Question de Mme CANALÈS Marion (Puy-de-Dôme - SER) publiée le 06/02/2025
Question posée en séance publique le 05/02/2025
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Marion Canalès. Faut-il que tout change pour que rien ne change ? Sous couvert d'un choc de simplification censé renforcer la compétitivité, la Commission européenne travaille depuis aujourd'hui à faire reculer la lutte contre le réchauffement climatique et pour la défense des droits humains et sociaux. Ce n'est pas une mince affaire...
Bien sûr, il faut simplifier ; mais simplifier, ce n'est pas déréguler ; simplifier, ce n'est pas renoncer.
Les appels à démanteler le Pacte vert, ce coupable idéal, se multiplient en écho aux déclarations de Donald Trump : celui-ci veut voir les États-Unis sortir de l'accord de Paris, qu'il qualifie d'escroquerie - rien que cela !
Le Pacte vert n'est pourtant rien d'autre que notre stratégie européenne pour une croissance durable, laquelle est du reste la seule croissance possible. Comment pourrions-nous y renoncer ? Pourquoi le choc de simplification annoncé devient-il un acte de dérégulation en matière environnementale et de droits humains ? Le règlement européen sur la déforestation a ainsi été reporté, et je précise que notre pays a sa part de responsabilité dans ces renoncements.
Par la voix de son commissaire européen, Stéphane Séjourné, la France a en effet demandé la suspension de deux directives essentielles : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D, Corporate Sustainability Due Diligence Directive) et la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive).
Certes, la mise en oeuvre de ces textes a un coût, mais le coût de l'impréparation sera plus lourd encore.
En outre, ces règles sont les symboles d'une Europe puissante, capable de fixer des normes d'accès à son marché. Elles permettent d'appliquer nos standards à divers leaders étrangers, par exemple ceux de la fast fashion.
Des organisations patronales professionnelles, des ministres et même des multinationales défendent ces textes. À leur sujet, certains évoquent un moratoire ; mais le moratoire est l'antichambre du renoncement.
La France va-t-elle renoncer à tenir son rôle, en Europe, en faveur de la transition écologique ? Allons-nous faire comme si le défi climatique n'était pas un sujet, alors qu'il se rappelle à nous tous les jours ? À qui rendons-nous service en reculant ainsi ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
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Réponse du Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire publiée le 06/02/2025
Réponse apportée en séance publique le 05/02/2025
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire. Madame la sénatrice Marion Canalès, votre question me permet de clarifier la position du Gouvernement sur les deux directives que vous avez citées, qui tiennent une part essentielle dans les efforts à conduire pour plus de durabilité et de justice dans notre société.
Ces textes - un tel rappel historique a son importance - sont le fruit de combats menés à Bruxelles par notre pays pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, en 2022. Depuis, notre ambition reste inchangée. Reste qu'il existe une voie pour améliorer encore ces textes ; pour les rendre plus simples, sans renoncer - j'y insiste - à notre ambition, tout en proportionnant leurs dispositions à la taille des entreprises.
À mon sens, la notion de « proportion » est importante : chacun pourra nous l'accorder, on ne saurait demander la même chose à un groupe coté et à une PME.
M. Yannick Jadot. Les textes prévoient déjà de ne pas leur demander la même chose !
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Pour ce qui est de la directive relative au devoir de vigilance, la CS3D, nous souhaitons la simplifier en prévision de sa mise en oeuvre. L'objectif principal est de préserver les PME et les ETI, poumons de la croissance et de l'innovation en Europe.
M. Didier Marie. C'est déjà prévu...
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée. Nous proposons que ces obligations visent les entreprises à partir de 5 000 salariés, ce qui correspond au seuil retenu dans la loi française.
Au sujet de la CSRD, notre philosophie est la même : pour les ETI dont les effectifs sont compris entre 250 et 1 500 salariés, nous agissons en vue de l'adoption d'un régime allégé, comptant moins d'indicateurs qu'il n'en est prévu aujourd'hui.
Pour les grandes entreprises, nous proposons un plafonnement du reporting dans la chaîne de sous-traitance et un alignement sur les obligations simplifiées applicables aux PME cotées.
Il ne s'agit aucunement de renier nos principes ou nos valeurs : l'objectif est bien plutôt d'assurer l'efficacité de ces textes, de préserver la compétitivité de nos entreprises et de garantir une juste proportion entre la nature des normes, d'une part, et, de l'autre, la dimension de nos entreprises.
M. le président. La parole est à Mme Marion Canalès, pour la réplique.
Mme Marion Canalès. Qu'il semble loin le temps où Emmanuel Macron bombait le torse devant Donald Trump en déclarant : « Make our planet great again ! ». Nous sommes en train de céder, mais il n'est pas trop tard, madame la ministre, pour réagir.
Nous avions été les premiers à transposer ces directives, lesquelles contiennent déjà les mesures de proportionnalité que vous appelez de vos voeux pour les entreprises : celles-ci entrent dans le dispositif à raison de leur taille.
Ne cédons pas ! Un sursaut à l'échelle de l'Union européenne ne ferait pas de mal. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)
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