2. Un bilan mitigé des dispositifs précédents

Force est de constater que ces dispositifs successifs ont certes permis de prendre conscience de la gravité du problème de la violence scolaire, voire d'obtenir certains résultats grâce au partenariat éducation-police-gendarmerie-justice, notamment avec la multiplication des contrats de sécurité ; il reste que l'utilisation de dispositifs consistant à recourir à des emplois précaires et peu qualifiés pour renforcer la présence d'adultes dans les établissements sensibles (surveillants, appelés, aides-éducateurs...) n'a entraîné que des résultats limités, et que certaines mesures plus ambitieuses, comme la réduction de la taille des collèges annoncée en 1995 sont quasiment restées lettre morte.

D'après Eric Debarbieux, spécialiste de la violence scolaire, ces plans auraient cependant permis de stabiliser la violence, notamment dans des académies comme celles de Lille ou de Marseille, alors qu'elle restait à la hausse en région parisienne.

Par ailleurs, les bonus de carrière accordés aux jeunes professeurs inexpérimentés souvent affectés par défaut dans les collèges sensibles n'ont pas contribué à réduire le taux de renouvellement rapide des équipes enseignantes, dont la formation restait inadaptée aux caractéristiques de ces établissements.

Lors de son audition par la commission, le ministre délégué a indiqué que les chiffres alarmants de la violence scolaire devaient conduire à un rappel des règles et à un changement des mentalités et devraient susciter l'organisation d'un débat au Parlement et au sein du système éducatif.

3. La philosophie et les nouvelles dispositions du nouveau plan de prévention de la violence scolaire et de rétablissement de l'autorité à l'école

Les mesures annoncées par le ministre délégué s'inscrivent dans la continuité des plans anti-violence précédents et procèdent d'une nouvelle approche : contrairement au principe fixé par la loi d'orientation sur l'éducation de 1989, le savoir doit être remis au centre du système éducatif, au lieu de l'élève et l'autorité de l'enseignant et des adultes doit être renforcée.

Comme les actes de violence concernent des auteurs de plus en plus jeunes, la politique de prévention doit autant se concentrer sur les écoles primaires que sur les collèges et les lycées, et pas seulement dans les zones difficiles, puisqu'un établissement sur deux signale au moins un incident grave dans l'année, même si les violences graves et répétées se concentrent sur un faible nombre de sites où se superposent les difficultés socio-économiques.

Outre les dispositifs des classes et ateliers relais et de « l'école ouverte », qui seront détaillés plus loin, le ministre prévoit l'exclusion des jeunes majeurs délinquants et violents qui ont épuisé tous les systèmes parallèles sans perspective d'intégration, aussi bien de leur établissement que de l'éducation nationale.

Une variante de l'exclusion temporaire est également envisagée, avec la mise en place de travaux d'intérêt général au sein des établissements, dans des institutions sociales ou des associations.

L'aide aux victimes devrait faire l'objet d'une convention entre l'éducation nationale et l'Institut national d'aides aux victimes et de médiation, un adulte référent sera désigné dans chaque établissement pour suivre individuellement les élèves victimes d'un acte violent et le numéro d'appel SOS-Violence sera déconcentré dans les rectorats.

Les partenariats avec la police, la gendarmerie et la justice seront développés, notamment avec les futurs juges de proximité, en liaison avec le tissu associatif local et les collectivités locales, qui seront désormais représentées dans les conseils de discipline.

Enfin, dès la rentrée 2003, un contrat de vie scolaire devrait être signé entre l'établissement, l'élève et ses parents et se substituer à la traditionnelle distribution du règlement intérieur ; en outre, les règlements départementaux types à partir desquels sont établis les règlements intérieurs des écoles primaire, seraient revus.

Enfin, comme l'école ne peut seule déterminer l'articulation entre les valeurs du pacte social et les évolutions de la société, un débat parlementaire devrait être organisé début 2003 pour fixer la règle que l'école a vocation à transmettre et à expliquer : à l'issue de ce débat, un livret reprenant les droits et devoirs de chacun des membres de la communauté éducative sera établi.

La philosophie de ce plan se décline dans une série de dispositifs existants ou nouveaux : internats, classes et ateliers relais, dispositif de « l'école ouverte », prévention de l'absentéisme scolaire, centres éducatifs fermés, voire prison...

a) La politique en faveur de l'internat

Les circulaires du 31 juillet 2000 et du 24 avril 2002 précisent les modalités d'un nouveau développement de l'internat qui est aussi de nature à répondre à certaines difficultés des élèves et des familles, voire à prévenir des phénomènes d'absentéisme ou de marginalisation scolaire et sociale.

(1) La création dans chaque département d'une cellule chargée de la scolarité en internat

Sous l'autorité du correspondant départemental, cette cellule est chargée de :

- faire le point sur les possibilités d'accueil qui pourraient être mobilisées immédiatement au profit des collégiens qui souhaiteraient effectuer leur scolarité en internat ;

- renseigner les parents d'élèves sur ces possibilités et assurer la diffusion de ces informations auprès des établissements et des circonscriptions du premier degré ;

- recenser quantitativement et qualitativement les demandes.

(2) Une campagne d'information spécifique

Une campagne d'information a été menée auprès des parents et des élèves par voie d'affiches en vue de valoriser la poursuite d'études en internat. Un annuaire recensant l'ensemble des établissements avec internats a été édité et envoyé aux rectorats, inspections académiques, CIO, correspondants départementaux et académiques. La liste de ces internats a été mise en ligne sur le site du ministère.

(3) La formation des personnels

Un séminaire réunissant des personnels d'encadrement de l'internat scolaire public s'est tenu à l'automne 2001. Des sessions de formations spécifiques destinées aux personnels exerçant en internat seront mises en place aux niveaux académiques et interacadémiques durant l'année scolaire 2002-2003.

(4) L'aide aux familles

La relance des internats est favorisée par une aide servie aux familles d'élèves boursiers et internes sous forme de prime. Cette dernière est destinée à tous les élèves boursiers nationaux scolarisés en internat de collège, de lycée et des EREA relevant des dispositions du décret du 28 août 1998, pour les bourses de collège et des décrets du 2 janvier 1959, pour les bourses de lycée. Elle est d'un montant forfaitaire annuel par boursier de 231 euros, et est strictement liée au statut d'élève boursier interne, auquel elle est attribuée automatiquement. Elle est soumise aux mêmes règles de gestion que les bourses nationales.

Dans la loi de finances pour 2002, a été inscrite une mesure nouvelle prenant effet au 1 er janvier 2002, d'un montant de 12,5 millions d'euros (82 millions de francs) au chapitre 43-71. Elle devait permettre, de couvrir le coût total de cette aide (collèges, lycées et EREA). Pour l'année scolaire en cours, 59 825 élèves boursiers en ont bénéficié, pour un coût de 13,819 millions d'euros.

Comme il a été vu, le projet de loi de finances 2003 comporte des moyens nouveaux en matière de crédits sociaux destinés aux élèves, notamment une augmentation du nombre de primes à l'internat. La provision initiale au budget 2002 est abondée de 1,316 million d'euros, cette mesure devant permettre la prise en charge de 6 000 boursiers internes supplémentaires.

(5) L'aide à la création ou à la réhabilitation d'internats

Une somme de 4,57 millions d'euros (30 millions de francs) a été inscrite au budget 2002 du ministère (Chapitre 66-33, art. 80, AP/CP) pour apporter une aide financière exceptionnelle aux projets des académies prioritaires.

Dans le cadre du protocole d'accord signé avec la Caisse des Dépôts et Consignations le 19 décembre 2000, un ouvrage de référence, intitulé « L'internat scolaire public : un concept renouvelé », a été adressé aux recteurs, inspecteurs d'académie, coordonnateurs et correspondants « internats » ainsi qu'aux préfets et présidents de région et de départements. Ce document est accompagné d'un Cd-rom présentant une méthode de chiffrage rapide du coût de réhabilitation ou de construction d'internat de collège.

Des partenaires privés ont par ailleurs souhaité accompagner la démarche du ministère visant à relancer l'internat scolaire public. Un protocole d'accord a ainsi été signé en août 2001 entre le ministère et le groupe Pinault-Printemps-Redoute. Ce dernier a créé une association à but non lucratif, dénommée SolidarCité, dont l'objet est de promouvoir, soutenir et accompagner des actions d'intérêt général et d'utilité sociale, notamment dans les domaines de l'éducation, de la cohésion sociale et de la solidarité.

Cette association pourra participer à la réalisation de projets d'internats, présentés par les EPLE au recteur de l'académie et sélectionnés d'un commun accord dans le cadre de conventions avec ces établissements, en apportant son soutien sous forme d'aides individuelles ou collectives (soutien adapté, activités culturelles et sportives, sorties, transports, matériels...).

Evolution depuis 1970 de la part des internes dans le second degré

En  % en France métropolitaine

1970 1971

1980 1981

1990 1991

1995 1996

1996 1997

1997 1998

1998 1999

1999 2000

2000 2001

2001 2002

PUBLIC

11

6,8

5,3

4,4

4,3

4,3

4,2

4,1

3,6

4

PRIVE

22

13,4

9

7,4

7,1

6,9

6,8

6,4

6,2

6,1

PUBLIC + PRIVE

13,2

8,1

6,1

5

4,9

4,8

4,8

4,6

4,2

4,4

Nombre d'ensembles immobiliers et capacité d'accueil des internats par type d'établissement en 2001-2002

Effectif total d'élèves

Nombre d'ensembles immobiliers

Nombre d'ensembles immobiliers avec internat

%

Capacité totale des internats

Taux d'occupation des internats

LEGT

993 110

950

476

50,1 %

87 251

77,9 %

Collèges

2 404 763

4 688

249

5,3 %

14 903

55,0 %

Lycées professionnels

315 181

758

403

53,2 %

59 008

73,4 %

Cités scolaires

754 320

533

401

75,2 %

73 175

74,7 %

Total

4 467 374

6 929

1 529

22,1 %

234 337

74,3 %

Votre commission ne peut que se féliciter du développement de la formule des internats, notamment en collège, en s'interrogeant toutefois sur ses incidences financières pour les départements, en terme de construction et de rénovation et sur la participation éventuelle des conseils généraux au financement des personnels qui seront appelés à remplacer les actuels maîtres d'internat. A tout le moins, il conviendrait que les rôles et les responsabilités de chaque partenaire soient clarifiés.

Lors de son audition, le ministre délégué a rappelé que les capacités des internats existants étaient sous-utilisées, notamment dans les collèges ruraux, et estimé en conséquence que la participation des collectivités locales à l'objectif de doublement du nombre des internats ne devrait pas être considérable.

b) Le développement des dispositifs relais

Le développement des dispositifs relais représente un élément de la politique de lutte contre l'échec scolaire et la marginalisation sociale des jeunes.

(1) Les classes-relais

Instituées par la circulaire du 12 juin 1998, les classes-relais permettent un accueil temporaire adapté des collégiens en risque ou en situation de marginalisation scolaire et sociale. Ces dispositifs ont pour objet de réinsérer durablement ces élèves dans un parcours de formation générale, technologique ou professionnelle en les engageant simultanément dans des processus de resocialisation et de réinvestissement dans les apprentissages. Ils ont donc vocation à accueillir, au cours de l'année scolaire, des élèves issus de l'ensemble des divisions de collège.

Ces classes s'appuient sur un partenariat engagé par l'Etat (ministères de l'éducation nationale, de la justice, de la ville), les collectivités territoriales et le secteur associatif, en direction de publics en risque de marginalisation scolaire et sociale et de leurs familles.

250 classes relais ont fonctionné au cours de l'année 2001-2002 et ont accueilli près de 3 220 élèves. En moyenne, chacune d'entre elles reçoit 14 élèves au cours de l'année scolaire, et il est envisagé de doubler leur nombre sur la période 2002-2004.

Tout en étant convaincue de la nécessité d'une politique de prévention de la violence scolaire, votre commission tient à souligner l'efficacité aujourd'hui relative du dispositif des classes-relais et considère que le doublement de ces classes devrait s'accompagner d'un fonctionnement plus satisfaisant permettant aux élèves de réintéger le système de formation.

(2) Les ateliers-relais

A la rentrée scolaire 2002, des ateliers relais ont été mis en place pour compléter le dispositif des classes relais. Un projet de convention cadre est à l'origine des ateliers relais qui peuvent recevoir le concours des partenaires du monde associatif, notamment des mouvements d'éducation populaire 8 ( * ) .

Ces ateliers présentent de fortes analogies avec les classes-relais, tant en termes de public visé que d'effectifs et de contenu ; seul le partenaire change : les associations remplacent la PJJ qui compte trop peu de personnels pour le développement souhaité de la formule.

Destinés aux collégiens entrés dans un processus de rejet de l'institution scolaire, ces ateliers-relais, situés hors des locaux du collège, constituent une modalité temporaire de scolarisation obligatoire puisque la durée d'accueil sera limitée à 12 semaines. Le séjour en atelier-relais doit permettre la mise en oeuvre de stratégies de réconciliation scolaire et sociale. En deux ans, 140 ateliers-relais devraient être mis en place et une quinzaine d'entre eux pourraient être opérationnels à la rentrée scolaire 2002, notamment dans les académies inscrites au plan de lutte contre la violence.

Des crédits destinés à financer les dispositifs relais sont inscrits au projet de loi de finances pour 2003, à hauteur de 3,83 millions d'euros, au chapitre 43-80.

c) L'opération école ouverte

Le ministère chargé de l'éducation a lancé en 1991, avec le ministère chargé des affaires sociales et le fonds d'action social pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS), l'opération école ouverte.

Ce dispositif permet d'accueillir les élèves dans les collèges et les lycées pendant les vacances scolaires ainsi que les mercredis et samedis de l'année scolaire et leur propose des activités diversifiées aussi bien scolaires qu'éducatives, culturelles ou de loisirs. Sont concernés les établissements scolaires situés en ZEP, en zone urbaine sensible, les établissements sensibles, mais également les établissements proches de ces zones ou situés dans des communes qui connaissent des difficultés socio-économiques.

Ce dispositif s'inscrit dans un ensemble de mesures visant à lutter contre l'exclusion, favoriser la réussite scolaire, mieux intégrer les futurs citoyens issus notamment de familles défavorisées. Ouverte sur le quartier, cette opération participe à l'intégration sociale et scolaire des jeunes. L'expérience montre qu'elle modifie les relations entre jeunes et adultes et contribue à la lutte contre la violence en instaurant dans l'établissement scolaire un climat de confiance et des relations plus détendues.

L'école ouverte permet une socialisation, une réconciliation avec l'institution scolaire, une ouverture culturelle, et une responsabilisation des élèves. Elle permet également une intégration rapide dans le collège des futurs élèves de sixième en leur ouvrant l'accès aux activités culturelles, artistiques et aux nouvelles technologies.

L'opération s'est développée depuis dix ans : en 2001, près de 480 établissements se sont portés candidats pour 2 364 semaines d'ouverture dans 27 académies ; 65 600 élèves ont pu être accueillis et encadrés par 11 300 personnes volontaires ; en 2002, 514 établissements se sont portés candidats pour 2 623 semaines d'ouverture.

Elle fait appel à de nombreux partenaires qu'il s'agisse des services déconcentrés de l'État (culture, police...), d'associations ou des collectivités territoriales. Cette opération doit s'articuler avec les différents dispositifs locaux existants, par exemple dans le cadre des contrats éducatifs locaux.

Le dispositif bénéficie, actuellement, dans le cadre d'un partenariat interministériel, de financements du ministère de l'éducation nationale (10,74 millions d'euros), du ministère des affaires sociales (0,457 million d'euros), du travail et de la solidarité (0,229 million d'euros), du ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine (1,906 million d'euros), du FASILD (0,308 million d'euros). Il est devenu aujourd'hui un élément de la politique d'éducation prioritaire.

Dans le projet de loi de finances pour 2003, les crédits destinés à l'opération sont majorés de 10,1 millions d'euros, avec l'objectif de doubler en deux ans le nombre de semaines d'ouverture des établissements scolaires pendant les vacances (passage de 2 500 semaines à 5 000). En outre, une partie de ces nouveaux crédits sera consacrée à une revalorisation importante (+117%) de la rémunération des intervenants.

d) Les centres éducatifs fermés

L'article 22 de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice prévoit la mise en place d'établissements publics ou d'établissements privés habilités destinés à accueillir des mineurs de 13 à 18 ans placés sous contrôle judiciaire avant jugement, ou faisant l'objet d'un sursis avec mise à l'épreuve après jugement. Il précise qu'au sein de ces établissements, dénommés centres éducatifs fermés, les mineurs font l'objet de mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi pédagogique adapté à chaque jeune.

Les modalités pratiques de fonctionnement de ces centres n'étant pas arrêtées, votre rapporteur ne peut que formuler un certain nombre d'hypothèses quant à l'intervention du ministère de l'éducation nationale pour assurer le suivi des jeunes placés dans ces structures.

Afin d'assurer le suivi pédagogique de ces jeunes, le ministère de l'éducation nationale mettra à la disposition des centres un certain nombre d'enseignants, selon des modalités à préciser (un temps plein ou deux mi-temps par exemple) dans le cadre d'une convention signée avec le ministère de la justice. Ces personnels seront chargés de dispenser certains enseignements et de coordonner les activités pédagogiques relevant de l'enseignement à distance ou organisées à l'extérieur du centre.

Il serait souhaitable que la convention avec le ministère de la justice soit passée non seulement avec la direction de l'administration pénitentiaire mais également avec la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, afin de favoriser les partenariats locaux. Les éducateurs affectés dans les centres éducatifs fermés seront en effet des éducateurs de la PJJ.

Il est enfin probable que cette convention nationale conduira à la signature de conventions départementales dès la création du centre et la mise à disposition d'enseignants, afin de permettre d'emblée la constitution d'un réseau de partenariat local. Il pourrait s'agir aussi bien de structurer les relations avec la MIGEN ou les services pénitentiaires d'insertion et de probation, que de faire le lien avec des ressources locales comme les établissements socio-éducatifs.

Trois centres pilotes devraient ouvrir en décembre 2002, deux en Ile-de-France et un en région PACA, sous statut associatif. D'ici 2007, 600 places seraient ouvertes. En cas de non respect des mesures accompagnant leur placement dans un centre, les mineurs risquent d'être envoyés en prison.

e) La formation des jeunes détenus : des moyens insuffisants

On rappellera que sur une population de l'ordre de 50 000 détenus, 10 % en moyenne ont moins de 21 ans et 1,5 % moins de 18 ans.

L'enseignement dispensé aux mineurs détenus est assuré par des personnels enseignants de l'éducation nationale, mis à la disposition de l'administration pénitentiaire dans le cadre du dispositif organisé conjointement par le ministère chargé de l'éducation nationale et le ministère de la justice afin d'assurer aux mineurs et aux adultes détenus les meilleures chances de formation et de réinsertion professionnelle. L'organisation et les orientations générales de ce dispositif ont été réactualisées par une convention éducation nationale-justice du 29 mars 2002.

Les orientations spécifiques à l'enseignement aux mineurs et aux jeunes détenus sont fixées par une circulaire conjointe du ministère chargé de l'éducation nationale et du ministère de la justice du 25 mai 1998.

La forte progression du nombre des mineurs détenus a été l'une des principales raisons de l'augmentation, substantielle au cours des dernières années, du nombre d'emplois d'enseignants affectés à l'enseignement en milieu pénitentiaire. Ce critère a été déterminant dans les attributions de postes.

A titre d'exemple, les 7 postes supplémentaires créés à la rentrée 2001 ont tous été affectés à des établissements ayant un quartier mineur. A la rentrée 2002, 5 nouveaux emplois d'enseignants du premier degré seront créés, dont 3 seront affectés en quartier mineur.

On dénombrait en 2000, au total, 216 enseignants intervenant sur les quartiers mineurs contre 127 en 1999, soit une moyenne de 4,5 enseignants par site contre 2,5 en 1999. En 2000, le référent de l'enseignement pour les mineurs a assuré en moyenne 10 h 45 d'enseignement par semaine sur le quartier mineur contre 7 h 30 en 1999.

En dépit de ces progrès très relatifs, votre commission tient à rappeler que la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France 9 ( * ) a constaté au cours de ses visites dans 28 maisons d'arrêt, centres de détention et maisons centrales, que l'éducation nationale était insuffisamment présente auprès des jeunes détenus, y compris des mineurs qui sont soumis à l'obligation scolaire.

Les visiteurs de prison et les associations n'ont pas vocation à pallier en ce domaine les carences de l'éducation nationale.

f) La prévention de l'absentéisme scolaire
(1) L'obligation scolaire

L'assiduité aux enseignements obligatoires s'impose à tous les élèves, dès lors qu'ils sont inscrits dans un établissement d'enseignement : l'article L. 511-1 du code de l'éducation repris de l'article 10 de la loi d'orientation de 1989, mais aussi de la vénérable loi Ferry du 28 mars 1882, la définit comme l'une des obligations des élèves.

Le contrôle de la fréquentation et de l'assiduité scolaires est actuellement fixé par le décret du 18 février 1966, qui s'applique aux enfants de 6 à 16 ans, soumis à l'obligation scolaire. Les inspecteurs d'académie sont informés des manquements à l'assiduité. L'absentéisme injustifié doit faire l'objet par ailleurs d'un avertissement à la famille qui, s'il reste sans effet, peut conduire à l'application de sanctions. Au-delà de quatre demi-journées par mois d'absences non justifiées, les personnes responsables encourent une amende de 150 euros et la suspension ou la suppression des allocations familiales au titre de l'enfant concerné, disposition figurant au code de la sécurité sociale.

Le phénomène de l'absentéisme scolaire pose des problèmes essentiellement dans les établissements scolaires du second degré, quand il est caractérisé par la répétition d'absences volontaires sans justification. Il fait alors l'objet d'un suivi des chefs d'établissement qui doivent notamment rappeler aux parents leurs obligations éducatives, les sanctions que peuvent entraîner les manquements à l'assiduité et les mesures d'aide et de soutien dont ils peuvent bénéficier.

Le contrôle, le traitement et la prévention de l'absentéisme dans les établissements du second degré ont fait l'objet d'instructions ministérielles en 1996, demandant notamment à l'établissement de conduire une réflexion sur l'absentéisme qui s'y produit, afin de mettre en place des actions adaptées qui seront intégrées dans le projet d'établissement.

En cas d'absentéisme répété, le président du conseil général peut être saisi, afin qu'il évalue la situation des mineurs et des familles en difficulté et qu'il puisse leur apporter le cas échéant un soutien. En cas d'urgence ou de situations particulièrement inquiétantes, le chef d'établissement doit saisir le parquet, dans l'éventualité d'une procédure d'assistance éducative. Ces recommandations ont été rappelées dans le cadre d'une circulaire interministérielle en 1998.

Différents dispositifs ont été mis en place pour enrayer le phénomène d'absentéisme scolaire et pour favoriser la resocialisation et la réinsertion des jeunes en difficulté dans le système scolaire.

(2) Le programme NouvelleS ChanceS

Un programme de recherches partenarial -ministère de la justice, fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), délégation interministérielle à la ville et ministère de l'éducation nationale- a été lancé pour appréhender les difficultés des jeunes de moins de 16 ans qui ne sont plus scolarisés et les processus qui conduisent ces enfants ou ces adolescents à quitter ou à ne pas fréquenter le système scolaire.

Le programme NouvelleS ChanceS a pour objet de développer les dispositifs destinés à prévenir les sorties prématurées du système éducatif, la déscolarisation, voire la « non-scolarisation » des moins de 16 ans. Six sites pilotes s'attachent à repérer les jeunes déscolarisés, « les perdus de vue » encore sous obligation scolaire, et à leur proposer des modalités de réinsertion scolaire adaptées.

La typologie de ces « perdus de vue » montre qu'il s'agit notamment :

- d'élèves nouvellement arrivés de l'étranger, non identifiés ou en situation irrégulière ;

- d'enfants d'origine étrangère scolarisés un temps, puis retirés vers 12-13 ans des établissements scolaires pour travailler en famille ou dans des ateliers clandestins ;

- d'enfants du voyage ;

- d'élèves poly-exclus par décisions de conseils de discipline ;

- d'élèves qui ont fait l'objet d'orientations, notamment dans le cadre de l'adaptation et de l'intégration scolaire (AIS) : la durée de certaines procédures d'affectation ou l'inadéquation des solutions proposées par rapport aux besoins réels ou ressentis (refus de la part des parents, manque de place disponible...) peut conduire à une déscolarisation de fait ;

- d'élèves qui se sentent en danger en raison de la présence de bandes ou d'élèves de communautés rivales ;

- de jeunes délinquants en grande rupture sociale ou d'élèves « difficiles » que l'éducation nationale ne sait pas traiter.

Le risque de rupture apparaît plus fréquent lors du passage maternelle/élémentaire, fin du CM2/entrée en 6 ème ou entre le collège et le lycée ainsi qu'au lycée professionnel.

Ces programmes s'insèrent dans un ensemble dispositif plus vaste :

- une évaluation par la DPJJ -avec l'assistance technique de la DPD- d'une première évaluation de la situation et de la « trajectoire » de jeunes repérés comme déscolarisés ;

- les dispositifs relais, qui participent également de la politique de lutte contre l'échec scolaire et la marginalisation sociale ;

- les cellules de veille éducative, créées en application de la circulaire du 21 février 2002 dans chaque commune ayant conclu un contrat de ville : ces cellules doivent permettre de mobiliser et de coordonner les intervenants éducatifs et sociaux, les professionnels de l'insertion et de la santé mais aussi les parents et les élus, dans le respect des compétences et des responsabilités de chacun pour repérer les jeunes en rupture ou en voie de rupture scolaire et leur proposer une solution éducative et d'insertion.

La veille éducative est assurée sous l'autorité du maire, une cellule d'appui départementale étant chargée de la coordination et du suivi sur l'ensemble du département : ces actions peuvent être financées au titre de la politique de la ville.

(3) Le retrait du projet d'amende parentale pour absentéisme scolaire

Le ministre de l'intérieur a indiqué le 1 er octobre dernier que le projet de loi sur la sécurité intérieure ne comporterait pas d'article instituant, comme il avait été envisagé, une amende parentale de 200 euros dans le cadre de la lutte contre l'absentéisme scolaire.

Dans le même temps, un groupe de travail a été installé par le ministre délégué à la famille pour étudier les moyens de réduire cet absentéisme, qui serait de l'ordre de 30 % dans certains quartiers selon le ministre de l'intérieur.

Ce groupe interministériel sur les « manquements aux obligations scolaires », pilotés par le délégué interministériel à la famille Luc Machard, devrait rendre ses conclusions et ses propositions à la fin 2002.

Votre commission estime que l'amende parentale en cas d'absentéisme scolaire ne saurait être envisagée que comme un ultime recours et qu'il convient plutôt de s'interroger sur les raisons qui poussent les jeunes à bouder le système scolaire, souvent faute de parcours adapté, et de responsabiliser les parents , les élèves et les enseignants.

Elle rappellera à cet égard que le dispositif de suspension des allocations familiales en vigueur depuis 1959, défini à l'article D.552-4 du code de la sécurité sociale 10 ( * ) est peu appliqué puisque, d'après la CNAF, 9 000 décisions de suspension de l'allocation scolaire d'un enfant trop absent seraient prises chaque année, sur signalement de l'inspection académique et après alerte et avertissement préalables aux parents ; la caisse nationale indique que la durée moyenne de suspension est de 2,5 mois et estime que la mesure est généralement efficace.

Lorsqu'elle avait été conduite à examiner la proposition de loi sénatoriale qui a abouti à la loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire, afin de prévenir la scolarisation d'enfants dans des établissements de caractère sectaire, votre commission avait constaté que les inspecteurs d'académie répugnaient à signaler les manquements à cette obligation, du fait notamment que les allocations familiales sont censées compenser le coût d'entretien de l'enfant.

g) Un nouveau dispositif de recensement des actes de violence en milieu scolaire

Un nouveau logiciel, dit SIGNA a été mis en place à la rentrée scolaire 2000 pour couvrir l'ensemble des EPLE publics et des circonscriptions du premier degré. Ce nouveau logiciel est conçu pour être d'abord un instrument de recueil de données sur les actes graves de violence qui se produisent dans les écoles et établissements publics.

Pour la dernière année écoulée, 81 362 incidents ont été signalés dans 7 859 collèges et lycées, 14 000 incidents ayant touché les professeurs, soit 3,5 % du corps enseignant 11 ( * ) .

Si la violence scolaire ne semble pas avoir augmenté de manière spectaculaire d'une année sur l'autre, la gravité des actes commis s'est accentuée : selon les statistiques de la sécurité publique, le racket dans les établissements aurait progressé de 7 % en 2001 et les agressions sexuelles de 6,8 % ; à Paris, la préfecture de police a recensé en 2001, 1 651 faits graves avec une hausse de 40 % du racket et de 5 % des violences avec armes.

Les actes de violence scolaire

1

Violences physiques sans arme

27,28 %

2

Insultes ou menaces graves

23,43 %

3

Vol ou tentative

11,17 %

4

Dommages aux locaux

3,94 %

5

Autres faits graves

3,79 %

6

Racket ou tentative

2,92 %

7

Tags

2,67 %

8

Jets de pierres ou autres projectiles

2,66 %

9

Intrusion de personnes étrangères à l'établissement

2,54 %

10

Fausse alarme

2,33 %

11

Violences physiques avec arme

2,27 %

12

Dommages aux véhicules

2,08 %

13

Consommation de stupéfiants

1,97 %

14

Violences physiques à caractère sexuel

1,73 %

Autres incivilités (tentative d'incendie, injures racistes...)

9,22 %

Source : ministère de l'éducation nationale année scolaire 2001-2002

Les violences physiques et les insultes ou menaces représentent la moitié des incidents signalés par les établissements.

81 362 incidents graves ont été recensés dans le collèges et lycées. Mais seuls 75 % des établissements ont transmis leurs données.

Evénements déclarés

Lycées

11 134

Lycées professionnel

11 608

Collèges

57 570

EREA (établissements régionaux d'enseignement adapté)

1 050

81 362

Source : ministère de l'éducation nationale année scolaire 2001-2002

(1) Les actes de violences recensés dans le second degré

Le recensement des faits de violence au cours de la période septembre 2001-avril 2002 montrent qu'en moyenne, 40 % des établissements ne déclarent aucun incident, et que le nombre moyen d'incidents pour 1 000 élèves est légèrement supérieur à cinq.

On constate par ailleurs une forte concentration des incidents sur un petit nombre d'établissements : le volume d'incidents déclarés par 8 % des établissements représente 45 % du total, les actes les plus fréquents étant les violences physiques sans arme, les insultes ou menaces graves et les vols.

Les violences physiques sans arme représentent entre 25 % et 30 % des incidents ; viennent ensuite, avec une fréquence légèrement inférieure les insultes ou menaces graves, puis les vols ou tentatives, qui comptent pour environ 10 % des actes. Les ports d'arme à feu et les suicides restent des actes exceptionnels.

Les élèves sont auteurs de ces incidents dans 80 % des cas et le sont plus souvent encore (9 fois sur 10) pour les violences physiques sans arme et les insultes ou menaces graves. Ils ne sont auteurs des vols, que 6 fois sur 10 environ, la part des auteurs non identifiés pour cette infraction étant de plus d'un tiers. Outre les vols, les tags, les dommages aux véhicules et les incendies sont les incidents dont l'auteur reste le plus souvent inconnu.

Les personnes extérieures à l'établissement (coupables d'environ 5 % des actes) sont plus souvent auteurs de rackets, forme aggravée de vol, que de vols simples, et aussi plus souvent de violences physiques avec arme que de violences physiques sans arme. Dans le second degré, les familles d'élèves ne sont auteurs d'incidents graves que dans 1,5 % des cas.

Les élèves sont victimes de la moitié des incidents, soit deux fois plus que les personnels. Les élèves sont surtout victimes de violences physiques sans arme (90 % d'élèves victimes), beaucoup plus que d'injures ou de menaces (20 % d'élèves victimes), auxquelles les personnels sont davantage exposés.

Lorsqu'un élève est victime d'une atteinte à la personne, il s'agit dans 25 % des cas d'une fille, mais cette proportion se monte à près de 80 % pour les atteintes sexuelles.

Un acte signalé sur cinq se produit à l'extérieur de l'établissement.

La moitié des actes signalés ont lieu dans la cour de récréation et la salle de cours et 10 % des actes signalés se produisent aux abords de l'établissement.

Près de la moitié des incidents donnent lieu à une mesure alternative au conseil de discipline.

Seuls 5 % des actes font l'objet d'une procédure devant le conseil de discipline d'établissement tandis que le recours au conseil départemental est pratiquement inexistant.

Un acte de violence sur quatre est signalé à la police, 8 % sont signalés à la justice et 3 % aux services sociaux.

(2) Les actes de violence recensés dans le premier degré

Le nombre d'actes signalés dans le premier degré est de 20 à 30 fois inférieur, selon les périodes, à ce qu'il est dans le second degré. Sur les 53 000 écoles, entre 400 et 800 d'entre elles signalent au moins un incident au cours d'une période donnée ; on peut estimer grossièrement qu'il se produit dans le premier degré un incident tous les deux mois pour une population scolaire comprise entre 50 000 et 100 000 élèves.

Les insultes ou menaces graves et les violences physiques sans arme sont les deux incidents les plus répandus, comme dans le second degré, mais à la différence de celui-ci, les élèves sont relativement nettement moins souvent auteurs (dans 40 % des cas seulement), les familles étant impliquées dans 30 % des actes.

Les personnels apparaissent globalement aussi exposés que les élèves, mais ils le sont surtout aux insultes ou menaces graves ils représentent dans ce cas 80 % des victimes, alors qu'ils constituent « seulement » un tiers des victimes des violences physiques sans arme.

La moitié des actes donne lieu à un signalement à la police ou à la justice et les service sociaux sont alertés dans un cas sur dix environ.

* 8 Les centres d'entraînement aux méthodes de l'éducation active (CEMEA) et les FRANCAS

* 9 Prisons : une humiliation pour la République n°449 (1999-2000)

* 10 « Lorsque les manquements à l'obligation scolaire, constatés au cours de trois mois ou plus, auront atteint au moins la durée de quatre demi-journées dans le mois (...) les prestations familiales afférentes à l'enfant en cause ne sont dues pour aucun des mois au cours desquels l'assiduité n'a pas été effective »

* 11 Un certain nombre d'enseignants ayant été victimes de plusieurs incidents, leur nombre est sans doute supérieur.

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