Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 03/04/2025
Mme Véronique Guillotin interroge Mme la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics sur l'application de la nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise.
Repoussée pour les revenus de 2020, 2021, 2022 et 2023, la nouvelle méthode d'élimination de la double imposition entrera en application pour l'imposition des revenus de 2024. À l'approche de l'ouverture des déclarations d'impôt, de nombreux travailleurs frontaliers ont fait part de leurs inquiétudes concernant les hausses d'impôt conséquentes que l'application de la convention fiscale pourrait entraîner, en particulier pour les contribuables à revenus mixtes. Désormais, l'impôt luxembourgeois ne sera plus déduit des revenus mixtes dans le calcul du taux d'imposition applicable aux seuls revenus français. S'il est prévu que les contribuables concernés reçoivent un crédit d'impôt égal à l'impôt français qui aurait été dû si les revenus luxembourgeois étaient de source française, les conséquences de ces nouvelles règles restent incertaines, et ce malgré l'engagement pris par le Gouvernement de l'époque sur le lancement d'une étude d'impact.
Elle lui demande donc si le Gouvernement envisage une étude d'impact et la renégociation de la convention fiscale auprès de l'État luxembourgeois.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 09/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 430, adressée à Mme la ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics.
Mme Véronique Guillotin. Madame la ministre, en 2018 était signée la nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg. Son objectif était simple : éviter la double imposition, mais aussi lutter contre la fraude fiscale. Elle a été amendée à deux reprises, et son entrée en vigueur a été repoussée d'autant depuis sa signature.
Le ministre de l'époque, M. Bruno Le Maire, s'était engagé à effectuer une étude d'impact afin de mesurer ses effets sur le taux d'imposition des ménages concernés. Dernièrement, le Gouvernement a annoncé appliquer les dispositions de la convention fiscale sur les revenus de 2024, faisant naître de vives inquiétudes dans nos territoires.
En effet, les conséquences de cette réforme pour les contribuables frontaliers, particulièrement pour les retraités et ceux qui disposent de revenus mixtes, seraient loin d'être neutres. Par exemple, un couple aux revenus luxembourgeois et français qui payait 2 000 euros d'impôts par an pourrait voir son imposition monter à plus de 2 600 euros.
Il ne s'agit que de projections : je le répète, sans étude d'impact, l'application de cette convention fiscale conduit nos concitoyens à éprouver de légitimes appréhensions, car beaucoup d'entre eux n'ont pu anticiper la facture finale dans leur budget.
Dans la région dont je suis élue, le Grand Est, ce ne sont pas moins de 150 000 travailleurs frontaliers qui sont concernés. Dès 2018, à mes côtés, des parlementaires faisaient part de leurs inquiétudes sur les conséquences de cette convention. Plus récemment, le président de la région, Franck Leroy, et moi-même appelions votre attention dans le même sens, madame la ministre.
Madame la ministre, comptez-vous réaliser cette étude d'impact, afin que nous disposions d'une évaluation transparente avant que cette convention ne soit appliquée ? Comment comptez-vous rassurer les travailleurs frontaliers, qui sont inquiets ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Madame la sénatrice, cette nouvelle convention fiscale a modifié la manière dont est calculé l'impôt sur le revenu, afin d'éliminer les risques de double imposition pour les résidents de France qui perçoivent certains revenus de source luxembourgeoise, essentiellement les salaires et les revenus immobiliers.
Nous sommes passés d'un régime dit de l'exemption, ne permettant pas d'éviter d'éventuelles doubles exonérations, au régime que nous pratiquons avec de très nombreux pays voisins - l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni -, celui de l'imputation, qui prévoit que les revenus touchés au Luxembourg resteront exclusivement imposés au taux prévu par la législation luxembourgeoise.
Néanmoins, le passage d'une méthode à l'autre pourra avoir une incidence sur le taux d'imposition appliqué en France sur les autres revenus perçus en France.
La méthode précédemment utilisée limitait la progressivité de l'impôt appliqué aux revenus imposables en France. Sur ce point, la nouvelle convention créera de la justice entre nos concitoyens, puisqu'elle assurera que les revenus de source française des foyers qui perçoivent par ailleurs des revenus de source luxembourgeoise soient imposés au même taux que ceux des foyers qui, à montants équivalents, ne disposent que de revenus de source française. Il s'agit donc d'une réforme d'équité.
L'application pleine et entière de la convention permettra donc de rétablir l'égalité de traitement des frontaliers et des autres résidents.
Pour laisser le temps aux foyers de s'adapter, l'application de l'ancien système a été tolérée aux revenus perçus en 2020 et en 2021, puis en 2022 et en 2023. Après quatre ans de transition, la convention de 2018 s'appliquera pleinement aux revenus perçus à compter de 2024, donc dès maintenant.
Des mesures d'accompagnement des transfrontaliers sont toutefois prévues. Je pense notamment à l'ouverture d'un guichet spécial au sein de la direction départementale des finances publiques (DDFiP) de Moselle pour aider les contribuables à déterminer l'assiette imposable en France en application des nouvelles règles conventionnelles.
Mes services sont à l'entière disposition de ceux qui se poseront des questions. Il s'agit d'une réforme de justice fiscale qui concerne tous les habitants de Moselle, de Meurthe-et-Moselle et des départements environnants.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. À revenu égal en France, imposition égale !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Je regrette tout de même l'absence d'étude d'impact et d'anticipation des effets de cette convention sur les travailleurs.
Le fait frontalier doit être appréhendé dans sa globalité : il faut prendre en compte également les questions de mobilité, de santé, d'aménagement du territoire, d'économie et de formation. À cet égard, nous avons déjà évoqué la nécessité d'installer un comité interministériel aux questions frontalières, aux côtés des élus locaux. Je profite de cette question orale pour vous le rappeler, madame la ministre.
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