INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis est consacré aux crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2001 aux départements d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane et la Réunion) et aux deux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits alloués aux territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Terres australes et antarctiques françaises) et à la Nouvelle- Calédonie faisant pour leur part l'objet d'un autre avis de votre commission des Lois, présenté par notre collègue M. Jean- Jacques Hyest.

Cette année a été marquée par l'examen du projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. Une délégation de votre commission des Lois, conduite par M. le président Jacques Larché, avait dans cette perspective effectué une mission d'information de douze jours en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi qu'une autre à Mayotte et à la Réunion, conduite à votre rapporteur 1 ( * ) .

Après avoir présenté l'évolution des crédits consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en analysant, au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la justice, votre rapporteur pour avis concentrera ses observations sur les domaines relevant plus particulièrement de la compétence de votre commission des Lois : sécurité, justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique. Le présent rapport évoquera en outre les apports de l'intégration des départements d'outre-mer à l'Union européenne, ainsi que les perspectives d'évolution institutionnelle ou statutaire qui doivent notamment être mises en oeuvre par la loi d'orientation adoptée le 15 novembre dernier en dernière lecture à l'Assemblée nationale.

I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER

Seul l'" Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et financier consacré aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer " (" jaune " présenté en annexe du projet de loi de finances) permet d'appréhender dans leur globalité les moyens budgétaires consacrés, d'une part, aux départements d'outre-mer et, d'autre part, aux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En effet, l'ensemble des ministères contribue à l'effort financier en faveur de l'outre-mer, les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer représentant moins de 11 % des moyens budgétaires aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer pour 2001, moyens qui atteignent un montant total de 50,11 milliards de francs (dépenses ordinaires et crédits de paiement).

Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de ces départements et collectivités se caractérise par une progression de 6,81 milliards de francs (+ 6,94 %).

Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission des Lois s'attachera également à analyser les incidences prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la justice ainsi qu'à analyser la budgétisation des dépenses induites par la loi d'orientation outre-mer.

Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle des moyens de paiement et autorisations de programmes.

Moyens de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits de paiement)

2000

2001

montant

part
du total

montant

part
du total

évolution
en  %

ensemble des ministères dont:

45.724,487

100 %

50.114,934

100 %

+ 9,60 %

-  outre-mer

4.950,077

10,83 %

5.431,492

10,84 %

+ 9,73 %

-  intérieur et décentralisation

7.864,118

17,2 %

9.058,000

18,07 %

+ 15,18 %

-  justice

775,981

1,7 %

833,353

1,66 %

+ 7,39 %

(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)

Autorisations de programme destinées
aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon

2000

2001

montant

part
du total

montant

part
du total

évolution en  %

ensemble des ministères dont:

4.920,908

100 %

5.223,829

100 %

+ 6,16 %

-  outre-mer

1.339,370

27,22 %

1.715,150

32,83 %

+ 28,06 %

-  intérieur et décentralisation

1.134,426

23,05 %

1.056,774

20,23 %

- 7,35 %

-  justice

69,188

1,41 %

121,417

2,32 %

+ 75,49 %

(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)

On observe donc une progression tant des autorisations de programme destinées aux départements d'outre-mer que des crédits ordinaires.

Malgré tout, comme la loi d'orientation, ce budget s'avère insuffisant.

1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Les dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des départements et collectivités d'outre-mer connaissent une progression marquée (+ 9,73 %) en ce qui concerne les moyens de paiement qui atteignent plus de 5,43 milliards de francs pour 2001, les autorisations de programme progressant quant à elles de 28,06 %. La part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des moyens de paiement affectés aux départements d'outre-mer stagne à 10,84 %.

-  La loi d'orientation bénéficie d'un financement spécifique, une dotation de 325 millions de francs ayant été inscrite au budget de l'outre-mer pour sa mise en oeuvre 2 ( * ) .

Cette enveloppe budgétaire figure sur le FEDOM (chapitre 44-03) à hauteur de 290 millions de francs. Elle servira au financement de 10.000 projets initiatives jeunes (dotation de 100 millions de francs), 10.000 allocations de retour à l'activité (dotation de 90 millions de francs), de 1.200 primes à la création d'emploi (pour un montant de 10 millions de francs), de 3.000 congés-solidarité (à hauteur de 40 millions de francs), tandis que la baisse de la créance consécutive à l'alignement progressif du RMI sur trois ans sera compensée par une augmentation en loi de finances initiale de l'enveloppe du FEDOM (+ 50 millions de francs) et de la dotation de la ligne budgétaire unique (LBU) de 250 millions de francs en autorisations de programme.

Sont également prévus au chapitre 41-91 3 millions de francs destinés à la mise en place d'un office de l'eau et 32 millions de francs au chapitre 46- 94 pour la mise en place d'un fonds de promotion des échanges avec la métropole et les pays de la région(12 millions de francs) et la création de trois fonds de coopération régionale (Antilles, Guyane, Réunion) en lieu et place de l'ancien fonds interministériel Caraïbes.

-  Le soutien à l'emploi représente la part la plus significative du budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, soit 39 %.

La dotation du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon (FEDOM) se situe à 2,64 milliards de francs, en hausse de 25,6 % par rapport au budget 2000.

Cependant, cette politique est caractérisée par son manque de cohérence, une douzaine de dispositifs étant financés sans qu'aucune évaluation ne soit intervenue.

Outre les 290 millions de francs qui permettront de financer les 24.200 mesures pour l'emploi correspondant aux nouveaux dispositifs prévus par la loi d'orientation, les contrats aidés traditionnels seront renouvelés en 2001. Ainsi, le nombre de mesures d'insertion s'élèvera à 63 800, correspondant à une enveloppe de 35.000 contrats emploi-solidarité, 2.800 contrats emploi-consolidé, 15.000 contrats d'insertion par l'activité, 7.500 contrats d'accès à l'emploi et 500 primes à la création d'emploi. Par ailleurs, 3.000 nouveaux emplois-jeunes pourront être financés sur le FEDOM, ce qui portera le nombre d'emplois-jeunes à près de 13.200.

Entre les 24.200 mesures de la loi d'orientation et les 63.800 mesures d'insertion, ce sont 88.000 nouvelles mesures qui seront financées en 2001, l'emploi devant par ailleurs être favorisé par le dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales.

Le service militaire adapté, créé en 1971 afin d'adapter le service national à la situation particulière de l'outre-mer et modifié par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, fait désormais appel au volontariat. Il poursuit sa professionnalisation commencée en 1999. Aux 1.100 emplois de volontaires créés en 1999 et 2000 s'ajouteront 900 emplois nouveaux en 2001.

-  La politique d'aide au logement , qui est la grande absente de la loi d'orientation pour l'outre-mer malgré l'importance des besoins en matière de logement et de l'évolution démographique, constitue le deuxième poste de dépenses du budget, avec 1,35 milliard de francs (+ 22,7 %) en autorisations de programme et 950 millions de francs (+ 3,5 %) en crédits de paiement.

Cependant, l'augmentation de 250 millions de francs en autorisations de programme correspond largement à la compensation de la baisse d'un tiers du montant de la créance de proratisation 3 ( * ) en cours d'année, du fait du relèvement partiel du RMI dès 2001. La hausse des autorisations de programme n'est donc en fait que de 0,5 %.

La ligne d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, dotée de 1.190 millions de francs, permettra de financer la réhabilitation et la construction d'environ 15.000 logements, contre 13.400 en 2000, tandis que la résorption de l'habitat insalubre sera financée à hauteur de 130 millions de francs.

Enfin, 30 millions de francs seront affectés à l'aide exceptionnelle aux ménages pour l'acquisition de terrains situés dans la zone des 50 pas géométriques 4 ( * ) , permettant la régularisation de 500 nouveaux dossiers.

La nouvelle génération des contrats de plan Etat-régions (CPER) dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte est prise en compte et inscrite sur le chapitre 68- 01 " Fonds d'investissement dans les départements d'outre-mer " (FIDOM) et le chapitre 58-01 " Infrastructures de Guyane ". La dotation du FIDOM est portée à 340,5 millions de francs (+ 55 %) en autorisations de programme et 250,15 millions de francs en crédits de paiement (+ 15 %).

Pour Mayotte , 4,7 millions de francs sont inscrits aux chapitres 31-98 et 34-96 dans le cadre de la mise en oeuvre de l'ordonnance n° 2000- 219 du 8 mars 2000 relative à l'état-civil mahorais. Ces crédits serviront pour le fonctionnement de la commission de réforme de l'état-civil ainsi que pour le recrutement pendant 5 ans d'une quarantaine d'agents contractuels . Restera à réaliser la réforme foncière.

2. Une hausse contrastée de la contribution du ministère de l'intérieur et une très forte progression des crédits du ministère de la justice

-  Les crédits de paiement provenant du ministère de l'intérieur et de la décentralisation , qui représentent environ 18 % de l'effort financier global de l'Etat en faveur des département d'outre-mer, (9,05 milliards de francs pour 2001), sont en forte progression (+  15, 18 %), tandis que les autorisations de programme diminuent de 7,35 %.

Ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services déconcentrés et surtout à des subventions de fonctionnement et d'investissement aux collectivités locales.

Ces dotations aux collectivités locales sont de deux natures :

D'une part, sont financés par prélèvements sur recettes, pour un montant total de plus de 4,5 milliards de francs, la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation de développement rural (DDR), le fonds national de péréquation (FNP), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et la dotation spéciale instituteurs (DSI).

Les autres dotations aux collectivités locales sont financées par des dotations figurant au budget du ministère de l'intérieur. Il s'agit des dotations suivantes : dotation générale de décentralisation (DGD), dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC), dotation globale d'équipement (DGE), ainsi que des crédits de mise en sécurité des écoles.

-  En ce qui concerne la contribution du ministère de la justice , on observe une forte progression du montant des autorisations de programme (+ 75,49 %) qui atteignent 121,417 millions de francs, ainsi qu'une progression de 7,39 % des moyens de paiement.

Les autorisations de programme, qui avaient connu un important recul en 1998 et 1999, avant de progresser de 140 % en 2000, continuent donc leur augmentation, mais à un rythme moindre. Ceci apparaît encore faible au regard de l'importance des besoins des juridictions et des établissements pénitentiaires des départements et collectivités d'outre-mer, que votre rapporteur pour avis a pu constater au cours de sa mission en Guyane, aux Antilles, à la Réunion et à Mayotte.

Ces crédits devraient notamment permettre la poursuite du renforcement des effectifs des juridictions et des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Un effort a été fait en vue de développer les maisons de justice et du droit, qui constituent un moyen adapté de traitement de la petite et moyenne délinquance. Plusieurs maisons existent déjà à la Réunion, une maison a été ouverte en juin 1999 à Fort-de-France tandis qu'un projet est en cours de réalisation en Guyane.

D'importants investissements immobiliers sont par ailleurs prévus pour les juridictions des départements d'outre-mer ainsi que pour les établissements pénitentiaires 5 ( * ) .

* 1 Voir le rapport de mission " Guadeloupe, Guyane, Martinique, la Réunion : la départementalisation à la recherche d'un second souffle " (n° 366, Sénat 1999- 2000)

* 2 le financement du nouveau dispositif d'exonérations de cotisations sociales relevant du ministère de l'emploi et de la solidarité.

* 3 Cette créance résulte de la différence de niveau entre le montant du RMI outre-mer et celui du RMI métropolitain. Elle est affectée aux crédits d'insertion ainsi qu'à la ligne budgétaire unique (LBU) qui permet de financer le logement dans les départements d'outre-mer. Elle est amenée à disparaître avec le relèvement du RMI DOMien sur celui de la métropole.

* 4 Cette zone fait partie du domaine maritime de l'Etat. En Martinique et en Guadeloupe, la loi du 30 décembre 1996 relative à la zone des cinquante pas géométriques a prévu la création d'une Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de cette zone qui donne un avis sur les cessions à titre gratuit de terrains à des communes ou organismes d'habitat social ainsi que sur les cessions à titre onéreux aux occupants sans titre installés avant le 1 er janvier 1995.

* 5 Ces différentes questions font l'objet de développements p.13 à 15

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page