TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le jeudi 19 octobre 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer , sur les crédits consacrés à l'outre-mer (aspects sociaux) dans le projet de loi de finances pour 2001 .
M. Jean Delaneau, président, a tenu à saluer M. Christian Paul, auditionné pour la première fois par la commission, ainsi que M. Philippe Nogrix, nouveau rapporteur de la commission sur les crédits de l'outre-mer.
M. Christian Paul a indiqué que le projet de budget de l'outre-mer pour 2001 était un bon budget, en augmentation de 6,9 %, pour atteindre 6,8 milliards de francs. Il a observé que cette progression constituait le troisième taux de progression des budgets ministériels, tous ministères confondus. Il a également souligné que l'effort budgétaire propre au secrétariat d'Etat était conforté par les budgets d'autres ministères, citant notamment le budget de l'emploi. Il a ensuite insisté sur l'importance du volet fiscal du projet de loi de finances concernant l'outre-mer, indiquant que celui-ci prévoyait la mise en place d'un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement devant se substituer à la loi " Pons ". A cet égard, il a estimé que cette nouvelle mesure serait à la fois plus juste et plus efficace, tout en étant neutre pour les finances publiques.
Abordant les principales priorités du budget de l'outre-mer, il a insisté sur les mesures de soutien à l'emploi et au développement économique. Il a ainsi indiqué que le chapitre budgétaire relatif au fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) augmenterait de 25 % pour s'élever à 2,6 milliards de francs. Il a observé que le FEDOM devrait représenter en 2001 près de 40 % du total des crédits du secrétariat d'Etat.
Il a rappelé que cette augmentation des crédits du FEDOM s'expliquait d'abord par la prise en compte des mesures nouvelles prévues par le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer actuellement en cours d'examen par le Parlement, observant qu'une enveloppe de 290 millions de francs y était affectée. Il a précisé que cette enveloppe devrait permettre de financer 10.000 projets initiative-jeunes (PIJ), 3.000 départs en préretraite, 10.000 allocations de retour à l'activité (ARA) et 1.200 primes à la création d'emplois. Il a, en outre, indiqué que les crédits du FEDOM seraient augmentés de 50 millions de francs, afin de compenser la baisse de la créance de proratisation consécutive à l'alignement progressif du revenu minimum d'insertion (RMI) et d'assurer le financement des agences départementales d'insertion (ADI).
Il a déclaré que ces mesures nouvelles s'ajouteraient aux 63.800 solutions d'insertion déjà prévues pour 2000 et que ce serait en définitive quelque 88.000 solutions individuelles qui seraient financées par le FEDOM en 2001.
M. Christian Paul a rappelé que l'ambition du Gouvernement était de faire baisser le niveau du chômage, en particulier chez les jeunes. Il a considéré que le mécanisme d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale prévu par le projet de loi d'orientation allait concerner 112.000 salariés, soit la moitié des effectifs du secteur privé outre-mer, et tous les travailleurs indépendants. Il a souligné le coût budgétaire de cette mesure, l'exonération se traduisant par une dépense de 3,5 milliards de francs inscrite sur le budget de l'emploi et de la solidarité.
Il a également indiqué que le budget du secrétariat d'Etat consacrait d'importants moyens consacrés au service militaire adapté (SMA). Rappelant le rôle majeur du SMA dans l'insertion des jeunes -il a ainsi précisé qu'il y avait 5 candidatures pour un poste-, il a observé que le Gouvernement avait fait le choix d'accueillir, malgré une dépense accrue, un nombre de volontaires équivalent à celui des appelés et proposait, en conséquence, la création de 900 postes supplémentaires en 2001.
M. Christian Paul a ensuite rappelé que le logement constituait le deuxième poste de dépenses du budget, avec 950 millions de francs en crédits de paiement pour 2001, soit une hausse de 3,5 %. Il a déclaré que les engagements de l'Etat, en matière de logement, seraient maintenus et que la baisse du montant de la créance de proratisation, du fait du relèvement partiel du RMI dès 2001, serait compensée par un montant équivalent en autorisations de programme. Il a précisé que les crédits d'aide au logement permettraient de financer la réhabilitation ou la construction d'environ 16.500 logements et la résorption de l'habitat insalubre pour 2.300 familles.
S'agissant de l'action sociale et culturelle, il a indiqué que celle-ci constituait un autre volet important de ce budget, les crédits lui étant consacrés augmentant de 23,5 % pour atteindre 230 millions de francs afin d'assurer notamment l'application des mesures prévues par le projet de loi d'orientation.
S'agissant des dépenses en capital, il a précisé que celles-ci progresseraient également dans le budget pour 2001, notamment du fait de la prise en compte de la part incombant à l'Etat dans le financement des contrats de plan 2000-2006. A cet égard, il a précisé que les montants de la subvention attribuée au fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) augmentaient de 15 % en crédits de paiement et que ceux de la subvention attribuée au fonds d'investissement et de développement économique et social (FIDES) progressaient de 1,4 % en crédits de paiement.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a considéré que le projet de budget de l'outre-mer prenait certes en compte les futures mesures nouvelles prévues par le projet de loi d'orientation, mais que l'effort budgétaire aurait pu être plus significatif si le Gouvernement avait suivi les propositions du Sénat en ce domaine. Il s'est inquiété néanmoins du faible taux de consommation des crédits.
Soulignant l'insuffisance des qualifications, il s'est interrogé sur les principales actions en faveur de la formation professionnelle prévues en 2001 et sur les moyens de relancer les formations par alternance.
Observant que le projet de loi d'orientation prévoyait un alignement en trois ans du RMI et en sept ans de l'allocation de parent isolé (API), il a demandé des précisions sur le calendrier d'alignement et les implications budgétaires de ces mesures. A cet égard, il s'est interrogé sur la réalité de la compensation intégrale de la créance de proratisation et sur la prise en charge de l'augmentation des dépenses d'insertion des départements liée à l'alignement progressif du RMI.
Revenant sur la récente mission de la commission en Guyane, il a jugé la situation sanitaire de ce département préoccupante et s'est interrogé sur la politique de santé publique outre-mer et en particulier sur les conditions de mise en oeuvre de la couverture maladie universelle (CMU) dans les départements d'outre-mer (DOM). Il a enfin demandé des précisions sur les conditions d'application de la réduction du temps de travail et des emplois-jeunes dans les DOM.
M. Christian Paul a estimé que l'effort budgétaire du Gouvernement en application du projet de loi d'orientation était, d'ores et déjà, considérable. S'agissant du taux effectif de consommation des crédits inscrits en loi de finances initiale, il a reconnu que des améliorations étaient possibles, notamment sur les crédits du titre IV relatif aux interventions publiques. Il a néanmoins observé que les crédits disponibles en fin d'année étaient très proches de l'objectif fixé par le contrat de gestion signé entre son prédécesseur et le ministère des finances et que les crédits étaient globalement bien consommés. A cet égard, il a indiqué que, pour 1999, alors que 60.000 solutions d'insertion étaient prévues par la loi de finances initiale, 71.000 actions avaient été effectivement réalisées.
S'agissant de la formation professionnelle, il a rappelé que celle-ci relevait largement de la compétence propre des conseils régionaux. Il a toutefois indiqué que l'Etat y était très attentif et avait suivi, par exemple, avec la plus grande attention, les récents travaux de " l'université de la formation professionnelle " qui s'était récemment tenue en Guyane et qui visait à étudier comment assurer l'adaptation du dispositif de formation professionnelle à l'outre-mer. Il a également souligné l'effort de l'Etat en la matière, insistant sur le maintien du SMA, sur le rôle de l'Agence nationale pour l'emploi à la formation des travailleurs d'outre-mer (ANT) qui permet, chaque année, à 5.000 jeunes de venir se former en métropole et sur le projet initiative-jeunes prévu par le projet de loi d'orientation. Il a reconnu que l'illettrisme était un problème majeur et constituait, à ce titre, une des priorités du contrat de plan.
S'agissant de l'alignement du RMI, il a indiqué que le calendrier exact de l'alignement du RMI serait défini à la fin de l'année. Toutefois, il a précisé que le budget pour 2001 prévoyait déjà un rattrapage d'un tiers et que le coût de l'alignement pouvait être évalué à 1 milliard de francs en année pleine. Il a observé que la baisse de la créance de proratisation était compensée à hauteur de 50 millions de francs par de nouveaux crédits de paiement en matière d'insertion et à hauteur de 250 millions de francs par de nouvelles autorisations de programme sur la ligne budgétaire unique (LBU). Il a reconnu qu'il y avait certes une diminution des crédits de paiement sur le logement par rapport à une compensation intégrale, mais il a considéré que cette diminution apparente était en fait compensée par l'existence de reports de crédits de paiement du budget pour 2000 vers le budget pour 2001. Il a en outre indiqué que 30 % des autorisations de programme étaient effectivement couvertes en crédits de paiement.
S'agissant des dépenses d'insertion des départements, il a indiqué que leur augmentation débuterait en 2002 et durerait trois ans pour un coût, en année pleine, de 160 millions de francs. Il a néanmoins estimé que les mesures prévues par le projet de loi d'orientation (mise en place de l'ARA, institution du revenu de solidarité) permettraient de compenser cette hausse et qu'au total, les départements devraient constater une légère diminution de leurs dépenses d'insertion.
S'agissant de l'alignement de l'API, il a déclaré que la revalorisation de l'allocation serait progressive pour un coût de 320 millions de francs, en année pleine, à partir de la septième année.
Revenant sur la politique de la santé, il a reconnu que l'état de santé des populations d'outre-mer restait précaire. Il a toutefois estimé que la mise en place de la CMU constituait un progrès. A cet égard, il a indiqué que 540.000 personnes (affiliées ou ayants droit) en étaient bénéficiaires, soit 30 % de la population des DOM. Il a également indiqué que la mise en place de la CMU s'était réalisée dans de bonnes conditions, grâce, notamment, à l'ouverture de nombreux points d'accueil et à la mobilisation du tissu associatif.
S'agissant de la réduction du temps de travail et des emplois-jeunes, il a déclaré que ces mesures avaient contribué à une diminution du nombre de chômeurs de 11.000 personnes en un an. Il a indiqué que la réduction du temps de travail avait permis de créer ou de préserver 2.250 emplois et qu'il existait, à la fin 1999, 10.242 emplois-jeunes, recrutés pour les trois quarts par des associations ou des collectivités locales.
M. Alain Gournac a insisté sur la dégradation de l'état de santé de la population guyanaise, soulignant notamment les graves difficultés des centres de santé et le développement rapide de la toxicomanie. Il a jugé nécessaire d'adapter la politique de santé aux réalités ultra-marines. Il a enfin indiqué que les jeunes domiens, sous contrat emplois-jeunes, s'inquiétaient de leur avenir professionnel face aux incertitudes existantes pour la sortie du dispositif.
M. Lylian Payet a considéré que ce budget n'était qu'un budget de transition destiné à assurer la mise en oeuvre du projet de loi d'orientation. Regrettant que l'alignement du RMI ne soit pas immédiat, il a déclaré avoir cru comprendre que ce délai serait néanmoins inférieur aux trois années prévues par le projet de loi d'orientation. Il a estimé que ce budget restait néanmoins intéressant pour les Réunionnais.
M. Claude Domeizel s'est interrogé sur les difficultés, notamment financières, rencontrées par les hôpitaux publics des DOM et sur les moyens d'y remédier.
M. Paul Vergès , après avoir dressé un vaste panorama des difficultés économiques et sociales auxquelles sont aujourd'hui confrontés les DOM et souligné le rôle de la pression démographique, a insisté sur la nécessité de pérenniser les emplois créés dans le secteur privé par une baisse du coût du travail et de favoriser l'intégration des DOM dans leur environnement régional. Il a considéré qu'au regard de ces nécessités, le budget de l'outre-mer pour 2001 allait dans le bon sens.
M. Christian Paul a reconnu les difficultés particulières rencontrées par la politique de santé dans les DOM. S'agissant des centres de santé, il a précisé qu'ils étaient repris en charge par l'Etat et rattachés à l'hôpital de Cayenne. S'agissant des hôpitaux guyanais, il a indiqué que le centre hospitalier de Cayenne avait fait l'objet d'un audit de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et bénéficiait de 35 millions de francs de budget supplémentaire et que le centre hospitalier de Saint-Laurent-du-Maroni faisait actuellement l'objet d'une mission d'évaluation qui serait suivie de mesures visant notamment à une meilleure coopération avec le Surinam. Il a considéré qu'en tout état de cause, il n'y avait pas d'abandon de ces hôpitaux et qu'à la politique hospitalière devait également s'ajouter un important effort de prévention.
Il a indiqué qu'il veillerait à assurer une bonne application du projet de loi d'orientation, notamment en s'engageant à publier, dans les meilleurs délais, les textes d'application et à travailler en étroite relation avec l'ensemble des partenaires concernés.
Il a enfin reconnu qu'il était nécessaire d'alléger le coût du travail dans la mesure où les DOM peuvent être très compétitifs dans certains secteurs.