Question de M. LONGEOT Jean-François (Doubs - UC) publiée le 27/03/2025
M. Jean-François Longeot appelle l'attention de M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie sur le décalage problématique entre le discours volontariste de l'État sur le développement d'un mix énergétique décarboné, et les blocages dont ses services portent la responsabilité pour le déploiement des énergies renouvelables.
Le projet en coactivité agricole d'Accolans dans le Doubs, déposé en novembre 2023, est un parfait exemple de cette schizophrénie. Le projet a été initié à la demande de la municipalité afin de construire une centrale photovoltaïque au sol. L'exploitant agricole partenaire du projet vit aujourd'hui de l'élevage bovin et a proposé la création d'un atelier ovin sur la parcelle retenue, opportunité pour lui de mettre en oeuvre une diversification au sein de son exploitation et de conserver la vocation agricole du site. Alors que l'ensemble des parties prenantes du projet (commune, exploitant agricole et énergéticien) est aligné, la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a émis un avis consultatif défavorable au projet en avril 2024.
Le projet d'Accolans a été déposé antérieurement à la publication du décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers, prévu par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Les services locaux de l'État cherchent pourtant à lui appliquer ce nouveau cadre réglementaire, dont la mise en oeuvre nécessite encore de nombreuses clarifications au point que la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) soit en train de travailler à une instruction interministérielle afin d'harmoniser les pratiques.
De son côté, la Cour des comptes relevait dans son rapport publié en septembre 2024 « La délivrance des permis de construire : un parcours complexe dans un cadre instable » une procédure d'instruction difficilement prévisible pour le pétitionnaire. Le rapport mettait notamment en avant une pratique de plus en plus répandue consistant pour l'administration à réclamer aux pétitionnaires lors de la phase de pré-instruction du dossier le respect d'une charte ou autre document n'ayant pas de base légale ou réglementaire. La Cour recommandait de proscrire complètement l'usage de cette pratique.
Face à cette complexification à tous les niveaux rencontrés sur les projets solaires, il lui demande alors quelles mesures il compte prendre, afin de lever les blocages au développement de projets indispensables à la transition énergétique, alors même que l'objectif de multiplier jusqu'à 6 fois la capacité installée d'ici 2035 pour le photovoltaïque est inscrit noir sur blanc dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) soumise à consultation jusqu'au 16 décembre.
- page 1300
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 09/04/2025
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 420, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie.
M. Jean-François Longeot. J'attire votre attention, madame la ministre, sur le décalage problématique entre le discours volontariste de l'État sur le développement d'un mix énergétique décarboné et les blocages dont les services de votre ministère portent la responsabilité en matière de déploiement des énergies renouvelables.
Dans le département dont je suis élue, le Doubs, le projet en coactivité agricole de la commune d'Accolans, déposé en novembre 2023, est un parfait exemple de cette schizophrénie.
À l'origine, la municipalité avait pour projet de faire construire une centrale photovoltaïque au sol. L'exploitant agricole partenaire du projet, qui vit aujourd'hui de l'élevage bovin, avait proposé la création d'un atelier ovin sur la parcelle retenue. Cet atelier lui permettait de diversifier ses activités au sein de son exploitation et de conserver la vocation agricole du site.
Alors que l'ensemble des parties prenantes, à savoir la commune, l'exploitant agricole et l'énergéticien, étaient d'accord, la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a émis un avis consultatif défavorable sur le projet en avril 2024.
Le projet d'Accolans a été déposé antérieurement à la publication du décret du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme et aux conditions d'implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers, décret qui était prévu dans la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite loi Aper.
Pourtant, les services locaux de l'État cherchent à appliquer à ce projet ce nouveau cadre réglementaire, dont la mise en oeuvre nécessite encore de nombreuses clarifications, au point que la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) est en train de travailler à une instruction interministérielle afin d'harmoniser les pratiques.
De son côté, la Cour des comptes relevait dans son rapport intitulé La délivrance des permis de construire - Un parcours complexe dans un cadre instable publié en septembre 2024 une procédure d'instruction difficilement prévisible.
Dans ces conditions, comment allons-nous pouvoir développer un mix énergétique décarboné ? Je peux vous citer des dizaines et des dizaines d'autres exemples de projets bloqués. Dans certaines communes, l'architecte des Bâtiments de France ne veut pas d'installation sur les toitures. Le syndicat intercommunal d'électricité de Labergement Sainte Marie, quant à lui, ne peut tout simplement pas implanter de panneaux solaires. C'est un véritable problème. Comment peut-on le résoudre ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur Longeot, je vais répondre à votre question sur l'agrivoltaïsme au nom de mon collègue Marc Ferracci.
Pour rappel, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit que deux types d'installations peuvent être implantées dans des espaces naturels, agricoles et forestiers : d'une part, les installations agrivoltaïques, qui doivent apporter un service direct à l'activité agricole ; d'autre part, les installations photovoltaïques dites compatibles, qui ne peuvent, elles, se développer que sur des terres incultes ou non exploitées depuis le 10 mars 2013 et qui sont identifiées dans un document-cadre pris sur proposition de la chambre d'agriculture.
Le décret d'application de la loi Aper précise que les dispositions s'appliquent aux projets pour lesquels la demande d'autorisation a été déposée à compter du 9 mai 2024 pour les installations agrivoltaïques et à compter de la publication du document-cadre par la chambre d'agriculture du territoire concerné pour les installations photovoltaïques dites compatibles.
Ainsi, si le projet que vous évoquez a bien été déposé antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi Aper, je vous confirme qu'il n'est pas soumis au nouveau cadre réglementaire.
M. Jean-François Longeot. Merci !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Par ailleurs, pour accompagner la mise en oeuvre de ce nouveau cadre, différents groupes de travail ont été mis en place : l'un avec les énergéticiens, un autre avec les organisations professionnelles agricoles et un dernier avec les services déconcentrés de l'État.
Le cadre réglementaire est adapté aux spécificités du terrain depuis la publication du décret d'application en avril 2024, lequel a été complété en juillet 2024 par un arrêté spécifiant les modalités de contrôle et de sanction.
Enfin, une instruction technique a été publiée en février 2025 pour clarifier la trame devant être suivie par les services instructeurs.
Nous restons donc pleinement à l'écoute des différents acteurs afin de lever les barrières au développement d'un agrivoltaïsme raisonné, qui doit reposer sur de la confiance et de la stabilité. Nous laissons évidemment de la place à l'innovation technologique pour accompagner les projets. Les services instructeurs disposent aujourd'hui de tous les éléments pour prendre leurs décisions.
- page 4724
Page mise à jour le