Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 20/03/2025
Mme Dominique Estrosi Sassone attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences de la tarification de l'eau, entrée en vigueur au 1er janvier 2025, sur les agriculteurs irrigants raccordés à l'eau potable. Assujettis, comme l'ensemble des usagers de l'eau, à une redevance pour consommation d'eau potable s'élevant à 0,43 euro/m3 dans les Alpes-Maritimes, ces professionnels font état d'une situation financièrement intenable. L'assiette de cette redevance étant le volume d'eau facturé sans plafond et le fait générateur de cette redevance correspondant à la facture, il apparaît dès lors que les factures reçues en 2025 et portant sur les consommations de 2024 intègrent déjà la nouvelle redevance. Cette situation met en péril de nombreux irrigants raccordés à l'eau potable, donnant lieu à des situations locales intenables. Dans les Alpes-Maritimes, ce sont 80 % des irrigants qui se trouvent raccordés à l'eau potable, dans le cadre d'une agriculture à taille humaine se voulant sobre en intrants et essentiellement orientée vers le maraîchage multi-rotation. Cette nouvelle charge, mise en oeuvre sans concertation préalable et pesant de manière disproportionnée sur les secteurs agricole et agroalimentaire, est particulièrement inquiétante. Si l'objectif de meilleure lisibilité du prix de l'eau et le choix de faire évoluer le signal-prix qui lui est appliqué sont compréhensibles et paraissent motiver la réforme des redevances, il apparaît néanmoins indispensable de traiter de manière différenciée des situations objectivement différentes. Cette nécessite s'avère d'autant plus vive qu'un nombre substantiel d'acteurs de l'industrie agroalimentaire font état d'un assujettissement sans limite de volume, voire de hausses de factures supérieures à 800 % pour la filière brassicole. Les secteurs de l'abattage ou de l'industrie laitière sont également particulièrement inquiètes. Cette situation apparaît d'autant plus injuste qu'elle affecte des filières qui sont de longue date engagées dans un effort de sobriété qui s'est traduit par de l'investissement dans des matériels d'irrigation performants en agriculture ou dans la réutilisation des eaux usées au plan industriel. Elle souhaite connaître les actions mises en oeuvre par le Gouvernement pour soutenir concrètement les agriculteurs et industriels frappés par ces hausses soudaines et massives de leurs charges. Elle l'appelle à une réflexion sur l'adaptation des nouvelles redevances à la diversité des usages de l'eau, dans la perspective de la prochaine discussion budgétaire afin de ne pas conduire à la destruction d'activités vitales pour certains territoires et stratégiques pour la souveraineté alimentaire de la Ferme France.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 26/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 25/03/2025
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 409, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences de la tarification de l'eau entrée en vigueur le 1er janvier 2025 pour les agriculteurs irrigants raccordés au réseau d'eau potable.
Assujettis, comme l'ensemble des usagers, à une redevance pour consommation atteignant 0,43 euro par mètre cube dans les Alpes-Maritimes, ces professionnels maralpins, dont près de 80 % sont raccordés pour subvenir aux besoins d'une agriculture à taille humaine, sobre en intrants et orientée vers le maraîchage multirotation, font état d'une situation financièrement intenable.
Les factures reçues en 2025 et portant sur les consommations de 2024 intègrent déjà la nouvelle redevance. Cette charge, mise en oeuvre sans concertation préalable et pesant de manière disproportionnée sur les secteurs agricole et agroalimentaire, est particulièrement inquiétante dans mon département, où les agriculteurs sont placés dans un état contraint de dépendance au réseau d'eau potable.
Cette situation est le fruit malheureux du démantèlement des réseaux agricoles, de la forte pression urbaine et de l'absence d'un tarif spécifique agricole, qui aurait pour effet d'éviter la multiplication par dix des redevances actuellement appliquées aux usagers.
Sans une action urgente, nous pouvons craindre des cessations d'activité en cascade ainsi que des renoncements à l'installation de nouveaux agriculteurs.
Madame la ministre, les agriculteurs maralpins ne peuvent faire face à ces hausses qui les étranglent et encore moins attendre le prochain budget. Ils aspirent à une solution rapide : la mise en suspens immédiate des factures des prestations destinées aux abonnés bénéficiant d'un compteur au sein des exploitations fortement touchées et la mise en place de dispositifs d'aide ciblés répondant aux professionnels en situation de dépendance.
Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions et sur celles du Gouvernement en la matière ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, vous m'alertez sur l'effet cumulé de la réforme des redevances des agences de l'eau et des tarifs votés par leurs instances pour financer le plan Eau. Il s'agit d'un enjeu majeur pour les agriculteurs irrigants raccordés à l'eau potable, particulièrement dans votre département des Alpes-Maritimes.
Pour rappel, la réforme adoptée en loi de finances pour 2024 a pour objectif de rééquilibrer la contribution des différentes catégories d'usagers au financement de la politique de l'eau, de promouvoir un usage plus sobre et plus performant de cette ressource et d'améliorer la lisibilité de la fiscalité y afférente.
Cet objectif de lisibilité et de simplicité se traduit par la modification des assiettes de la redevance.
Les redevances de consommation d'eau potable et de performance du service d'eau potable sont assises sur la consommation ; la redevance de performance assainissement est, quant à elle, assise sur l'eau usée rejetée au réseau d'assainissement collectif.
Cela explique des hausses significatives, avec une multiplication supérieure à vingt par rapport au régime antérieur pour un nombre important de professionnels, ce qui les met en situation de fragilité. C'est vrai pour les agriculteurs, mais aussi pour le secteur agroalimentaire, qui est très affecté.
Nous devons accompagner de manière ciblée ces professionnels, bien souvent des agriculteurs irrigants, mais aussi des industriels, en instaurant un mécanisme à même d'éviter que les prélèvements ne les fragilisent en les frappant trop lourdement. Nous travaillons sur ce sujet avec mes collègues chargés de l'écologie, de l'industrie et du budget.
Enfin, je souhaite mentionner qu'il a été donné instruction aux agences de l'eau de mettre à profit la période pour accompagner de manière proactive les industriels concernés dans la mise en oeuvre de procédés plus sobres en eau potable.
Tout le monde aspire à la sobriété en matière d'usage de l'eau, parce que cette ressource est précieuse et qu'elle n'est pas infinie. Pour autant, on ne peut demander aux acteurs économiques qui n'ont pas d'eau d'économiser celle-ci. Cela pose un problème concret auquel il faut porter une attention particulière.
Nous entendons précisément permettre l'accès à cette ressource indispensable à l'exercice de l'activité, notamment agricole, dans certains territoires qui n'y ont tout simplement pas accès, ce qui compromet purement et simplement sa pérennité.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Annie Genevard, ministre. Il s'agit d'un sujet majeur. La technologie nous apprendra beaucoup dans les années à venir pour économiser et pour irriguer autrement, de façon à permettre la pérennité de l'activité agricole et agroalimentaire.
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