projet de loi de finances pour 2002 - Tome X : Communication audiovisuelle
BROISSIA (Louis de)
AVIS 88 - TOME X (2001-2002) - commission des affaires culturelles
Rapport au format Acrobat ( 160 Ko )Table des matières
-
INTRODUCTION
- I. LES CRÉDITS DE 2002
-
II. QUELLE DYNAMIQUE POUR L'AUDIOVISUEL PUBLIC ?
- A. LE GROUPE FRANCE TÉLÉVISION
- B. L'ESQUISSE DU PROJET DE FRANCE TÉLÉVISION POUR LA TNT
- C. LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
- D. AUDIOVISUEL INTERIEUR ET AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR
- III. LE LANCEMENT DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE DE TERRE
- EXAMEN EN COMMISSION
- CONCLUSION
N° 88
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2001
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2002 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
TOME X
COMMUNICATION AUDIOVISUELLE
Par M. Louis de BROISSIA,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Xavier Darcos, Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; MM. Jean Arthuis, François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernard Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean François-Poncet, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
3262
,
3320
à
3325
et T.A.
721
Sénat
:
86
et
87
(annexe n°
9
)
(2001-2002)
Lois de finances . |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Les ressources globales des organismes de l'audiovisuel public devraient
augmenter en 2002 de 3,2 % par rapport au chiffre fixé par la loi
de finances initiale pour 2001.
Les ressources publiques -recettes de redevance et dotations
budgétaires- augmenteront de 3,4 %, les objectifs de ressources
propres -principalement les recettes de publicité et de parrainage-
augmenteront de 2,7 %, enfin la part du financement public devrait se
maintenir en 2002 au niveau de 2001, 77 % de l'ensemble des
ressources.
Ces chiffres, qui semblent appeler de prime abord des réactions
d'approbation, ne sont pas sans susciter à l'examen des
appréciations plus nuancées. C'est en effet un budget de
transition, qui est présenté au Parlement cette année. Il
marque un aboutissement dans le déroulement du processus lancé
avec l'adoption de la loi du 1
er
août 2000, et un palier avant
l'entrée de la télévision publique dans l'aventure du
numérique de terre, qui devrait bouleverser ses perspectives, son
périmètre et son identité.
Or s'il convient de prendre acte de cet aboutissement, largement conforme aux
annonces faites avant et après l'entrée en vigueur de la loi
d'août 2000, les conditions de l'entrée dans l'ère
numérique suscitent des questions et des doutes.
Certaines de ces questions sont le fruit de la conjoncture : le
marché publicitaire est en crise, les ressources de publicité
prévues en 2002 vont-elles faire défaut, à un moment
où les besoins de financement liés au projet numérique
commencent à croître fortement ? D'autres sont plus
traditionnelles, même si le double contexte de la crise économique
et du projet numérique en accentue l'actualité :
l'organisation du travail et la gestion du personnel dans les chaînes
publiques sont-elles suffisamment évolutives pour permettre la
réalisation de l'autofinancement exigé ?
Par ailleurs le lancement de la télévision numérique de
terre soulève des questions, que votre commission avait d'ailleurs
déjà largement posées et des doutes, qu'elle avait
vigoureusement manifestés dès le stade de l'élaboration du
régime juridique du numérique de terre.
Poser ces questions, exprimer à nouveau ces doutes, dessiner quelques
pistes, tel est l'objectif du présent rapport, et la première
contribution de votre commission à l'élucidation des
problèmes et des perspectives de la période de changement qui
s'annonce.
*
* *
I. LES CRÉDITS DE 2002
A. LES CRÉDITS GLOBAUX
1. L'évolution des ressources
Les
crédits de l'audiovisuel public s'élèveront en 2002
à 3.241 millions d'euros (21.260 millions de francs)
et augmenteront de 3,2 %. Après l'augmentation de 6,1 %
enregistrée en 2001, cette hausse achève la réforme du
financement de la télévision publique opérée par la
loi du 1
er
août 2000.
Le tableau suivant retrace l'évolution du budget global de l'audiovisuel
public depuis 1996 (sont pris en compte les budgets des organismes
affectataires de la redevance : l'INA, France 2, France 3, Arte
France, RFO, Radio France, RFI et La Cinquième.).
En MF |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 1( * ) |
Budget global |
18 538,0 |
19 421,0 |
20 604,1 |
3 241,53 |
Évolution en % |
3,0 % |
4,8 % |
6,1 % |
3,2% |
Redevance |
12 250,7 |
12 988,5 |
13 222,8 |
|
Concours budgétaires |
572,0 |
1 333,5 |
2 571,7 |
|
Publicité + parrainage |
4 795,4 |
4 247,0 |
3 991,7 |
633,27 |
Autres |
919,9 |
852,0 |
817,9 |
-5,00 |
2. La structure des ressources
Les
ressources publiques s'élèveront à 2.488 millions d'euros
(16.320 millions de francs), ce qui représente une
progression de 3,4 % par rapport à 2001, contre 10 % au cours
de cet exercice et 12 % au cours de l'exercice précédent.
Les prévisions de ressources propres s'élèvent à
753 millions d'euros (4.939 millions de francs), ce qui
traduit une croissance de 2,7 % par rapport aux objectifs fixés par
la loi de finances pour 2001.
La part du financement public dans les ressources des organismes serait alors
de 77 % en 2002, chiffre identique à celui de 2001, contre
69 % en 1999.
Le projet de budget doit ainsi être considéré comme une
consolidation, et non comme une amplification, du programme de modification de
la structure des ressources lancé en 2000, comme un palier plus qu'une
étape nouvelle dans le renforcement de l'indépendance des
chaînes à l'égard du marché publicitaire.
EVOLUTION DE LA STRUCTURE DES RESSOURCES
DE L'AUDIOVISUEL
PUBLIC DEPUIS 1999 (en pourcentage)
Loi de finances initiale 1999 |
Loi de finances initiale 2000 |
Loi de finances initiale 2001 |
Projet de loi de finances 2002 |
|
Ressources publiques |
69 |
74 |
76,6 |
76,8 |
Publicité et parrainage |
25,5 |
21,9 |
19,4 |
19,5 |
Autres ressources propres |
5,5 |
4,1 |
4 |
3,7 |
Total |
100 |
100 |
100 |
100 |
a) Les ressources publiques
Le tableau suivant retrace l'évolution pour l'ensemble des organismes des ressources publiques inscrites au compte d'affectation spéciale n° 902-15 d'emploi de la redevance, et de la subvention versée par le ministère des affaires étrangères au budget de RFI.
RESSOURCES PUBLIQUES
(en millions d'euros)
Loi de finances pour 2001 |
Projet de loi de finances 2002 |
|
Encaissements de redevance |
2.047,83 |
2.119,56 |
Service de la redevance |
- 73,54 |
- 73,54 |
Encaissements nets de redevance |
1.974,29 |
2.046,02 |
Excédents de collecte des années antérieures |
0,00 |
+ 13,71 |
Total des recettes de redevance disponibles |
1.974,29 |
2.059,74 |
Remboursement des exonérations |
413,78 |
409,97 |
Total |
2.388,07 |
2.469,70 |
Subvention du ministère des affaires étrangères à RFI |
68,94 |
69,66 |
Total des ressources publiques |
2.407,86 |
2.488,56 |
• La redevance
Après le gel de l'exercice 2001, le taux de la redevance augmentera de
1,8 % en 2002. Son montant s'établira ainsi à 116,5 euros
(764,19 francs) pour un poste couleur et à 74,31 euros (487,44 francs)
pour un poste en noir et blanc. Il est utile de rappeler que l'augmentation du
taux avait été de 1,2 % en 1999 et de 0,9 % en 2000.
Cette évolution maintient le montant de la redevance en monnaie
constante, correction conforme à la position prise par votre commission
sur le gel décidé pour l'exercice 2001.
Votre commission avait en effet noté dans son avis budgétaire de
l'année dernière que la redevance était pratiquement le
seul lien tangible actuel entre le public et le service public, et devait donc
être préservée en attendant qu'un système plus
moderne de financement soit imaginé et mis en place. C'est pourquoi,
avait-elle noté, un ajustement des taux au niveau de l'inflation
prévue en 2001 n'aurait pas été inopportune. C'est le
choix effectué cette année.
Votre commission avait aussi estimé que la redevance ne devait pas
« préempter » par des augmentations excessives le
budget audiovisuel des téléspectateurs, et par voie de
conséquence la liberté de choix des programmes.
Or il semble que le contrat d'objectifs et de moyens conclu entre le
gouvernement et France Télévision prévoie d'augmenter de
quelque 3,5 % par an les ressources publiques du groupe, ce qui parait
impliquer une rupture avec le rythme raisonnable d'évolution des taux de
redevance observé depuis plusieurs années. Sur ce plan aussi, le
projet de budget pour 2001 pourrait être le prologue d'une
réorientation dont votre commission suivra avec attention les
développements.
Il faut noter par ailleurs que le produit attendu des encaissements de
redevance audiovisuelle augmentera en 2002 proportionnellement plus que celui
des taux, en raison de la progression du nombre de comptes payants.
Enfin, le projet de budget prévoit d'affecter au compte d'emploi
13,7 millions d'euros (90 millions de francs)
d'excédents perçus en 2000. La loi de finances rectificative de
2001 répartira le solde. On peut aussi observer à cet
égard que le montant des encaissements de l'exercice 2001
dépassera sans doute les prévisions. Au 30 juin, le
dépassement estimé était de 15 millions d'euros. La
difficulté d'évaluer les effets du nouveau régime
d'exonération pour les personnes âgées de plus de
70 ans empêche toutefois de disposer d'ores et déjà de
donnée précises.
• Les crédits budgétaires
Le montant de ces crédits est calculé, en application de la loi
du 1
er
août 2000, à partir du nombre
prévisionnel de comptes exonérés en 2002 et d'après
l'évaluation du montant moyen des recettes non perçues par compte
exonéré.
L'évolution du nombre des compte exonérés, qui tend
à augmenter après plusieurs années de baisse,
résulte d'une série de dispositions législatives et
réglementaires se succédant non sans se chevaucher.
Bénéficient actuellement d'une exonération les personnes
nées avant le 1er janvier 1933 ayant bénéficié
l'année précédente d'un revenu inférieur aux
plafonds fixés par l'article 1417-1 du Code général des
Impôts, les personnes qui, âgées de 65 ans au 1er janvier de
l'année d'exigibilité de la redevance, bénéficient
de l'allocation supplémentaire du Fonds de Solidarité Vieillesse
et, en application de l'article 32 de la loi de finances pour 2001, les
personnes âgées d'au moins 70 ans au 1er janvier de
l'année d'exigibilité de la redevance, qui ne sont pas
imposées à l'impôt sur le revenu au titre de l'avant
dernière année précédant l'année
d'exigibilité.
Bénéficient aussi de l'exonération les invalides, au taux
minimum de 80 %, qui ont perçu l'année
précédente un revenu dont le montant n'excède pas la
limite prévue par l'article 1417-1 du Code général
des Impôts, et les établissements recevant les
bénéficiaires de l'aide sociale et les établissements
hospitaliers ou de soins non assujettis à la TVA.
Enfin, l'Assemblée nationale a amendé la première partie
du projet de loi de finances pour 2002 (article 15 bis nouveau) afin
d'étendre les exonérations aux personnes âgées de
plus de 65 ans non assujetties à l'IRPP.
Les personnes exonérées ne doivent en outre pas être
assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune.
EVOLUTION DU NOMBRE DES COMPTES EXONÉRÉS
Catégories de bénéficiaires |
Nombre
|
Nombre
|
Nombre
|
Personnes âgées (65 ans) |
2.947.369 |
2.852.872 |
2.699.342 |
Invalides |
568.335 |
613.547 |
648.528 |
Établissements |
23.238 |
23.698 |
24.183 |
Fonds de Solidarité vieillesse |
16.173 |
30.002 |
41.234 |
Personnes âgées (70 ans) |
0 |
0 |
148.550 |
TOTAL |
3.555.115 |
3.520.119 |
3.561.837 |
b) Les ressources propres
Les objectifs de ressources propres pour l'ensemble du secteur augmentent de 2,7 % par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2001. Au sein de cet ensemble, les objectifs de recettes de publicité et de parrainage sont en augmentation de 4,1 %, contre une diminution prévue de 6 % en 2001, et sont fixés à 633 millions d'euros (4,15 milliards de francs).
RECETTES DE PUBLICITÉ ET DE PARRAINAGE
DES
SOCIÉTÉS NATIONALES DE PROGRAMMES
2001 |
2002 |
||||
en MF |
en % du
|
en MF |
en M€ |
en % du budget global |
|
France Télévision |
3 756,2 |
27,75 % |
3 899,0 |
594,40 |
27,95 % |
RFO |
95,0 |
6,78 % |
90,0 |
13,72 |
6,23 % |
Radio France |
135,0 |
4,40 % |
158,0 |
24,09 |
4,95 % |
RFI |
5,5 |
0,71 % |
7,0 |
1,07 |
0,87 % |
TOTAL |
3991,7 |
19,37 % |
4154,0 |
633,28 |
19,54 % |
On
notera ci-dessous que France 2 et France 3 ne parviendront
vraisemblablement pas à réaliser leurs objectifs 2001 du fait de
la crise du marché publicitaire déclenchée en mai dernier
par le ralentissement de la croissance et accentuée par les attentats du
11 septembre dernier. Le prolongement de cette crise est attendu en 2002. Il
est par conséquent douteux si les objectifs assignés aux
organismes publics pourront être atteints. La question qui se pose
dès lors est celle de savoir si la publicité, qui
représentera en principe près de 30 % des recettes de France
Télévision en 2002, et dont la loi entendait limiter le poids, ne
risque pas de devenir une ressource un peu plus résiduelle que
prévu au moment où les besoins de financement se font croissants.
Il convient de souligner cette incertitude sur les ressources des organismes
publics, dont le gouvernement n'est au demeurant pas responsable, mais qui peut
obérer la réalisation des ambitieux projets des prochaines
années.
Les autres ressources propres : recettes commerciales, produits
financiers, services rendus aux administrations, diminueront en 2002 de
11,18 millions d'euros (73,34 millions de francs). Ces ressources
sont en diminution constante depuis plusieurs années.
3. Les charges
Le
budget 2002 prévoit un montant de 100,47 millions d'euros
(659,4 millions de francs) de mesures nouvelles. Ce montant a
été prioritairement affecté aux budgets de programmes. La
répartition des mesures nouvelles en 2002 est indiquée dans le
tableau ci-après :
En millions d'euros
Programmes |
39,45 |
42,25 % |
Mesures salariales |
46,94 |
50,27 % |
Diffusion |
0,53 |
0,57 % |
Impôts, taxes et prélèvements divers |
3,48 |
3,73 % |
Dotations aux amortissements |
2,84 |
3,04 % |
Autres charges |
0,13 |
0,14 % |
Total |
93,38 |
100 % |
B. BUDGETS DES ORGANISMES
1. Les contrats d'objectifs et de moyens
La loi
du 1
er
août 2000, reprenant une proposition depuis longtemps
soutenue par votre commission, a rendu obligatoire la conclusion entre les
organismes de l'audiovisuel public et l'Etat de contrats d'objectifs et de
moyens fixant pour une durée de trois à cinq ans, pour chaque
organisme (les chaînes de service public de France
Télévision étant couvertes par un seul contrat) : les
axes prioritaires de son développement, dont les engagements pris au
titre de la diversité et l'innovation dans la création ;
- le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des
années concernées ;
- les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de
résultats retenus ;
- le montant des ressources publiques devant lui être affectées en
identifiant celle prioritairement consacrées au développement des
budgets de programmes ; le montant du produit attendu des recettes
propres, notamment celles issues de la publicité de marques et du
parrainage ; les perspectives économiques pour les services qui
donnent lieu au paiement d'un prix.
Les contrats d'objectifs et de moyens fourniront ainsi désormais le
cadre de l'élaboration et de l'exécution des budgets des
organismes de l'audiovisuel public. Ce qui rend leur connaissance
précise indispensable à l'efficacité du contrôle
parlementaire.
Un premier contrat a été signé à la fin de 2000,
pour l'INA. Le ministre de la culture et de la communication a annoncé
à l'occasion du débat budgétaire à
l'Assemblée nationale la conclusion prochaine des autres contrats, en
particulier celui de France Télévision, fournissant à
cette occasion quelques brèves indications sur le contenu de ces
documents. En revanche, aucune information n'avait été
communiquée à votre commission lors de l'audition du ministre au
début de la même semaine.
Il est regrettable que la représentation nationale ait été
ainsi informée
ex cathedra
et le plus tard possible des
résultats d'un processus conclu plus d'un an après
l'entrée en vigueur de la loi. Associé à l'avancement des
travaux préparatoires menés avec les sociétés, le
Parlement aurait pu contribuer à leur succès, apportant à
leur conclusion le surcroît de force qui leur fera peut-être
défaut quand il sera question, si l'on a bien saisi les bribes
d'information diffusées, d'augmenter la redevance de quelque 3 %
par an ou de rationaliser l'organisation du travail dans les
sociétés nationales de programmes.
Le Parlement n'a donc pas été partie à l'acte.
A-t-on préféré prendre le public à témoin de
ce que l'on se propose de faire du service public de l'audiovisuel, du prix
qu'on lui demandera éventuellement de payer, des efforts dont les
résultats seront mis sous ses yeux ? A-t-on tenté de faire
de la télévision publique, dans un domaine qui la concerne
directement, l'instrument du débat public que l'on décrit souvent
avec une complaisance qui appellerait quelque démonstration
pratique ? Le sens du débat public, la volonté de faire des
contrats d'objectifs des instruments de la légitimité du secteur
public se sont-ils manifestés de façon assez puissante chez les
différents responsables, pour secouer la platitude d'une programmation
qui ne parle souvent de la télévision que sur le mode narcissique
de l'auto-congratulation ? Il semble que l'imagination, qui aurait pu
susciter la création d'émissions civique d'information et de
débat à l'occasion du lancement des contrats d'objectifs, ait
fait défaut et que le lien entre le téléspectateur et sa
télévision soit bien suffisamment assuré, aux yeux de nos
responsables, par la paiement d'une redevance dont on médite de relever
subrepticement le taux dans les années qui viennent.
Que deviendront alors, à l'horizon de deux ou trois ans, les vastes
projets de développement mis en musique dans le secret des bureaux
ministériels, quel sera l'appui de ces vastes ambitions : la
garantie du niveau des ressources publiques sur plusieurs années, la
maîtrise des charges de personnel, la rationalisation du travail ?
2. Les budgets
a) France Télévision
Les
ressources publiques sont désormais versées à la
société France Télévision qui les répartit
entre France 2, France 3 et La Cinquième, ainsi que les
futures filiales poursuivant des missions de service public.
Il appartient ainsi au conseil d'administration de la société
France Télévision d'approuver l'état prévisionnel
des recettes et des dépenses de la holding et de ses filiales pour
chaque exercice ainsi que, les conseils d'administration des
sociétés consultés, les modifications apportées en
cours d'exercice à la répartition des ressources publiques.
C'est pourquoi les prévisions de dépenses des trois chaînes
de France Télévision figurant dans le tableau ci-dessous sont
indicatives, le conseil d'administration de la holding devant les
entériner formellement.
ETAT
PRÉVISIONNEL DES CHARGES DE FRANCE 2,
FRANCE 3 ET LA
CINQUIÈME
En millions d'euros
|
France 2 |
France 3 |
La Cinquième |
Achats
et variation de stocks
|
531,9 |
328,5 |
84,3 |
Services et consommations externes |
173,6 |
216,0 |
33,2 |
Impôts et taxes |
63,6 |
84,3 |
1,7 |
Charges de personnel |
155,0 |
367,4 |
15,2 |
Amortissements et provisions
|
509,0 |
341,3 |
86,4 |
Autres charges de gestion courante |
47,1 |
47,3 |
16,5 |
Total charges d'exploitation |
1 480,1 |
1 384,7 |
237,4 |
Résultat net prévisionnel |
5,3 |
6,1 |
0,2 |
Coût de grille |
|
||
- En M€ |
679,8 |
685,9 |
83,8 1 |
- en % par rapport à l'année précédente (y compris variation des provisions sport et décrets de production) |
|
|
|
S'agissant des ressources, on notera qu'aux interrogations relatées ci-dessus sur la pertinence des estimations de recettes, le ministre de la culture et de la communication a simplement répondu, lors de son audition par votre commission, qu'il appartiendrait au conseil d'administration d'établir le budget du groupe en fonction des estimations disponibles à ce moment. En attendant cette étape, le Parlement discute bravement d'orientations budgétaires construites sur des hypothèses que chacun sait inexactes... Ceci illustre la portée pratique d'une procédure dont votre commission avait, sans être entendue, vivement critiqué les conséquences probables sur le contrôle parlementaire, lors du débat d'adoption de la loi du 1 er août 2000.
b) Radio France
Radio France disposera en 2002 de 14,12 millions d'euros (92,62 millions de francs) de mesures nouvelles afin de faire face à l'augmentation de ses frais de personnel (+ 6,56 millions d'euros), le plan de numérisation des antennes (+ 2,14 millions d'euros), le développement du réseau France Bleu (+ 3,18 millions d'euros), qui devrait s'élargir à 55 stations locales et couvrir 80 % du territoire.
c) RFO
Après un exercice 2001 consacré à l'assainissement de sa situation financière, RFO verra en 2002 sa dotation publique augmenter de 4 %, ce qui représente un montant supplémentaire de 6,3 millions d'euros (41,33 millions de francs) destiné principalement à permettre la mise en oeuvre des accords salariaux conclus en 2001.
d) RFI
RFI enregistrera une augmentation de 3,9 % de ses ressources publiques en 2002, grâce à la hausse de ses recettes de redevance et à l'augmentation de la subvention que lui verse le ministère des affaires étrangères.
e) L'INA
Le budget de l'INA augmentera de 0,6 % en 2002. Ce taux résulte d'une forte progression des ressources publiques (7,7%) destinée à compenser la baisse du chiffre d'affaires résultant de l'archivage pour le compte des sociétés nationales de programme. La numérisation du patrimoine audiovisuel est une des priorités assignées à l'INA par son contrat d'objectifs et de moyens.
II. QUELLE DYNAMIQUE POUR L'AUDIOVISUEL PUBLIC ?
A. LE GROUPE FRANCE TÉLÉVISION
Le fait
marquant de l'année 2001 est sans doute, du côté de
l'audiovisuel public, la mise en oeuvre de la réforme des structures de
France Télévision. Celle-ci a été inscrite dans loi
du 1
er
août 2000 avec l'appui de l'ensemble du Parlement afin
d'impulser un dynamisme accru à ce « vaisseau
amiral » du secteur public, conforté dans son rôle par
la constitution du groupe, dans ses responsabilités par les efforts de
rationalisation auxquels le contrat d'objectifs et de moyens devrait appeler
dans ses ambitions par les moyens et les perspectives de développement
qui lui sont assignés dans le cadre du lancement de la
télévision numérique de terre.
C'est pourquoi il apparaît utile, au delà des aspect
budgétaires évoqués ci-dessus, de présenter un bref
résumé des principaux aspects de l'évolution actuelle de
France Télévision.
1. La constitution du groupe
a) La mise en place
La
société holding a pour mission, aux termes de la loi du 1er
août 2000, de « définir les orientations
stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de
programmes et l'offre de services, de conduire les actions de
développement en veillant à intégrer les nouvelles
techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires
communes des sociétés suivantes, dont elle détient la
totalité du capital» : France 2, France 3 et
La Cinquième, ainsi que les futures filiales numériques.
Les dates clés de la mise en place du groupe ont été :
- le 22 août 2000 : élection du président de France
Télévision par le CSA, pour une durée de cinq ans.
- le 31 août 2000 : approbation des statuts de la
société France Télévision (décret
n°2000-846, publié au Journal Officiel du 2 septembre 2000).
- le 6 septembre 2000 : immatriculation de la société France
Télévision au Registre du Commerce et des Sociétés.
Réalisation de l'apport par l'État à France
Télévision de l'intégralité des actions des
sociétés France 2, France 3 et La Cinquième.
- le 13 septembre 2000 : premier conseil d'administration de France
Télévision, et nomination des directeurs généraux
de France 2, France 3 et de La Cinquième.
- le 14 novembre 2000 : approbation des statuts de France 2,
France 3, La Cinquième (Décret n° 2000-1106).
b) La charte d'organisation du groupe
Une
charte d'organisation du groupe a été élaborée en
fonction de deux principes :
- l'autonomie des sociétés filiales, dont les directeurs
généraux sont chargés de la responsabilité
éditoriale des antennes, de l'organisation générale et de
la gestion quotidienne, ainsi que de la préparation de leur budget, dans
le cadre global du contrat d'objectifs et de moyens du groupe ;
- la cohérence d'ensemble au travers d'une planification commune et
d'une harmonisation renforcée, ainsi que par la
collégialité dans le pilotage du groupe. Pour cela un
comité de direction générale du groupe composé des
principaux dirigeants des chaînes et de la holding a été
mis en place.
c) Le contrat d'objectifs et de moyens
Établi pour une durée de 5 ans (2001-2005),
conformément à l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986
modifiée par la loi du 1er août 2000, le contrat d'objectifs et de
moyens tend à mettre en oeuvre une stratégie à moyen terme
de développement du secteur public audiovisuel.
Les discussions préalables à sa conclusion ont
débuté avec l'Etat (ministère de la culture et de la
communication et ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie) à l'automne 2000. La signature du contrat devrait
intervenir avant la fin de 2001.
Comme il a été indiqué plus haut, le Parlement n'a pas
été associé à l'élaboration de ce document
dont l'effet pratique sera pourtant d'encadrer l'exercice de son pouvoir
budgétaire, ni même informé des grandes lignes de son
contenu. Aussi ce point est-il cité ici pour mémoire, et votre
commission se propose-t-elle de faire ultérieurement de ce document une
analyse approfondie.
2. L'architecture financière du groupe
a) Les transferts d'actifs
Dans le
cadre de la mise en place du groupe France Télévision et afin de
doter la holding des moyens nécessaires à l'accomplissement de
ses missions, les trois chaînes ont transféré à
leur société-mère un ensemble de titres et de
participations dans des filiales communes (ex : France
Télévision Publicité, France Télévision
Distribution, TV5 Satellimages, Euronews, Médiamétrie) et les
chaînes thématiques (Mezzo pour France 2, Régions pour
France 3).
Ce transfert a été réalisé sur la base des valeurs
comptables au 31 décembre 1999, conformément à
la loi du 1er août 2000. Il a été approuvé par un
arrêté interministériel du 29 décembre 2000.
b) L'organisation financière interne
Les
premières mesures d'organisation financière du groupe ont
porté, après les transferts de titres de la fin de l'année
2000, sur la consolidation des comptes, l'intégration fiscale et la
centralisation de la trésorerie.
• Établissement des premiers comptes consolidés
En 1999, les sociétés France 2 et France 3
présentaient des comptes consolidés. En 2000, France
Télévision établit pour la première fois des
comptes de groupe.
Les comptes consolidés du
groupe France Télévision sont établis en conformité
avec les dispositions légales et réglementaires actuellement en
vigueur en France et notamment avec le règlement n° 99-02 du
Comité de la Réglementation Comptable.
• Constitution d'un groupe fiscal
Il a été décidé, après la création du
groupe France Télévision, d'opter pour le régime
d'intégration fiscale pour l'ensemble des sociétés
détenues à plus de 95 %, directement ou indirectement, et ce
à compter de l'exercice 2001.
• Mise en place d'une gestion de trésorerie
centralisée
Le principe d'une gestion centralisée de la trésorerie, qui
existe dans la plupart des groupes d'entreprises de taille importante, a
été adopté par France Télévision dès
sa création.
Effective depuis le 1er juillet 2001, la centralisation de la trésorerie
permet de dégager des synergies liées à la taille du
groupe et à son volume d'affaires. Elle permet d'améliorer les
conditions bancaires faites à l'ensemble des filiales, tout en
économisant des frais financiers en raison de l'optimisation des flux de
trésorerie externes (compensation des soldes débiteurs et
créditeurs des différentes filiales).
3. Quelques indicateurs
a) Les programmes
France
Télévision propose une gamme de programmes très
diversifiée. En soirée, le groupe a diffusé 12 genres
différents en 2000. De nombreuses nouvelles émissions ont
été créées en 2000, touchant à tous les
genres (documentaires, magazines, divertissements, fictions ...) et aux
thématiques les plus variées. L'information est très
présente à l'antenne : 7.487 heures ont
été diffusées en 2000, dont 1.483 heures sur France 2
et 6.004 heures sur France 3. En 2000, France
Télévision a couvert près d'une centaine de disciplines
sportives à travers 1.080 heures de retransmissions ou
magazines sportifs.
Le volume de la diffusion régionale a poursuivi sa croissance avec
10.763 heures de programmes contre 10.576 heures en 1999.
b) L'audience
• France 2
En 2000, France 2 a réalisé en moyenne, 22,1 % de parts
d'audience.
L'intégration des foyers disposant d'une offre numérique dans le
panel Médiamat en mars 2000 a eu peu d'impact sur la chaîne
puisque France 2 n'est en retrait que de 0,2 point par rapport à
1999. Toutes les chaînes sont en effet en baisse, à l'exception de
France 3 (+0,5 point), TF1 étant la plus touchée avec une
baisse de 1,7 point par rapport à 1999.
Le premier semestre 2000 a été stable par rapport à 1999
(22,2 % de part d'audience). Les résultats de l'été
ont été en revanche décevants (avec 22,1 % de part
d'audience, la chaîne réalisant son plus mauvais été
depuis 10 ans et perdant 1,1 point par rapport à 1999). Toutefois,
France 2 a obtenu de bons résultats en septembre-décembre,
(22,1 % de part d'audience, +0,1 point par rapport à 1999).
Au premier semestre 2001, la chaîne a réalisé 20,6 %
de part d'audience contre 22,2 % au premier semestre 2000.
Si le début d'année a ainsi été difficile pour
France 2, un redressement s'est opéré en avril 2001
(21,1 % de part d'audience). Par la suite, France 2 a subi, comme les
autres chaînes, « l'effet Loft Story ». M6 est en
effet passé de 13,2 % de part d'audience (Période
« avant Loft » du 1
er
janvier au 25 avril)
à 16,8 % pendant la durée du jeu (26 avril au 5 juillet).
France 2 a connu une reprise en juin avec 21 % de part d'audience,
sans toutefois égaliser l'audience de l'année
précédente (22,3 % en juin 2000).
• France 3
Après avoir accusé en 1999 une baisse de 0,7 point à
16,3 % de part d'audience, France 3 a refait son retard. La
chaîne est revenue sur le premier semestre 2001 à son niveau de
1998.
Sur l'année 2000, France 3 recueille une part d'audience moyenne de
16,8 %. (depuis le mois de mars, le panel MEDIAMAT mesure intègre,
rappelons le, l'audience des chaînes du câble et du satellite).
Dans ce contexte, France 3 a été la seule chaîne
à progresser en 2000. Sa progression s'est poursuivie tout au long de
l'année : 16,4 % au premier semestre, 16,6 % durant
l'été, et 17,3 % depuis la rentrée (contre
15,9 % lors de la rentrée pour 1999).
Les chaînes privées ont affiché en revanche une forte
baisse de leurs performances : -1,7 points pour TF1 à 33,4 %,
et - 0,9 point pour M6 à 12,7 %.
Depuis le début de l'année 2001, France 3 atteint une
moyenne de 17,0 % de part d'audience, résultat en hausse au regard
du premier semestre 2000 (16,4 %).
c) Les recettes publicitaires
En 2000,
France Télévision a été touchée par la
première étape de la limitation publicitaire (passage de 12
à 10 minutes de publicité par heure
« glissante » et limitation des écrans à 4
minutes). Conséquence directe de cette limitation, la part de
marché de France Télévision a régressé de
5,3 points par rapport à 1999, passant de 27 % à
21,7 %, ce qui représente un recul des investissements
publicitaires de 1,13 milliard de francs.
Les objectifs fixés en loi de finances initiale de 2001 ont tenu compte
des contraintes imposées par la loi et par le cahier des charges pour la
diffusion publicitaire (8 minutes par heure glissante au lieu de 10 minutes,
antérieurement 12 minutes et 4 minutes au maximum pour un même
écran) :
Les estimations de recettes sont indiquées par le tableau
suivant :
Recettes publicitaires 2001 (M€ H.T) |
|||
|
France 2 |
France 3 |
France 2 + France 3 |
Budget adopté |
316
|
212
|
528
|
(écart sur LdF) |
- |
+ 2
|
+ 2
|
Réalisations au 30/6/2001 |
163
|
113
|
276
|
(en % du budget annuel |
52 % |
53 % |
52 % |
Estimations au 31/12/2001 |
302
|
212
|
514
|
(écart/budget 2001) |
-
14
|
- |
-
14
|
d) Les résultats financiers
Le
chiffre d'affaires consolidé du groupe (13,8 millions de francs,
soit 2,10 milliards d'euros) a progressé de 10 % en 2000. En 2000,
les ressources publiques ont représenté 59 % du chiffre
d'affaires du groupe (contre 56 % en 1999), la publicité 34 %
et les autres recettes environ 7 %.
Les charges d'exploitation s'établissent à 14 263,2 millions
de francs (+ 8,3 % par rapport à 1999). L'année 2000 a
été spécifique du point de vue de l'évolution des
charges de personnel, avec le passage aux 35 heures, qui explique la plus
grande part de l'évolution de ces charges. Globalement, les charges de
personnel représentent un quart des charges d'exploitation du groupe. Le
coût de grille s'élève à 8 785,6 millions de francs
(hors provision sport) au titre des douze mois 2000.
Le résultat d'exploitation s'élève à
260,3 millions de francs, en forte augmentation par rapport à
l'exercice précédent (-238,4 millions de francs). Cette
amélioration de 500 millions de francs entre 1999 et 2000 atteste
de l'importance du rétablissement des comptes de France
Télévision.
Le résultat financier s'établissant à
- 143,2 millions de francs et le résultat exceptionnel
à 166,3 millions de francs, le résultat net consolidé
(part du groupe) en 2000 atteint 255 millions de francs, en
amélioration de 468 millions de francs par rapport à 1999
(-213,4 millions de francs).
Globalement l'exercice 2000 se solde par un renforcement de la situation
financière du groupe, visible au travers de l'amélioration des
principaux indicateurs de bilan.
Le bilan consolidé du groupe s'élève à 10.359,9
millions de francs à fin décembre 2000, en très
légère progression par rapport à fin 1999.
Les capitaux propres progressent de 1.335 millions de francs à
1.590 millions de francs. Ils représentent 59,6 % de l'actif
immobilisé, contre 50 % en 1999.
Les dettes financières (1.852 millions de francs) sont composées
principalement du crédit-bail contracté à l'occasion de la
construction de l'immeuble de France Télévision (1.285,8 millions
de francs).
S'agissant des investissements, il convient de relever qu'ils se sont
élevés à 516,9 millions de francs en 2000,
autofinancés à hauteur de 370,4 millions de francs
(capacité d'autofinancement dégagée sur la période).
La trésorerie nette du groupe passe de - 184,9 millions de
francs au 31/12/1999 à 304,9 millions de francs au 31/12/2000.
Toutefois, compte tenu de l'encours fournisseurs, le niveau réel de la
trésorerie en fin d'exercice s'élève, en approche
« économique », à un solde négatif de
53,9 millions de francs.
Si le groupe dispose ainsi d'une situation financière
équilibrée, celle-ci ne lui permettra pas cependant de financer,
seul, l'ambitieux programme de développement du numérique de
terre qui a été soumis au Gouvernement. C'est pourquoi le
principe d'une dotation en capital, dont les modalités sont en cours de
discussion avec l'État, a été confirmé par le
Gouvernement, le 29 mars 2001.
B. L'ESQUISSE DU PROJET DE FRANCE TÉLÉVISION POUR LA TNT
France
Télévision a fait, on l'a déjà noté, du
numérique terrestre son axe prioritaire de développement. Il
s'agit de renforcer la place du groupe public dans le paysage audiovisuel
français ainsi que de créer une dynamique de redéploiement
des hommes et des moyens.
L'État a décidé, dans cette optique, la création de
trois nouvelles chaînes en complément des chaînes
existantes, dont le projet de budget de 2002 amorce le financement.
1. La nouvelle offre publique
Les
objectifs suivants ont présidé au choix des nouvelles
chaînes de service public :
- défendre le pluralisme de l'information avec la création d'une
« chaîne info » ;
- favoriser la communication locale avec la création de nouvelles
chaînes régionales ;
- vivifier la création française avec la création d'une
chaîne France 4.
a) La « chaîne info »
Selon
les explications transmises à votre rapporteur par France
Télévision, la mission de la chaîne d'information sera de
favoriser le pluralisme de l'information en complément du rôle des
rédactions de France 2 et de France 3. La ligne
éditoriale sera différente de celle des chaînes
traditionnelles du secteur public. Les rédactions de France
Télévision devraient contribuer à son fonctionnement, ce
qui permettra d'opérer des économies d'échelle.
L'objectif sera de couvrir de façon permanente l'actualité en
France et dans le monde avec un souci de décryptage approfondi de
l'actualité.
Il est prévu d'appuyer la programmation sur l'image, avec un accent sur
les reportages de terrain ; sur la proximité, qui favorise
l'expression des acteurs de la vie politique, économique et
culturelle ; sur les rédactions régionales,
considérés comme un atout déterminant pour la
présentation de la vie nationale ; sur l'information
internationale, une large couverture des événements
internationaux devant permettre selon France Télévision de mettre
en lumière les défis qui se posent à la France dans le
monde ; et enfin sur l'interactivité, qui favorise une intervention
directe et en temps réel du téléspectateur dans le
débat public.
Tels sont les objectifs - encore un peu généraux - que les
dirigeants de France Télévision assignent à la future
chaîne d'information continue.
b) Les chaînes régionales
France
Télévision entend, avec huit ou neuf chaînes
numériques terrestres régionales organisées au sein de
France 3, démultiplier son offre régionale et conforter ses
parts d'audience, en dépit des très médiocre scores
obtenus par la chaîne régions actuellement diffusée en
numérique.
Il s'agit notamment d'offrir aux téléspectateurs une
programmation régionale faisant une large part à l'information de
proximité selon deux orientations :
- la multidiffusion des journaux et des magazines locaux et régionaux,
- la production de nouveaux programmes régionaux ou locaux.
La technique numérique devrait en outre, est-il annoncé,
permettre de moderniser et de réformer l'organisation de la chaîne
sur deux plans : l'évolution des métiers et la
décentralisation des responsabilités.
c) France 4
Le
projet France 4, qui associe France Télévision et Arte, est
présenté comme une vitrine de la télévision
publique. Elle devrait diffuser une sélection des programmes de
France 2, France 3, de La Cinquième et d'Arte. Son
objectif est d'améliorer l'exposition du meilleur de la programmation du
secteur public, au bénéfice, est-il indiqué, de la
création française.
En outre, France 4 développera, produira et diffusera des programmes de
découverte, d'initiations et d'informations dans le domaine de la
culture moderne. Elle a été conçue de ce fait comme une
source de divertissement et d'enrichissement pour le public.
Enfin, France 4 devrait orienter les téléspectateurs vers des
supports complémentaires de la connaissance (écrits, audiovisuels
et informatiques).
d) L'extension de la durée de diffusion de La Cinquième
La Cinquième occupera un canal à temps plein, ce qui devrait lui permettre de renforcer sa vocation éducative et d'atteindre un plus large public, notamment celui des actifs.
2. Autres éléments de la stratégie numérique de France Télévision
a) La coordination de l'ensemble des opérateurs de la TNT
Parallèlement à l'élaboration de ses
propres
projets, France Télévision a pris l'initiative de lancer un
groupe de liaison pour le développement de la télévision
numérique terrestre en France. Ce groupe, créé en novembre
2000, réunit la plupart des acteurs de la future
télévision numérique (groupes de communication,
industriels de l'électronique, opérateurs techniques) en vue de
la réussite du projet. Il agit en étroite collaboration avec le
CSA et les pouvoirs publics.
Trois sous-groupes ont été crées : technique, marketing
(produits et programmes) et communication.
L'objectif est en particulier de promouvoir un consensus industriel sur les
aspects techniques (formats, sous-titrages, son, interactivité) de la
TNT, de rappeler l'importance de la portabilité et de défendre
l'idée d'un déploiement homogène et cohérent du
réseau, en particulier dans les agglomérations. C'est ainsi qu'il
a été souhaité que soit intégré au plan de
fréquences l'installation d'un certain nombre d'émetteurs
secondaires pour parfaire la couverture.
Le groupe a aussi suggéré aux pouvoirs publics d'étudier
la création d'un fonds spécifique pour le financement des
dépenses de réaménagement des fréquences dans les
zones où le déploiement du numérique terrestre le
nécessitera.
Les participants au Groupe de Liaison sont : Access, Arte France, Canal
Plus, W Data, Emap, France Télévision, Fox Kids, Groupe AB,
Lagardère Média, Multithématiques, NRJ Groupe,
Pathé, Réservoir Prod, RMC, Simavelec (Grundig, Philips, Sony
France, Thomson Multimédia...), TDF, Three waves, Towercast, TPS.
b) L'accès à l'offre publique sur l'ensemble des supports
Plus de
20 % des foyers français reçoivent aujourd'hui la
télévision par câble ou par satellites, et des zones non
négligeables du territoire (comme l'Est de la France) ont, dans les
grandes agglomérations, un taux de raccordement au câble
supérieur à 50 %.
Dans ces conditions, France Télévision estime souhaitable, pour
que sa nouvelle offre atteigne l'ensemble du public, que les opérateurs
du câble et du satellite aient l'obligation de transporter gratuitement
ses nouvelles chaînes de service public selon le régime juridique
du « must carry ».
c) Contribuer à la construction des réseaux
France Télévision a lancé une consultation auprès des opérateurs techniques susceptibles d'assurer la diffusion de ses programmes. Huit sociétés françaises et étrangères ont été consultées.
3. Le financement
a) Coût
Selon
les estimations présentées par le groupe, le coût total de
l'offre numérique de France Télévision (Chaîne Info,
France 4, Régions) pourrait atteindre en régime de
croisière un montant brut de l'ordre de 1,1 milliard de francs dont 800
millions de francs environ directement liés au coût des grilles de
programmes des canaux numériques. Les autres coûts couvrent
essentiellement la diffusion (dont les services interactifs) , les frais de
communication et les frais généraux.
Les investissements, évalués à environ 1 milliard de
francs, comprennent les investissements techniques et autres, les
investissements en programmes, les investissements transversaux.
b) Financement
Le
projet numérique de France Télévision, en tant
qu'activité de service public, peut bénéficier d'un
financement mixte (redevance et publicité).
Les ressources consacrées à ces activités pourront donc au
total prendre 4 formes :
- des gains de productivité à réaliser par le groupe,
grâce à la mise en synergie des antennes et des équipes
dédiées au projet numérique ainsi qu'aux économies
liées à la création du groupe (rapprochement de certains
services) ;
- un accès à la redevance permettant de pérenniser
l'exploitation courante, par exemple par affectation au numérique
terrestre d'une part de la hausse de la redevance ;
- lorsque le système sera monté en régime, donc au bout de
quelques années, des recettes publicitaires ;
- par ailleurs, pour certaines chaînes (ex : canaux
régionaux), des ressources pourront provenir de partenariat à
développer, non pas sous forme de participation capitalistique, afin de
préserver l'identité de service public, mais sous la forme de
contributions diverses (co-productions).
La dotation en capital de 1 milliard de francs annoncée par le
gouvernement permettra de financer les actifs immobilisés et les
déficits d'exploitation liés au lancement du projet avant que le
système ne se stabilise.
Restent les progrès de productivité que le contrat d'objectifs et
de moyens devrait demander à France Télévision de
réaliser, sur lesquels aucune information n'est encore
(significativement ?) disponible.
C. LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LE FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC
Au cours
du débat précédant l'adoption de la loi du 1
er
août 2000, votre commission s'était inquiétée des
conséquences possibles de la définition des missions de
l'audiovisuel public adoptée par l'Assemblée nationale.
Elle avait rappelé à cet égard l'importance du fait que la
direction générale de la Commission européenne
chargée de la concurrence ait entrepris d'examiner la conformité
au droit européen du financement mixte du secteur public à partir
de l'idée qu'il convient de réserver les fonds publics au
financement des programmes de service public, les autres programmes devant
être financés par des recettes propres. Votre commission avait
exprimé la crainte que ceci n'implique l'élaboration d'une liste
des programmes de service public et l'identification de leur mode de
financement sur la base d'une comptabilité analytique des chaînes
publiques.
Votre commission avait aussi noté que la liste énumérative
des missions de l'audiovisuel public retenue par l'Assemblée nationale
allait implicitement à la rencontre de cette logique, dans la mesure
où cette liste pouvait aisément constituer le point de
départ d'une discussion aboutissant à l'établissement
d'une liste de programmes de service public reconnus par la commission, pour
lesquels le financement public serait admis, la même liste étant
susceptible d'être rediscutée au fur et à mesure que le
secteur privé prendrait en charge tel ou tel de ses
éléments.
Ce processus, s'il était enclenché, serait destructeur pour
l'audiovisuel public de la France, avait estimé votre commission, car la
télévision publique est essentiellement une
télévision généraliste destinée à
favoriser le contact de tous les publics avec tous les programmes, et doit
à cet effet offrir une programmation complète attirant le plus
large public. Dans cette optique, la distinction des modalités de
financement à partir d'une comptabilité analytique n'a
guère de sens.
Auditionnée par votre commission le 25 janvier 2000, Mme Viviane
Reding, membre de la commission européenne, chargée de
l'éducation et de la culture, avait d'ailleurs implicitement admis le
danger de la méthode énumérative en indiquant qu'une
définition globale du rôle de la télévision publique
était préférable à une énumération de
missions.
La communication sur les aides d'État au service public de
télévision adoptée par la commission européenne le
17 octobre 2001 permet de faire le point sur l'évolution de ce dossier
conditionnant l'avenir de la télévision publique.
Tout en confirmant la pertinence de l'approche synthétique des missions
de l'audiovisuel public préconisée au Sénat, cette
communication semble démontrer l'existence au sein de la commission
européenne d'une attitude de principe assez largement favorable à
la télévision publique, et pourrait annoncer une certaine
souplesse dans l'examen futur des pratiques nationales, conjurant ainsi les
risques que votre commission avait identifiés dans la rédaction
de ce qui est devenu l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986.
La communication sur les aides d'État au service public de
télévision prévoit que les États membres devront
définir expressément la mission du service public, la commission
se réservant de déceler d'éventuelles erreurs manifestes
d'appréciation. Cette dernière précision
déboucherait immanquablement sur le processus, entrevu par votre
commission en juin 2000, d'examen point par point du catalogue dressé
par la loi, si la communication ne précisait pas que la
définition adoptée par chaque État peut être large
et peut tendre à la réalisation d'un certain niveau d'audience.
La conception généraliste de la télévision publique
défendue par votre commission semble ainsi entérinée
à Bruxelles, et devrait guider l'interprétation de l'article
43-11 de la loi du 30 septembre 1986 lors de l'examen des plaintes
déposées par plusieurs télévisions commerciales
à l'encontre du financement de France Télévision.
La communication admet par ailleurs que la mission de service public puisse
comprendre, au delà des programmes de télévision, des
services d'information en ligne, sans que les États membres
s'exonèrent pour autant dans ce domaine du cadre fixé par le
protocole d'Amsterdam, ce qui semble exclure le lancement de sites de commerce
en ligne.
Il convient de rappeler à cet égard que le traité
d'Amsterdam créant l'Union européenne comportait un protocole aux
termes duquel « les dispositions du traité instituant la
Communauté européenne sont sans préjudice de la
compétence des États membres de pourvoir au financement du
service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est
accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l'accomplissement
de la mission de service public telle qu'elle a été
conférée, définie et organisée par chaque
État membre et dans la mesure où ce financement n'altère
pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la
Communauté dans une mesure qui serait contraire à
l'intérêt commun, étant entendu que la réalisation
du mandat de ce service public doit être prise en compte ».
La communication sur les aides d'État au service public de
télévision éclaire la façon dont la commission
entend interpréter et appliquer ce texte.
D. AUDIOVISUEL INTERIEUR ET AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR
Votre
rapporteur tient à relever l'exigence accrue de coordination et de
synergie que la convergence des médias suscite entre les organes de
l'audiovisuel intérieur et ceux de l'audiovisuel extérieur.
En ce qui concerne par exemple la radio, l'irruption de la radio sur internet,
phénomène majeur pour les radios internationales, tend à
remettre en cause les cloisonnements traditionnels. Les stations de toutes les
régions du monde sont désormais à la portée de
l'ensemble des auditeurs et internautes. C'est donc la capacité
d'adaptation des radios à la demande de publics très divers qui
fait désormais la différence entre elles. La dilution potentielle
de la spécificité des radios internationales doit alors conduire
les pouvoirs publics à favoriser activement l'implication des radios
nationales dans l'effort radiophonique extérieur, afin de
réaliser des économies d'échelle, d'éviter des
redondances et surtout d'enrichir l'offre radiophonique française aux
auditeurs dans l'ensemble du monde.
Par ailleurs, la convergence des médias, qui permet désormais de
fournir un ensemble très divers de services d'audiophonie, de
télévision, de téléphonie sur un même petit
récepteur numérique, et qui va très rapidement conduire
les opérateurs à proposer des offres groupées
multimédias, devrait encourager la définition de
stratégies d'alliance entre l'ensemble des opérateurs publics.
En ce qui concerne la télévision, les nombreuses actions
menées en faveur de l'exportation des chaînes publiques confirment
la tendance croissante à l'effacement des frontières entre
l'audiovisuel extérieur et l'audiovisuel intérieur.
Il serait en conséquence indispensable de mettre rapidement en place une
structure de coordination rassemblant les organismes publics de radio et de
télévision, ainsi que l'Agence France Presse, afin de
réaliser les synergies nécessaires.
Votre commission des affaires culturelles porte une attention spéciale
à l'organisation dans ce sens de l'ensemble de l'audiovisuel public.
Elle regrette par ailleurs la modestie des efforts consentis en faveur des
organismes de l'audiovisuel extérieur, spécialement de la radio,
dans le projet de budget pour 2002.
III. LE LANCEMENT DE LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE DE TERRE
Le
lancement de la télévision numérique de terre (TNT) a
débuté sur le plan juridique au début du mois d'août
2001 avec la publication d'une décision du CSA «
relative
à un appel aux candidatures pour l'édition de services de
télévision à vocation nationale diffusée par voie
numérique hertzienne
».
Déjà des polémiques éclatent, les positions les
plus contrastées, parfois très critiques, sont affichées
par les principaux intéressés. Jeux de rôles et
gesticulations d'acteurs économiques conscients qu'ils feront le
succès ou l'échec de la TNT et désireux de répondre
en position de force à l'appel aux candidatures ? Absence
d'illusion à l'égard d'une démarche dont le Sénat
avait, est-il besoin de le rappeler, profondément critiqué les
postulats et les modalités lors de la discussion de la loi du
1
er
août 2000, opposant aux dispositions
élaborées par le gouvernement des propositions très
différentes ?
Cela apparaîtra avec les premiers bilans. A ce stade, il est possible et
utile de faire le point sur le déroulement des premières
opérations de lancement de la TNT, sur les prises de position de
l'ensemble des acteurs, sur l'évolution des expériences
étrangères, et d'identifier parmi ces informations quelques
tendances qu'il importe de confronter aux intentions affichées lors de
l'adoption de la loi du 1
er
août 2001.
A. VOLONTARISME, RÉTICENCES, IMPEDIMENTA
1. Volontarisme
a) Les pouvoirs publics
Le
volontarisme est l'attitude naturelle des pouvoirs publics, gouvernement qui a
fait adopter par le Parlement un régime juridique de la TNT dont
l'échec serait sien, et CSA chargé d'appliquer ce dispositif dont
il avait au demeurant préalablement approuvé les principaux choix.
Conformément à ce que prescrivait la loi, et dans les
délais prévus, le CSA a procédé à l'automne
2000 à une concertation entre les acteurs privés et publics
concernés, sur l'aménagement du spectre hertzien, en vue du
développement optimal de la TNT. Un cahier des charges de la
planification des fréquences a été adopté et
publié. Il a été décidé de viser la mise en
place de réseaux comparables à ceux de la diffusion analogique,
afin de favoriser la rapidité des travaux (les sites des
émetteurs de TDF pourront généralement être
utilisés pour la diffusion numérique sous réserve de
travaux d'adaptation nécessitant souvent l'obtention des permis de
construire), de minimiser les coûts et d'obtenir la meilleure
compatibilité possible avec l'orientation actuelle des antennes
râteau de réception. La TNT sera ainsi lancée sur des
canaux adjacents aux canaux analogiques existants, que l'on appelle
« fréquences taboues » parce qu'elles sont
inutilisées afin de garantir l'absence d'interférence entre les
signaux diffusés à partir des émetteurs analogiques.
A la suite de cette consultation, conformément à l'obligation,
résultant de la loi du 1
er
août 2000, de publier
une première liste des fréquences disponibles avant le
31 juillet 2001, une liste des sites et fréquences destinés
à la TNT a été établie, ce qui a permis au CSA
d'engager avec l'appel aux candidatures du 24 juillet 2001 la procédure
d'attribution des capacités numériques.
Il convient de rappeler à cet égard les règles
d'attribution inscrites dans la loi. Celle-ci distingue le cas du secteur
public, le cas des chaînes hertziennes existantes, et celui des autres
candidats éventuels.
En ce qui concerne le secteur public, l'Etat peut exercer un droit de
priorité auprès du CSA pour que celui-ci attribue des
capacités numériques aux sociétés France 2,
France 3, La Cinquième, Arte et La Chaîne
parlementaire. La même disposition s'applique à de futures
filiales de France Télévision ayant pour objet d'éditer
des services de télévision diffusés en mode
numérique, ne donnant pas lieu au paiement d'une
rémunération de la part des usagers et répondant à
des missions de service public. Le gouvernement a annoncé sa
décision de créer trois nouvelles chaînes de service public
en TNT, l'une consacrée à l'information, une autre aux
régions, une dernière à la rediffusion, comme il
été indiqué ci-dessus.
Le CSA devra donc attribuer en priorité des canaux numériques aux
chaînes publiques et veiller à regrouper sur une ou plusieurs
fréquences les services bénéficiaires. Les chaînes
publiques seront donc rassemblées au sein des mêmes multiplexes. A
contrario, d'éventuels autres projets de chaînes publiques ne
répondant pas aux conditions indiquées plus haut (notamment la
gratuité et l'accomplissement d'une mission de service public) devront
suivre la procédure des appels aux candidatures.
En ce qui concerne les chaînes hertziennes existantes, T1,
Canal Plus et M6 bénéficient d'une priorité
d'accès au réseau numérique terrestre pour la reprise
intégrale et simultanée de leur programme. Ces trois services,
qui maintiendront parallèlement leur diffusion analogique, se verront
donc attribuer un canal numérique pour le simulcast de leur programme,
dans les mêmes conditions de mise à disposition auprès du
public (en clair pour TF1 et M6, en crypté pour Canal Plus), si elles en
font la demande. La même disposition s'appliquera aux chaînes
hertziennes locales autorisées au jour de la promulgation de la loi du
1
er
août 2000, une demi-douzaine de
sociétés. Les éditeurs de chaînes privées
nationales hertziennes pourront également bénéficier
automatiquement chacun d'un second canal pour la diffusion d'un service de
télévision répondant par ailleurs aux impératifs et
critères définis par la loi.
En ce qui concerne enfin les « nouveaux entrants », les
canaux restant disponibles seront attribués après lancement
d'appels aux candidatures, nationaux et locaux, et après audition
publique des candidats.
Conformément à la loi, le CSA a pu, sans attendre
l'achèvement de la planification de l'ensemble des fréquences,
décider de sélectionner des services nationaux lors d'un premier
appel aux candidatures ne concernant qu'une partie du territoire, les services
autorisés étendant alors progressivement leur zone de diffusion
au fur et à mesure de la disponibilité des fréquences et
de la numérisation du réseau, sans nouvel appel aux candidatures.
Les candidats nationaux et locaux devront constituer un dossier de candidature,
précisant notamment les caractéristiques générales
du service et du programme (pour les services à vocation locale la part
de la programmation réservée à l'expression locale), le
plan d'affaires, les caractéristiques techniques, les zones
géographiques de diffusion et, pour les services à vocation
nationale, les engagements éventuels en matière d'extension de
couverture du territoire, les modalités de commercialisation à
commencer par le système d'accès sous condition si le service est
crypté, le besoin en bande passante pour la diffusion, les propositions
éventuelles relatives à la fréquence et au regroupement
technique ou commercial de son service avec d'autres, les données
associées au programme de télévision, et enfin les
engagements pris en matière de délai de mise en exploitation du
service.
L'appel à candidatures du 24 juillet 2001 prévoit le
déroulement des attributions d'autorisations selon le calendrier
suivant :
- 29 novembre 2001 : réponse à l'appel aux
candidatures ;
- décembre 2001 : publication de la liste des candidats
recevables ;
- mars 2002 : sélection des dossiers de candidatures ;
- juillet 2002 : autorisation des éditeurs de services
(après élaboration des conventions avec chaque éditeur
sélectionné) et octroi des droits d'usage de la ressource
radioélectrique aux sociétés relevant du secteur public.
Dans un délai de deux mois à compter de la délivrance des
autorisations aux éditeurs de services privés et de l'octroi des
droits d'usage de la ressource radioélectrique pour la diffusion des
services du secteur public, les éditeurs titulaires d'un droit d'usage
d'une même ressource radioélectrique proposeront conjointement un
opérateur de multiplex.
Les étapes ultérieures seront le choix des distributeurs
commerciaux et l'élaboration des accords visant à
l'interopérabilité des systèmes d'accès sous
condition des éditeurs de chaînes payantes.
La diffusion des programmes devrait avoir lieu à partir de Noël
2002.
Le CSA a en outre décidé le 29 août dernier de lancer au
plus tard le 30 novembre les appels à candidatures pour les
chaînes locales de la TNT, pour lesquelles trois canaux ont
été réservés.
Le calendrier dressé par le CSA, dont les
empedimenta
mentionnés ci-dessous rendent d'ores et déjà le respect
illusoire, résulte des objectifs et des délais affichés
par le gouvernement et partiellement inscrits dans la loi du
1
er
août 2001. Du dispositif que le Sénat avait
adopté lors de la première lecture de la loi du
1
er
août 2001 afin de mettre en place les conditions d'un
lancement rapide et efficace de la TNT, le gouvernement a retenu un seul
principe, la nécessité d'un démarrage rapide, dynamique et
coordonné associant l'ensemble des acteurs effectifs de la TNT, en
oubliant -parmi bien d'autres orientations utiles- les corollaires
indispensables du volontarisme public : l'implication et l'adhésion
effective des opérateurs privés, dont la contribution à la
réussite du projet est incontournable.
Ainsi le Sénat avait-il souhaité ne pas inscrire dans la loi des
délais risquant de se transformer en autant d'indicateurs
d'échec, mais seulement des rendez-vous.
Le constructivisme du gouvernement n'a pu se satisfaire d'une démarche
aussi modestement réaliste. L'échéance de Noël 2002 a
été fixée, des étapes relais inscrites dans la loi,
Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication, a
manifesté à de multiples reprises l'intention du gouvernement de
tenir ces échéances, concédant simplement le
8 octobre dernier que si la publication des textes fixant les obligations
des futures chaînes de la TNT, initialement prévue avant le
15 octobre, pouvait prendre quelques semaines supplémentaires, cela
n'aurait
« vraisemblablement aucune conséquence sur le
lancement de la TNT, ou à la marge »
...
b) Le secteur public
Le
volontarisme est aussi la position naturelle du secteur public audiovisuel,
auquel la TNT offre un créneau de développement
intéressant alors que le développement rapide de l'offre de
services thématiques, les progrès annoncés de l'offre de
services interactifs et l'éclatement de l'audience, conjugués
avec un rôle un peu marginal dans l'économie du satellite,
semblaient profiler la menace d'un déclin progressif.
Le groupe a rapidement pris la mesure de cet enjeu :
«
porté et défendu par le groupe France
Télévision, tout entier, le numérique terrestre est un
projet fédérateur, mobilisateur et conquérant. Son
objectif fondamental est de permettre à France Télévision
de gagner une place de leader parmi les chaînes européennes dans
le respect de ses missions de service public.
C'est enfin un projet cohérent pour un groupe qui prépare la
télévision de demain. En décidant d'organiser son
développement autour du numérique terrestre, France
Télévision a la conviction de préparer, au mieux des
intérêts de la nation, l'entrée des
téléspectateurs dans le XXIe siècle
. »
Tel fut le commentaire dont le président de France
Télévision accompagna la présentation au conseil
d'administration du 24 octobre 2000 d'un « projet
numérique » prévoyant, pour un coût global en
année pleine évalué entre 1,6 et 1,8 milliard de francs,
outre la duplication numérique de France 2, France 3 et
La Cinquième, la création d'un « canal
multi-choix » de rediffusion des programmes de ces trois
chaînes, la création d'une chaîne d'information en continu,
la création d'une offre locale, la création d'une chaîne du
sport, celle d'une chaîne des arts et des spectacles en partenariat avec
Arte, celle d'une chaîne des 13-24 ans à vocation éducative
et multi-culturelle en partenariat avec La Cinquième, ainsi qu'une
offre interactive et de services éventuellement liée aux
programmes traditionnels diffusés en numérique.
On a noté plus haut la façon dont s'effectue la
préparation de France Télévision au lancement de la TNT
avec une offre supplémentaire effective de trois chaînes
thématiques.
c) Les nouveaux entrants
Participent au volontarisme des pouvoirs et des chaînes
publiques les « nouveaux entrants », éditeurs
existants ou potentiels de services de télévision, à la
recherche d'une place à prendre dans la diffusion hertzienne terrestre,
support toujours prédominant de la communication audiovisuelle dans
notre pays, puisque seulement 20 % des foyers accèdent actuellement
à l'offre du câble et du satellite.
Selon M. Eduardo Malone, président du directoire de Pathé,
«
parmi ceux qui vont postuler à l'attribution de
fréquences numériques terrestres, Pathé occupe une place
unique par son indépendance et son statut d'acteur majeur de la culture
populaire française, depuis la création du cinéma au
siècle dernier jusqu'aux grands succès d'aujourd'hui, comme
Astérix. Pathé entend donc être présent sur les deux
terrains distincts qui constitueront la télévision
numérique terrestre.
Sur le gratuit tout d'abord, Pathé souhaite faire partie des nouveaux
entrants qui contribueront à ouvrir le paysage audiovisuel et à
accroître le pluralisme. Ainsi, Pathé proposera au CSA la
candidature d'une ou deux chaînes hertziennes nouvelles. Le plus
avancé de ses projets est élaboré en étroite
collaboration avec Réservoir Prod, la société de
production de Jean-Luc Delarue dont les programmes fédérateurs
sont à même de répondre aux attentes de nombreux
téléspectateurs.
Sur le numérique terrestre payant, Pathé étudie les
conditions dans lesquelles elle pourra proposer la candidature de ses
chaînes thématiques telles que Voyage, leader sur le thème
de la découverte, Comédie !, Pathé sport et
Cuisine.tv, créée tout récemment, qui répond
à une attente forte du public pour des programmes offrant à la
fois services et divertissement ».
3(
*
)
Lagardère Média s'annonce aussi comme partie prenante au
lancement de la TNT.
2. Réticences
a) Les opérateurs traditionnels
Plus se
rapproche l'échéance de l'appel à candidatures, plus
s'exprime la réticence des opérateurs traditionnels de la
télévision hertzienne à l'égard d'un processus qui
leur semble d'autant plus mal amorcé qu'ils ne sont pas sûrs de
conserver à son terme la position de force que leur offre à
l'heure actuelle la diffusion analogique et le marché de la
télévision par satellite.
Peu importent du reste les raisons affichées ou secrètes des
critiques exprimées dans la presse. Comme votre commission l'avait
noté lors du débat parlementaire sur le régime juridique
de la TNT, leur participation active au lancement du nouveau paysage
audiovisuel est incontournable et aurait du être mieux pris en compte
pour fonder sur un socle sûr l'économie de la TNT.
Or, le président du directoire de M6 affirmait dans Libération du
27 septembre 2001 : «
Nous allons vers de graves
déceptions. Il faut confier cette technologie aux opérateurs
existants. Pas pour protéger leur monopole, mais pour que le
numérique terrestre, le câble et le satellite soient
complémentaires. [...] Ce n'est pas la peine d'autoriser tout un tas de
chaînes si elles ne correspondent pas à un marché. Avant
d'autoriser, le CSA doit regarder la composition de l'offre. Je suis quand
même frappé de voir que les plus enthousiastes pour aller sur le
numérique terrestre -France Télévision- le font avec
l'argent des autres !
»
Dans le même esprit, le président de Bouygues déclarait
dans Le Figaro-économie des 29 et 30 septembre 2001 :
«
Je suis consterné par le dossier de la
télévision numérique terrestre. Celle-ci sera à la
télévision ce que l'UMTS est à la téléphonie
mobile : un désastre. Il n'existe pas d'activité
industrielle dans le monde libéral qui puisse s'exercer sans
considération économique. Or, on a le sentiment que les
décisions sur la télévision numérique ne sont pas
dictées par des motivations économiques. Les résultats
sont dramatiques en Angleterre, premier pays à se lancer dans le
numérique terrestre. [...] Je m'interroge sur la volonté
réelle du gouvernement. Veut-il déstabiliser les médias en
général ? Quelle urgence y a-t-il à introduire un
nouveau média en concurrence avec deux bouquets satellites qui assurent
déjà en France une couverture parfaite et qui sont lourdement
déficitaires ? Pourquoi rajouter une nouvelle technologie au frais
du contribuable ? Est-ce un nouveau plan Câble qui a
coûté plusieurs dizaines de milliards de francs et qui est
toujours déficitaire depuis 20 ans ? Pourquoi, pour une fois, ne
pas tenir compte de l'avis des industriels qui ont démontré leur
capacité à bien gérer leurs
entreprises ?
»
On peut aussi noter que dans Le Figaro du 2 septembre 2001, le
directeur général de Canal Plus avait exprimé ses doutes
dans une tonalité légèrement différente :
«
Attention à ce que le numérique terrestre n'aille
pas dans le mur ! C'est une belle idée. Elle permet de
démocratiser l'accès au numérique. Cependant, le cadre tel
qu'il a été fixé fait que la probabilité d'une
réussite est très faible. Tirons les leçons des deux
expériences malheureuses que nous avons sous les yeux en Europe. [...]
En France, la condition absolue du développement du numérique
terrestre, c'est le choix d'un distributeur unique qui ne serait pas
créé contre les acteur du satellite mais avec eux. Et qui, tout
en garantissant l'entrée de nouveaux éditeurs Lagardère,
Pathé, Berda... pourrait faire bénéficier le marché
de son savoir-faire marketing et commercial. Une fois que le C.S.A. aura choisi
un bouquet de chaîne, il faudra bien que quelqu'un le vende ! Il
faut au moins deux millions d'abonnés pour que le numérique
terrestre atteigne son équilibre économique. Cela
représente deux milliards de francs d'investissements. S'il y a
plusieurs opérateurs de distribution ou si l'opérateur de
distribution est en concurrence frontale avec le satellite, l'investissement
sera bien plus élevé encore. Autrement dit, personne n'ira bien,
ce sera sans avenir.
»
Les expériences étrangères offrent en effet des
enseignements alarmants.
b) La leçon des expériences étrangères
Dans sa
déclaration précitée au Figaro, le directeur
général de Canal Plus avait cité deux expériences
significatives : «
celle de la Scandinavie qui prouve que
lorsqu'il y a plusieurs distributeurs en lice, l'offre est tellement
fragmentée qu'elle conduit à l'échec commercial. Celle du
Royaume-Uni qui montre que le choix d'un seul opérateur de distribution,
s'il est concurrent de l'opérateur satellite, aboutit à un
succès commercial mais à un désastre
financier.
»
Il est intéressant de présenter un bref aperçu de ces deux
situations.
• La Grande-Bretagne
Le TNT a
été lancée en Grande-Bretagne à la fin de 1998 avec
l'attribution par l'Independant television commission (ITC), le
régulateur britannique, de trois multiplexes à British Digital
Broadcasting enterprise, qui associe Carlton communication et Granada Group, et
de trois autres multiplexes aux chaînes hertziennes analogiques
existantes, dont un à la BBC. La commercialisation, comprenant la
promotion du service, la vente des décodeurs, la formation des
installateurs et la vente des abonnements pour les services payants,
était assurée par On Digital, émanation de Carlton et de
Granada.
Le bouquet On Digital a attiré trois ans plus tard 1 million
d'abonnés contre 5,5 millions pour Sky digital, bouquet
numérique destiné à être substitué au bouquet
satellitaire BskyB analogique et 1,1 million pour le câble
numérique.
On Digital espère atteindre 1,7 million d'abonnés et
l'équilibre financier en 2003, alors que Sky Digital en prévoit 7
millions à la même échéance.
Le taux de désabonnement d'On Digital a été de 22 % en
moyenne en 2000, avec des pointes de 30 %.
Les observateurs, à commencer par le président de Granada, qui a
publié en juin dernier des pronostics alarmants, esquissent à
partir de ces informations un constat d'échec.
Deux explications sont avancées
4(
*
)
, d'une
part les conditions de la commercialisation de la TNT, d'autre part la
conformation de son offre de programmes.
On Digital, chargée de commercialiser la TNT, a privilégié
les zones dans lesquelles l'ensemble des multiplexes étaient
diffusés. Cette stratégie est entrée en contradiction avec
le pari initial du gouvernement, qui consistait à préparer le
basculement vers le numérique de la télévision analogique
en attirant le plus grand nombre possible de téléspectateurs
disposés à acquérir un équipement numérique
de réception pour disposer d'un grand nombre de chaînes gratuites.
C'est dans cette optique que la BBC a lancé seule quatre nouvelles
chaînes et plusieurs autres en partenariat. Du fait du retard pris dans
l'extension de la couverture du territoire, le public atteint a
été plus restreint que prévu : entre 60 et 75 %
de la population a été couverte les deux premières
années, 50 % de la population sera couverte en qualité optimale
de réception à la fin de l'année en cours.
Le pari de la gratuité fut au demeurant une erreur, dans la mesure
où le marché du numérique est en fait tiré par les
chaînes payantes ayant la capacité de proposer une programmation
exclusive, par les chaînes à forte image et par les services
interactifs.
Or, sur une offre de 30 chaînes au départ, 13 étaient
gratuites.
L'offre de On Digital a atteint entre-temps 54 chaînes, s'est
étendue à des services interactifs et au paiement à la
séance, et comporte un accès à internet.
La concurrence avec le bouquet numérique de BskyB n'est pas moins hors
d'atteinte, dans la mesure où Carlton et Granada sont des
opérateurs de la télévision commerciale en clair et n'ont
pas accès aux ressources de BskyB, qui est l'un des principaux
éditeurs de chaînes payantes du sport et du cinéma. De
plus, Sky Digital a dès octobre 1998 distribué gratuitement
ses décodeurs en échange d'un abonnement renouvelable d'un an
à ses 200 chaînes, ce qui permet aux abonnés de
consacrer leur budget télévisuel aux chaînes qu'ils
désirent. Par ailleurs, le bouquet Sky Digital a la capacité
technique de proposer une offre de service interactif plus performante que
celle de On Digital.
Les moyens de renverser ce rapport de forces apparaissent limités. Les
actionnaires d'On Digital ont décidé de changer le nom du bouquet
au profit de la dénomination ITV Digital, ce qui permettra à ce
dernier de profiter de la notoriété d'ITV, premier réseau
anglais de télévision avec les chaînes d'ITV et Channel 3.
Par ailleurs, les actionnaires du bouquet demandent au gouvernement de fixer la
date de suppression de la diffusion analogique et de subventionner l'achat de
postes de télévision numériques. Dans la mesure où
sur les six millions de téléviseurs vendus en 2000, seuls 10 000
étaient adaptés à la réception numérique, il
peut y avoir ici un dernier levier à utiliser pour
accélérer la migration vers le T.N.T., au prix d'un engagement
financier de l'Etat qui ne figurait pas dans les hypothèses de
départ.
• La Suède
La TNT a
été lancée dans ce pays en avril 1999 avec trois
multiplexes puis un quatrième multiplexe à partir de
janvier 2000 et 18 programmes actuellement, majoritairement gratuits. La
couverture, estimée au départ de 50 % de la population, est
aujourd'hui de 79 % et devrait atteindre 98 % en 2002.
Une analyse publiée dans Libération du 3 avril 2001
relève le caractère « catastrophique » du
lancement de la T.N.T. dans ce pays : «
les décodeurs
coûtent 550 euros, le choix des programmes est minimaliste par rapport au
câble et au satellite et les services interactifs sont quasi
inexistants
», «
deux ans après le
démarrage de la T.N.T., le constat reste décevant. 50 000
foyers environ sont équipés d'un décodeur. A rapprocher
des 2,3 millions de foyers abonnés au câble ou des
830 000 qui ont choisi le satellite.
»
3. Impedimenta
Deux difficultés particulières manifestent d'ores et déjà la difficulté de l'opération de lancement de la TNT
a) L'échéancier
On sait
depuis peu que la date de clôture des appels à candidatures,
fixée initialement au 30 novembre, sera reportée de plusieurs
semaines dans la mesure où le CSA a accordé aux candidats un
délai de 45 jours pour leur laisser le temps d'examiner les
décrets fixant les obligations de production et de diffusion de la TNT,
ce qui supposait que ces décrets seraient publiés avant le 15
octobre.
Or, cinq décrets liés au lancement de la TNT sont actuellement en
cours d'élaboration. Trois d'entre eux étendent, dans un souci
d'harmonisation, certaines obligations des futures services numériques
de terre aux chaînes du câble et du satellite, et modifient les
obligations des chaînes cryptées diffusées en analogique
ainsi que les règles de diffusion des oeuvres cinématographiques.
Publiés au début du mois d'août sur le site internet du
ministère de la culture, ils ont fait l'objet depuis la rentrée
d'un débat critique qui a retardé leur adoption définitive.
Dans un avis publié le 3 octobre 2001, le CSA a considéré
que pour assurer la viabilité des chaînes de la TNT, il fallait
étaler la montée en charge de leurs obligations, favoriser
l'apparition de nouvelles ressources, en particulier de publicité, et
privilégier une approche au cas par cas plutôt qu'une
réglementation générale et contraignante fixée par
les décrets.
En premier lieu, le CSA a jugé
« essentiel que les services
cryptés puissent diffuser des messages publicitaires tout au long de
leur programmation »,
alors que, à l'instar du
régime applicable à Canal +, le projet de décret ne les y
autorise que pendant les parties de programmes diffusées en clair et 6
heures par jour au maximum. Selon le Conseil
« cette disposition
pourrait compromettre la migration de certains services actuellement
diffusés par câble et par satellite vers le numérique
hertzien ».
En outre, le CSA a souhaité l'ouverture des
secteurs interdits à la publicité (distribution, cinéma,
presse et éditions).
Concernant les obligations d'investissement dans la production, le CSA s'est
prononcé pour une
« montée en charge des obligations
étalée sur une période plus longue »
, soit 7
ans au lieu des 5 ans préconisés par le décret,
« cette période maximale de 7 ans, pouvant inclure un
éventuel moratoire des 3 ans »
. Par ailleurs, le CSA a
considéré
« la clause de non recul du montant des
dépenses des services qui seraient diffusés en numérique
hertzien après trois ans de conventionnement sur le
câble »,
comme
« extrêmement
préjudiciable pour les services qui connaîtraient une baisse
significative de leur chiffre d'affaires d'une année sur
l'autre ».
Le CSA a ainsi suggéré qu'il pourrait
recevoir
« toute latitude pour déterminer les conditions de
la montée en charge en télévision numérique de
terre des services issus du câble et du satellite ».
L'ensemble de ces mesures devrait permettre
« aux éditeurs
de services d'atteindre leur équilibre économique dans un
délai raisonnable »,
a estimé le Conseil.
Le CSA a réclamé par ailleurs un certain nombre d'autres
modifications, portant en particulier sur la notion de production
indépendante, sur l'assiette de calcul des obligations de production
pour les services en clair et pour les services payants, ou encore sur les
quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles.
b) Les équipements de réception
Il
semble qu'au-delà de la question cruciale de l'équipement des
ménages en équipements de réception, l'adaptation des
antennes râteau actuelles à la réception numérique
pose problème dans un certain nombre de cas, alors que la
possibilité d'utiliser ces antennes sans adaptation préalable
était présentée comme un atout majeur de la TNT.
Dans sa livraison du 7 juin 2001, la revue Écran Total a
révélé cette difficulté qui résulterait du
fait que la TNT utilise, comme indiqué ci-dessus, les « canaux
tabous » du spectre hertzien terrestre, laissés vacants afin
de prévenir les risques d'interférences entre signaux
diffusés sur des canaux contigus, dus à la puissance des
émetteurs analogiques. L'émetteur analogique de la tour Eiffel
est toutefois si puissant que la vacance des canaux tabous a été
estimée insuffisante pour éviter tout risque de brouillage. Aussi
les installateurs d'antennes auraient-ils « bridé »
les dispositifs susceptibles de recevoir les émissions de ces canaux.
C'est ainsi que 80 % des immeubles parisiens ne pourraient recevoir les
programmes de la TNT sans « débridage »
préalable de leurs antennes, à un coût estimé entre
400 francs et 1 000 francs selon la date d'installation de l'antenne.
Sachant que la décision d'adapter les antennes collectives appartient
aux assemblées générales de copropriétaires,
l'adaptation du parc des antennes de Paris pourrait être longue et
partielle.
Il serait possible de contourner cet obstacle grâce à la
« portabilité », qui permet de recevoir les
émissions avec une petite antenne intégrée au
téléviseur ou posée dessus. Mais cette possibilité
ne profiterait qu'à quelque 40 % des logements. Compte tenu du
rôle déterminant du marché parisien dans l'économie
de l'audiovisuel, cette situation pourrait avoir des répercussions sur
le lancement de la TNT.
B. CONCURRENCE OU CONCENTRATION ?
Il convient de rappeler à titre préalable que le gouvernement avait justifié son choix de faire attribuer service par service, et non par multiplexe comme le proposait le Sénat, les autorisations d'utiliser les fréquences hertziennes terrestres numériques, en invoquant l'objectif de pluralisme et de diversité des opérateurs.
1. Rôle moteur des services payants
a) Hypothèses initiales
La loi
du 1
er
août 2001 a invité le CSA à favoriser les
services gratuits lors de l'attribution des fréquences hertziennes
terrestres numériques, sous réserve du réalisme de leur
plan d'affaires et des capacités économiques, notamment au regard
de la ressource publicitaire. Le modèle économique choisi est
donc assez semblable aux choix initiaux du gouvernement britannique, qui
entendait attirer un large public à la TNT en proposant
l'élargissement et la diversification de l'offre gratuite.
La configuration de la consommation audiovisuelle en France semble se
prêter particulièrement bien à cette démarche. En
effet, 80 % des 24 millions de foyers dotés de 34 millions de
récepteurs ne reçoivent que les programmes diffusés par
voie hertzienne terrestre analogique et peuvent souhaiter accéder, selon
les modalités techniquement peu complexes annoncées, à une
offre plus large, d'autant plus qu'elle serait largement gratuite. Au surplus,
les foyers abonnés au câble et au satellite pourraient aussi
être intéressés par la TNT afin d'accéder à
son offre spécifique éventuelle, en particulier celle des
chaînes locales.
Par ailleurs, la modélisation économique effectuée par les
services du gouvernement semble indiquer que le marché publicitaire
pourra financer un nombre significatif de chaînes gratuites. Si la
croissance moyenne du marché publicitaire était de 4 % par
an pendant les 10 prochaines années et si, en fonction des
hypothèses les plus raisonnables de partage de l'audience entre les
chaînes généralistes historiques et les nouveaux services,
ceux-ci recueilleront 19 % des investissements publicitaires, les
nouvelles chaînes gratuites recueilleraient au bout de 10 ans
quelque 5 milliards de francs. Le marché publicitaire pourrait donc
financer au bout de 10 ans une dizaine de chaînes pour des
coûts de grille de programmes allant jusqu'à 500 millions de
francs (un coût de grille moyen de 100 millions de francs
apparaît raisonnable durant les premières années
d'exercice).
b) Rôle des services payants
Mais
s'il est une leçon à tirer des expériences britannique et
suédoise, c'est que les téléspectateurs sont prêts
à faire la dépense d'un boîtier démodulateur ou a
fortiori d'un téléviseur numérique pour une offre de
programmes exclusive et attractive que les services payants sont mieux en
mesure de fournir que les gratuits, compte tenu des relations qu'ils ont eu
à nouer avec les meilleures filières d'approvisionnement en
programmes cinématographiques et sportifs. C'est le cas de BSkyB en
Angleterre, de Canal Plus et de TPS en France.
On note aussi à cet égard qu'avec près d'un foyer sur
trois, abonné aujourd'hui à une offre de télévision
payante, la France dispose d'une marge significative de développement
dans ce domaine par rapport aux autres pays européens à haut
revenu.
On remarque enfin que les services payants apparaissent les plus aptes à
lever le verrou que constitue l'équipement du public en systèmes
de réception.
Dans une contribution à la revue Dossiers de l'audiovisuel
publiée en juillet et août 2000, le directeur des études du
CSA présente à cet égard une analyse qu'il est
intéressant de retenir :
« Les premiers modèles de téléviseurs
numériques intégrés devraient être proposés
dans les magasins français à la fin de l'année 2002, mais
l'incertitude plane sur le rythme d'introduction et l'élargissement de
gamme à des prix accessibles au grand public. Les principaux
constructeurs alimentant le marché français (Philips, Thomson,
Grundig, Sony...) hésitent en effet à opérer une
entrée en force massive de ce nouveau produit alors même qu'ils
réalisent ces dernières années des ventes florissantes et
de confortables marges avec les récepteurs analogiques 16/9 et avec les
lecteurs DVD. Pour ne pas perturber ce dernier marché encore largement
prometteur, les industriels envisagent de n'introduire au départ le
téléviseur numérique intégré que sur les
segments haut de gamme puis moyen-supérieur, avec un surcoût de
l'ordre de 1 500 francs [...]
Les mêmes industriels trouveront également peu
d'intérêt à proposer au public des boîtiers
démodulateurs simples et bon marché. Une offre alternative de
démodulateurs pourrait alors venir d'outsiders, à la condition
qu'ils accèdent aux circuits français de grande distribution
réputés protégés. Une hypothèse pourrait
être que la communauté des chaînes en clair de la TNT
(service public et chaînes gratuites des éditeurs nouveaux
entrants) s'allie pour promouvoir une telle introduction.
En définitive, une approche raisonnable consiste à prévoir
que l'équipement TNT des ménages français sera en
début de période majoritairement assuré par des
boîtiers décodeurs fournis en prêt ou location par les
éditeurs et distributeurs de chaînes payantes, selon le
schéma suivi depuis 15 ans par Canal Plus, le câble et les
deux plates-formes satellitaires. On ne saurait considérer toutefois que
ce déploiement sera facile et neutre : il implique en effet de
très lourds investissements et une capacité d'amortissement sur
longue période, réservés aux plus gros acteurs du secteur,
qui escomptent en contrepartie des attributions généreuses de
fréquences et une large liberté de manoeuvre dans la
commercialisation des services »
.
2. Rôle du distributeur commercial
a) Risque de position dominante
Sous
quelle forme les services payants seraient-ils conduits à financer
l'équipement du public en boîtiers
démodulateurs-décodeurs ? A cette étape
apparaît le rôle central du distributeur commercial, ainsi
défini dans l'appel à candidatures du 24 juillet 2001 :
toute société, distincte des éditeurs de services,
chargée d'assurer la commercialisation de leurs services auprès
du public.
Un distributeur commercial, ou plusieurs, sera chargé de monter, former,
approvisionner, animer un réseau de distribution des boîtiers, et
éventuellement d'adaptation des antennes, de commercialiser les
abonnements et de suivre les relations avec la clientèle, d'effectuer la
promotion publicitaire du bouquet dont il aura ainsi la gestion. Ce sera le
véritable pivot de l'économie de la TNT. Il encaissera les
abonnements, dont on peut penser qu'il fixera le montant en fonction de
paramètres dont la pondération lui appartiendra et non aux
chaînes payantes autorisées par le CSA : taux du reversement
aux éditeurs, niveau des frais de fonctionnement et de
développement du réseau, niveau souhaitable de la concurrence
avec l'offre du câble et celle du satellite.
Le directeur des études du CSA a publié à cet égard
le diagnostic suivant :
« L'ampleur de cette tâche et des investissements
nécessaires conduit souvent à considérer comme
incontournable le recours à des distributeurs commerciaux puissants,
expérimentés sur le secteur et déjà dotés
d'un réseau et d'outils ad hoc, tels que Canal-Satellite et TPS. Cette
approche est réaliste, quoiqu'elle conduise à confier aux
opérateurs du satellite le robinet de la distribution de la TNT, ce qui
pourrait emporter le risque de certaines distorsions : tarification de la
TNT alignée sur celle du satellite, démarchage
privilégié en zone urbaine et faible en dehors, puissance de
négociation accrue vis-à-vis des éditeurs
indépendants... »
.
Le souci du pluralisme affiché par le gouvernement ne paraît donc
pas empêcher le déclenchement d'une logique de concentration
commerciale et la constitution de positions dominantes.
Ajoutons que les deux opérateurs mentionnées ne sont
vraisemblablement pas en position égale dans la course qui risque de
s'engager pour l'appropriation de la gestion commerciale de la TNT.
b) Rôle de Canal Plus
Si Canal
Plus orientait vers la TNT plutôt que vers la diffusion satellitaire les
2,7 millions d'abonnés que la chaîne compte en hertzien
analogique, développant sur ce créneau la politique de mise
à disposition de boîtiers démodulateurs-décodeurs
menée avec succès dans les autres modes de diffusion, le rythme
de migration de l'analogique vers le numérique serait
accéléré de 18 mois sur 4 ans, selon la
modélisation effectuée par le gouvernement, et les perspectives
de succès de cette migration seraient sérieusement
confortées.
Il est vrai que les obligations d'interopérabilité des
boîtiers instituées par la loi feraient profiter les
opérateurs concurrents d'un potentiel dont Canal Plus peut souhaiter se
réserver le bénéfice.
L'étude précitée remarquait à cet
égard :
« Pour autant, et à certaines conditions d'autorisations de
chaînes et d'acquisition d'un rôle prépondérant et de
libre exercice dans la distribution commerciale, le groupe peut
également trouver son compte dans l'option de migration de ses
abonnés vers la TNT, notamment en zones urbaines où
l'équipement satellite rencontre de fortes résistances, afin de
les fidéliser en leur proposant une offre élargie de
chaînes du groupe et en prenant de vitesse les offres payantes
concurrentes qu'autorisera la TNT ».
Peut-être est-ce en s'inscrivant dans cette perspective que le directeur
général de Canal Plus remarquait dans Le Figaro du
2 septembre 2001 :
« En France, la condition absolue du développement du
numérique terrestre, c'est le choix d'un distributeur unique qui ne
serait pas créé contre les acteurs du satellite mais avec eux. Et
qui tout en garantissant l'entrée de nouveaux éditeurs
Lagardère, Pathé, Berda... pourrait faire
bénéficier le marché de son savoir-faire marketing et
commercial. Une fois que le CSA aura choisi un bouquet de chaînes, il
faudra bien que quelqu'un le vende ! Il faut au moins deux millions
d'abonnés pour que le numérique terrestre atteigne son
équilibre économique. Cela représente deux milliards de
francs
d'investissements. S'il y a plusieurs opérateurs de
distribution ou si l'opérateur de distribution est en concurrence
frontale avec le satellite, l'investissement sera bien plus élevé
encore. Autrement dit, personne n'ira bien, ce sera sans avenir ».
Le gouvernement est-il résolu à accepter cette perspective ?
Dans un entretien publié par Libération du 5 octobre 2001,
Mme Catherine Tasca livrait dans ses termes son sentiment sur la
proposition de Canal Plus de commercialiser l'ensemble des chaînes de la
TNT :
« La distribution est une clé économique importante
pour la viabilité du système, l'expérience pas très
brillante des pays voisins le prouve. Canal Plus se propose, mais ils sont
aussi pressentis par d'autres chaînes. Nous n'avons pas de parti pris,
pourvu que les règles de concurrence soient
respectées ».
De l'exigence de pluralité au fait accompli de la position dominante
d'un seul opérateur, le chemin pourrait être court. La voie
choisie par le gouvernement pour lancer la TNT conduit-elle invinciblement
à transformer le système oligopolistique de la diffusion
analogique en monopole commercial sur le numérique ?
Peut-être ce risque a-t-il conduit le ministre de l'économie et
des finances à confier au directeur général de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le 18
octobre 2001, la mission d'étudier « les modalités
économiques de nature à assurer à la TNT les meilleurs
chances de succès, dans le cadre d'une concurrence effective permettant
l'accès des différents intervenants dans des conditions
transparentes, ouvertes et non discriminatoires ».
Le gouvernement se serait épargné les soucis à venir
s'il avait procédé d'entrée de jeu, comme le Sénat
le lui avait demandé, à une étude sérieuse de
faisabilité économique de la TNT, afin de définir le
profil du régime juridique à mettre en place. C'est l'ensemble du
dispositif inséré dans la loi du 1
er
août 2000,
qu'il faudrait revoir, faute d'avoir disposé d'une étude de
référence, en particulier à la lumière des analyses
que votre commission a prodiguées à différentes reprises
des insuffisances de ce texte.
Votre rapporteur rappellera brièvement la substance de ces analyses
avant de présenter une ultime suggestion.
RAPPEL
DE LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES
CULTURELLES SUR LES CONDITIONS
ÉCONOMIQUES
ET JURIDIQUES DU LANCEMENT DE LA TNT
Appelée en mai dernier à rendre un avis sur
plusieurs
articles du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social,
éducatif et culturel, en particulier sur l'article 13 modifiant les
conditions d'application aux services de télévision
diffusés par voie hertzienne terrestre numérique du plafond de
détention par une même personne du capital des
sociétés détentrices d'autorisation (plafond de 49%), la
commission des affaires culturelles a ainsi résumé
5(
*
)
les analyses que son rapporteur avait
présentées, au cours du débat d'adoption de la loi du
1
er
août 2000, sur les conditions économiques et
juridiques du lancement de la TNT :
La télévision numérique de terre ne correspond pas a
priori à un besoin du marché ni à une stratégie de
développement élaborée par les opérateurs :
- les principaux diffuseurs privés ont axé leur
développement sur le pari réussi du satellite. La
télévision numérique de terre remet en question la
rentabilité de cet investissement tout en suscitant d'importants besoins
de financement ;
- les opérateurs du câble sont menacés par la perspective
de la diffusion d'une offre de télévision qui pourrait être
moins chère que la leur ;
- pour des raisons techniques, la télévision numérique de
terre n'offre pas de perspectives aussi intéressantes que le satellite
sur le marché émergent des services interactifs, qui
nécessitent la disposition de capacités de diffusion importantes.
La télévision numérique de terre est donc d'abord un
projet politique correspondant à une certaine vision de
l'intérêt général.
D'une part en effet, le numérique de terre :
- implique, comme la diffusion analogique de terre, l'existence d'un
réseau de relais implantés sur l'ensemble du territoire sous le
contrôle des pouvoirs publics ;
- implique aussi, du fait de la relative rareté de la ressource de
diffusion, le maintien d'un système d'autorisation qui permet de
soumettre les services attributaires des fréquences à des
obligations d'intérêt général.
Avec le numérique de terre, la France devrait conserver la disposition
d'un instrument efficace de politique économique et culturelle.
D'autre part le numérique de terre peut aussi ouvrir la voie à un
certain nombre d'évolutions socio-économiques souhaitables, dans
la mesure où il devrait permettre :
- d'offrir au public le plus large un grand choix de programmes et de services
innovants ;
- de favoriser le développement de la communication locale et de
proximité ;
- de permettre aux opérateurs d'accroître à terme,
grâce à la réduction de leurs coûts de diffusion,
leur rentabilité et donc leur capacité investissement dans les
programmes ;
- d'ouvrir un créneau de développement à la
télévision publique, qui n'a pas su prendre le virage du
satellite, et pour laquelle le numérique de terre apparaît comme
un dernier moyen d'opérer la diversification thématique
nécessaire pour suivre le fractionnement croisant de l'audience et
éviter la marginalisation au sein du paysage audiovisuel.
C'est en fonction de l'ensemble de ces éléments que le
Sénat avait pris l'initiative d'introduire dans le projet de loi devenu
loi du 1er août 2000 un régime juridique susceptible de permettre
le lancement du numérique de terre avec d'excellentes perspectives de
succès.
Conscient du fait que le lancement de la télévision
numérique de terre dépend de la mobilisation des
opérateurs et du fait que celle du secteur privé dépend
essentiellement de réalités économiques sur lesquelles
l'État a une prise limitée, le Sénat avait adopté,
sur la proposition de votre commission, un régime juridique
concurrentiel, souple et incitatif, susceptible d'assurer le concours de
l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel à la réussite de la
télévision numérique de terre.
Or le système mis en place sur la proposition du gouvernement par la loi
du 1er août 2000 dessine un paysage numérique de terre rigide et
largement administré.
Ce système fera en effet émerger à l'occasion des appels
à candidatures une offre de programmes éclatée, qu'il
appartiendra au CSA d'organiser de son seul chef, en s'inspirant
éventuellement des souhaits exprimés par les éditeurs,
afin de composer fréquence par fréquence une offre
cohérente, attractive et susceptible de provoquer à terme la
constitution d'une économie viable de la diffusion hertzienne
numérique de terre.
En d'autres termes, le dispositif législatif confie au CSA le rôle
d'ensemblier global de la diffusion numérique de terre, rôle
crucial pour le lancement de ce marché comme il a été
déterminant pour la réussite de la diffusion satellitaire
(l'absence d'ensemblier a été en revanche largement responsable
des pannes de l'économie du câble).
C'est ainsi, entre autres exemples, que :
- le distributeur de multiplexe, ensemblier naturel et véritable garant
du lancement efficace du numérique de terre, en ce qui concerne
particulièrement l'organisation et le développement de la
diffusion, est réduit à un rôle purement technique et
économiquement passif, les futures chaînes ne sachant pas, de leur
côté, avec quels partenaires et sur quelles fréquences
elles auront à s'entendre pour développer et optimiser leur
diffusion ;
- une priorité est accordée aux chaînes gratuites alors que
rien n'indique que le marché publicitaire pourra financer la
création de plusieurs dizaines de chaînes nouvelles, nationales ou
locales, alors que la pénétration du numérique de terre
sera trop lente pour que soit possible le basculement vers le clair des
chaînes payantes du câble et du satellite, et en dépit de
l'essor que la constitution d'une offre payante significative donnerait
à l'équipement des ménages en moyens de réception
numériques (la présence d'une offre payante inciterait les
distributeurs de multiplexe à subventionner largement
l'équipement des ménages, comme ce fut le cas pour assurer le
succès du Minitel, du satellite et du téléphone mobile) ;
- l'attribution pour 10 ans des autorisations service par service va figer le
paysage numérique de terre alors d'une part que l'adaptabilité de
l'offre est essentielle à son caractère attractif, alors d'autre
part que l'évolution technologique va modifier en permanence les
conditions d'une gestion optimale de la ressource disponible sur chaque
fréquence, incitant à adapter de façon continue la
composition optimale de l'offre de chaque multiplexe.
Votre commission estime que ces choix ont toutes les chances de freiner le
lancement de la télévision numérique de terre, avec deux
perspectives à la clé :
- un risque financier tout d'abord : la réticence manifeste des
opérateurs privés les plus aptes à relever les
défis de la télévision numérique de terre -
réticence dont le débat sur le seuil de 49 % n'est qu'un
indice - dessine à moyen terme la perspective d'un échec dont
l'État portera la responsabilité politique du fait des choix
idéologiques qui ont présidé à l'élaboration
du régime législatif du numérique de terre.
L'État sera invité à prévenir l'échec en
assumant certains coûts, on pense au financement des infrastructures de
diffusion ou au coût du renouvellement des équipements de
réception du public. Le cycle pervers de l'économie
structurellement déficitaire et nécessairement
subventionnée s'ouvrira ;
- un risque industriel ensuite : mise sous perfusion politique et
financière par l'activisme des pouvoirs publics, la
télévision numérique de terre atteindra vraisemblablement
un stade de développement suffisant pour définitivement
compromettre les perspectives de l'économie du câble, et pour
infléchir la courbe de croissance du satellite. L'audiovisuel
français pourrait ne pas sortir de l'aventure sans avoir laissé
passer quelques chances de croissance plus sérieuses.
Comment éviter ces perspectives, comment parer le risque de
« retard à l'allumage » qui se profile de plus en
plus précisément, comment en un mot assurer efficacement le
lancement de la TNT dans le respect du pluralisme et de la libre concurrence
des opérateurs ? Le réalisme impose d'y
réfléchir à partir de la situation actuelle, et non en
fonction de ce qu'aurait pu être un lancement opéré dans
des conditions juridiques plus souples, plus efficaces et plus mobilisatrices.
En ce qui concerne la question du distributeur commercial, la constitution
éventuelle d'un consortium d'opérateurs chargé de la
commercialisation des services pourrait limiter les risques d'atteinte à
la concurrence
En ce qui concerne l'équipement des ménages en tant que condition
cruciale du lancement de la TNT,
la voie dirigiste choisie par le
gouvernement en juin 2000 peut avoir sa logique, sa cohérence et
même son efficacité, à condition de se plier à ce
qu'elle impose. L'une de ces exigences est certainement la fixation solennelle
et irrévocable d'une date de cessation de la diffusion analogique
terrestre, afin de manifester sans ambiguïté l'engagement de
l'État en faveur de la TNT
. Tel est sans doute actuellement le
meilleur moyen d'inciter les constructeurs à lancer la production en
grande série des récepteurs numériques, les ménages
à s'équiper, les opérateurs à se mobiliser.
En
tout état de cause, les pouvoirs publics ne peuvent accepter
l'impossible alternative actuelle, le bateau amiral du distributeur commercial
unique ou le vaisseau fantôme des opérateurs réticents et
des téléspectateurs absents
.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une séance tenue le
mercredi 14 novembre 2001
, la commission a
procédé à l'examen du rapport pour avis de
M. Louis
de
Broissia
sur les
crédits de la communication
audiovisuelle inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002
.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Mme Danièle Pourtaud
a réfuté la qualification de
modèle dirigiste obsolète appliquée par le rapporteur pour
avis au régime juridique de la TNT, observant que les fréquences
n'étaient pas attribuées par le Gouvernement mais par le CSA.
Elle a estimé que la loi du 1er août 2000 avait
privilégié la diversité des éditeurs et la sortie
du système de cartellisation existant en diffusion analogique hertzienne
terrestre, et que ce problème était indépendant de celui
du choix des distributeurs commerciaux de la TNT. Elle a aussi
précisé que la loi prévoyait l'attribution d'une partie
des fréquences aux programmes locaux et associatifs, renforçant
ainsi la diversité des services hertziens.
Elle a exprimé son accord sur la nécessité d'une
mobilisation en vue du passage au numérique de terre.
Elle a enfin souhaité connaître le montant des recettes de
parrainage des organismes de l'audiovisuel public.
M. François Autain
a observé que le rapporteur pour avis
s'était déclaré favorable à l'augmentation de la
redevance, rappelant que le taux de celle-ci était très faible
par rapport aux taux existant en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Il a aussi souhaité savoir si le rapporteur pour avis transposait
à la chaîne Public Sénat les critiques portées
à l'Assemblée nationale contre le coût de la chaîne
parlementaire, les budgets des deux chaînes étant sensiblement
équivalents.
M. Jacques Valade, président
, a alors exprimé l'avis que
l'indice de satisfaction des sénateurs à l'égard de Public
Sénat était supérieur à celui des
députés à l'égard de la chaîne de
l'Assemblée nationale.
M. Philippe Nogrix
a demandé au rapporteur pour avis de
préciser les raisons pour lesquelles il concluait par une proposition de
sagesse une présentation globalement sévère des
propositions du Gouvernement, spécialement en ce qui concerne les
besoins de financement de l'audiovisuel public, la solidité des
objectifs des ressources propres fixés pour 2002 et la pertinence du
processus de lancement du numérique de terre.
M. Jack Ralite
a estimé que s'il convenait de se réjouir
de la position exprimée par l'Europe sur le dossier de l'audiovisuel
à l'OMC, il fallait aussi rester vigilant face aux propositions,
déposées par les Etats-Unis, le Brésil, le Japon et la
Suisse, d'introduire l'audiovisuel dans l'ordre du jour. Il a en outre
rappelé l'inquiétude largement exprimée sur ces questions
lors des récentes rencontres de Beaune sur le cinéma.
M. Henri Weber
, tout en rappelant que les négociateurs
européens avaient reçu le mandat de refuser l'introduction de
l'audiovisuel dans les débats de l'OMC, a aussi estimé qu'il
convenait de garder sur ce sujet une vigilance de tous les instants.
Observant ensuite qu'il avait longtemps été question des
obstacles technologiques au lancement de la TNT, tels que le changement des
téléviseurs, la réutilisation des antennes et le
coût supposé prohibitif de ces opérations, alors que des
solutions paraissent à portée de main dans tous ces domaines, il
a demandé si le rapporteur pour avis partageait cette analyse.
Notant que les difficultés de la TNT en Grande-Bretagne provenaient de
la concurrence destructive que lui avait livrée la
télévision par satellite, il a estimé possible d'instituer
en France des règles efficaces de compétition. Il a relevé
en particulier que l'attribution de la fonction de distributeur à un
consortium d'opérateurs paraissait une solution adéquate au
problème de la distribution des services payants.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis
, a présenté les
réponses suivantes :
- le CSA applique les dispositions législatives qui ont fait l'objet
d'une discussion entre le Parlement et le Gouvernement. Il n'y a donc aucune
raison de mettre en cause son rôle dans le lancement de la TNT ;
- le Sénat avait réclamé au cours du débat
législatif sur le régime juridique de la TNT la
réalisation d'une étude économique qui aurait permis de
mieux comprendre l'économie de la TNT et de concevoir en
conséquence les modalités de son lancement. La question qui se
pose actuellement est celle du rôle du distributeur commercial. Celui-ci
ne doit pas pouvoir fixer les règles du jeu ;
- les programmes locaux et associatifs diffusés en numérique de
terre pourront effectivement contribuer à la diversité du paysage
audiovisuel. Il faut cependant reconnaître que l'on parle moins de ces
programmes que des alliances probables ou possibles entre les grands
opérateurs ;
- les chiffres du projet de budget de l'audiovisuel public pour 2002 ne sont
pas mauvais et ne justifient pas l'adoption d'un avis défavorable. C'est
en se projetant à l'horizon de deux ou trois ans que l'on éprouve
des doutes légitimes sur l'évolution globale du système
audiovisuel, sur la place que le secteur public pourra y tenir, et sur la
façon dont le projet de budget prépare l'avenir. C'est pourquoi
il apparaît justifié que la commission s'en remette à la
sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la communication
audiovisuelle ;
- il serait justifié de procéder les prochaines années
à une augmentation raisonnable de la redevance afin d'assurer
l'indépendance de l'audiovisuel public ;
- la chaîne Public Sénat n'a pas de problèmes de contenu ou
de ligne éditoriale. Il conviendra, grâce à la diffusion en
numérique de terre, de faciliter l'accès du public à ses
programmes.
La
commission
a
ensuite
décidé
, suivant la
proposition de son rapporteur,
de s'en remettre à la sagesse du
Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la communication
audiovisuelle pour 2002
.
CONCLUSION
1
montants exprimés en millions
d'euros
2
dont 2418,89 ME en provenance du compte d'affectation
spéciale n° 902-15 et 69,67 ME en provenance du ministère
des Affaires étrangères, pour RFI
3
Dossiers de l'audiovisuel, n° 98, juillet-août 2001.
4
Cf. Dossiers de l'audiovisuel, n° 98, juillet-août
2001, p. 25.
5 Cf. rapport pour avis sur le projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre social, éducatif et culturel, n°335, 2000-2001, pp. 39
à 42