Question de M. DAUBET Raphaël (Lot - RDSE) publiée le 27/03/2025

M. Raphaël Daubet attire l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie sur l'urgence à sortir le dossier du renouvellement des concessions hydroélectriques de l'enlisement dans lequel la directive « concession » l'a plongé en 2014, en imposant une mise en concurrence lors du renouvellement des contrats.
Depuis une décennie, la France fait de la résistance à l'ouverture à la concurrence, avec un soutien politique transpartisan qui signe la volonté de maîtriser la souveraineté énergétique de la France et de ne pas sacrifier la gestion de l'eau.
Le sujet n'est pas anecdotique. Il s'agit de la deuxième source de production électrique, derrière l'énergie nucléaire et de la première source d'électricité renouvelable, stockable, pilotable et dotée d'une technologie mature. L'enjeu est d'autant plus fort que les barrages contribuent à atténuer la pénurie d'eau, à prévenir les inondations en tirant parti du stockage de l'eau et en régulant les flux. Ces ouvrages et leur fonctionnement jouent ainsi un rôle d'aménagement de vallées entières, comme c'est le cas dans la Vallée de la Dordogne, qui traverse le département du Lot.
Nous avons le sentiment d'être dans l'impasse et au point mort. Or dans ce précontentieux, chaque partie s'accorde sur la nécessité moderniser les installations hydroélectriques, de conforter l'industrie de l'hydroélectricité et de maintenir les compétences dans ce domaine. C'est le cas de la commission européenne, dans son rapport publié fin février 2025 sur la compétitivité européenne des technologies énergétiques propres. C'est le cas également du Gouvernement, puisque la 3e programmation pluriannuelle de l'énergie, soumise à consultation publique jusqu'à mi-avril 2025, prévoit d'augmenter les capacités de grande hydroélectricité. Reconnaissez que sans visibilité et sans stabilité dans la durée pour les exploitants, cette ambition sera vaine.
Les pistes jusqu'alors étudiées, à savoir la quasi-régie, le basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation se sont toutes heurtées à des blocages juridiques ou financiers.
Il lui demande comment il envisage la sortie de ce précontentieux, quel est l'avancement des négociations avec la commission européenne aujourd'hui et s'il a entamé des discussions sur la prochaine révision de directive « concessions » de 2014, en vue d'exclure l'hydroélectricité de son champ d'application.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 09/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025

M. le président. La parole est à M. Raphaël Daubet, auteur de la question n° 422, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Raphaël Daubet. Madame la ministre, la souveraineté et les ambitions énergétiques de la France sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens et des élus dans les territoires.

J'attire aujourd'hui votre attention sur l'urgence de mettre fin à l'enlisement du dossier du renouvellement des concessions hydroélectriques à la suite de l'adoption en 2014 de la directive sur l'attribution de contrats de concession, dite directive Concessions, qui impose une mise en concurrence lors du renouvellement des contrats.

Depuis une décennie, la France résiste à l'ouverture à la concurrence. Le soutien politique transpartisan en la matière signe la volonté de maîtriser notre souveraineté énergétique. Ce sujet n'est pas anecdotique. L'hydroélectricité est notre deuxième source de production d'électricité, derrière l'énergie nucléaire, et notre première source d'électricité renouvelable, stockable et pilotable, produite par une technologie mature.

L'enjeu est d'autant plus important que les barrages contribuent à atténuer les pénuries d'eau et à prévenir les inondations en régulant les flux, grâce à une gestion plus adaptée et plus concertée qu'auparavant.

Ces ouvrages et leur fonctionnement jouent ainsi un rôle majeur d'aménagement de vallées entières, comme la vallée de la Dordogne, qui traverse le département du Lot.

Aujourd'hui, nous avons le sentiment d'être dans une impasse, au point mort, bloqués dans un précontentieux avec la Commission européenne. Chaque partie s'accorde sur la nécessité de moderniser les installations hydroélectriques, de conforter l'industrie de l'hydroélectricité et de maintenir les compétences dans ce domaine.

C'est le cas de la Commission européenne, qui a publié à la fin du mois de février dernier un rapport sur la compétitivité des technologies énergétiques propres. C'est le cas également du Gouvernement puisque la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie, soumise à consultation publique jusqu'à la mi-avril 2025, prévoit d'augmenter les capacités de la grande hydroélectricité.

Reconnaissez, madame la ministre, que, sans visibilité et sans stabilité pour les exploitants, cette ambition sera vaine ! Les pistes jusqu'alors étudiées, à savoir la quasi-régie et le basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation, se sont toutes heurtées à des blocages juridiques ou financiers.

Comment envisagez-vous la sortie de ce précontentieux ? Où en sont aujourd'hui les négociations avec la Commission européenne ? Avez-vous entamé des discussions sur la prochaine révision de la directive Concessions ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Vous interrogez mon collègue Marc Ferracci sur la situation des barrages hydroélectriques et sur l'état des négociations avec la Commission européenne.

Le Gouvernement est convaincu que l'hydroélectricité est une source d'énergie renouvelable cruciale. En 2023, cette électricité a représenté environ 60 térawattheures de notre production électrique, soit 12 % de notre approvisionnement et près de 40 % de notre production d'électricité renouvelable. Le parc est relativement stable depuis plusieurs années, la puissance installée étant de 25 gigawatts, un chiffre tout à fait substantiel.

Comme nous le savons tous, l'hydroélectricité sera amenée à représenter une part de plus en plus importante de notre mix électrique, qui comptera une part croissante d'énergies renouvelables. En effet, elle présente deux avantages : elle est prévisible et pilotable. Elle est donc un élément clé de la stabilité de notre système électrique. Comme vous l'avez dit, la programmation pluriannuelle de l'énergie prévoit d'augmenter les capacités de 2,8 gigawatts à l'horizon 2035.

Les enjeux de l'usage de l'eau seront également déterminants pour l'alimentation en eau potable, l'irrigation et le soutien d'étiage.

Or, vous l'avez dit, nous nous trouvons dans une situation de contentieux avec la Commission européenne : la réglementation nous impose la mise en concurrence des ouvrages qui sont aujourd'hui sous le régime des concessions. Cette situation empêche l'investissement dans les installations existantes et pénalise notre transition énergétique.

De nombreuses solutions sont à l'étude, notamment le basculement d'un régime de concession vers un régime d'autorisation. Une mission d'information des députés Philippe Bolo et Marie-Noëlle Battistel devrait prochainement rendre son rapport et nous proposer des options à envisager. Aucune solution n'est simple ; toutes soulèvent des questions juridiques ou financières importantes. Ces sujets font l'objet d'intenses discussions avec la Commission européenne et sa direction chargée de l'énergie, de la concurrence et de la croissance afin de trouver une voie de sortie.

La révision de la directive est en effet une option, mais les délais seraient tels qu'elle n'apporterait aucune solution à court terme. Plutôt que de nous lancer dans une bataille juridique, nous cherchons des pistes de relance rapide des investissements face aux besoins accrus en hydroélectricité.

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