Question de M. DOSSUS Thomas (Rhône - GEST) publiée le 13/03/2025
M. Thomas Dossus attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur la situation des femmes afghanes, militantes des droits humains, actuellement réfugiées au Pakistan. Le 27 novembre 2024, le ministre de l'intérieur déclarait devant le Sénat : « on devrait faciliter l'accès à l'asile des femmes afghanes ». En effet, depuis 2021 et la mise en place d'un véritable apartheid de genre en Afghanistan par les Talibans, des milliers de femmes ont fui le pays. Parmi elles, des dizaines de militantes des droits humains, engagées pour la paix et l'émancipation de leur peuple, ont été contraintes de prendre la route de l'exil face à la terrible répression du pouvoir en place à Kaboul. Leurs récits, rapportés par les associations qui leur apportent courageusement soutien et conseil, sont glaçants. L'une d'entre elle - dont le nom ne sera pas dévoilé pour assurer sa sécurité -, militante des droits des femmes, a été mariée de force à un Taliban, puis battue par celui-ci pour ses engagements politiques passés, contrainte d'arrêter de travailler, et battue de nouveau alors qu'elle était cette fois-ci enceinte - en raison des engagements politiques similaires de sa soeur. Après la naissance de sa fille, elle parvient à se réfugier auprès de sa famille mais est arrêtée par les Talibans avec sa fille pour non-port du Hijab et battue de nouveau jusqu'à perdre connaissance. Son époux apprenant l'incident la répudie et fait enlever sa fille âgée de 6 mois. Elle est depuis en fuite au Pakistan et n'a jamais revu sa fille. Nombre de ces militantes dont les récits sont tous aussi terribles se sont également réfugiées temporairement au Pakistan, tout en formulant dans le même temps des demandes de visas pour rejoindre la France. Elles ont choisi la France, patrie des Droits de l'homme, en accord avec leurs engagements mais aussi parce qu'une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, considère toutes les femmes afghanes comme éligibles à l'asile en France. Aujourd'hui, leur situation d'attente au Pakistan est intenable. Depuis le début de l'année 2025, les autorités pakistanaises mènent une opération « zéro afghan », menant des arrestations arbitraires, des rétentions, avec in fine, un objectif de renvoi de ces personnes en Afghanistan. Le gouvernement pakistanais a adressé un ultimatum aux réfugiés entrés illégalement sur son territoire leur donnant jusqu'au 31 mars 2025 pour le quitter. Pour les militantes afghanes, un renvoi dans leur pays serait synonyme de mise à mort. La France ne peut tolérer cela et pourtant, leurs demandes de visas sont pour l'instant bloquées et n'aboutissent pas. Il souhaite ainsi alerter le Gouvernement sur l'urgence absolue de la situation et sur l'impératif de faciliter, au plus vite, l'obtention de visas pour protéger ces femmes et leur famille. Il souhaite savoir quand elles pourront enfin bénéficier de la protection accordée par ce document, en accord avec la jurisprudence et avec les déclarations du ministre de l'intérieur. Il précise que chacune de ces femmes peut être hébergée et prise en charge grâce à l'engagement des associations qui suivent leurs dossiers depuis la France. Chaque jour compte et la vie de ces militantes est autant en jeu que l'honneur de la France.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre des armées, chargé de la mémoire et des anciens combattants publiée le 19/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 18/03/2025
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, auteur de la question n° 378, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
M. Thomas Dossus. Madame la ministre, il y a urgence. Le 27 novembre 2024, le ministre de l'intérieur, M. Retailleau, déclarait devant le Sénat : « On [doit] faciliter l'accès à l'asile des femmes afghanes. » Il a raison : depuis 2021 et la mise en place d'un véritable apartheid de genre en Afghanistan par les talibans, de nombreuses Afghanes ont fui leur pays. Parmi elles, des dizaines de militantes des droits humains, engagées pour la paix et l'émancipation de leur peuple, ont été contraintes de prendre la route de l'exil face à la terrible répression du pouvoir en place à Kaboul. Leurs récits sont glaçants.
Beaucoup de ces militantes qui ont vécu l'enfer se sont réfugiées temporairement au Pakistan tout en formulant des demandes de visas pour rejoindre notre pays. Elles ont choisi la France, patrie des droits de l'homme, pour être en accord avec leurs engagements, mais aussi parce que notre pays, universaliste, considère toutes les femmes afghanes comme éligibles à l'asile.
Désormais, leur situation au Pakistan est intenable. Depuis le début de l'année 2025, les autorités y mènent une opération « zéro Afghan », qui consiste en des arrestations arbitraires et en des détentions. Un ultimatum a été donné : ces femmes ont jusqu'au 31 mars prochain, dans moins de deux semaines, pour quitter le pays. J'insiste : il y a urgence ! Pour les militantes afghanes, un renvoi dans leur pays serait synonyme de mise à mort. Nous ne pouvons tolérer cela.
Pourtant, leurs demandes de visas sont pour l'instant bloquées, n'aboutissant pas. Elles doivent être traitées en urgence. Madame la ministre, ce gouvernement a le pouvoir de sauver ces femmes : vous pouvez accélérer les processus de demande de visa, en accord avec les déclarations du ministre de l'intérieur. Leur accueil ne poserait aucun problème : ces femmes sont déjà accompagnées par des associations sur notre territoire. Je le répète : ces associations se chargeront de l'accueil et du logement de ces femmes et je tiens, par ailleurs, à saluer leur engagement.
Il y a, une fois encore, urgence absolue à agir. C'est une question de jours ! La France préfère-t-elle laisser mourir ces femmes là-bas après leur avoir promis l'asile ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée auprès du ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur Thomas Dossus, ni le droit international ni la législation française ne consacrent de droit à demander l'asile depuis un pays tiers. Toutefois, la France a mis en oeuvre spontanément et volontairement, dès 2021, plusieurs dispositifs qui permettent, aujourd'hui encore, à des ressortissantes afghanes de rejoindre notre pays en toute sécurité pour y demander l'asile.
Ainsi, dès mai 2021, avant même la chute de Kaboul, la France a évacué 623 ressortissants afghans, agents de droit local et leurs familles. Dans le cadre de l'opération Apagan, lancée le 17 août 2021, notre pays a procédé à des évacuations de grande ampleur, en plus des demandes de réunification familiale qui ont fait l'objet d'une instruction accélérée, permettant l'accueil de près de 14 000 personnes à ce jour. Après la fermeture de notre ambassade en Afghanistan, les ressortissants afghans ont eu la possibilité de s'adresser aux représentations consulaires françaises dans tous les pays tiers, dont le Pakistan, pour solliciter un visa leur permettant de rejoindre la France afin d'y demander l'asile.
Quelque 2,8 millions de ressortissants afghans se trouvent actuellement au Pakistan selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Les autorités pakistanaises ont lancé un premier plan de rapatriement en novembre 2023 visant les ressortissants afghans en situation irrégulière. Notre ambassade sur place et le ministère de l'intérieur se sont immédiatement mobilisés et ont depuis fourni plus de 750 visas au titre de l'asile à des ressortissants afghans, dont 260 à des femmes. Depuis la chute de Kaboul, près d'un millier de ces visas ont été accordés à des femmes afghanes. Les services français continuent d'instruire au maximum de leurs capacités les demandes, très nombreuses.
Par ailleurs, la France a pris un engagement fort en décembre 2023 en lançant l'initiative « Avec elles ». Dans ce cadre, notre pays fait preuve d'une attention renforcée à l'égard des femmes afghanes. Ainsi, en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 300 femmes afghanes réfugiées et leurs enfants ont été réinstallés sur notre territoire en 2024 depuis la Turquie, et cet objectif est porté à 500 pour l'année 2025. En revanche, les conditions, notamment sécuritaires, au Pakistan ne permettent pas d'y déployer des agents pour réaliser des missions de réinstallation.
Vous pouvez donc constater, monsieur le sénateur, que le Gouvernement met tout en oeuvre pour répondre aux besoins de protection des femmes afghanes, dans le respect de ses engagements internationaux.
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