Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 07/11/2024

M. Didier Marie attire l'attention de Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur une problématique rencontrée, notamment, par une commune de Seine-Maritime en matière de lutte contre l'habitat indigne. Les communes très engagées sur ce sujet ont recours à de nombreux dispositifs pour veiller au « bien logement » de leurs habitants et préserver l'état du bâti. Elles utilisent notamment l'ensemble des leviers existants aux titre de la police spéciale relative aux immeubles menaçant ruine. Cette politique menée et l'efficacité des services municipaux ont pour conséquence une forte augmentation des dossiers traités en matière de mise en sécurité.

Cependant, bien souvent, la ville n'a d'autre possibilité que de substituer aux propriétaires pour l'exécution des travaux nécessaires, ce qui implique des moyens financiers importants, mais aussi humains pour accompagner le relogement des occupants. Si ces dernières années les immeubles concernés par une procédure étaient dans leur grande majorité vacants, ils sont à ce jour en partie occupés.

En effet, certains propriétaires concernés ne sont pas en capacité, en raison de leur insolvabilité, de financer les travaux d'urgence que requiert l'exécution des arrêtés municipaux relatifs aux immeubles menaçant ruine ; d'autres, n'y donnent volontairement pas suite. Le recouvrement de ces créances qui découlent de l'exécution d'office des arrêtés municipaux est source de réelle difficulté pour la ville. Le nombre de dossiers concernés par cette problématique semble être en augmentation.

Aussi, il souhaiterait connaitre les solutions pouvant être proposées aux communes confrontées à cette problématique et qui souhaitent être exemplaires et efficaces en matière de lutte contre l'habitat indigne.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement publiée le 10/04/2025

La lutte contre l'habitat indigne constitue une priorité de l'action gouvernementale qui s'attache à protéger les personnes les plus vulnérables et à offrir à chacun un logement respectueux de la dignité humaine. L'ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations a modifié le livre V « Lutte contre l'habitat indigne » du code de la construction et de l'habitation (CCH) pour renforcer les outils de la lutte contre l'habitat indigne, notamment la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, des locaux et des installations. Ainsi, en application de l'article L 511-4 du CCH, il appartient au maire d'exercer les pouvoirs de police spéciale de la sécurité et de la salubrité pour protéger la sécurité et la santé des personnes par des prescriptions à même de remédier aux situations mentionnées du 1° à 3° de l'article L 511-12 du CCH : « 1° Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ; « 2° Le fonctionnement défectueux ou le défaut d'entretien des équipements communs d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation, lorsqu'il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d'habitation ou d'utilisation ; « 3° L'entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d'habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu'il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ; » Il ressort de l'article L 511-16 du CCH issu de l'ordonnance précitée que lorsque les prescriptions d'un arrêté de mise en sécurité n'ont pas été exécutées par le propriétaire, il appartient au maire de procéder d'office à l'exécution des travaux en lieu et place du propriétaire et à sa charge. Toujours est-il que dans un premier temps, le coût des travaux d'office est à la charge de la collectivité. Le maire peut néanmoins solliciter une aide de l'Anah, exception faite des travaux d'office dans le cadre de la procédure d'urgence en cas de danger imminent prévue aux articles L 511-9 et suivants du CCH qui ne sont pas éligibles à l'aide précitée de l'Anah. L'aide de l'ANAH est apportée à hauteur de 50% du montant des travaux. Depuis décembre 2024, cette aide peut être majorée à hauteur de 80 % pour les immeubles situés dans le périmètre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat comprenant un volet renouvellement urbain (OPAH-RU), sur l'ensemble du territoire français. Cette évolution récente témoigne du volontarisme du Gouvernement en la matière. La contractualisation entre l'Anah et les collectivités locales au travers des OPAH-RU permet aux collectivités de disposer d'opérateurs compétents et spécialisés pour les accompagner au titre des travaux d'office (accompagnement juridique, technique et social). L'usage des travaux d'office doit être apprécié à l'aune du projet de territoire établi sur la base d'un repérage fin des situations de logements indignes et dégradés et doit être coordonné avec l'usage d'autres outils d'intervention de lutte contre l'habitat indigne (Ma Prime Logement Décent, ORI, RHI-THIRORI, prime de sortie de vacance en milieu rural, etc.). Le recouvrement par la collectivité des dépenses engagées pour les besoins des travaux d'office auprès du propriétaire défaillant demeure un levier essentiel. Conformément à l'article L.511-17 du CCH et en application des principes généraux du recouvrement des créances publiques, l'ordonnateur (le maire ou le Président de l'EPCI) peut émettre un titre de perception correspondant à l'ensemble des frais engagés par la collectivité publique pour la réalisation des travaux d'office. Il appartient ensuite au comptable public de mettre en recouvrement ce titre auprès du propriétaire débiteur mentionné dans le titre de recette. A défaut de recouvrement dans un temps raisonnable, le comptable peut demander à l'ordonnateur l'autorisation d'engager l'exécution forcée. En cas de débiteur impécunieux, deux alternatives se présentent alors à la commune. En premier lieu, le comptable public peut demander à la commune d'admettre la créance en non-valeur (délibération du conseil municipal) qui consiste à suspendre le recouvrement jusqu'à ce que le débiteur « revienne à meilleure fortune ». En second lieu, l'ordonnateur peut proposer une remise gracieuse de dette qui met définitivement fin a l'obligation de payer. Outre les modes d'exécution forcée, les collectivités bénéficient de garanties spécifiques aux créances relatives au traitement de l'habitat indigne. Tout d'abord, en application de l'article L.541-2 du CCH, il s'agit de la solidarité entre acquéreurs successifs des biens sous arrêté, dès lors que l'arrêté a été publié au fichier immobilier. En outre, suite à l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative au régime des suretés, l'hypothèque légale spéciale sur le bien immobilier prévue au 7° de l'art 2402 du code civil peut être inscrite (elle a remplacé le privilège spécial immobilier du 8° de l'art 2374). Enfin, l'ordonnance du 16 septembre 2020 précitée a créé la possibilité pour le maire de transférer ses pouvoirs de police spéciale au président de l'Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI). Cette disposition permet désormais aux maires des petites communes de mutualiser leurs moyens afin de pouvoir recourir aux travaux d'office. Le ministère du logement poursuivra ses efforts pour accompagner les territoires, notamment ruraux, dans la lutte contre l'habitat indigne.

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