Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 24/10/2024
Mme Sylviane Noël attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, chargée de l'énergie sur l'obligation faite à EDF de vendre à perte 30 % de sa production nucléaire dans le cadre de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (ARENH) en 2024 et 2025.
Malgré de nombreuses critiques sur le bien-fondé du principe de l'ARENH, le Gouvernement l'a reconduit pour les années 2024 et 2025 avec la même quantité d'électricité nucléaire éligible (100TWh) et au même tarif d'achat pour les revendeurs alternatifs (42 euros/MWh) que ceux définis dans la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (loi NOME).
Dans la loi NOME de 2010, la quantité d'électricité éligible à l'ARENH représentait un quart de la production d'EDF, aujourd'hui elle représente plus du tiers de la production d'EDF.
Plus grave, la loi NOME spécifiait que le tarif de rachat devait être réexaminé chaque année (Art1-VII) pour « assurer une juste rémunération à Électricité de France », c'est-à-dire un tarif intégrant « la rémunération des capitaux, les coûts d'exploitation, les coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation et les coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d'installations nucléaires de base mentionnées au I de l'article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs ».
C'est la commission de régulation de l'énergie (CRE) qui est chargée d'évaluer ces coûts de production du nucléaire d'EDF. Or la CRE a évalué en novembre 2023 le prix de production à 60 euros/MWh au minimum. En intégrant les besoins d'investissements pour le nouveau nucléaire, ce tarif devrait même être supérieur à 70 euros / MWh, c'est d'ailleurs ce dernier chiffre qui a été retenu pour l'après ARENH, à partir de 2026.
En ne modifiant ni la quantité d'électricité nucléaire éligible à l'ARENH, ni son tarif de revente, le Gouvernement ne respecte donc ni l'esprit ni la lettre de la loi NOME de 2010. Plus grave, elle oblige explicitement EDF à vendre à perte un tiers de son électricité à 42 euros/MWh, alors que la CRE a estimé son coût de production à 60 euros/MWh. Or la vente à perte est illégale.
Aussi, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement compte modifier les conditions d'application de l'ARENH en 2024 et 2025 pour se mettre en conformité avec la loi.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 17/04/2025
En France, depuis sa mise en oeuvre prévue par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation de marché de l'électricité (NOME), l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) a permis à l'ensemble des consommateurs français de bénéficier de la compétitivité du parc nucléaire existant tout en permettant à la concurrence de s'exercer sur le marché de la fourniture d'électricité : vente à 42 euros/MWh d'environ 25 % de la production d'Électricité de France (EDF) aux fournisseurs alternatifs qui l'ont intégré dans leurs offres et prise en compte de ce même prix par EDF dans ses propres offres (tarifs réglementés et offres de marchés pour l'ensemble de ses clients). L'ARENH ne concerne qu'une partie du volume d'électricité produits par les réacteurs nucléaires d'EDF (100 TWh soit environ 25 % de la production du parc historique si celle-ci s'élève à 400 TWh annuels). Depuis l'introduction de l'ARENH, la situation du marché de l'électricité français, a fortement évolué : fin de la modulation des droits ARENH (pendant les premières années du dispositif, EDF livrait davantage d'ARENH en hiver qu'en été, ce qui réduisait la vente d'électricité nucléaire sur le marché pendant les périodes hivernales de plus fortes consommation), introduction d'un mécanisme de capacité qui rémunère les capacités disponibles sur le marché pour couvrir les pointes de consommation, tarifs réglementés comprenant une part ARENH même lorsque les prix de marché y sont inférieurs, etc. En prenant en compte l'ensemble de ces éléments, la Cour des comptes a considéré dans son rapport de 2022 sur l'organisation du marché de l'électricité [1] que les revenus d'EDF sur la période 2011-2021 avaient excédé les coûts comptables du parc nucléaire existant en mentionnant les travaux d'évaluation de la commission de régulation de l'énergie (CRE). La Cour des comptes indique ainsi dans son rapport : « Le fait que les revenus [d'EDF sur la période 2011-2021] couvrent les coûts comptables signifie que la mise en oeuvre de l'ARENH et toutes les conséquences opérationnelles de cette mise en oeuvre n'ont pas empêché l'objectif de financement de parc existant. La couverture des coûts complets du parc a donc été assurée et les revenus perçus ont même excédé les coûts de l'ordre de 1,75 Mdeuros sur la période complète ». Il n'est dès lors pas exact de considérer que l'ARENH correspond à une vente à perte. Une révision du prix de l'ARENH nécessiterait l'aval de la Commission européenne sur la base d'une analyse en conformité de l'aide d'État correspondante. La Commission européenne devrait s'assurer notamment que cette révision est nécessaire, proportionnée et réalisée de manière transparente, tant pour les consommateurs que pour EDF. Il serait ensuite nécessaire de modifier l'arrêté du 17 mai 2011 fixant le prix de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique à compter du 1er janvier 2012, après avis de la commission de régulation de l'énergie et du conseil supérieur de l'énergie. En conclusion, en raison des différents éléments exposés ci-dessus, le Gouvernement n'envisage pas de réévaluer les paramètres de l'ARENH pour l'année 2025, dernière année du dispositif. [1] Page 112 du rapport de la Cour des comptes de 2022.
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