2. Des perspectives difficiles
Malgré sa forte position en Europe, DCN est confrontée à une situation difficile depuis une dizaine d'année du fait de la diminution du plan de charge et de ses difficultés structurelles à moderniser sa gestion.
. Une forte diminution des commandes nationales et du plan de charge des établissements
DCN a dû faire face au cours de la dernière décennie à la chute de son chiffre d'affaires de l'ordre de 40 % . Durant cette période, l'activité de construction neuve au profit de la marine française a été divisée par deux et l'entretien des bâtiments de la flotte s'est à peine maintenu.
Il faut en effet rappeler que depuis dix ans notre pays a sensiblement réduit son effort de défense et le format de ses armées. Le nombre des bâtiments de la Marine a été réduit de 20 %, conduisant à mettre en difficulté plusieurs établissements de DCN, les commandes nationales n'étant plus suffisamment nombreuses et régulières pour assurer un plan de charge normal.
Presque tous les établissements sont concernés . La Cour des comptes, dans son rapport sur les industries d'armement de l'Etat en date d'octobre 2001, met en exergue la sous-activité chronique de celui de Saint-Tropez qui est resté longtemps inactif dans l'attente de la fabrication des torpilles MU 90 et qui risque de connaître de nouvelles difficultés si le lancement d'un programme de torpilles lourdes n'était pas décidé pour remplacer la F 17. L'établissement de Brest , qui conserve une importante activité d'entretien, ne dispose plus d'un volume suffisant de constructions neuves, aucun projet de second porte-avions ne venant garantir son avenir à moyen terme. De même, l'établissement de Cherbourg , qui n'avait jusqu'à présent jamais connu de difficultés en la matière, doit s'adapter au nouveau format de la Marine. Le nombre des SNLE de nouvelle génération a été réduit à 4, et celui des sous-marins d'attaque à 6 sous-marins nucléaires. La charge de travail représentée par la construction et l'entretien de ces bâtiments, deux SNLE-NG étant déjà en service, ne suffira pas à maintenir l'activité. La conquête de marchés à l'exportation grâce à la vente des sous-marins Scorpène construits en collaboration avec l'espagnol Izar est indispensable.
. L'apport limité de l'exportation et de la diversification
Confrontée à la baisse de son plan de charge, DCN a cherché à gagner des parts de marché à l'exportation. Elle a poursuivi cet effort dans trois domaines : la construction neuve (sous-marins et frégates), l'entretien et la diversification.
Or, il apparaît que cette démarche n'a pas toujours été profitable pour l'entreprise et a mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements internes.
Les principaux contrats à l'exportation ont porté sur la vente de frégates de type La Fayette à trois pays. Le contrat « Bravo » conclu en décembre 1991 avec Taïwan portait sur six frégates qui ont été livrées entre 1996 et 1998. Le bénéfice prélevé par l'Etat, en 1997, pour cette opération a été de 0,21 milliard d'euros. Le contrat « Sawari II » conclu avec l'Arabie Saoudite porte sur trois frégates actuellement en construction et livrables en 2002 et 2003. Enfin, le contrat « Delta » signé en mars 2000 avec Singapour porte sur six bâtiments dont un seul construit en totalité en France.
D'autre part, DCN est parvenue à pénétrer le marché des sous-marins, jusqu'à présent détenu en totalité par ses concurrents allemands, britanniques et américains. Un contrat, portant sur trois sous-marins de type Agosta 90 B, a été conclu avec le Pakistan en 1994. Un seul sous-marin, livré en 1999, a été construit en totalité en France. Les deux autres font l'objet de transferts de technologies, ce qui pose de nombreuses difficultés pratiques. Aujourd'hui, la Cour des comptes estime que ce contrat pourrait provoquer une perte de l'ordre de 20 % de son montant. Le contrat avec le Chili porte sur deux sous-marins de type Scorpène. Il a été signé en 1997. Ces sous-marins seront construits avec l'espagnol Izar, 2/3 environ de la charge de travail revenant à DCN. Dans l'état actuel du programme il n'est pas certain que DCN soit bénéficiaire.
Ces deux programmes de sous-marins ont illustré les difficultés de DCN à évaluer et maîtriser les coûts d'un grand programme d'équipement, comme à financer et rentabiliser un développement, à ses propres frais, de tout ou partie d'un bâtiment nouveau. Pour les sous-marins Agosta, la mise au point du système de propulsion anaérobie « MESMA » aura coûté 23,63 millions d'euros et l'ensemble du développement du Scorpène entre 53 et 76 millions d'euros
DCN a également cherché à obtenir des contrats d'entretien de navires étrangers. La Cour des comptes a ainsi relevé qu'en raison de l'incapacité de DCN à évaluer ses propres coûts et l'ampleur du travail à réaliser, le contrat d'entretien « Mouette » de huit bâtiments de la marine saoudienne s'était soldé pour DCN par une perte de 174,1 millions d'euros, soit 34,5 % du montant du contrat.
Enfin, les tentatives de diversification des établissements locaux (porte-écluse à Lorient et plates-formes de forage à Brest) n'ont permis d'atteindre aucun des objectifs de départ. Elles ont en effet entraîné des pertes financières et n'ont pas permis à DCN de développer durablement un nouveau secteur d'activité.