II. LA SITUATION DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
A. L'ÉVOLUTION DE LA POPULATION CARCÉRALE
Au
1
er
janvier 2001, 47.837 personnes étaient
détenues en France (49.718 le 1er juillet) contre 51.441 au
1er janvier 2000.
Le nombre de détenus a donc
continué à diminuer, mais plus sensiblement que les années
précédentes.
Le nombre de prévenus est passé de 18.100 à 16.107 entre
le 1
er
janvier 2000 et le
1
er
janvier 2001, alors même que la loi
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes n'est entrée en vigueur qu'à cette
dernière date. Le nombre de prévenus a encore diminué au
cours de la première moitié de l'année pour
s'établir à 14.945 au 1
er
juillet 2001.
Evolution du nombre de prévenus et de
condamnés
(1991-2001)
(métropole et départements
d'outre-mer)
Compte tenu de la diminution du nombre de détenus observée depuis
1996, le taux d'occupation des établissements pénitentiaires a
diminué pour s'établir à 103 % au
1
er
juillet 2001 contre 107 % au
1
er
juillet 2000 et 118 % au
1
er
juillet 1999.
Ces chiffres masquent cependant des disparités très fortes.
Ainsi, au 1
er
janvier 2001, le taux d'occupation
atteignait 223,8 % au centre pénitentiaire de Faa'a Nutania en
Polynésie française, 205,4 % à la maison
d'arrêt de La Roche sur Yon, 198,6 % à la maison
d'arrêt de Toulon, 196,9 % à la maison d'arrêt de
Carcasonne...
Si le nombre de détenus a diminué, la durée moyenne de
détention a de nouveau légèrement augmenté,
après s'être stabilisée l'année dernière,
pour passer de 8,1 mois à 8,7 mois.
B. QUELLE LOI PÉNITENTIAIRE ?
Au cours de l'année qui s'achève, le Sénat a adopté une proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements publicitaires. Le Gouvernement s'est quant à lui engagé dans l'élaboration d'un projet de loi qui pourrait être prochainement présenté au conseil des ministres.
1. La proposition de loi sénatoriale
A la
suite des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur les
conditions de détention dans les établissements
pénitentiaires, nos excellents collègues MM. Jean-Jacques
Hyest et Guy-Pierre Cabanel ont déposé une proposition de loi
destinée à mettre en oeuvre les propositions de la commission
d'enquête qui relevaient du domaine législatif.
Le Sénat a inscrit à son ordre du jour et adopté en
avril 2001 cette proposition de loi, qui prévoyait en
particulier :
- l'obligation d'affecter en établissements pour peines les
condamnés à plus d'un an d'emprisonnement ;
- une mesure de suspension de peine pour les condamnés atteints d'une
maladie mettant en jeu le pronostic vital ;
- une réforme du régime disciplinaire des détenus ;
- la création d'un contrôleur général des prisons.
Cette proposition de loi, qui aurait permis la mise en oeuvre rapide de mesures
utiles, n'a pas été inscrite à l'ordre du jour de
l'Assemblée nationale.
2. Le projet de loi en cours d'élaboration
Le
Gouvernement a souhaité élaborer un projet de loi
pénitentiaire redéfinissant le sens de la peine et les missions
de l'administration pénitentiaire. Après un travail de plusieurs
mois effectué au sein d'un conseil d'orientation stratégique, un
avant projet a récemment été présenté, la
ministre annonçant son intention de
déposer un projet de loi
sur le Bureau du Sénat au début de l'année 2002.
L'avant projet de loi prévoit en particulier de redéfinir, dans
le code pénal, le
sens de la peine
. Il serait ainsi
précisé dans ce code que «
La nature et le
régime des peines prononcées par les juridictions (...) doivent
être choisis en fonction des circonstances de l'infraction ainsi que de
la personnalité et de la situation de son auteur, de manière
à concilier la protection effective de la société, la
punition du condamné et, le cas échéant, les
intérêts de la victime, avec la nécessité de
favoriser l'amendement du condamné et de préparer sa
réinsertion. »
Le recours aux peines privatives de liberté ne serait possible que s'il
constituait
l'unique moyen de parvenir aux objectifs
énumérés
.
L'avant projet de loi contient plusieurs mesures destinées à
limiter les incarcérations :
- création d'une peine consistant en un
« stage de
formation civique
» ;
- suppression des interdictions de
cumul entre les différentes peines
alternatives à l'incarcération
;
- extension des possibilités d'
ajournement de la pein
e ;
- modification des conditions de
remise en cause des périodes de
sûreté
.
Le texte prévoit également, conformément à la
proposition de loi adoptée par le Sénat, une mesure de
suspension de peine pour les condamnés atteints soit d'une maladie
mettant en jeu le pronostic vital soit d'une maladie durablement incompatible
avec le maintien en détention
.
En ce qui concerne l'organisation de l'administration pénitentiaire,
l'avant projet de loi prévoit notamment un nouveau système de
classement et d'affectations des détenus :
- les
maisons d'arrêt départementales
recevraient, comme
actuellement, les prévenus et les personnes devant effectuer un reliquat
de peine inférieur à un an. Les
maisons d'arrêt
régionales
accueilleraient les prévenus les plus dangereux et
ceux dont la personnalité justifie un suivi particulier ;
- en ce qui concerne les établissements pour peines, la classification
ne reposerait plus sur le quantum de peine des condamnés.
Les
centres pour peines aménagées
accueilleraient les
condamnés dont la peine est aménagée en vue de leur
préparation à la sortie et les condamnés pour lesquels il
existe un projet largement engagé de réinsertion. Par ailleurs,
des
centres nationaux de détention
seraient dotés des
moyens humains et matériels permettant d'assurer un suivi particulier
des condamnés, au regard de la gravité des faits
reprochés, de leur personnalité ou de leur comportement en
détention. Enfin, des
centres de détention
accueilleraient
les condamnés n'entrant pas dans les deux catégories
précédemment mentionnées.
L'avant projet de loi prévoit également une redéfinition
des missions des personnels qui seraient chargés :
- d'exercer les
prérogatives de puissance publique
que commande
le contrôle des détenus dans les conditions prévues par
l'autorité judiciaire ou la sécurité des personnes et des
biens au sein des établissements ;
- d'assurer aux personnes placées sous la garde de l'administration
pénitentiaire l'ensemble des
prestations nécessaires à
leur vie quotidienne
;
- de garantir leur
accès aux dispositifs d'insertion
de droit
commun ou mis en oeuvre au sein des établissements et d'accompagner les
personnes qui leur sont confiées dans leur projet individuel
d'exécution de la peine et de préparation à la sortie.
Une part importante de l'avant projet de loi est consacrée aux
conditions de détention et à l'affirmation des droits
fondamentaux de la personne détenue :
- information et accès au droit ;
- vie privée et maintien des liens familiaux ;
- santé des personnes détenues ;
- travail des détenus ; le texte envisage notamment la signature
d'un contrat de travail entre l'administration pénitentiaire et le
détenu ainsi qu'une rémunération minimale de ce dernier au
moins égale à 50 % du SMIC horaire.
Les conditions d'exercice de certaines
mesures de contrainte
à
l'égard des détenus, qu'il s'agisse du placement à
l'isolement ou en quartier disciplinaire ainsi que des fouilles, seraient
redéfinies.
Enfin, l'avant projet de loi comporte un titre consacré au
contrôle extérieur des établissements
pénitentiaires
, qui prévoit notamment la création d'un
contrôleur général des prisons conformément aux
recommandations du groupe de travail sur le contrôle extérieur des
établissements pénitentiaires présidé par
M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation et au
texte voté par le Sénat.
Le Sénat examinera naturellement avec la plus grande attention les
évolutions proposées dans le futur projet de loi. Votre
rapporteur pour avis regrette cependant que le Gouvernement ait choisi,
à la suite des travaux des commissions d'enquête parlementaires,
de concentrer exclusivement son action sur un texte de loi dont
l'élaboration et la discussion nécessitent des délais
importants.
Un grand nombre de mesures réglementaires
préconisées par la commission d'enquête du Sénat
auraient pu être immédiatement mises en oeuvre sans qu'il soit
besoin de recourir à la loi
.
En tout état de cause, compte tenu des priorités
établies pour l'ordre du jour par le Gouvernement, il est illusoire de
penser que le futur projet de loi pourrait être adopté avant
l'achèvement de la législature. Et effectuer une première
lecture au Sénat n'aurait qu'un effet d'affichage puisque, transmis
à l'Assemblée nationale, le projet de loi y deviendrait caduque
à la fin de la législature comme la proposition de loi
adoptée par le Sénat dont le Gouvernement et l'Assemblée
nationale ont refusé de se saisir.
C. LA MISE EN oeUVRE DES RÉFORMES
1. Le placement sous surveillance électronique
La loi
consacrant le placement sous surveillance électronique comme
modalité d'exécution des peines privatives de liberté a
été adoptée à l'initiative du Sénat le
17 décembre 1997. La loi du 15 juin 2000 renforçant la
protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a
étendu le dispositif aux personnes susceptibles d'être
placées en détention provisoire.
Alors que le développement des alternatives à
l'incarcération est souvent mis en avant comme moyen de prévenir
la récidive, il a fallu attendre novembre 2000 pour que débute
une expérimentation du placement sous surveillance électronique
dans quatre sites pilotes (Loos-les-Lille, Agen, Grenoble et Luynes).
Au 1
er
juillet 2001,
cinquante et une personnes
, dont six
femmes, avaient été ou étaient placées sous
surveillance électronique. Le quantum de peine était pour
vingt-six d'entre eux inférieur à six mois et pour vingt-cinq
supérieur ou égal à six mois. Trois retraits de la mesure
ont été enregistrés : un pour inobservation des
obligations mentionnées à l'article 132-45 du code pénal
(exercice d'une activité professionnelle, suivi d'une formation...),
deux pour inobservation des conditions d'exécution constatée au
lieu de l'assignation.
Après la première phase expérimentale, la ministre de la
justice a retenu cinq nouveaux sites, s'ajoutant aux précédents,
pour poursuivre l'expérimentation : la maison d'arrêt
d'Angers, la maison d'arrêt de Béziers, la maison d'arrêt de
Colmar, la maison d'arrêt de Dijon et la maison d'arrêt d'Osny.
Toutes les directions régionales de métropole auront ainsi au
moins un site équipé. La pose des premiers bracelets sur les
nouveaux sites a débuté le 1
er
novembre dernier.
A la lumière d'un nouveau bilan, l'expérimentation pourrait
être étendue à une quinzaine de nouveaux sites en 2002 pour
une période d'un an et demi environ. La généralisation de
la mesure serait engagée de manière progressive.
Votre rapporteur pour avis souhaite qu'une approche volontariste soit
privilégiée au cours des prochains mois. Comme il le soulignait
déjà l'année dernière,
l'expérimentation
ne peut permettre de tirer des enseignements que si elle porte sur un nombre de
cas suffisamment important. Il est regrettable que le décret
d'application de la loi ne soit pas paru, empêchant en particulier
l'utilisation du bracelet électronique comme alternative à la
détention provisoire.
2. La juridictionnalisation de l'application des peines
La loi
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes a profondément modifié les règles du
code de procédure pénale relatives à l'application des
peines.
Le code de procédure pénale prévoit désormais que
les décisions relatives aux mesures de placement à
l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et de suspension
des peines, de libération conditionnelle doivent être prises
après un débat contradictoire au cours duquel le condamné
peut être assisté par un avocat.
En ce qui concerne la
libération conditionnelle
, le
législateur a étendu les compétences du juge de
l'application des peines - qui ne concernaient jusqu'alors que les peines
d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à
cinq ans - aux peines inférieures ou égales à dix ans
ainsi qu'aux peines dont la durée restant à subir est
inférieure à trois ans.
Les décisions de libération conditionnelle concernant des
condamnés à de longues peines, qui relevaient auparavant du garde
des sceaux, ont été confiées à des juridictions
régionales de la libération conditionnelle, une juridiction
nationale de la libération conditionnelle étant compétente
en appel.
Le législateur, à l'initiative du Sénat, a
également élargi les critères généraux de la
libération conditionnelle. Il a ainsi précisé que les
efforts sérieux de réinsertion sociale du condamné
(auparavant interprétés comme impliquant une promesse d'embauche)
pouvaient notamment résulter de l'exercice d'une activité
professionnelle, de l'assiduité à un enseignement ou à une
formation professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire en vue de son
insertion sociale, de sa participation essentielle à la vie de famille,
de la nécessité de suivre un traitement, enfin de ses efforts
pour indemniser les victimes.
L'entrée en vigueur de l'ensemble de ces mesures était
prévue le 1
er
janvier 2001, mais, à la demande du
Gouvernement,
le législateur, par la loi du 30 décembre 2000,
a repoussé au 16 juin 2001 l'entrée en vigueur des dispositions
portant sur les mesures juridictionnalisées relevant du juge de
l'application des peines
, afin d'attendre l'arrivée dans les
cabinets des juges de l'application des peines des nouveaux greffiers dont la
formation s'achevait dans le courant du deuxième trimestre 2001. Un
régime transitoire a fonctionné entre le 1
er
janvier
et le 16 juin 2001.
La localisation des débats contradictoires au sein des
établissements pénitentiaires a nécessité des
aménagements des locaux qui ont été financés par
les crédits de fonctionnement délégués aux
directions régionales de l'administration pénitentiaire.
Un décret du 14 juin 2001 a prévu le barème de
l'intervention de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle.
Compte tenu du report de l'entrée en vigueur d'une partie de la
réforme, il est encore trop tôt pour disposer de statistiques
fiables sur l'évolution des mesures de libération conditionnelle
depuis la mise en oeuvre des nouvelles dispositions.
3. La participation de l'avocat à la procédure disciplinaire
La loi
du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec
l'administration a eu pour conséquence, aux termes d'un avis du Conseil
d'Etat, de
permettre aux détenus d'être assistés par un
conseil au cours des procédures disciplinaires dont ils font
l'objet
.
Une
circulaire du 31 octobre 2000 relative à la procédure
disciplinaire
applicable aux détenus est venue préciser les
modalités concrètes de la mise en oeuvre au profit des
détenus comparaissant devant la commission de discipline des garanties
instituées par la loi du 12 avril 2000.
La circulaire prévoit notamment la communication au détenu et
à son avocat du rapport d'incident et du rapport d'enquête
élaborés dans le cadre de la procédure disciplinaire.
Le détenu doit pouvoir, en cas de nécessité,
bénéficier d'un interprète non plus seulement devant la
commission de discipline, mais également pendant la procédure
préparatoire, en particulier lors de l'entretien avec son avocat.
En ce qui concerne le choix du mandataire, le Conseil d'Etat a
considéré que la mise en oeuvre de ce droit pouvait être
légalement subordonnée à la condition que, si elle n'a pas
la qualité d'avocat, la personne qui assiste ou représente le
détenu soit choisie parmi des personnes préalablement
agréées par l'administration pénitentiaire. La circulaire
du 31 octobre 2000 a précisé les modalités de
désignation des mandataires par les détenus faisant l'objet d'une
procédure disciplinaire en instituant une
procédure
d'agrément
similaire à celle applicable aux candidats
visiteurs de prison.
Un article rattaché au projet de loi de finances pour 2002 étend
l'
aide juridictionnelle
à l'assistance aux détenus devant
les conseils de discipline.
Votre rapporteur pour avis avait constaté lors des visites conduites
l'an dernier que la perspective de voir les avocats participer à la
procédure disciplinaire suscitait l'inquiétude des personnels.
Après une année d'application, il semble que cette
procédure se déroule dans de bonnes conditions, aucune critique
de cette réforme n'ayant été émise lors des visites
et auditions de votre rapporteur.
D. LES PERSONNELS
En 2001,
l'effectif budgétaire du personnel de l'administration
pénitentiaire est de 26.233 agents ainsi répartis :
- 20.529 personnels de surveillance ;
- 2.320 personnels administratifs ;
- 1.577 personnels d'inseriton et de probation ;
- 529 personnels de service social ;
- 674 personnels techniques ;
- 356 personnels de direction ;
- 155 contractuels.
Le projet de budget prévoit la création de 1.525 emplois
après la création de 530 emplois en 2001 et de 386 emplois en
2000.
Le nombre de créations de postes est donc très important. Il ne
permettra pourtant pas de faire face aux besoins.
A compter du 1
er
janvier 2002, la
loi relative à
l'aménagement et à la réduction du temps de travail
s'appliquera à l'administration pénitentiaire. Aussi, parmi
les emplois dont le projet de loi de finances prévoit la
création, 700 emplois de personnels de surveillance seront-ils
intégralement utilisés pour la mise en place de la
réduction du temps de travail. Encore ces emplois ne suffiront-ils pas
pour appliquer la loi dès le 1
er
janvier 2002.
Lors de son audition par votre commission des Lois, la ministre de la justice a
reconnu qu'aucun accord n'avait encore été trouvé avec les
organisations professionnelles. Elle a également précisé
qu'«
il n'y aurait pas un personnel suffisant pour faire face
à cette réforme dès le
1
er
janvier 2002 et qu'il faudrait en
conséquence recourir aux heures supplémentaires
».
Elle a indiqué que
, « pour les personnels assurant des
fonctions en détention, l'objectif était d'atteindre en 2004 un
temps de travail hebdomadaire de trente-trois
heures sur un cycle
de treize semaines ».
Elle a estimé
« normal
qu'une application différenciée de la réduction du temps
de travail soit prévue en fonction de la plus ou moins grande
dureté du travail
».
L'ensemble des organisations rencontrées par votre rapporteur pour avis
ont dénoncé
l'absence d'anticipation de la réduction du
temps de travail
, qui pourrait conduire à d'importantes
difficultés de fonctionnement des établissements
pénitentiaires au début de l'année 2002.
Par ailleurs, à compter du 1
er
janvier 2002, en application
d'une décision du Conseil de sécurité intérieure de
1999, l'ensemble des
extractions et escortes de détenus consultants
médicaux
seront assurées par l'administration
pénitentiaire et non plus par la police ou la gendarmerie. Le nombre de
personnels nécessaires à la mise en oeuvre de cette mission a
été évalué à 400 environ. Or, quarante-six
emplois ont été créés par la loi de finances pour
2001 et cinquante créations d'emplois sont prévues à ce
titre dans le projet de loi de finances pour 2002...
Enfin, 276 emplois ont vocation à faire face à l'
ouverture de
nouveaux établissements pénitentiaires
au cours des
années à venir.
Dans ces conditions,
les créations de postes prévues,
impressionnantes en apparence, ne permettront pas de combler les manques de
personnel constatés dans les établissements, encore moins
d'améliorer les conditions de détention.
Au cours des auditions qu'il a conduites, votre rapporteur a pu constater le
malaise particulièrement fort des
personnels administratifs et des
personnels techniques
, qui ont le sentiment d'être les parents
pauvres de l'administration pénitentiaire. Ces corps ne semblent
guère attirer de candidats au regard du statut offert, de sorte que les
postes sont de plus en plus difficiles à pourvoir et qu'il est
fréquent de voir des postes administratifs et techniques occupés
par des personnels de surveillance, ce qui ne constitue pas le meilleur moyen
de gérer efficacement un établissement.
E. LA SÉCURITÉ EN QUESTION
Au cours
de l'année qui s'achève, des évasions ou tentatives
d'évasion particulièrement spectaculaires ont mis en
évidence les insuffisances du système pénitentiaire
français en ce domaine.
Ainsi, le 27 mai, s'est déroulée à la maison
d'arrêt de Fresnes une tentative d'évasion suivie de la prise en
otage de trois agents. D'autres évasions, dont deux par
hélicoptère, se sont déroulées à Lyon,
Draguignan et Borgo.
Nombre
d'évasions depuis 1997
Année |
Nombre d'évasions |
Nombre
|
1997 |
18 |
31 |
1998 |
16 |
19 |
1999 |
25 |
31 |
2000 |
34 |
41 |
2001
|
15 |
19 |
Le
18 octobre dernier, à la demande de
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux,
M. Jean-Marc Chauvet, directeur régional des services
pénitentiaires de Paris, a rendu un
rapport sur la
sécurité des établissements pénitentiaires et des
personnels
.
Ce rapport dresse un constat assez inquiétant de la situation actuelle,
notamment en ce qui concerne les évasions par
hélicoptères :
«
A la suite de ses déploiements dans quatre pays de
l'Union européenne ainsi qu'après avoir pris des renseignements
dans différents autres pays (Etats-Unis, Australie, Canada, Hong-Kong),
le groupe de travail a conclu à la spécificité de la
France en matière d'évasion par hélicoptère.
«
En Espagne, en Italie et en Allemagne, le
phénomène semble inexistant. Au Royaume-Uni, il y a eu une seule
évasion par hélicoptère en 1977.
»
Le groupe de travail a formulé de nombreuses recommandations
destinées à améliorer la sécurité passive et
la sécurité active dans les établissements
pénitentiaires parmi lesquelles :
- le principe de
quatre miradors
dans les maisons centrales et les
maisons d'arrêt à vocation régionale ;
- la surélévation des
murs d'enceinte
intérieurs
par des grillages ou des filets afin de pallier les jets
extérieurs ;
- la mise en place, dans les chemins de ronde, d'un
système de
détection
déclenchant une alarme ;
- le rapprochement des
filins anti-hélicoptères
et la
sécurisation des héliports ;
- la neutralisation des
téléphones portables
;
- l'allongement de la
formation initiale
afin de parfaire
l'apprentissage des gestes professionnels à l'Ecole nationale
d'administration pénitentiaire ;
- la création de structures adaptées pour les
détenus psychopathes
ou les personnalités mentalement
perturbées.
Il est indispensable que ces recommandations soient mises en oeuvre dans les
meilleurs délais. Par ailleurs, votre rapporteur pour avis souhaite
attirer l'attention sur la
nécessité d'une prise en compte
adéquate de la sécurité au moment de la conception des
nouveaux établissements
.
Ainsi, en 1998, 940.000 F (43.302 €) ont été
consacrés à la sécurisation du centre pénitentiaire
de Baie-Mahault (Guadeloupe). En 2000, 5 millions de francs
(762.245 €) ont été consacrés à la
sécurisation du centre pénitentiaire de Remire-Montjoly (Guyane).
Il est maintenant envisagé de construire un troisième mirador
dans les centres pénitentiaires de Ducos (Martinique) et Baie-Mahault.
Or, les établissements pénitentiaires de Ducos et Baie-Mahault
ont été mis en service en 1997 et celui de Remire-Montjoly en
1998.
S'il n'est pas étonnant que la sécurité puisse
laisser à désirer dans des prisons anciennes, qui n'avaient pas
à l'origine cette vocation, il est inadmissible que des
établissements aussi récents présentent de graves
défauts de sécurisation
.
Une consultation -et non une simple information- de personnels
pénitentiaires expérimentés sur les nouveaux projets
d'établissements pénitentiaires pourrait permettre
d'éviter des malfaçons à terme très coûteuses
et qui font courir des risques parfaitement inutiles aux agents de
l'administration pénitentiaire.
F. LES BÂTIMENTS : DES PROGRAMMES AMBITIEUX MAIS PEU LISIBLES
Le parc pénitentiaire français comporte 187 établissements, dont 119 maisons d'arrêt et 55 établissements pour peine.
1. Les actions en cours
•
Le
programme « 4.000 places »
, en cours de
réalisation, prévoit la construction de six établissements
dont l'ouverture devrait s'échelonner entre le troisième
trimestre 2002 et le premier trimestre 2004 : une maison
d'arrêt à Seysses, un centre pénitentiaire au Pontet, une
maison d'arrêt à Sequedin, un centre pénitentiaire à
Liancourt, une maison d'arrêt à La Farlède et une maison
d'arrêt à Chauconin-Neufmontiers.
• Un
deuxième programme
a été
décidé, qui prévoit la reconstruction de la maison
d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion, la reconstruction des
prisons de Lyon ainsi que des maisons d'arrêt de Nice, Nancy, Le Mans,
Nantes et Basse-Terre (Guadeloupe).
• Par ailleurs, en 1998, la ministre de la justice a souhaité la
création d'un nouveau type d'établissements
pénitentiaires, les
centres pour peines aménagées
,
destinés à améliorer la prise en charge des courtes et
moyennes peines à moins d'un an de leur libération. Il a
été décidé d'expérimenter ce nouveau type
d'établissements sur trois sites existants : l'ancien centre
pénitentiaire de Metz-Barrès, l'ancienne prison-hôpital de
Marseille-Baumettes et le centre de semi-liberté de Villejuif.
L'ouverture de ces centres, d'abord annoncée pour 2000, ne devrait
pas intervenir avant 2002 au mieux.
• En 1999, le Gouvernement a lancé un
programme de
rénovation lourde des cinq plus grandes maisons d'arrêt
françaises
(Fleury-Mérogis, Fresnes, la Santé,
Loos-lès-Lille, Les Baumettes). La réalisation de ce programme de
rénovation devrait être étalée sur
dix ans
.
• A la suite de la mise au point d'une nouvelle carte des implantations de
quartiers mineurs
, un programme d'aménagement de tels quartiers a
été lancé, concernant une cinquantaine
d'établissements. La nouvelle carte a été établie
en prenant en compte la nécessité de maintenir les liens
familiaux, la possibilité d'aménager ou de créer un
quartier spécifique, enfin la présence indispensable d'une
équipe socio-éducative renforcée.
• Enfin, en novembre 2000, le premier ministre a annoncé le
lancement d'un
nouveau plan de construction et de rénovation
devant mobiliser dix milliards de francs sur six ans. La ministre de la justice
a récemment précisé que
35 nouveaux
établissements pénitentiaires
pourraient être
construits dans le cadre de ce programme, la
fermeture de
27 établissements vétustes et non fonctionnels
étant parallèlement envisagée. Les nouveaux
établissements devraient être implantés dans huit des neuf
directions régionales de l'administration pénitentiaire selon la
répartition suivante :
- Direction régionale de
Bordeaux
: une maison d'arrêt
et trois établissements pour peines ;
- Direction régionale de
Dijon
: deux établissements
pour peines ;
- Direction régionale de
Lille
: une maison d'arrêt et
quatre établissements pour peines ;
- Direction régionale de
Lyon
: une maison d'arrêt et
cinq établissements pour peines ;
- Direction régionale de
Marseille
: un établissement
pour peines ;
- Direction régionale de
Paris
: six établissements
pour peines ;
- Direction régionale de
Rennes
: deux maisons d'arrêt
et quatre établissements pour peines ;
- Direction régionale de
Toulouse
: deux maisons
d'arrêt et trois établissements pour peines.
2. La lisibilité insuffisante des actions menées
Les
programmes de construction envisagés et en cours sont extrêmement
ambitieux. Toutefois,
la multiplication désordonnée des
annonces ne permet pas au Parlement d'avoir une vision claire de la politique
conduite.
Il peut s'écouler un temps considérable entre
l'annonce de la création d'un établissement et son ouverture.
Ainsi, la reconstruction de la maison d'arrêt de Saint-Denis de la
Réunion a été annoncée en 1999 et 100 millions
de francs d'autorisations de programme ont été inscrits dans le
projet de loi de finances rectificative pour 1999. Or, les travaux ne
débuteront qu'en 2004 et la livraison est prévue en 2006.
Dans ces conditions, il est difficile d'avoir seulement une indication des
dates d'ouverture des 35 établissements qui doivent être
construits dans le cadre du plan de rénovation annoncé en
novembre 2000.
Votre rapporteur pour avis doit constater que le rythme des réalisations
n'est en rien comparable à celui des annonces, à tel point que
le taux de consommation des crédits de paiement a fortement
diminué au cours des dernières années : alors qu'il
atteignait plus de 88 % en 1997, il s'est élevé à
35,6 % en 2000.
La part des reports dans le montant total des
crédits est en forte augmentation. Elle a représenté
49,7 % de l'ensemble des crédits en 2000 et 67,3 % en 2001.
La Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de
finances pour l'année 2000 s'est inquiété du
système de « lissage » des autorisations de
programme utilisé par le ministère de la justice.
Extrait du rapport de la Cour des comptes
sur
l'exécution des lois de finances pour 2000
«
La relance du programme de construction des
prisons
(« 4.000 places ») a conduit à maintenir
à un niveau élevé les autorisations de programme en 1999
puis en 2000, indépendamment des possibilités d'utilisation de
celles-ci. Il en est résulté un taux d'utilisation des
autorisations de programme erratique, de 52 % en 1998, 63 % en 1999,
mais seulement de 38 % en 2000
.
« Le taux d'utilisation correspond à un choix
délibéré du ministère de la justice consistant
à inscrire de manière régulière, en loi de finances
initiale comme en loi de finances rectificative, les autorisations de programme
correspondant aux engagements gouvernementaux, quel que soit le degré de
préparation, sinon d'étude des programmes de travaux, ce qui
aboutit de facto à un « lissage » de
l'approvisionnement en autorisations de programme. Cette manière de
procéder rencontre, au demeurant, le plein accord de la direction du
budget.
« La Cour estime que la méthode de
« lissage » des autorisations de programme ne permet pas au
Parlement d'avoir une image réelle des programmes d'investissement, les
montants affichés correspondant plus à des intentions globales
qu'à des opérations évaluées avec un minimum de
précision et des échéances claires. »
Votre rapporteur pour avis rappelle que la commission d'enquête du
Sénat sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires s'était prononcée
pour l'adoption d'une
loi de programme
, qui aurait permis d'avoir une
vision claire du plan de réhabilitation et de son rythme de
réalisation. Il regrette que le Gouvernement n'ait pas tenu compte de
cette demande.
En revanche, le Gouvernement a suivi une autre des recommandations de la
commission d'enquête du Sénat en décidant de créer
une
Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la
justice.
Cet établissement public administratif, créé
par un décret du 31 août 2001, a pour mission d'assurer
tout ou partie des attributions de la maîtrise d'ouvrage des
opérations de construction, d'aménagement, de maintenance, de
réhabilitation, de restauration, de gros entretien, d'exploitation ou de
réutilisation d'immeubles appartenant à l'Etat, y compris
d'immeubles remis en dotation à des établissements publics de
l'Etat, destinés aux services pénitentiaires, aux juridictions
ainsi qu'aux établissements d'enseignement relevant du ministère
de la justice.
Cet établissement se substitue à la délégation
générale au programme pluriannuel d'équipement. Le recours
à un établissement public administratif, doté d'un conseil
d'administration, pourrait permettre une plus grande clarté des
conditions de rénovation ou de construction des établissements.
Votre rapporteur pour avis regrette néanmoins qu'aucun parlementaire ne
siège au sein du conseil d'administration de cet établissement,
ce qui aurait permis d'associer le Parlement aux choix des
établissements à réhabiliter, à reconstruire ou
à fermer.
3. Les constatations de votre commission
Dans le cadre de la préparation du présent rapport, votre rapporteur pour avis s'est rendu dans les maisons d'arrêt de Luynes et de Villepinte.
a) La maison d'arrêt de Luynes
La
maison d'arrêt de Luynes est un établissement du programme 13.000
mis en fonction le 5 juin 1990 et fonctionnant selon le principe de la gestion
déléguée. D'une capacité de 600 places, elle
comporte trois bâtiments de détention. Cet établissement,
déjà visité par la commission d'enquête du
Sénat sur les conditions de détention, souffre de
nombreux
handicaps
.
De
graves défauts de conception de l'établissement
se sont
progressivement faits jour. Ainsi, les détenus accèdent aux
parloirs par un escalier non surveillé dans lequel se sont par le
passé déroulés des incidents ou des violences. Dans
l'ensemble de l'établissement,
l'insuffisance de personnel est
palliée par des caméras
, l'ouverture de l'ensemble des portes
étant commandée à partir d'un poste central.
L'architecture de l'établissement est contestée par les membres
du personnel, qui doivent surveiller seuls un couloir entier de
détention en étant en pratique privés de tout contact avec
leurs collègues.
L'évasion récente par
hélicoptère de deux détenus dangereux - dont un
condamné à une longue peine qui n'aurait pas dû être
en maison d'arrêt - ne peut que renforcer l'impression d'une conception
défaillante de l'établissement.
Dans ces conditions difficiles, les relations sociales paraissent très
dégradées puisque 16 mouvements de personnel ont
été recensés en moins d'un an.
En ce qui concerne les conditions de détention, l'établissement
dispose de moyens non négligeables dans certains domaines, en
particulier pour la formation puisque 69 heures hebdomadaires d'enseignement
sont dispensées. Il semble néanmoins que les détenus
affirment leur préférence pour des établissements plus
vétustes, mais aussi plus humains.
La maison d'arrêt de Luynes expérimente depuis novembre 2000 le
placement sous surveillance électronique. Il semble cependant que la
mesure soit utilisée avec parcimonie, de telle sorte qu'elle
paraît coûteuse puisque
deux postes de personnels de
surveillance
sont mobilisés pour sa mise en oeuvre. Le jour de la
visite de votre rapporteur pour avis, seuls une demi douzaine de bracelets
étaient en cours d'utilisation. Si l'on souhaite que les
expérimentations apportent des éléments d'information
réellement exploitables, il conviendrait qu'une politique volontariste
soit conduite dans les sites choisis.
b) La maison d'arrêt de Villepinte
Comme la
maison d'arrêt de Luynes, la maison d'arrêt de Villepinte a
été construite dans le cadre du programme 13.000 et fonctionne en
gestion déléguée. Conçue pour accueillir 600
détenus, elle reçoit pour l'essentiel des prévenus faisant
l'objet d'une information judiciaire. Les prévenus en attente de
comparution immédiate sont en effet incarcérés à
Fleury-Mérogis. La maison d'arrêt de Villepinte, compte tenu de sa
proximité avec l'aéroport de Roissy, reçoit
également tous les Français condamnés à
l'étranger qui rentrent en France effectuer leur peine.
D'une manière générale, la maison d'arrêt semble en
très bon état. Il apparaît ainsi que les
établissements du programme 13000 connaissent des évolutions
très différenciées en termes de maintenance.
Les causes
de ces évolutions divergentes mériteraient d'être
analysées par l'Administration pénitentiaire dans le cadre de la
préparation des nouveaux programmes de construction.
La maison d'arrêt comporte un quartier pour les mineurs, accueillant une
vingtaine de détenus actuellement, mais dont la capacité devrait
passer à quarante places dès 2002. Votre rapporteur pour avis a
pu constater qu'une
prise en charge très individualisée des
mineurs
était organisée. Une phase d'observation de dix jours
permet à l'équipe d'encadrement d'envisager avec le détenu
un projet de vie en détention. Une phase d'adaptation permet la mise en
place d'activités dirigées en groupes comportant moins de six
mineurs. Enfin, une phase d'autonomie permet aux mineurs de circuler librement
dans le quartier qui leur est réservé.
Lorsqu'ils atteignent l'âge de dix-huit ans, les mineurs quittent ce
quartier pour rejoindre un quartier de majeurs. Un tel changement peut
paraître brutal, mais l'équipe d'encadrement estime
nécessaire de faire reprendre conscience à des jeunes
destructurés de certaines étapes symboliques du
déroulement de l'existence.
Un tel exemple montre qu'il est possible de bâtir un véritable
projet en direction des mineurs incarcérés afin que le
séjour en prison prépare une réinsertion plutôt
qu'un ancrage dans la délinquance. Votre rapporteur pour avis forme le
souhait que tous les quartiers mineurs des prisons françaises puissent
rapidement ressembler à celui de la maison d'arrêt de Villepinte.
En ce qui concerne le personnel, la spécificité de
l'établissement est de recevoir presque exclusivement des personnels
débutants. La moyenne d'âge du personnel de surveillance est de
vingt-trois ans et plus de la moitié du personnel de base est
constituée de stagiaires. 67% des agents de la maison d'arrêt sont
originaires du Nord-Pas-de-Calais et beaucoup d'entre eux effectuent chaque
jour le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail. Il n'est
guère surprenant que ces agents aient pour ambition primordiale
d'être mutés dans leur région d'origine.
Il semble que la région parisienne, qui constitue un important bassin
d'emploi pour l'administration pénitentiaire, ne soit pas en revanche un
bassin de recrutement
. Cette situation pourrait s'aggraver dans la
perspective annoncée de la construction de six nouveaux
établissements pour peines dans la direction régionale de Paris.
Votre rapporteur pour avis a pu constater que l'impossibilité de se
loger pour des loyers raisonnables motivaient de nombreuses demandes de
mutation. Il rappelle que la commission d'enquête du Sénat a
jugé souhaitable que l'administration pénitentiaire aide les
personnels à trouver des logements, en particulier en région
parisienne et dans les grands centres urbains.
Outre
l'insuffisance du nombre de personnels
, qui limite les
possibilités pour ceux-ci de suivre de manière
individualisée les détenus, l'un des problèmes importants
évoqués devant votre rapporteur pour avis est celui de la
formation continue
. La maison d'arrêt ne dispose que d'un budget
de 25.000 F pour mettre en oeuvre cette formation et il est bien souvent
difficile d'envoyer des agents en formation lorsque l'établissement est
en sous-effectif.
Votre rapporteur pour avis a noté que le directeur de la maison
d'arrêt était en poste depuis six ans, ce qui lui a permis de
développer un véritable projet. Dans la mesure du possible, il
semble souhaitable, pour le bon fonctionnement des établissements,
d'éviter une rotation trop rapide des personnels de direction.
*
La
législature qui s'achève aura été marquée
pour l'administration pénitentiaire par des augmentations de
crédits très substantielles et par un nombre important de
créations d'emplois. Pour autant, l'accumulation des retards,
l'attribution de tâches nouvelles et la mise en oeuvre des trente-cinq
heures n'auront pas permis d'utiliser ces créations pour
améliorer réellement le fonctionnement des établissements.
La législature qui s'achève aura été marquée
par de très nombreuses annonces de construction et de rénovation
d'établissements pénitentiaires. Ces annonces,
accompagnées d'inscriptions de milliards de francs d'autorisations de
programme dans les lois de finances successives, ont suscité des
attentes, mais les réalisations tardent et les crédits de
paiement sont de moins en moins consommés.
La législature qui s'achève aura été marquée
par un mouvement important en faveur d'une évolution profonde de
l'univers carcéral à la suite de la publication du livre du Dr
Vasseur,
« Médecin chef à la prison de la
Santé
», et des travaux des commissions d'enquête du
Sénat et de l'Assemblée nationale. Mais les travaux de ces
commissions d'enquête tardent à être suivis d'effet. Alors
que la plupart des mesures proposées par le Sénat pouvaient
être mises en oeuvre sans loi, alors que notre assemblée a
adopté une proposition de loi pour appliquer les propositions
législatives de la commission d'enquête, toute l'action
gouvernementale a été concentrée sur l'élaboration
d'une « grande loi », dont les contours commencent
seulement à être perçus et qui ne pourra être
adoptée que dans de nombreux mois sinon dans des années.
Au total, sans méconnaître l'importance des efforts
budgétaires consentis, votre rapporteur pour avis craint qu'une
opportunité -rare- de faire évoluer une administration
caractérisée par des pesanteurs fortes n'ait pas
été saisie.
*
* *
Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire.