Question de M. JOLY Patrice (Nièvre - SER) publiée le 10/04/2025

Question posée en séance publique le 09/04/2025

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Patrice Joly. Depuis plusieurs années, la mortalité infantile ne cesse d'augmenter en France, atteignant désormais des taux tout à fait alarmants. Notre pays est passé de 3,6 décès pour 1 000 naissances en 2021 à 3,9 pour 1 000 en 2023, puis à 4,1 pour 1 000 en 2024. Quel niveau faudra-t-il atteindre pour que l'on réagisse enfin ?

En 2024, 2 800 enfants ont perdu la vie avant leur premier anniversaire. Cette dégradation catastrophique frappe particulièrement les départements les plus pauvres et les départements ruraux, où en moyenne 20 % des femmes en âge d'être mères vivent à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité.

Cette dégradation a été mise en lumière par l'Institut national d'études démographiques (Ined), qui, dans un rapport publié en décembre dernier, place désormais la France loin derrière ses voisins européens, à la vingt-troisième place sur vingt-sept.

Dans leur dernière enquête, parue en mars dernier, intitulée Le Scandale des accouchements en France, les journalistes Anthony Cortes et Sébastien Leurquin se sont attachés à identifier les causes de cette régression inacceptable pour un pays qui était encore, il y a peu, un des meilleurs d'Europe en la matière.

Les causes sont connues et dénoncées par les professionnels : d'une part, les fermetures massives de maternités, mesures à l'évidence purement budgétaires, puisque le service se dégrade ; de l'autre, la pénurie de soignants, qui persiste faute du courage politique nécessaire pour assurer une bonne répartition territoriale.

En cinquante ans, 75 % de nos maternités ont disparu : nous sommes passés de 1 369 maternités publiques en 1975 à 457 en 2024. Or ces fermetures - chacun le sait - augmentent le risque de morbidité et de complications pour la mère comme pour l'enfant.

Madame la ministre, pouvons-nous continuer à sacrifier l'accès aux soins des femmes et des enfants sous prétexte de rationalisation ? Devons-nous poursuivre la fermeture des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an et laisser tant de femmes accoucher sur les routes ? (Applaudissements sur des travées des groupes SER et GEST.)

Mme Marie-Pierre Monier. Bravo !

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Réponse du Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles publiée le 10/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2025

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Monsieur le sénateur Patrice Joly, le sujet que vous abordez a fait l'objet d'un travail particulièrement approfondi de la part du Sénat. À ce titre, je tiens à saluer vos collègues Annick Jacquemet et Véronique Guillotin, dont le rapport m'a été remis lundi dernier. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Jean-François Husson. Très bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Ce rapport détaille les différentes difficultés que nous rencontrons en la matière.

Vous avez évoqué la mortalité néonatale en citant un certain nombre de chiffres. J'insiste sur le fait qu'il s'agit des nouveau-nés décédés entre leur naissance et leur vingt-septième jour.

Nous avons encore besoin, dans notre pays, d'une évaluation extrêmement précise des multiples facteurs expliquant ces morts. (M. Patrice Joly le concède.) C'est la raison pour laquelle j'ai décidé la création d'un registre national, grâce auquel nous pourrons analyser la cause de chacun des décès.

Nous le savons, les causes sont plurielles. Dans certains cas, l'équipement néonatal est probablement en cause. La précarité est à l'évidence un facteur aggravant. Peut-être l'éloignement de certaines maternités est-il également un sujet,...

M. Mickaël Vallet. Ah !

Mme Catherine Vautrin, ministre. ... y compris pour l'accompagnement des mères.

L'augmentation de l'âge de la mère à la naissance du premier enfant explique peut-être aussi en partie la hausse de mortalité constatée. (Mme Émilienne Poumirol s'exclame.) Tous ces facteurs méritent d'être renseignés. C'est ainsi que nous pourrons apporter les bonnes solutions.

En outre - tous les gouvernements qui se sont succédé ont une part de responsabilité en la matière et il s'agit là d'un sujet éminemment transpartisan -, en matière de néonatalité, les derniers décrets datent de 1998 : ils ont grand besoin d'être actualisés. Nous allons mener ce travail. C'est l'engagement que je prends devant vous, à la demande de M. le Premier ministre. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour la réplique.

M. Patrice Joly. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse.

Néanmoins, de manière plus générale, je m'interroge : devons-nous continuer, dans nos territoires, à être maltraités à la naissance, ignorés une fois devenus adultes, puis abandonnés lorsque nous devenons seniors et approchons de la fin de notre vie ?

Doit-on continuer à fermer les yeux sur la tiers-mondisation de notre système de santé ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. Michaël Weber. Bravo !

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