Question de M. BARROS Pierre (Val-d'Oise - CRCE-K) publiée le 10/10/2024

M. Pierre Barros attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le nombre record de détenus incarcérés en France dans les établissements pénitentiaires.

Au 1er septembre 2024, 78 969 personnes étaient incarcérées en France, soit 7,2% de plus que l'année précédente (73 693 personnes en septembre 2023). Il n'y a jamais eu autant de personnes détenues en France.

Le centre pénitentiaire du Val-d'Oise ne fait pas exception. Bien que d'une capacité de 568 places, il accueille en réalité 866 détenus, soit un taux de surpopulation de 152,5 %. Cette situation dure depuis maintenant plusieurs années.

Ce centre pénitentiaire se situe malheureusement dans la moyenne des maisons d'arrêts en France. Pour les détenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines, le taux d'occupation de 153,6 %. Il atteint ou dépasse même les 200 % dans 17 établissements pénitentiaires ou quartiers.

Cette situation est intolérable. Elle ne permet pas de garantir à chaque personne incarcérée le principe d'encellulement individuel, bafoué depuis sa proclamation en 1875. Ce principe a pourtant été consacré dans la loi pénitentiaire de 2009. Il est regrettable de constater que son application est sans cesse reportée. Chaque détenu devrait avoir le droit de disposer d'un espace où il se trouve protégé d'autrui et peut préserver son intimité.

La France a ainsi été condamnée en 2020 par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). L'arrêt JMB contre France invitait l'État français à lutter contre la surpopulation carcérale et à remédier à l'indignité qui y régnait. Elle a également condamné la France dans un arrêt rendu le 6 juillet 2023 pour des conditions indignes de détention.

Des pistes innovantes existent pourtant. Plusieurs voix s'élèvent pour réclamer la mise en place d'un mécanisme de régulation carcérale, pour ne pas dépasser une capacité de 100 % par quartier. Le Gouvernement a choisi une autre voie, en annonçant la construction de 15 000 places de prison d'ici 2027. Cette stratégie est remise en cause, notamment par les instances du Conseil de l'Europe en charge du suivi de l'arrêt JMB. Elles recommandent au contraire d'« accroître davantage les efforts pour parvenir à des résultats durables de réduction carcérale (...) plutôt que de continuer à augmenter les places carcérales »

Construire plus de places de prison sans réfléchir à des mécanismes de régulation carcérale conduira inexorablement la France dans l'impasse. Le nombre de personnes détenues n'a cessé d'augmenter depuis ces 30 dernières années. La création de nouvelles places de prison n'a pas amélioré la situation : au contraire, plus de places dans les établissements pénitentiaires signifie avant tout plus de personnes condamnées. Ces atteintes à la dignité des personnes détenues créent des tensions, qui rendent le travail des personnels pénitentiaires d'autant plus difficile qu'ils ne sont pas assez nombreux pour s'occuper des personnes détenues.

Il souhaiterait donc savoir comment le Gouvernement compte se mettre en conformité avec les différents arrêts rendus par la CEDH concernant la surpopulation carcérale. Il aimerait également connaître la position du Gouvernement sur l'instauration d'un mécanisme de régulation carcérale.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 27/03/2025

Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin d'améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires ainsi que les conditions de détention des personnes placées sous main de justice (PPSMJ). Le service public pénitentiaire prend en charge les PPSMJ prévenues ou condamnées, en milieux ouvert et fermé. Il contribue à leur insertion ou réinsertion et concourt à la sauvegarde de l'ordre public. Les décisions judiciaires dont il assure l'exécution relèvent de la seule compétence de l'autorité judiciaire en vertu des articles 64 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958. Au 1er décembre 2024, le nombre de personnes écrouées détenues s'élevait à 80 792 pour 62 404 places opérationnelles. Le programme immobilier pénitentiaire annoncé par le président de la République en 2018 prévoyait initialement la livraison de 15 000 places supplémentaires pour 2027. 22 établissements sur les 50 que prévoit le plan ont déjà été livrés, pour un total d'environ 4 500 places nettes. Dans le cadre de la révision du calendrier de livraison du plan 15 000, les projets d'établissements demeurant en études devraient être livrés à l'horizon 2029 et non plus 2027. Le 3 décembre dernier, une mission stratégique d'accélération du programme immobilier pénitentiaire a également été initiée. En parallèle, la direction de l'administration pénitentiaire, particulièrement vigilante à la régulation des effectifs des établissements les plus suroccupés, continue d'appliquer une politique volontariste d'orientation des personnes détenues, y compris à faible reliquat de peine, vers les établissements pour peine. Les actions de pilotage mises en oeuvre permettent un suivi en temps réel des besoins et capacités d'accueil des établissements pénitentiaires. Cette politique produit des résultats significatifs puisqu'au 1er décembre 2024, le taux d'occupation des quartiers centre de détention (QCD) et des centres de détention (CD) s'élevait à 98,5 %, alors qu'au 1er octobre 2020 il était de 87 %. En outre, de récentes évolutions législatives sont intervenues afin de favoriser le recours aux alternatives à l'incarcération, qui constituent des leviers de régulation des effectifs en milieu fermé. A ce titre, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire est venue réaffirmer le principe selon lequel la détention provisoire doit demeurer exceptionnelle, en favorisant le recours à l'assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE). Le ministère de la Justice poursuit son engagement afin de développer de nouvelles solutions alternatives. Par ailleurs, dans le cadre de la mission d'urgence « mieux exécuter les peines », annoncée le 20 novembre dernier, un groupe de travail composé de professionnels des milieux judiciaire et pénitentiaire mène une réflexion sur le développement de nouveaux outils pour faire face à la surpopulation carcérale, tels que les mesures alternatives à l'incarcération, tout en veillant à prévenir la commission de nouvelles infractions et à favoriser la réinsertion.

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