Question de M. MELLOULI Akli (Val-de-Marne - GEST) publiée le 13/03/2025
M. Akli Mellouli interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation critique en République démocratique du Congo.
La situation en République Démocratique du Congo atteint un seuil critique. Une nouvelle fois, ce pays est plongé dans un conflit armé d'une ampleur dramatique. Les groupes armés se multiplient et progressent sur le territoire congolais, semant la terreur et accentuant l'instabilité régionale. Parmi eux, le M23, soutenu matériellement, financièrement et militairement par le Rwanda, est l'un des principaux responsables des violences qui ravagent l'Est du pays.
Il ne s'agit pas d'une guerre civile, mais bien d'une ingérence étrangère avérée, qui alimente des crimes de guerre à grande échelle. Les chiffres sont accablants : des milliers de civils massacrés, des violences sexuelles utilisées comme arme de guerre, plus de 6,9 millions de personnes déplacées. À Goma, les hôpitaux sont submergés, avec plus de 4 500 blessés pris en charge fin février, et un bilan humain qui ne cesse de s'alourdir.
Cette situation suscite une vive inquiétude, y compris au sein de la France, où de nombreux Français d'origine congolaise vivent dans l'angoisse pour leurs proches, comme par exemple celle d'un collégien de Vitry-sur-Seine qui exprimait récemment son désespoir au sénateur du Val-de-Marne face à la tragédie qui frappe sa famille.
La France ne peut rester spectatrice. L'Allemagne, le Canada et le Royaume-Uni ont déjà annoncé des sanctions économiques contre le Rwanda. Il lui demande quelle sera la position de la France et quelles mesures concrètes il compte prendre pour faire pression sur Kigali, stopper l'escalade du conflit et éviter une nouvelle catastrophe humanitaire.
Condamner ne suffit plus. Il est temps d'agir pour restaurer la paix et la stabilité en Afrique centrale.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux publiée le 26/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 25/03/2025
M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, auteur de la question n° 384, adressée à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
M. Akli Mellouli. Monsieur le ministre, la République démocratique du Congo (RDC) s'enfonce dans une crise aux ramifications régionales et internationales alarmantes. Il ne s'agit pas simplement d'un conflit de plus dans une région instable ; il s'agit d'une guerre hybride, alimentée par des intérêts économiques, miniers et stratégiques, qui échappe aux logiques classiques des affrontements étatiques ou civils.
Il me faut rappeler que le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu de manière attestée par le Rwanda, n'est pas un acteur isolé. Il s'inscrit dans une toile complexe d'ingérences, de prédation des ressources naturelles et de reconfigurations d'alliances régionales. Ce groupe armé, responsable d'exactions massives, avance en territoire congolais avec des moyens militaires incompatibles avec ceux d'une simple rébellion locale.
Nous avons affaire non pas à une guerre civile, mais à une agression dissimulée, aux conséquences humanitaires désastreuses. Les chiffres sont éloquents : plus de 6,9 millions de déplacés internes et des milliers de civils massacrés, sans parler des violences sexuelles systématisées. Les structures de santé sont débordées, notamment à Goma, où plus de 4 500 blessés ont été pris en charge à la fin du mois de février.
S'il se déroule loin de nos frontières, ce drame résonne douloureusement en France. De nombreux Français d'origine congolaise, impuissants face au cauchemar que traversent leurs proches, vivent dans l'angoisse. J'en veux pour preuve cette lettre poignante d'un collégien de Vitry-sur-Seine que j'ai reçue il y a quelques jours : le jeune Joseph, qui est présent dans les tribunes de l'hémicycle, y exprime son désespoir face à la situation de sa famille, restée à l'est du pays.
Monsieur le ministre, alors que d'autres pays ont pris des sanctions claires contre Kigali, la France reste prudente - trop prudente ! Jusqu'à quand ? Quelle ligne rouge faudra-t-il encore franchir pour que notre diplomatie sorte de l'ambiguïté ? Continuerez-vous de parler de médiation tandis que la souveraineté congolaise s'effondre ?
La France est-elle enfin prête à nommer les responsables, à agir et à peser pour mettre fin à ce conflit qui menace tout l'équilibre de l'Afrique centrale ? Envisagez-vous de prendre des sanctions, comme l'ont déjà fait l'Allemagne, le Canada et d'autres nations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Akli Mellouli, je vous remercie de soulever dans cette enceinte la question importante de la crise se déroulant dans l'est de la RDC, qui est actuellement l'une des plus graves au monde.
La diplomatie française est mobilisée sur tous les fronts pour que la paix revienne dans cette région, qui a déjà été trop meurtrie. Notre objectif est clair : obtenir un cessez-le-feu et permettre la reprise du dialogue entre les parties.
Le Président de la République et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sont en contact régulier avec leurs homologues de la région pour les appeler à cesser les hostilités et à reprendre le dialogue. Jean-Noël Barrot s'est ainsi rendu à Kinshasa et à Kigali à la fin du mois de janvier pour porter un message clair aux présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame : le droit international doit être respecté et les armes ne résoudront pas les problèmes complexes de l'est de la RDC. La France continuera de se mobiliser en ce sens.
Au Conseil de sécurité de l'ONU, la diplomatie française est depuis longtemps mobilisée. Elle y a récemment défendu la résolution 2773, qui a été adoptée à l'unanimité le 21 février dernier. Celle-ci condamne pour la première fois en des termes aussi clairs l'offensive du M23 et la présence rwandaise en RDC. Elle appelle le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et à se retirer du territoire de la RDC. Le Conseil de sécurité de l'ONU a ainsi envoyé un message fort, car unanime.
À Bruxelles, nous avons adopté la semaine dernière de nouvelles mesures restrictives contre neuf personnalités du M23 et de l'armée rwandaise, ainsi que contre une entité, et nous sommes ouverts pour discuter d'autres mesures.
Face aux conséquences humanitaires du conflit, nous avons augmenté, à titre bilatéral, notre appui humanitaire de 3 millions d'euros pour répondre aux besoins élémentaires des populations touchées en RDC.
Vous le voyez, nous sommes mobilisés sur tous les fronts, en soutien des médiations régionales africaines, pour que les conditions d'une paix et d'une prospérité durables dans les Kivu soient enfin réunies.
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