Question de M. XOWIE Robert Wienie (Nouvelle-Calédonie - CRCE-K) publiée le 10/04/2025

Question posée en séance publique le 09/04/2025

M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Robert Wienie Xowie. Monsieur le Premier ministre, en adoptant une approche nouvelle, vous avez permis à l'ensemble des partenaires, dont le représentant du peuple colonisé, le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), d'amorcer une première phase de discussion. L'émergence d'un accord gagnant-gagnant pour nos compatriotes est attendue avec fébrilité, dans un pays que la crise a mis à genoux.

Vous avez énoncé clairement et avec force que l'accord de Nouméa constituait le socle intangible sur lequel la négociation devrait se fonder. Vous avez également confirmé à maintes reprises que le droit à l'autodétermination du peuple colonisé, le peuple kanak, était garanti par la Constitution. Ce faisant, vous avez posé un cadre et des bases de discussion pour que les partenaires aboutissent à un compromis solide.

Toutefois, une inconnue demeure, monsieur le Premier ministre : l'accès vers la décolonisation. Permettez-moi de citer un proverbe nemi du nord de la Nouvelle-Calédonie, la région du député Tjibaou : « Tu saurais où se trouve la porte si tu avais aidé à construire la case ! »

La trajectoire politique d'émancipation et d'évolution institutionnelle engagée depuis 1983 doit nous conduire à une évolution significative, au-delà de l'accord de Nouméa.

Pour achever la parenthèse coloniale en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, le processus engagé devra envisager le transfert des compétences régaliennes et indiquer un calendrier selon lequel notre droit à l'autodétermination pourra s'exercer.

Monsieur le Premier ministre, comment aboutir à une sortie de la décolonisation, ainsi que le prévoit l'accord de Nouméa, si la seule perspective est de décoloniser dans la France ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et GEST. - Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 10/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2025

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur Xowie, vous l'avez rappelé, dès son installation, le Gouvernement a décidé, sous l'autorité de Manuel Valls, ministre d'État chargé de l'outre-mer, de faire reprendre le dialogue en Nouvelle-Calédonie, qui était devenu très difficile après les événements que vous savez.

Dès le 29 janvier, j'ai écrit à toutes les formations politiques - vous avez lu le texte, vous en avez cité des passages - pour leur proposer d'ouvrir des discussions afin de trouver un accord politique susceptible de sortir le territoire du marasme dans lequel il se trouve depuis les émeutes de mai 2024.

Manuel Valls a accumulé beaucoup d'expérience et le travail qu'il conduit avec les Calédoniens offrira, j'en suis persuadé, des perspectives importantes aux habitants de la Nouvelle-Calédonie. Ceux-ci sont évidemment en première ligne.

Dès le mois de février, des réunions se sont tenues, à Paris, puis à Nouméa, où le ministre d'État s'est rendu à deux reprises. Un premier document d'orientation a été mis sur la table, puis un projet d'accord, dont toutes les parties ont commencé à discuter le 31 mars dernier.

Je considère que nous avançons collectivement, pas à pas, selon une méthode que j'ai voulue respectueuse de chacun et qui s'intègre dans une histoire marquée par les accords de Matignon-Oudinot, puis de Nouméa.

La question de l'autodétermination est évidemment centrale. Elle a été rappelée par tous les aspects du droit : elle est reconnue par les textes internationaux, dont la Charte des Nations unies, mais aussi par notre Constitution, en son article 53. Ce droit a été très souvent rappelé en tant que principe, mais les conditions de son exercice sont au coeur des discussions.

Je rappelle que trois référendums se sont déroulés. Si le troisième a donné lieu à de nombreuses discussions, ils ont tous trois conclu à une réponse négative. Conformément aux accords de Nouméa, les partis se retrouvent « pour examiner la situation ainsi créée ». Les options sont sur la table, vous les connaissez, et je sais votre aspiration à une souveraineté pleine et entière de la Nouvelle-Calédonie.

Le ministre d'État a déjà annoncé qu'il reviendrait à Nouméa à la fin du mois d'avril pour poursuivre ces discussions. Je souhaite qu'un accord soit trouvé et je le crois possible, car il est essentiel pour l'avenir des Calédoniens.

J'ai la conviction, et je suis sûr que vous la partagez, monsieur le sénateur, que sans un accord de ce type, le territoire ne pourra pas se rétablir. Nous, le Gouvernement, le devons à l'ensemble des Calédoniens, et les représentants des Calédoniens le doivent à leurs concitoyens.

L'État affirme donc qu'il se tient aux côtés des Calédoniens, aujourd'hui comme demain, quelle que soit la forme que nous trouverons collectivement - et dont nous savons tous qu'elle sera forcément originale, comme elle l'a toujours été - pour ce pays qui retient, depuis si longtemps, notre attention, notre engagement, et, si vous me permettez de le dire, notre affection. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. - M. Loïc Hervé applaudit également.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n'est pas un pays...

M. le président. La parole est à M. Robert Wienie Xowie, pour la réplique.

M. Robert Wienie Xowie. L'État a la responsabilité de la décolonisation ; nous serons attentifs à cela. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. - M. Akli Mellouli applaudit également.)

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