Question de M. GENET Fabien (Saône-et-Loire - Les Républicains-R) publiée le 03/04/2025
M. Fabien Genet attire l'attention de M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification au sujet du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. Issu de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics (RFGP) est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Depuis son application, les mises en cause de directions générales et de leurs équipes se multiplient, soulevant de nombreuses inquiétudes quant à la sécurité juridique des agents concernés. En effet, le champ des responsabilités des directions générales, bien que partiellement encadré par la loi, n'est pas encore suffisamment clair. La principale incertitude porte sur la notion de « faute grave » qui n'est pas précisément définie dans l'ordonnance du 23 mars 2022. Lors d'une réunion sur la mise en oeuvre de la réforme de la RFGP le 16 octobre 2024, le Premier avocat général au parquet général près la Cour des comptes, M. Serge Barichard, a précisé que cette notion serait progressivement clarifiée par la jurisprudence, tout en insistant sur le fait que seuls les manquements les plus graves donneraient lieu à des poursuites. Autrement dit, le champ des responsabilités sera affiné au fur et à-mesure par les juges. Cette incertitude crée un climat d'insécurité pour les gestionnaires publics qui doivent exercer leurs missions sans cadre précis leur permettant d'anticiper d'éventuelles mises en cause. Par ailleurs, dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d'État a rappelé que la protection fonctionnelle s'applique aux agents publics poursuivis pénalement, sauf en cas de faute personnelle détachable du service. Toutefois, les sanctions financières de la Cour des comptes relèvent d'un régime spécifique et ne sont pas considérées comme pénales. Dès lors, les agents concernés ne peuvent pas bénéficier de la protection fonctionnelle de manière automatique. Cette situation place les agents dans une situation particulièrement vulnérable en cas de contentieux et ce manque de garanties pourrait à terme nuire à l'attractivité de la fonction publique et freiner l'engagement des cadres dirigeants dans les collectivités territoriales.
Aussi, il lui demande de bien vouloir préciser quelles mesures sont envisagées afin de mieux encadrer le champ de responsabilité des gestionnaires publics et de garantir leur protection face aux risques liés à l'exercice de leurs fonctions.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ville publiée le 09/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Fabien Genet. Ma question s'adresse au ministre chargé de la fonction publique. Elle porte sur le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics.
Issu de l'ordonnance du 23 novembre 2022, ce nouveau régime est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Depuis son application, les mises en cause des directions générales de nos collectivités locales et de leurs équipes se multiplient, ce qui soulève de nombreuses inquiétudes quant à la sécurité juridique des agents concernés.
En effet, le champ des responsabilités des directions générales, bien que partiellement encadré par la loi, n'est pas encore suffisamment clair. La principale incertitude porte sur la notion de faute grave, qui n'est pas précisément définie dans l'ordonnance de novembre 2022.
Lors d'une réunion sur la mise en oeuvre de cette réforme, le président de la chambre du contentieux de la Cour des comptes, Serge Barichard, a précisé que cette notion serait progressivement clarifiée par la jurisprudence, tout en insistant sur le fait que seuls les manquements les plus graves donneraient lieu à des poursuites. Autrement dit, le champ des responsabilités sera affiné au fur et à mesure par les juges.
Cette incertitude crée un climat d'insécurité pour les gestionnaires publics, qui doivent exercer leurs missions sans cadre précis leur permettant d'anticiper d'éventuelles mises en cause.
Par ailleurs, dans sa décision du 29 janvier 2025, le Conseil d'État a rappelé que la protection fonctionnelle s'appliquait aux agents publics poursuivis pénalement. Toutefois, les sanctions financières de la Cour des comptes relèvent d'un régime spécifique et ne sont pas considérées comme pénales. Dès lors, les agents concernés ne peuvent pas bénéficier de la protection fonctionnelle de manière automatique.
Les agents sont placés dans une situation particulièrement vulnérable en cas de contentieux. Ce manque de garanties pourrait, à terme, nuire à l'attractivité de la fonction publique et freiner l'engagement des cadres dirigeants dans les collectivités territoriales.
Dans ce contexte, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures sont envisagées afin de mieux encadrer le champ des responsabilités des gestionnaires publics et leur assurer une protection juridique adaptée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Fabien Genet, je vous remercie d'appeler l'attention du Gouvernement sur l'attente forte des gestionnaires publics sur ce sujet, au regard du nouveau régime de responsabilité qui est entré en vigueur.
Pour commencer, je rappelle que le ministre Laurent Marcangeli s'est engagé à renforcer la protection fonctionnelle des agents publics, raison pour laquelle le Gouvernement a soutenu la proposition de loi déposée par la députée Violette Spillebout.
Ce texte vise à permettre à l'administration de porter plainte au nom de l'agent victime, à étendre la protection fonctionnelle à titre conservatoire pour les ayants droit de l'agent et à octroyer la protection fonctionnelle à l'agent entendu librement dans le cadre d'une procédure pénale.
Par ailleurs, comme vous le rappelez, en l'état actuel du droit, la protection fonctionnelle n'est pas accordée aux agents publics en cas de procédure devant les juridictions financières, dans la mesure où l'agent n'est ni victime d'attaques ni mis en cause dans une procédure civile ou pénale. Le Conseil d'État l'a confirmé dans une décision du 29 janvier 2025, tout en soulignant qu'« il est toujours loisible à l'administration de lui apporter un soutien, notamment par un appui juridique, technique ou humain dans la préparation de sa défense ».
Le président de section honoraire au Conseil d'État Christian Vigouroux, dans son récent rapport intitulé Sécuriser l'action des autorités publiques dans le respect de la légalité et des principes du droit, souligne qu'un éventuel élargissement de l'octroi de la protection fonctionnelle en cas de procédure devant les juridictions financières nécessiterait une réflexion approfondie, notamment eu égard aux objectifs mêmes de la réforme visant à renforcer la responsabilité financière des agents publics et aux conséquences en matière budgétaire.
Tout en reconnaissant l'attente exprimée de plus en plus fortement sur le terrain face aux mises en cause des gestionnaires publics, le Gouvernement est bien conscient que les contours de cette forme complémentaire de protection requièrent une expertise pointue.
Les services du Premier ministre ont engagé une réflexion sur le sujet et proposeront ultérieurement, en concertation avec la Cour des comptes, une approche adaptée sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour la réplique.
M. Fabien Genet. Merci, madame la ministre, de votre réponse très précise et très technique, même si je ne suis pas sûr qu'elle soit de nature à rassurer complètement nos directions générales.
Je répète que le Gouvernement a souhaité, par voie d'ordonnance, réformer les contrôles afin de les renforcer, mais sans préciser la notion de faute grave, laissant au juge le soin de la définir.
L'actualité montre qu'il est parfois bon que ce soit le législateur ou le Gouvernement qui définisse la portée d'une infraction, et non le juge, précisément pour que les gens puissent connaître la règle avant de commencer à jouer.
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