Question de M. CHAIZE Patrick (Ain - Les Républicains) publiée le 13/03/2025
M. Patrick Chaize appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur la violence véhiculée par les médias, jeux vidéo et réseaux sociaux, et ses effets sur la création de comportements déviants ou délinquants, notamment chez les enfants et adolescents en pleine construction identitaire.
Meurtres, viols, tueurs en série, crimes, bagarres, vols..., sont quotidiennement déversés via les écrans. Or chacun sait que l'exposition à ces contenus engendre des effets sociaux, psychologiques et comportementaux manifestes sur les publics, notamment les plus sensibles, dont en particulier des formes d'agressivité. Certaines peuvent se révéler graves et conduire à des passages à l'acte, ainsi qu'en témoignent malheureusement de récentes affaires.
Dans une culture marquée par la force et l'omniprésence de l'image, il est indispensable de refuser la banalisation des représentations agressives particulièrement dans l'esprit des plus jeunes. Le temps considérable que nos enfants et adolescents passent aujourd'hui devant les écrans, quels qu'ils soient, doit renforcer cette préoccupation.
En France, plus de 67 % des moins de 11 ans sont déjà inscrits sur une ou plusieurs plateformes. Si ces supports offrent des opportunités inédites en matière d'apprentissage, d'échanges et de sociabilité, ils génèrent aussi des risques importants par leur aspect addictif. A la merci des excès que les faits divers nous rappellent régulièrement, les jeunes enfants peuvent aller jusqu'à éprouver une pression pour se conformer à des idéaux irréalistes promus sur ces plateformes.
Il s'avère que la France accuse un retard certain dans la mise en place d'une politique globale de régulation des réseaux sociaux pour les jeunes, avec l'absence de mesures spécifiques et efficaces pour limiter les comportements évoqués, en comparaison avec les politiques de régulation plus strictes conduites dans d'autres pays.
Dans ce contexte, une meilleure sensibilisation à l'hygiène numérique, un accompagnement renforcé des familles et une régulation plus ambitieuse des plateformes numériques sont devenus indispensables pour éviter que la tendance observée chez les jeunes générations ne s'aggrave avec une montée de la délinquance et de l'insécurité liée à l'hyperconnexion.
C'est pourquoi, il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour protéger les jeunes des contenus inappropriés, mais aussi limiter les mécanismes addictifs des plateformes et promouvoir une utilisation plus saine des technologies numériques.
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Réponse du Ministère de la culture publiée le 24/04/2025
L'essor considérable des « plateformes numériques » - réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéos, moteurs de recherche - et des jeux vidéo soulève des enjeux majeurs de protection des mineurs au regard des contenus mis en ligne et du temps passé sur ces services. En effet, les jeunes peuvent se trouver, parfois malgré eux, exposés à des contenus inadaptés, violents, choquants ou préjudiciables, et voir leur santé physique ou mentale et leur développement affectés par cette « consommation d'écrans » inappropriée et souvent excessive. Protéger les mineurs en ligne est une priorité du gouvernement et du ministère de la culture, qui est résolument engagé à porter des réponses à ces problématiques aux niveaux européen et national. Au niveau européen, les premières réponses seront apportées par la mise en oeuvre du règlement sur les services numériques (RSN ou DSA), entré en pleine application en février 2024. Il impose aux plateformes en ligne de mettre en place des mesures appropriées et proportionnées pour garantir un niveau élevé de protection de la vie privée, de sûreté et de sécurité des mineurs sur leur service. La Commission européenne devrait publier d'ici l'été des lignes directrices pour guider les plateformes et les régulateurs nationaux dans la mise en oeuvre de ces dispositions. Plusieurs autres mesures visent à lutter contre les pratiques de manipulation des mineurs : obligation de rédiger des conditions générales d'utilisation dans des termes clairs et compréhensibles par les mineurs ; interdiction d'utiliser des interfaces trompeuses sollicitant les utilisateurs pour les maintenir le plus longtemps possible sur le service, les incitant à faire des choix à leur insu ou les obligeant à consentir au traitement de leurs données personnelles ; interdiction de soumettre les mineurs à la publicité ciblée, lorsque la plateforme sait que l'utilisateur est mineur. Au-delà, le règlement impose aux très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche dépassant les 45 millions d'utilisateurs dans l'Union européenne, dont les principaux réseaux sociaux, d'évaluer et d'atténuer les « risques systémiques » qu'ils engendrent, notamment pour la santé mentale et physique des mineurs. Concrètement, le RSN permet de contraindre ces acteurs à adapter leur service pour réduire ces risques, en limitant par exemple l'hyperpersonnalisation de leurs interfaces et contenus, en modulant les paramètres de recommandation, ou en désactivant certaines fonctionnalités. La supervision de ces obligations est confiée à la Commission, qui dispose d'un important pouvoir de sanction. Cette dernière a procédé à l'ouverture d'enquêtes formelles auprès de huit services dont X, TikTok, Facebook et Instagram, les griefs portant notamment sur la protection des mineurs, la lutte contre la désinformation, la modération des contenus et la transparence. Ainsi, le RSN fournit des outils pour lutter contre de nombreux risques sociétaux et de santé publique posés par les modèles économiques des plateformes, qui reposent principalement sur la captivité de l'attention, ainsi que sur l'engagement de ses utilisateurs. Les effets néfastes - troubles physiques ou mentaux et troubles de la concentration, addiction notamment chez les plus jeunes - de cette « économie de l'attention » peuvent être appréhendés en tant que « risques systémiques » au sens du RSN. Bien que le contrôle de l'application des dispositions par les très grands acteurs revienne à la Commission, le ministère de la culture reste très attentif à la bonne mise en oeuvre du règlement. À noter que le règlement est d'harmonisation maximale, ce qui interdit toute disposition nationale visant à faire porter des obligations nouvelles aux plateformes qui poursuivraient les mêmes objectifs que le DSA. Au niveau national, de récents renforcements législatifs visent à mieux protéger les mineurs face à la pornographie en ligne, eu égard à la fréquentation en hausse constante de ces sites par des mineurs toujours plus jeunes. La loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, dite « loi SREN », confie de nouveaux pouvoirs à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), qui pourra bloquer et sanctionner les sites pornographiques qui ne vérifient pas la majorité de leurs utilisateurs, sans décision préalable d'un juge. L'Autorité a aussi publié le 11 octobre 2024, après avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), un référentiel technique fixant les exigences de fiabilité et de respect de la vie privée imposées aux systèmes de vérification de l'âge mis en place par ces sites. Les nouveaux pouvoirs de l'ARCOM s'appliquent aux sites pornographiques établis en France ou en dehors de l'Union européenne, ainsi qu'aux sites établis dans d'autres États membres de l'Union, désignés par un arrêté ministériel dans le cadre de la procédure prévue par l'article 3 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique. S'agissant des sites établis en France ou en dehors de l'Union, l'Autorité a d'ores et déjà procédé à des vérifications sur six services parmi les plus fréquentés et a constaté qu'aucun de ces services n'avait mis en oeuvre un système de vérification de l'âge. Le processus prévu par la loi SREN a donc été enclenché en vue d'un éventuel blocage si aucune mise en conformité n'intervient dans les prochaines semaines, en réaction aux observations de l'ARCOM. En ce qui concerne les sites établis dans d'autres États membres, un premier arrêté ministériel du 6 mars 2025 a désigné dix-sept sites qui permettent aux mineurs d'accéder à des contenus pornographiques en infraction avec le droit pénal français. L'ARCOM pourra prendre des mesures à leur encontre à compter du 6 juin prochain, compte tenu du délai mise en conformité de 3 mois prévu par le dispositif. D'autre part, des travaux ont été menés pour réduire la surexposition des mineurs aux écrans. Face à l'intensification des usages et à la place toujours plus importante des écrans dans le quotidien, y compris chez les plus jeunes, le Président de la République a chargé la commission dite « Enfants-écrans », regroupant une douzaine d'experts à la croisée de la santé, de l'éducation, du droit et de la technologie, de faire émerger un consensus scientifique et des préconisations de régulation pérenne et effective. Son rapport, remis le 30 avril 2024, encourage à une reprise en main résolue de la situation au travers de 29 propositions. La mise en oeuvre de ces recommandations a fait l'objet d'un premier examen interministériel et est au coeur de la feuille de route du Haut-commissariat à l'enfance récemment installé. Enfin, en complément des obligations pesant sur les plateformes et réseaux sociaux pour protéger les mineurs, le gouvernement promeut l'utilisation de logiciels de contrôle parental auprès des parents. Ainsi, la loi n° 2022-300 du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet impose aux fabricants de terminaux équipés d'un système d'exploitation (ordinateurs, smartphones, tablettes, téléviseurs connectés, montres connectées, consoles de jeux vidéo), neufs ou reconditionnés, d'intégrer par défaut un logiciel de contrôle parental gratuit, et dont l'activation est proposée aux parents à la mise en service de l'appareil de leur enfant mineur. Ceci afin de les accompagner et de leur éviter des manipulations ultérieures complexes et parfois décourageantes. Le respect de cette obligation, entrée en vigueur le 12 juillet 2024, revient à l'Agence nationale des fréquences. Le ministère de la culture souhaite qu'un bilan d'efficacité de cette mesure soit mené à l'occasion de sa première année d'application.
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