence de l'effort de productivité, mais également des limites rencontrées, face à une reprise du nombre d'affaires enregistrées. »
L'amélioration de la situation des tribunaux administratifs est évidemment liée au renforcement des effectifs, le nombre de magistrats étant passé de 400 en 1989 à 620 en 2001, tandis que les effectifs des cours administratives se sont également étoffés (moins de 50 en 1989 contre 170 en 2001).
Il convient de noter que les juridictions administratives se sont efforcées de mettre en place des méthodes de travail spécifiques pour réduire leurs délais de jugement 67 ( * ) .
Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis ne peut donc que se féliciter de l'important effort de recrutement en faveur des juridictions administratives.
La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a ainsi prévu la création échelonnée sur cinq ans de 480 emplois budgétaires, dont 210 emplois de magistrats et 270 emplois d'agents de greffe. Elle vise à ramener à un an les délais de traitement devant l'ensemble des juridictions administratives .
Le projet de loi de finances pour 2003 réalise la première tranche de ce plan pluriannuel de recrutement en prévoyant la création de 100 emplois budgétaires nouveaux , dont 12 au Conseil d'Etat 68 ( * ) et 88 dans les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs (dont 42 postes de magistrat). La création, en 2004, d'une nouvelle cour administrative d'appel en région parisienne et de deux nouveaux tribunaux administratifs est envisagée.
Le Gouvernement a souhaité éviter un décrochage entre les créations de postes de greffiers et les nouveaux emplois de magistrats. En effet, avec 1,33 , le ratio agent par magistrat devrait se maintenir au niveau actuel (1,34 en 2002).
En outre, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu le recrutement de 230 assistants de justice, dont 170 sont inscrits dans le budget pour 2003 69 ( * ) .
A cet effort quantitatif s'ajoutent également des mesures nouvelles destinées à revaloriser la rémunération des personnels portant sur :
- des relèvements indemnitaires concernant, d'une part, les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (754.000 euros) 70 ( * ) , et, d'autre part, les agents du Conseil d'Etat (50.000 euros) ;
- la prise en compte de l'incidence de la mise en place de la nouvelle bonification indiciaire « encadrement supérieur » en faveur des membres du Conseil d'Etat (91.590 euros) et des juridictions administratives (163.073 euros).
Le Gouvernement semble donc avoir su dégager des moyens à la hauteur des promesses figurant dans la loi de programmation : rendre la justice administrative plus rapide et plus efficace.
* 65 Cette loi a institué de nouvelles procédures d'urgence (le référé-suspension permettant d'ordonner sans délai la suspension de l'exécution d'un acte et le référé-injonction destiné à mettre fin à des agissements administratifs).
* 66 Plus de 40 % par rapport à la même période l'année dernière.
* 67 Il est en effet mis chaque année à la disposition de chaque chef de juridiction, et par son intermédiaire, de l'ensemble des magistrats et agents des greffes, un document consignant des statistiques relatives aux performances comparées de toutes les juridictions. L'outil informatique a également contribué à développer rapidement une culture de gestion active des stocks.
* 68 Dont 2 postes d'informaticiens.
* 69 Une enveloppe d'un montant de 513.216 euros est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2003 (chapitre 31-96).
* 70 L'arrêté du 17 avril 2002 pris en application du décret n° 2000-604 du 29 juin 2000 a porté de 37 à 41 % les taux budgétaire de l'indemnité forfaitaire dont bénéficient ces magistrats. Afin de renforcer l'attractivité de ces corps, la loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu d'aligner ce taux sur celui des corps de même niveau issus de l'Ecole nationale d'administration. Il est donc prévu que leur taux indemnitaire moyen passe de 41 à 45 % du traitement. Le projet de budget pour 2003 prévoit donc cette revalorisation et creuse ainsi l'écart existant avec le régime indemnitaire des magistrats judiciaires (voir infra IV - B - 1).