C. LE RAPPORT BIANCO, RAPPORT DE RÉFÉRENCE, AVAIT DÉJÀ PERMIS D'IDENTIFIER LES CARENCES DU RÉGIME FISCAL ET FINANCIER FORESTIER MAIS A AUJOURD'HUI EN PARTIE PERDU DE SON ACTUALITÉ

En décembre 1997, le Premier ministre Lionel Jospin confiait à notre collègue député Jean-Louis Bianco la mission de proposer les principales orientations d'un futur projet de loi de modernisation forestière. Son rapport, qui s'intitule " La forêt, une chance pour la France ", fut remis le 25 août 1998.

Dans son rapport, Jean-Louis Bianco rappelle qu'il existe peu de secteurs économiques où le potentiel d'emploi est aussi élevé par franc investi et s'étonne donc de constater que la France consacre 4 à 10 fois moins d'argent public à sa forêt que le reste de ses partenaires européens. La filière bois représente en France 500.000 emplois, dont certains sont menacés faute d'un investissement suffisant. A l'époque, Jean-Louis Bianco chiffrait à 1 milliard de francs l'investissement supplémentaire nécessaire pour soutenir la filière sylvicole.

Concernant la question de la fiscalité forestière, Jean-Louis Bianco soulignait dans son rapport la nécessité de mettre en place une fiscalité plus adaptée pour favoriser l'emploi (le secteur de la forêt présente en effet les caractéristiques d'un véritable gisement d'emplois à exploiter avec la possibilité de créer 100.000 emplois supplémentaires), accroître la compétitivité, faciliter les restructurations forestières sans créer de " niches fiscales " incitant à l'évasion de la matière imposable. En particulier, le rapport insistait sur la nécessité de créer un dispositif de type " plan d'épargne forêt " doté d'avantages fiscaux le rendant attractif. A l'époque, Jean-Louis Bianco envisageait également la baisse du taux de TVA à l'ensemble de la filière.

En outre, le rapport révélait l'existence en France d'une grave crise du financement forestier, accentuée depuis, par l'occurrence des tempêtes de la fin 1999. Selon Jean-Louis Bianco, cette crise était caractérisée par un réel désengagement financier de l'Etat posant des problèmes de défense des forêts contre l'incendie et de restauration des terrains en montagne. Pourtant l'enjeu en termes d'emplois est capital : la filière forêt-bois représente 500.000 emplois.

S'agissant de la forêt privée notamment, le rapport soulignait l'existence de trois problèmes principaux :

- le morcellement , contre lequel divers dispositifs ont déjà été mis en place, notamment les groupements forestiers ou les associations syndicales de gestion forestières. La formule du groupement forestier a fait la preuve de son efficacité, en particulier pour préserver les unités existantes lors d'une succession. Depuis une dizaine d'années cependant, une crise a frappé les groupements forestiers en raison des difficultés que rencontrent les porteurs de parts lorsqu'ils souhaitent se retirer du groupement, d'où la nécessité d'accroître la fluidité des parts de groupements forestiers permettant la création d'un véritable marché ;

- l'insuffisance du nombre de techniciens ;

- la faiblesse du placement forestier . Pour inciter au placement forestier, le rapport rappelle que le législateur a pris diverses dispositions fiscales, dont la principale est le régime dit " Sérot-Monichon ". Il résulte de loi Sérot de 1930, complétée par un amendement Monichon à la loi de finances pour 1960, pour les mutations à titre gratuit. Ce dispositif prévoit que le taux des droits d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière sur les acquisitions de bois et forêts est réduit à 2 % à condition que l'acquéreur s'engage, pour lui et ses ayants droit, à soumettre pendant trente ans les bois acquis à un régime d'exploitation défini par décret ou à un plan simple de gestion. Mais depuis 1984, le produit des droits d'enregistrement a été transféré aux départements qui peuvent le moduler.

L'amendement Monichon prévoit que les trois quarts de la valeur des bois et forêts sont exonérés des droits de mutation par donation ou succession. Enfin, l'abattement des trois quarts de la valeur vénale des bois et forêts et des parts de groupements forestiers s'applique à l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En outre, pour encourager les boisements et reboisements, une exonération de taxe sur le foncier non bâti est accordée pendant trente ans pour tout terrain planté ou semé d'essences forestières et le revenu forestier imposable est réduit de moitié pendant des durées variables selon les essences plantées.

Ce régime a pu être critiqué au motif qu'il avantage plus les détenteurs de capital que les sylviculteurs dynamiques qui investissent pour accroître la valeur des peuplements.

Le diagnostic établi par le rapport Bianco n'a en rien perdu de sa pertinence même si les tempêtes de la fin 1999 ont quelque peu changé les données du problème.

Ainsi, lorsque Jean-Louis Bianco chiffrait dans son rapport à 1 milliard de francs l'investissement supplémentaire nécessaire pour soutenir la filière sylvicole, il apparaît évident que ce chiffre a perdu de son actualité et s'établit aujourd'hui plutôt à plusieurs milliards de francs.

En outre, au cours de son audition par votre rapporteur pour avis, Jean-Louis Bianco a souligné à quel point les tempêtes avaient, en quelque sorte, occulté certains des problèmes qui existaient avant les tempêtes. Il a également estimé que la mobilisation de tous les acteurs, qui avait pu prévaloir avant même la parution de son rapport, s'était relâchée et que les tempêtes avaient entraîné des mesures d'urgence immédiates et un certain cloisonnement des réponses apportées selon les secteurs.

Il n'en reste pas moins que le rapport de notre collègue député Jean-Louis Bianco constitue encore aujourd'hui un rapport de référence et a défini les bases essentielles des réformes à entreprendre.

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