Question de M. SAVOLDELLI Pascal (Val-de-Marne - CRCE-K) publiée le 03/04/2025
M. Pascal Savoldelli interroge M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification au sujet des congés menstruels dans la fonction publique. De plus en plus de collectivités territoriales mettent en place des aménagements des modalités et du temps de travail pour les agentes souffrant de règles douloureuses, d'endométriose, d'adénomyose, de dysménorrhées, ou encore du syndrome des ovaires polykystiques. Pourtant, saisi par le préfet de la Haute-Garonne au titre du contrôle de légalité, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu, le 20 novembre 2024, les délibérations de deux collectivités ayant instauré un congé menstruel, estimant celles-ci incompatibles avec le droit en l'absence, à ce jour, de dispositions législatives ou réglementaires le permettant. Cette décision faisant jurisprudence, d'autres collectivités ayant pris des mesures similaires ont été depuis renvoyées au contrôle de légalité. Toutefois, il signale qu'en 2019, la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, dite de transformation de la fonction publique, a instauré la possibilité d'harmoniser et d'ouvrir la réglementation concernant les autorisations spéciales d'absence. Un décret doit encore en préciser les modalités, mais celui-ci n'a jamais été publié. Par ailleurs, il rappelle que selon les articles L. 3142-1 À L. 3142-35 du code du travail, les entreprises ont, en France, la possibilité d'instaurer un congé menstruel via une convention collective ou un accord collectif d'entreprise. De même, selon les articles L. 622-1 à L. 622-7 du code général de la fonction publique, il est possible d'accorder des autorisations spéciales d'absence aux agentes de la fonction publique, mais ce dispositif reste très limité dans sa mise en oeuvre. Alors que de nombreux pays, à l'instar de l'Espagne, du Japon ou de l'Indonésie, ont déjà instauré un congé menstruel, la France reste à la traîne sur ce sujet. Selon un sondage IFOP réalisé en 2021, 68 % des françaises interrogées se déclarent favorables à sa mise en place, tandis que 44 % déclarent avoir déjà manqué une journée de travail à cause de leurs règles, ou connaitre quelqu'un qui l'aurait fait. Pourtant, l'absence de cadre légal contraint aujourd'hui de nombreuses salariées à poser des congés ou à subir des arrêts maladie, parfois avec une application du jour de carence. Par ailleurs, il indique que le sujet des règles douloureuses demeure encore un tabou dans le milieu professionnel. C'est pourquoi il est également essentiel d'assurer un suivi de la mise en place d'un tel dispositif afin d'éviter toute stigmatisation à l'embauche ou discrimination dans l'exercice des fonctions des agentes concernées.
Dans ces conditions, il l'interroge sur les mesures que le Gouvernement entend prendre pour reconnaitre les absences liées à des règles douloureuses, d'endométriose, d'adénomyose, de dysménorrhées, ou encore du syndrome des ovaires polykystiques, dans la fonction publique et sur la date à laquelle le décret prévu par la loi du 6 août 2019 précitée sera publié, ainsi que sur ses modalités.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ville publiée le 09/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, auteur de la question n° 428, adressée à M. le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, l'endométriose touche 2 millions de femmes en France. La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes avait fait de cette maladie un sujet central de l'égalité professionnelle. Dans un rapport publié en 2023, elle relevait que les « conséquences de l'endométriose sur la vie professionnelle des femmes qui en souffrent sont (...) majeures, multiples et souvent discriminantes ».
Certaines entreprises privées ont pris des mesures en faveur de ces femmes, mais le secteur public est en retard de ce point de vue.
Certaines communes volontaristes ont pourtant essayé d'instaurer un congé menstruel, mais le tribunal administratif de Toulouse a suspendu, le 20 novembre 2024, les délibérations de ces collectivités. Depuis, cette décision fait partout jurisprudence. Que les maires soient empêchés de mettre en place une mesure d'égalité est une situation ubuesque.
À cet égard, je salue la présence dans nos tribunes de Fatah Aggoune, maire de Gentilly, et d'agents territoriaux de sa commune.
Ma question est simple, madame la ministre : allez-vous publier un décret afin d'autoriser, dans la fonction publique, des aménagements des conditions de travail des femmes souffrant de règles douloureuses, de dysménorrhées, d'endométriose, d'adénomyose ou encore du syndrome des ovaires polykystiques ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pascal Savoldelli, plusieurs collectivités ont en effet pris la décision de mettre en place des autorisations spéciales d'absence (ASA) pour congé menstruel. Ces autorisations permettent ainsi, et c'est heureux, aux femmes souffrant de règles douloureuses, d'endométriose, d'adénomyose ou de dysménorrhées invalidantes de s'absenter de leur service, sans effet sur leurs droits à congés annuels.
Toutefois, cette initiative soulève des questions juridiques importantes.
En l'état actuel du droit, la création d'une nouvelle catégorie d'ASA pour raison de santé ne relève pas des compétences des collectivités locales. En effet, l'article L. 622-1 du code général de la fonction publique prévoit des autorisations spéciales d'absence pour des motifs spécifiques, tels que la parentalité ou certains événements familiaux, mais pas pour raison de santé. Ainsi, la mise en place d'un tel dispositif par les collectivités repose sur une base légale très contestable.
C'est pourquoi le tribunal administratif de Toulouse a suspendu, le 20 novembre 2024, les délibérations de deux collectivités ayant instauré un congé menstruel, estimant que celles-ci étaient incompatibles avec le droit, en l'absence, à ce jour, de dispositions législatives ou réglementaires permettant de le faire.
Consciente de l'intérêt porté à cette question et de la demande croissante des collectivités et des administrations, la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) travaille actuellement à l'identification de solutions juridiques permettant de mieux prendre en compte ces situations, afin de leur apporter une réponse adaptée.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Premièrement, je précise que nous avons déjà débattu d'une proposition de loi sur ce sujet, mais que le Gouvernement l'a rejetée, madame la ministre. Le travail législatif a donc déjà été fait sur cette question !
Deuxièmement, je pensais que vous alliez retenir une modalité simple, à savoir un décret.
Il arrive souvent que l'on nous renvoie ici à ce qui se passe dans d'autres pays, de manière parfois fondée d'ailleurs. Or, en la matière, la France reste à la traîne, l'Espagne, le Japon, l'Indonésie ayant déjà instauré un congé menstruel.
En outre, dans un sondage réalisé en 2021 par l'Institut français d'opinion publique (Ifop), 68 % des Françaises interrogées se sont déclarées favorables à la mise en place d'un tel congé.
J'insiste, madame la ministre : prenez l'initiative de rédiger un décret, ou soutenez les initiatives législatives des collectivités ! N'attendons plus.
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