Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 06/03/2025

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice sur le recensement imprécis du nombre d'enfants tués par leurs parents.

Il y a plus d'un an, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) lançait l'alerte. Les enfants tués par leurs parents ne font l'objet d'aucun recensement précis en France.

Pourtant, le Gouvernement affichait un objectif louable dès 2022 dans son plan de lutte contre les violences faites aux enfants. Il souhaitait bénéficier de données en vue d'une meilleure prévention des infanticides.

Malheureusement, rien n'a évolué depuis faute de volonté politique. L'absence de données fiables laisse à penser que le nombre de morts d'enfants est en réalité plus important. Il existerait, d'après la CNCDH, un « chiffre noir » constitué des meurtres non révélés de nouveau-nés à la naissance, des homicides d'enfants non repérés tels que ceux victimes du syndrome du bébé secoué, ou encore des morts consécutives à des suicides des parents avec leurs enfants.

Elle demande au Gouvernement ce qu'il entend mettre en oeuvre pour améliorer le recensement statistique des enfants tués par leurs parents et ainsi mieux les protéger.

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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux publiée le 09/04/2025

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2025

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 362, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Laurence Harribey. Monsieur le ministre délégué, il y a plus d'un an, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) mettait en exergue le fait que les enfants tués par leurs parents ne faisaient l'objet d'aucun recensement précis en France et alertait sur une situation inquiétante.

Le dernier rapport sur les morts violentes d'enfants au sein des familles date de 2018. Il dénombrait 363 victimes entre 2012 et 2016, soit un décès tous les cinq jours. Ce chiffre alarmant ne reflète qu'une partie du phénomène, car il ne tient compte ni du « chiffre noir » des néonaticides non révélés ni des enfants victimes du syndrome du bébé secoué non diagnostiqué.

Des morts sont donc ignorées, faute d'autopsie sur les corps d'enfants présupposés morts naturellement ou accidentellement. Le manque de données fiables, dû à des absences ou à des erreurs de diagnostic, laisse à penser que le nombre de morts d'enfants est en réalité plus important.

En 2022, le Gouvernement affichait dans son plan de lutte contre les violences faites aux enfants l'objectif louable de disposer de données en vue d'une meilleure prévention des infanticides. Malheureusement, rien n'a évolué depuis.

Monsieur le ministre délégué, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour améliorer le recensement statistique des enfants tués par leurs parents ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice, chère Laurence Harribey, en effet, les statistiques qui sont à la disposition du ministère de la justice ne permettent pas, à ce jour, d'évaluer le nombre d'enfants tués par leurs parents, qu'il s'agisse d'atteintes volontaires à la vie ou de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Toutefois, la circulaire du 28 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs isole précisément dans le champ infractionnel retenu les seuls ascendants directs par rapport aux autres personnes ayant autorité et comprend des directives visant à mieux appréhender et traiter, sur un plan judiciaire, les morts violentes de mineurs liées à une infraction volontaire commise dans la sphère familiale ou institutionnelle.

Cette circulaire invite, par ailleurs, les parquets généraux à informer de manière systématique la direction des affaires criminelles et des grâces de la survenance de tels drames, y compris dans les cas de syndrome du bébé secoué ou de mort en lien avec le suicide des parents.

Elle vise également à mettre en oeuvre un retour d'expérience systématique sur ces décès, l'objectif étant d'analyser a posteriori chaque infanticide commis dans la sphère familiale, de retenir les éléments pertinents en matière de prévention et de traitement judiciaire de ces drames, afin de les pérenniser et d'identifier les axes d'amélioration à travailler.

Cette circulaire encourage aussi la conclusion de partenariats renforcés avec le milieu médical pour favoriser le signalement des morts violentes d'enfants au sein des familles pouvant notamment être en lien avec le syndrome du bébé secoué.

Comme vous le voyez, sur ce sujet très grave, nous poursuivons nos efforts. Je vous remercie de votre engagement à cet égard, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces éléments qui montrent que ce problème est pris en considération.

Je propose que le Gouvernement établisse un bilan officiel permettant de connaître les améliorations à apporter. Je pense également qu'il conviendrait, comme vous l'avez laissé entendre, d'engager une réflexion sur certaines requalifications pénales afin de mieux « coller » à la spécificité criminologique de certains actes commis. Nous sommes prêts à travailler en ce sens.

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