Question de M. RUEL Jean-Marc (Saint-Pierre-et-Miquelon - RDSE) publiée le 10/04/2025
Question posée en séance publique le 09/04/2025
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ruel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Marc Ruel. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger.
Monsieur le ministre, s'il nous fallait un exemple de l'absurdité des récentes décisions de Donald Trump, Saint-Pierre-et-Miquelon décrocherait sans doute la palme : un territoire de 6 000 habitants, répartis sur 242 kilomètres carrés, dont les exportations vers son voisin américain vont être frappées par des droits de douane de 50 %...
Cette mesure, aussi incohérente que brutale et visiblement dépassée, a surtout mis en lumière une réalité plus profonde : la vulnérabilité de mon archipel, isolé dans son bassin nord-atlantique.
Cette vulnérabilité est d'abord économique : ces tarifs douaniers étranglent nos circuits déjà fragiles, notamment la filière de la pêche. Ils renchérissent aussi le coût de la vie sur l'archipel, qui est totalement dépendant de l'acheminement maritime depuis l'Hexagone ou le Canada.
Ensuite, elle est structurelle : nos infrastructures de transport sont à bout de souffle. Les quais des ports d'État, à Saint-Pierre comme à Miquelon, menacent de s'effondrer. Et nous avons récemment appris, à l'Assemblée nationale, qu'aucun financement n'est prévu avant 2027...
Enfin, elle est géopolitique : notre positionnement stratégique est trop peu pris en compte. L'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (Ceta) a été relancé, mais, en tant que pays et territoire d'outre-mer (PTOM), nous sommes exclus de ses bénéfices, alors même que nous sommes les plus proches voisins du Canada. En 2019, le Gouvernement avait promis un fonds d'innovation et de diversification pour en compenser les effets. Nous l'attendons toujours...
Monsieur le ministre, ma question est simple : après cet épisode, le Gouvernement entend-il redonner à Saint-Pierre-et-Miquelon son ambition et son rôle de plateforme géostratégique au service de la France et de l'Europe, et non en faire une prison d'où l'on ne pourra pas s'échapper, comme le souhaite Laurent Wauquiez, pour les individus faisant l'objet d'une OQTF (obligation de quitter le territoire français) les plus dangereux ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et UC.)
Mon intention est claire : faire de mon archipel une base avancée et non un nouvel Alcatraz ! (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 10/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 09/04/2025
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, décidément, le sort s'acharne !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ah, ça !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Il y a huit jours, c'est le président Trump qui, semblant oublier que Saint-Pierre-et-Miquelon est un territoire de notre République, décide que les États-Unis appliqueront double tarif, si je puis dire, au moment d'annoncer la hausse des droits de douane américains ; et, hier, ce sont des voix qui s'élèvent pour faire de l'archipel un centre de rétention administrative...
Il convient de rappeler que tous les territoires ultramarins sont membres à part entière de la République, fussent-ils dans l'Atlantique Nord, que Saint-Pierre-et-Miquelon en est donc un membre à part entière, et que chacun doit à Saint-Pierre-et-Miquelon le respect et la considération que l'on doit à tous les territoires de la République française. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi n'est-ce pas le ministre de l'intérieur qui répond à notre collègue ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Pour commencer, je relève que, après les déclarations fracassantes dans le Bureau ovale, Saint-Pierre-et-Miquelon a été retiré du décret présidentiel introduisant les droits de douane que vous avez dénoncés.
Ensuite, je vous assure que tous les territoires de la République seront pris en compte dans les préconisations qui seront faites par la France à la Commission européenne, pour que celle-ci ajuste sa réponse et, éventuellement, sa réplique, avec, à l'esprit, la volonté d'obtenir le retrait de ces droits de douane et, en tout état de cause, celle de défendre les filières, comme l'évoquait à l'instant le ministre de l'économie et des finances.
Par ailleurs, et sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, ici, au Sénat, vous avez évoqué le Ceta : aujourd'hui, cet accord pourrait prendre une dimension différente au vu des récentes décisions prises par les États-Unis, le Canada étant un partenaire qui a exprimé son opposition à l'ouverture de cette guerre commerciale, dont tout le monde finira bien par sortir perdant.
M. Fabien Gay. On nous ressort le Ceta !
M. Jean-François Husson. On ne va pas refaire le match !
M. Jean-Noël Barrot, ministre. Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur le sénateur, je sais que le ministre d'État, ministre des outre-mer, qui est aujourd'hui en déplacement à Mayotte, aura à coeur de poursuivre le plan spécifique qui est consacré à l'archipel. Je vous invite, si vous en êtes d'accord, à prendre contact avec lui, après que je lui aurai fait part de vos attentes sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
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