EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Art. 51
Conditions d'attribution de la carte du combattant
aux rappelés d'Algérie

Cet article, qui modifie l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité, assouplit les conditions d'attribution de la carte du combattant aux rappelés d'Algérie.

Depuis la loi de finances pour 1998, les conditions d'attribution de la carte du combattant ont été aménagées en faveur des anciens combattants d'Afrique du Nord. Pour ceux-ci, une durée minimale de présence ouvre droit à la carte du combattant. Cette durée minimale est progressivement passée de 18 à 12 mois.

Pour autant, cet assouplissement progressif n'a pas permis de prendre en compte la situation particulière des rappelés, qui, après avoir effectué leur période de service militaire obligatoire, ont été de nouveau appelés sous les drapeaux, pour une durée généralement comprise entre cinq et six mois, compte tenu de la situation en Afrique du Nord.

Aussi, en fixant à quatre mois la durée minimale de séjour en Algérie pour les rappelés, cet article permet de prendre en compte leur situation particulière.

Votre commission ne peut que souscrire à une telle mesure de reconnaissance et de réparation qu'elle appelait de ses voeux.

Toutefois, elle observe que cet article ne concerne pas explicitement les rappelés au Maroc et en Tunisie -même si le secrétaire d'Etat s'est engagé à les prendre en compte- et n'apporte pas forcément une réponse à la situation particulière des " maintenus ".

Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Art. 52
Poursuite de la revalorisation des pensions d'invalidité
" gelées " entre 1991 et 1995

Le présent article, qui modifie l'article L. 114 bis du code des pensions militaires d'invalidité, permet la poursuite du rattrapage de la valeur du point des pensions gelées entre 1991 et 1995.

L'article 120 de la loi de finances pour 1991 avait institué un " gel " des plus hautes pensions militaires d'invalidité en excluant du champ d'application des revalorisations au titre du rapport constant les pensions dépassant un indice correspondant à la somme annuelle de 360.000 francs.

Touchant des grands invalides gravement handicapés et nécessitant souvent les soins continus de tierces personnes, cette disposition a concerné près de 1.500 pensionnés entre 1991 et 1994.

L'article 78 de la loi de finances pour 1995 a supprimé la mesure de " gel " à compter du 1 er janvier 1995, mais elle n'a pas procédé à la remise à niveau du point de pension des invalides concernés.

Ainsi, à l'heure actuelle, 1.258 pensions restent soumises aux dispositions de l'article L. 114 bis .

L'article 123 de la loi de finances pour 2000 a permis d'engager une première étape dans la revalorisation de ces pensions. Toutefois, celle-ci restait très partiellement, le rattrapage n'étant que de 1,5 % alors que l'écart moyen né du gel atteint 7 %.

Le présent article poursuit cette revalorisation à hauteur de 3 %.

Votre commission regrette que, contrairement à ses propositions, le rattrapage ne soit pas définitif dès cette année et qu'il faille encore attendre une année supplémentaire.

Elle a néanmoins émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Art. 53
Relèvement du plafond donnant lieu à majoration
de la retraite mutualiste du combattant

Le présent article, qui modifie l'article L. 321-9 du code de la mutualité, vise à poursuivre le mouvement de revalorisation du plafond majorable de la retraite mutualiste.

En application de l'article L. 321-9 du code de la mutualité, les membres des sociétés mutualistes ayant la qualité d'anciens combattants qui se sont constitué une rente mutualiste bénéficient, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d'une majoration spéciale de l'Etat égale, en règle générale, à 25 % du montant de la rente résultant des versements personnels de l'intéressé et qui s'élève au fur et à mesure que l'on se rapproche de 60 ans.

Au 31 décembre 1999, le nombre de bénéficiaires de la rente mutualiste est estimé à environ 360.000 pour une rente d'un montant moyen de 5.700 francs.

Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'Etat est limité à un plafond fixé en valeur absolue, dit " plafond majorable ", qui est visé par le présent article.

L'article 107 de la loi de finances pour 1998 avait modifié les modalités de revalorisation de ce plafond majorable en l'indexant sur l'indice 95 de la pension militaire d'invalidité. Ce nouveau mode d'indexation permet alors de faire évoluer le montant du plafond majorable en application du rapport constant.

L'article 122 de la loi de finances pour 1999 a porté l'indice de référence du plafond majorable de 95 à 100 points, puis l'article 121 de la loi de finances pour 2000 l'a porté à 105 points.

Le présent article vise à porter cet indice de référence à 110 points.

Ces dispositions ont permis une évolution favorable du plafond majorable, qui avait cependant accumulé un retard significatif.

Evolution du plafond majorable depuis 1987

Années

Plafond majorable en vigueur en francs

1987

5.000

1988

5.600

1989

5.600

1990

5.900

1991

5.900

1992

6.200

1993

6.400

1994

6.600

1995

6.750

1996

7.000

1997

7.091

1998

7.496

1999

7.993

2000

8.854

2001*

8.960

* estimation

Tout en considérant que le seuil de 130 points constitue toujours l'objectif à atteindre dans les meilleurs délais, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Art. 53 bis (nouveau)
Organismes habilités à délivrer
la rente mutualiste du combattant

Cet article additionnel, issu d'un amendement déposé par les membres du groupe socialiste, a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale.

Il propose une nouvelle rédaction pour le premier alinéa de l'article L. 321-9 du code de la mutualité.

Cet article vise à réaffirmer la spécificité des organismes mutualistes chargés de la gestion de la rente mutualiste du combattant au moment où le Gouvernement soumet au Parlement un projet de loi l'habilitant à procéder à la refonde du code de la mutualité par voie d'ordonnance 13 ( * ) , afin notamment de transposer en droit interne les directives européennes de 1992 sur les " entreprises d'assurance " 14 ( * ) .

M. Alain Néri, défendant cet amendement, ne s'en est d'ailleurs pas caché, affirmant qu'il cherchait à " éviter toute dérive en prenant en compte les précautions nécessaires pour que la retraite mutualiste ne soit pas accaparée par le secteur marchand ".

Plus précisément, le présent article propose une nouvelle définition des organismes habilités à verser les rentes bénéficiant de la majoration de l'Etat.

A l'heure actuelle, selon la rédaction de l'article L. 321-9, seules peuvent bénéficier de la majoration de l'Etat les rentes constituées par " les groupements mutualistes auprès, soit d'une caisse autonome mutualiste de retraite, soit de la Caisse nationale de prévoyance ".

Le présent article modifie cette rédaction et précise qu'il s'agit des rentes constituées " soit par les mutuelles ou les unions de mutuelles régies par le livre II, soit par les mutuelles ou les unions de mutuelles opérant auprès de la Caisse nationale de prévoyance ".

La nouvelle rédaction proposée n'apparaît, en première analyse, guère plus fonctionnelle que l'ancienne 15 ( * ) . Mais cette nouvelle rédaction ne doit finalement pas tant être comparée à l'actuel article L. 321-9 du code de la mutualité qu'au nouvel article L. 222-2 prévu par l'avant-projet de loi relatif au code de la mutualité 16 ( * ) .

Et selon cet article L. 222-2 prévu par l'avant-projet de loi, les rentes ouvrant droit à majoration de l'Etat sont celles constituées " par des mutuelles ou des unions de mutuelles régies par le livre II ou par des entreprises régies par le code des assurances, habilitées à cet effet par arrêté conjoint des ministres chargés de la mutualité et de l'économie et des finances ".

Aussi, par une manoeuvre juridique un peu hasardeuse anticipant la future refonte du code de la mutualité, cet article tend à exclure les entreprises d'assurance de la gestion de la " rente mutualiste ".

M. Jean-Pierre Masseret, lors du débat à l'Assemblée nationale, puis lors de son audition devant votre commission, s'est attaché à réaffirmer son souci de garantir la spécificité de la retraite mutualiste. Il a ainsi indiqué que le futur agrément aurait pour fonction de réserver la retraite mutualiste aux mutuelles gérées par le monde combattant. Ces engagements n'ont manifestement pas été jugés suffisants par la majorité plurielle.

Soucieuse de préserver la spécificité de la retraite mutualiste du combattant, votre commission ne peut que partager les préoccupations exprimées à l'Assemblée nationale.

Elle n'est pourtant guère convaincue par la solution proposée par l'Assemblée nationale.

Elle insiste ainsi sur l'ambiguïté de la rédaction retenue, qui risque de vider la disposition de son contenu normatif.

Elle s'interroge également sur sa compatibilité avec le droit européen.

Elle ne peut enfin qu'exprimer un certain scepticisme sur la procédure retenue. Sur ce point, elle rappelle que le Gouvernement s'est en effet engagé à inscrire à l'ordre du jour du Parlement un projet de loi de ratification de l'ordonnance portant refonte du code de la mutualité. Dès lors, il sera toujours temps, pour le législateur, de vérifier à cette occasion que le nouveau code de la mutualité prend en considération le caractère particulier de la rente mutualiste. A défaut, votre commission n'hésiterait pas alors à prendre les mesures appropriées.

Aussi, sous réserve de ces observations, votre commission s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption de cet article.

Art. 53 ter (nouveau)
Levée de la forclusion pour les retraites du combattant
des anciens combattants d'outre-mer

Cet article a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement.

Il vise à lever la forclusion de fait pesant sur les demandes nouvelles d'attribution de la retraite du combattant -au taux " cristallisé "- pour les anciens combattants ressortissants d'Etats anciennement sous souveraineté française.

Sous une apparence de premier pas en faveur de la " décristallisation ", cet article est en réalité très restrictif et risque, selon votre rapporteur pour avis, de se traduire en définitive par un retour en arrière si sa rédaction actuelle est maintenue.

Des dispositions restrictives

Elles sont d'abord restrictives dans le champ des prestations concernées . Ces dispositions ne visent en effet que les demandes nouvelles d'attribution de la retraite du combattant. Elles ne concernent donc ni la revalorisation des tarifs, ni la pension militaire d'invalidité -qu'il s'agisse de l'ouverture de droits nouveaux, de la demande de réversion ou de la constatation d'une aggravation du handicap.

Elles sont également restrictives dans leur champ d'application géographique . Le présent article modifie en effet les articles 71 de la loi de finances pour 1960 et 26 de la loi de finances rectificative pour 1981. En revanche, il ne modifie pas l'article 170 de la loi de finances pour 1959 qui fixe le régime de cristallisation pour les Etats d'Indochine. Ceux-ci ne seraient donc pas concernés par la mesure.

Le risque d'une législation plus contraignante

Plus grave encore est le risque que cette nouvelle disposition ne constitue en réalité un retour en arrière sur le plan législatif.

Actuellement, les dispositions des différentes lois précitées ne font en définitive que fixer les règles de revalorisation des retraites du combattant et des pensions militaires d'invalidité en prévoyant justement l'absence de toute revalorisation. En revanche, elles ne s'opposent pas à l'ouverture de droits nouveaux (attribution, réversion, constatation d'une aggravation).

Une telle analyse est d'ailleurs confirmée par l'avis 17 ( * ) n° 207388 du 26 novembre 1999 du Conseil d'Etat en réponse à une question de droit posée, sur un cas d'espèce, par le tribunal administratif de Dijon.

Le Conseil d'Etat observe en effet que " ces dispositions, qui se bornent à fixer les règles de revalorisation des pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants algériens, n'ont par elles-mêmes ni pour objet, ni pour effet, de s'opposer à ce que la retraite du combattant soit concédée à un ressortissant algérien titulaire de la carte du combattant ayant atteint l'âge de soixante-cinq ans postérieurement à la date du 3 juillet 1962 " .

Il ajoute en outre que " le législateur (...) a entendu, notamment, maintenir (...) le bénéfice que tirent des dispositions de l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, et qui résulte de l'absence d'opposabilité à ces personnes des dispositions de l'article L. 259 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en vertu desquelles le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension du combattant est suspendu par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité ".

En conséquence, seule une interprétation abusive de la législation interdit l'attribution de droits nouveaux.

Dans ces conditions, votre commission considère que le présent article ne peut en aucun cas constituer une solution. Dans sa rédaction actuelle, on peut en effet craindre qu'il ne se traduise a contrario par l'interdiction de toute ouverture de droits nouveaux hormis la seule attribution de la retraite du combattant .

C'est là toute l'ambiguïté de cette nouvelle disposition. Au mieux, elle serait inutile car elle ne fait que reprendre un avis du Conseil d'Etat qui éclairait déjà l'interprétation à faire de la législation. Au pire, elle serait dangereuse en prévoyant un cadre législatif plus restrictif en matière d'ouverture de droits nouveaux.

Dès lors, votre commission ne peut qu'exprimer la plus extrême réserve sur une telle disposition .

Dans l'attente des explications qu'elle demandera au Gouvernement d'apporter en séance publique, elle s'en est remise à la sagesse du Sénat quant à l'adoption du présent article.

Art. 53 quater (nouveau)
Institution d'une commission d'étude
de la revalorisation des pensions

Cet article, issu d'un amendement présenté par MM. Gremetz, Colombier et Gengenwin, prévoit la mise en place d'une " commission d'étude de la revalorisation des pensions chargée de proposer les mesures d'ordre législatif et réglementaire permettant la revalorisation des rentes, des retraites et des pensions des anciens combattants de l'outre-mer ".

En clair, il s'agit d'instituer une commission chargée de réfléchir sur la décristallisation.

Cet article détermine également les délais dans lesquels la commission remettra son rapport (six mois après son installation) et la composition de cette commission (représentants des associations et de l'administration, ainsi que deux députés et deux sénateurs).

Votre commission est généralement loin d'être favorable à la multiplication des commissions ad hoc qui servent le plus souvent à retarder les décisions nécessaires sur des sujets difficiles. C'est en partie le cas en matière de décristallisation, sujet sur lesquelles les constats sont déjà clairement établis et les propositions déjà formulées. Seul manque en effet le courage politique.

Pour autant, votre commission n'est pas -dans le cas présent- opposé à la création d'une telle commission, celle-ci pouvant au pire ne servir à rien et au mieux éventuellement contribuer à ébranler la rigidité regrettable du Gouvernement sur ce domaine.

Sous réserve de ces observations, elle a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

* 13 Sur ce point, votre rapporteur renvoie à l'excellent avis de notre collègue André Jourdain (Avis n° 35, 2000-2001).

* 14 La France a choisi, à la demande du mouvement mutualiste, de faire figurer les mutuelles dans le champ de ces " entreprises d'assurance ".

* 15 Elle apparaît même plus opaque, le livre II du code de la mutualité n'ayant absolument pas, dans sa rédaction actuelle, vocation à régir les mutuelles ou les unions de mutuelles, mais précisant les règles applicables à certains groupements à caractère professionnel...

* 16 Avant de se décider pour la procédure des ordonnances, le Gouvernement avait en effet prévu de déposer un projet de loi pour refondre le code de la mutualité.

* 17 Cet avis a été publié au journal officiel du 1 er janvier 2000.

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