Question de M. ROCHETTE Pierre Jean (Loire - Les Indépendants) publiée le 20/02/2025
M. Pierre Jean Rochette interroge M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports sur les difficultés d'application de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) par les collectivités, s'agissant des obligations d'installation d'itinéraires cyclables.
L'article L. 228-2 du code de l'environnement, découlant de la LOM, prévoit qu'à l'occasion des réalisations ou des rénovations de voies urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou, pour les chaussées à sens unique à une seule file, de marquage au sol, en fonction des besoins et contraintes de la situation.
Dans une décision du 23 mai 2023, la quatrième chambre du tribunal administratif de Lyon a considéré que cet article impose la circulation des cyclistes dans les mêmes conditions que les automobilistes et, qu'en conséquence, une commune réalisant des travaux de réfection de la voirie doit prévoir un aménagement cyclable dans les deux sens de circulation dès lors que la voirie est dans les deux sens de circulation. Un aménagement dans un seul sens n'étant pas suffisant.
Si elle venait à faire jurisprudence, cette interprétation large du texte mettrait en difficulté les communes à plusieurs titres. Elle entraîne d'abord nécessairement des surcoûts importants pour les communes, en ne permettant pas d'adaptation selon les usages, les conditions de circulation ou encore la topographie de la voie concernée. On peut en effet raisonnablement concevoir que dans certains cas une seule voie cyclable suffise. Par ailleurs, l'élargissement systématique des emprises de voirie, induit par la création de deux voies cyclables, artificialise les sols et place les communes dans une situation délicate au regard des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE).
Il l'interroge donc sur la possibilité d'apporter une clarification quant à l'application de cet article et, le cas échéant, d'introduire un assouplissement des dispositions afin de pouvoir proportionner les projets d'aménagements à la réalité du terrain et des finances des collectivités concernées. L'intégration des voies centrales banalisées aux aménagements cyclables possibles serait par exemple une piste à étudier. Plus largement, il semble opportun d'ouvrir un débat sur l'application parfois trop stricte de certaines dispositions de la LOM.
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé de la ville publiée le 19/03/2025
Réponse apportée en séance publique le 18/03/2025
M. le président. La parole est à M. Pierre Jean Rochette, auteur de la question n° 337, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé des transports.
M. Pierre Jean Rochette. Madame la ministre, permettez-moi de citer un exemple assez savoureux, qui concerne la loi d'orientation des mobilités (LOM).
Ce texte faisait obligation aux communes, lors des rénovations de voiries urbaines, de prévoir un marquage au sol pour la création de pistes cyclables. L'idée semblait assez facile à mettre en oeuvre, sauf que l'on est en Absurdistan.
En mai 2023, le tribunal administratif de Lyon a pris la décision d'imposer les mêmes conditions de circulation aux vélos qu'aux voitures, en exigeant lorsque la voie est à double sens la création d'une voie cyclable aussi à double sens.
Dans la commune de Boën-sur-Lignon, dans la Loire, plus précisément sur Loire Forez agglomération, nous avons rénové des chaussées dont certaines mesuraient moins de 5 mètres de large. Il n'est déjà pas évident à deux voitures de s'y croiser, comment fait-on s'il faut aussi prévoir la création de pistes cyclables ? La situation est complètement bloquée.
Nous avons mis en place la voie centrale banalisée, préconisée par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), mais cette solution n'est pas réglementaire. Nous subissons donc à juste titre les attaques des associations de cyclistes.
C'est assez cocasse : l'idée d'origine défendue dans la loi est bonne, mais elle a été complètement dévoyée par cette décision du tribunal administratif, qui rend la situation complexe.
Madame la ministre, il faudrait, soit intégrer les voies centrales banalisées dans le schéma afin de pouvoir les implanter de manière réglementaire, soit prévoir - comme pour la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 - des dérogations pour impossibilité technique lorsque la largeur de la voirie ne permet pas la mise en place de voies cyclables.
C'est un sujet qui peut paraître banal ou léger, mais il s'agit d'un vrai problème sur le terrain qui s'accompagne de réelles complications techniques pour les élus.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Pierre Jean Rochette, l'article L. 228-2 du code de l'environnement, que vous mentionnez, a été créé en 1996 par la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, dite loi Laure.
Cet article prévoit en effet la réalisation d'aménagements pour rendre la voirie cyclable lors de travaux de réfection d'une voirie en milieu urbain. Le dispositif a été complété par la loi d'orientation des mobilités qui décline une liste d'aménagements possibles.
L'objectif de cet article L. 228-2 du code de l'environnement est de profiter des travaux programmés pour réaliser - à moindre coût - la transformation nécessaire de nos villes en vue de l'accueil des cyclistes et de leur circulation de manière sécurisée.
Sans méconnaître les difficultés locales qui peuvent se poser, il est nécessaire de conserver cette disposition avec l'ambition qu'elle porte.
Pour autant, je ne suis pas opposée à ce que d'autres types d'aménagements, comme les chaussées à voies centrales bidirectionnelles, soient introduits dans le texte dès lors que les conditions de sécurité pour les cyclistes et automobilistes sont remplies.
La sécurité de l'ensemble des usagers de la route est une priorité du Gouvernement, soyez-en ici assuré.
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