Question de M. REDON-SARRAZY Christian (Haute-Vienne - SER) publiée le 10/04/2025

Question posée en séance publique le 09/04/2025

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. - Mme Antoinette Guhl applaudit également.)

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les conséquences potentiellement dévastatrices des taxes annoncées par Donald Trump inquiètent à juste titre le monde économique et nos compatriotes.

Selon les économistes, la stratégie de négociation « zéro pour zéro » de la Commission européenne sera préjudiciable aux intérêts de la France et de nos filières les plus exposées : l'aéronautique, l'automobile, les vins et spiritueux notamment.

Une telle réponse profitera avant tout à l'Allemagne et à l'Italie compte tenu de leurs excédents commerciaux.

Alors, quelles options nous reste-t-il ?

Le président américain ne reviendra pas sur sa décision. Taxer les banques américaines et les Gafam - Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft - n'aura aucun impact positif pour notre économie, faute d'alternatives françaises et européennes crédibles et d'investissements suffisants dans le secteur des services.

La bonne réponse consiste en une relocalisation de certaines filières et en la mise en place de droits de douane ciblés, accompagnés de ce que nous demandons depuis longtemps, une stratégie de planification industrielle qui renforcera notre souveraineté et améliorera notre balance commerciale. Elle protégera aussi le marché européen et français de l'ajustement stratégique que la Chine, après la fermeture du marché américain, ne va pas manquer d'opérer pour déverser ses surcapacités sur le vieux continent.

Allez-vous défendre cette stratégie auprès de la Commission européenne, seule entité capable de protéger les Français et de permettre à la France et à l'Europe de reprendre en main leur destin économique ?

Pour une fois, soyons des pionniers en envisageant une nouvelle adaptation, et ne partons pas perdants ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 10/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2025

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous l'avez entendu tout à l'heure de la bouche du ministre de l'économie et des finances, nous allons évidemment veiller à ce que les décisions qui ont été prises et dont nous considérons qu'elles vont appauvrir les États-Unis, leurs classes moyennes, leurs entreprises, ainsi que leurs partenaires, au premier rang desquels l'Europe, puissent être revues, sans quoi nous n'aurions d'autre choix que de riposter en mobilisant l'ensemble des instruments qui sont à notre disposition.

Je pense naturellement aux droits de douane, tels que ceux qui ont été adoptés ce matin au niveau européen - un taux de 25 % sur l'équivalent de 22 milliards d'euros d'exportations américaines vers l'Europe -, mais aussi à des mesures non tarifaires. Vous avez cité les services ; or la Commission européenne dispose, depuis 2023, d'instruments qui permettent, lorsque les intérêts européens sont en jeu, de s'en prendre, si je puis dire, ou, en tout cas, de restreindre l'accès de certaines sociétés extra-européennes aux marchés publics et l'accès de certains services au marché unique européen.

Mais vous avez raison de rappeler que nous ne devons pas nous contenter de répondre à l'administration américaine. Nous devons nous poser des questions sur nous-mêmes. Nous nous apercevrons alors que le marché unique n'a sans doute jamais été aussi important pour permettre à nos entreprises de se diversifier.

Les barrières qui se dressent entre les pays de l'Union européenne représenteraient des droits de douane d'environ 45 %. Si nous levons ces barrières, si nous approfondissons le marché unique, nous compenserons une partie de l'impact des droits de douane extravagants instaurés par l'administration Trump.

Puisque, comme vous l'avez dit, nous entrons dans une période de guerre commerciale, nous devons nous y préparer en gagnant en compétitivité et en retirant la chape de plomb qui empêche les entreprises françaises de livrer bataille à armes égales avec leurs concurrents étrangers sur les marchés internationaux.

À cet égard, les annonces faites par la Commission européenne ces derniers mois vont dans le bon sens. Désormais, il convient d'accélérer pour être en mesure non pas seulement de défendre nos intérêts, mais aussi, dans cette période de tension commerciale, de gagner des parts de marché. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.

M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le ministre, que cela soit dit, les Français n'ont pas à assumer les conséquences budgétaires du diktat américain, alors même que nos grands groupes veulent continuer, au mépris de tout patriotisme économique, d'investir aux États-Unis pour contourner les droits de douane ! Ce faisant, ils refusent explicitement de soutenir notre économie et font preuve d'une indifférence totale aux inquiétudes des Français face à la crise qui s'annonce.

Nous attendons du Gouvernement qu'il prenne les mesures nécessaires pour éviter l'effondrement de certaines filières et faire en sorte que le pouvoir d'achat des Français ne soit pas une nouvelle fois amputé par des hausses de prix. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. - M. Fabien Gay applaudit également.)

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