Question de Mme ESPAGNAC Frédérique (Pyrénées-Atlantiques - SER) publiée le 06/03/2025

Mme Frédérique Espagnac appelle l'attention de Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la présence du loup dans les Pyrénées-Atlantiques et ses conséquences.
La progression géographique du loup s'accompagne d'une augmentation significative des attaques sur les troupeaux, mettant en péril l'agropastoralisme dans des territoires jusqu'alors préservés. En Béarn et en Soule, ce prédateur cause déjà d'importants dommages aux exploitations. Face à cette situation préoccupante, la commission syndicale du Pays de Soule a demandé la reconnaissance de son territoire en zone de protection renforcée (ZDP) contre la prédation du loup. Récemment, sa présence a été signalée au Pays basque, où un spécimen a été aperçu près de la Rhune.
L'extension de ce prédateur vers de nouvelles zones, qui ne disposent pas des moyens de protection adéquats, compromet non seulement l'élevage pastoral, mais aussi l'équilibre écologique et la sécurisation des espaces de montagne. La cohabitation entre le loup et l'élevage traditionnel apparaît de plus en plus difficile, malgré les efforts consentis par les éleveurs pour protéger leurs troupeaux : mise en place de dispositifs de prévention, acquisition de chiens de protection, respect des règles relatives aux tirs de défense. Pourtant, ces efforts ne suffisent pas à enrayer les attaques, ni à garantir aux éleveurs une indemnisation rapide et juste.
Un mois après l'adoption du projet de loi agricole, aucune avancée concrète n'a été enregistrée en faveur du pastoralisme, alors que la détresse des éleveurs ne cesse de croître. Nombre d'entre eux sont contraints à une vigilance permanente, subissant un véritable épuisement psychologique face à la menace persistante sur leurs troupeaux.
Aussi, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement entend mettre en place pour accélérer les indemnisations et garantir le versement d'avances suffisantes aux éleveurs, afin d'éviter des pénalités financières injustes. Un renforcement de la protection des troupeaux dans les nouveaux territoires touchés et assurer, de manière concrète et durable, la pérennité du pastoralisme dans les Pyrénées et sur l'ensemble du territoire national semble nécessaire.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 19/03/2025

Réponse apportée en séance publique le 18/03/2025

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 357, adressée à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Mme Frédérique Espagnac. Madame la ministre, je vous interpelle aujourd'hui, car il y a urgence. Comme vous le savez, la progression géographique du loup s'accompagne d'une augmentation des attaques sur les troupeaux. C'est le cas ces dernières semaines dans les Pyrénées-Atlantiques.

D'année en année, la prédation exercée par le loup s'intensifie, tant sur le plan géographique que numérique, à tel point qu'il n'existe plus véritablement de territoire préservé. Dans les Pyrénées - je le rappelle -, nous avons déjà d'autres prédateurs, notamment l'ours.

Ainsi, dans mon département, en Béarn et en Soule, le loup est déjà la cause de lourdes difficultés pour les éleveurs. Sa présence vient d'être signalée en Pays basque. Pour cette raison, la commission syndicale du Pays de Soule a demandé la reconnaissance de son territoire en zone de protection renforcée face aux menaces que ce prédateur fait peser. Les syndicats agricoles basques, que ce soit la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) ou Euskal Herriko Laborantza Ganbara ont exprimé, à l'unisson, leurs vives inquiétudes quant à la présence de ces loups pour les éleveurs du territoire.

Je le répète : la cohabitation avec ce prédateur est impossible. Si l'agropastoralisme venait à disparaître, l'accessibilité des espaces d'altitude, leur biodiversité et leur sécurisation contre les risques naturels seraient gravement compromises. Les élus de montagne, réunis au sein de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem) - vous la connaissez bien ! -, n'ont cessé d'alerter les pouvoirs publics sur l'impossible cohabitation entre ce prédateur et un mode d'élevage pastoral qui est essentiel dans nos montagnes.

Madame la ministre, entre le loup et la brebis, le loup est l'agresseur et la brebis la victime. Il faut reconnaître la violence que représente la prédation pour les éleveurs, passionnés par leur métier, une violence que toutes les indemnisations du monde ne suffiront jamais à compenser. À ce titre, la convention de Berne a approuvé, le 3 décembre dernier, un déclassement du statut de protection du loup, qui passera d'espèce « strictement protégée » à seulement « protégée ».

Les éleveurs et les bergers sont contraints à une vigilance constante. Madame la ministre, avez-vous veillé, ainsi que vos collègues européens, depuis janvier dernier, à faire modifier la directive Habitats ? Qu'en est-il de vos démarches ? La question du loup est-elle prévue à l'ordre du jour du prochain sommet européen ? Pourriez-vous préciser le calendrier des prochaines étapes sur ce sujet, en ce qui concerne la France ? Nos éleveurs attendent avec impatience vos réponses.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, en tant qu'élue d'un territoire d'élevage, je sais combien la présence du loup et son comportement de prédation sur les troupeaux ont des répercussions sur l'activité pastorale en France. Je travaille sur ce dossier depuis au moins quinze ans !

Mme Frédérique Espagnac. Bien sûr.

Mme Annie Genevard, ministre. Dans ce contexte, mon ministère accompagne financièrement les éleveurs pour protéger leurs troupeaux contre les attaques, grâce à un dispositif arrêté avec les préfets. Celui-ci permet de financer le salaire des bergers, les clôtures, les chiens de protection et un accompagnement technique. Ce dispositif permet d'aider plus de 4 000 éleveurs par an, pour un montant de 38,7 millions d'euros en 2024.

En complément, face à la détresse exprimée par les éleveurs, le projet de loi d'orientation agricole a pour objet d'apporter quelques dispositions utiles.

D'abord, il tend à alléger la charge réglementaire pesant sur les détenteurs de chien de protection en matière d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE).

Ensuite, il vise à assurer une plus grande sécurité juridique aux éleveurs, aux détenteurs de chien de protection et aux maires des communes pastorales. Ainsi, en cas d'incident avec un usager, la responsabilité pénale de ces derniers ne sera pas engagée dès lors que leurs obligations préalables auront été remplies.

La loi d'orientation agricole va de surcroît permettre de protéger les troupeaux de bovins par des tirs de destruction dès lors que les élevages ont fait l'objet de mesures de réduction de vulnérabilité.

Enfin, vous le savez, nous défendons l'adaptation du statut du loup, qui doit se faire à trois niveaux.

Au niveau international, c'est fait : la modification de la convention de Berne est entrée en vigueur le 7 mars.

Au niveau européen, c'est en cours : nous travaillons à une modification de la directive Habitats. Cette modification doit être adoptée par le Conseil - c'est fait - et par le Parlement européen, qui doit encore la valider. Dès que j'aurai connaissance du calendrier exact relatif à cette validation, je vous en informerai : soyez certaine, madame la sénatrice, que je suis cette affaire pas à pas.

Au niveau national, nous nous y préparons, s'agissant de définir les modalités qui permettront d'assurer une régulation tout en garantissant - c'est la condition posée - un état favorable de l'espèce.

En tout état de cause, je veillerai à ce que cette régulation se fasse en premier lieu en tenant compte de l'impact du prédateur sur les activités d'élevage, qu'il faut impérativement préserver. Il y va de la richesse de notre pastoralisme !

M. le président. Merci de conclure, madame la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre. Croyez bien que j'y consacre une attention et une énergie sans failles.

M. Jacques Grosperrin. Très bien !

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