Question de M. LAHELLEC Gérard (Côtes-d'Armor - CRCE) publiée le 15/12/2022
M. Gérard Lahellec attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer sur la crise que rencontre actuellement la pêche française.
Dans le cadre du Brexit, un plan de sortie de flotte des navires de pêche, appelé plan d'accompagnement individuel (PAI), est mis en place.
Ce dispositif va avoir un impact économique très négatif sur la filière et les territoires maritimes. Il en sera ainsi de la Bretagne et de ses ports.
En effet, sur les 150 bateaux qui ont déposé une demande de sortie au 18 novembre 2022, une soixantaine sont en Bretagne, dont une quarantaine dans le Finistère. Ce sont pour la plupart des hauturiers éligibles au dispositif, au regard de la dépendance de ces navires aux eaux du Royaume-Uni ou aux stocks partagés, selon les critères définis par l'arrêté du 30 septembre 2022.
Dans un contexte de grande incertitude liée à la flambée du gasoil, aux limitations des zones de pêche et au manque de visibilité sur les quotas, de nombreux armateurs ne voient d'autre issue que d'arrêter tout ou partie de leur activité.
Or la cessation de ces activités va avoir des conséquences sur toute la filière de la pêche et sur les territoires qui en dépendent. Ces impacts ne sont nullement appréhendés dans le plan de sortie de flotte des navires qui ne s'applique qu'à résoudre des situations individuelles.
Pour certains ports, en effet, la perte de volume débarqué pourrait être telle qu'elle entraînerait un déséquilibre de toute la filière, de la criée au mareyage, aux services portuaires, à la construction et à la réparation navale. Des milliers d'emplois sont en jeu.
À cela s'ajoutent la hausse vertigineuse du coût de l'énergie pour les ports et le mareyage qui, en ce début décembre 2022, sont toujours exclus des dispositifs de soutien aux entreprises.
Dans le même temps, il convient de s'interroger sur une ambition réelle et à long terme pour la pêche, alors que notre pays importe plus des deux tiers des poissons et produits aquacoles consommés, contribuant pour 4,3 Mds € au déficit commercial du pays.
La filière et les territoires doivent s'appuyer sur un soutien pérenne pour préserver les emplois liés à la pêche et s'engager positivement vers de nécessaires adaptations. Les professionnels ont toujours su s'adapter, à condition qu'ils puissent continuer à vivre de leur métier.
Ainsi, il lui demande quels moyens politiques et financiers il entend employer pour réellement accompagner la pêche dans un horizon qui ne soit pas celui du déclin.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer publiée le 05/01/2023
Les eaux britanniques sont, avec le Golfe de Gascogne, les lieux les plus prisés de la pêche européenne. Le Président de la République et le Gouvernement se sont donc battus, durant plus de trois ans, pour que la pêche ne soit pas la variable d'ajustement du Brexit. Grâce à cette action, la France, qui représente de loin l'essentiel des licences au niveau européen (45% des licences), a obtenu plus de 96,5% des licences demandées. Il reste environ 25 navires qui n'ont pas obtenu leur licence parce qu'ils n'entrent pas dans les critères fixés par les autorités britanniques. Pour tous les pêcheurs qui n'ont pas obtenu leurs licences, c'est l'incompréhension qui domine. En outre, moins d'espaces maritimes sont désormais accessibles impliquant ainsi un report de pêche sur des zones plus éloignées ou déjà fréquentées comme la Mer du Nord. Ce sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement s'est immédiatement mobilisé pour que les navires bénéficient d'arrêts temporaires et de compensation de perte de chiffres d'affaires. Pour les pêcheurs qui n'ont pas réussi à obtenir leur licence ou dont l'activité a été trop fortement impactée par le Brexit, le Gouvernement a voulu, dès 2020, lancer une démarche d'élaboration d'un dispositif de sortie de flotte. À la différence des précédents plans, et afin d'éviter tout effet d'aubaine, le Secrétariat d'État chargé de la Mer a souhaité que ce plan soit uniquement dédié au règlement des situations compliquées du fait du Brexit. Le plan d'accompagnement individuel (PAI) a donc été lancé pour leur offrir une réponse individualisée et adaptée au cas par cas. Il s'agit de les aider en leur offrant la possibilité d'une porte de sortie digne tout en garantissant des conditions de rentabilité et des perspectives meilleures aux navires qui resteront en activité. C'est un facteur de redynamisation. L'accent sera mis sur la transmission pour que ce plan vienne aider les navires qui restent en flotte et qui pourront pêcher à la place de ceux sortis. C'est important pour lancer les jeunes pêcheurs. Le Gouvernement est, par ailleurs, très attentif au respect des équilibres régionaux et même territoriaux. L'objectif n'est évidemment pas de déséquilibrer les ports, les halles à marée ni même la filière avale, déjà fragilisés par la crise énergétique. Deux limites importantes ont été fixées pour que bénéficient de ce plan d'accompagnement uniquement les navires sortis en mer en 2020 et 2021 au moins 90 jours par an, afin de ne pas financer sur fonds publics la sortie de navires déjà à quai, ainsi que les navires ayant réellement été impactés par le Brexit, soit dans leurs zones habituelles de pêche, soit dans les stocks de poissons pêchés. Les navires n'ayant pas obtenu de licences de pêche dans les eaux du Royaume Uni ou des Iles anglo-normandes seront logiquement prioritaires. C'est moins le taux de dépendance aux eaux britanniques qui justifie le recours au PAI que la forte mise en fragilité provoquée par le Brexit. En effet, il s'agit de bien cibler les navires afin d'éviter d'intégrer des flottilles qui n'auraient qu'un lien marginal avec le Brexit. Il s'agit aussi d'éviter des effets de report qui pourraient affecter d'autres flottilles de pêche. Une dépendance importante aux eaux britanniques ou aux stocks affectés par le Brexit peut en outre engendrer, compte tenu des pertes de possibilités de pêche, une dégradation significative du chiffre d'affaires de sorte qu'un arrêt définitif des activités de pêche devient envisageable. En contrepartie, afin d'éviter les effets d'aubaine, le navire est détruit, et le propriétaire s'engage à ne pas réarmer de navire de pêche professionnelle, ni augmenter sa capacité de pêche en jauge et puissance pendant cinq ans : c'est une règle européenne à laquelle il n'est pas possible de déroger. Il peut néanmoins continuer à exploiter ses autres navires ou naviguer dans une autre entreprise. Le Secrétariat d'État chargé de la Mer insiste sur l'importance de ne pas intégrer automatiquement tous les navires potentiellement éligibles. Le Gouvernement refuse l'automaticité et privilégie un dialogue avec chaque pêcheur afin de s'assurer de leur volonté de sortir mais il faut tout mettre en uvre pour l'éviter. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de prolonger les aides carburant dont une partie est spécifique au secteur de la pêche : d'abord 35 centimes par litre de gazole de mars à fin septembre, puis 25 centimes de septembre à février 2023. Faisant suite à une demande française de relèvement du plafond de l'aide d'État pour les pêcheurs, la Commission européenne a relevé en juillet le plafond de 65 000 à 105 000 euros, aide de minimis comprise. Ce relèvement nous a permis de renforcer l'appui à la filière et de faire entrer de nouveaux navires dans le dispositif. Le Secrétariat d'État chargé de la Mer est resté mobilisé afin d'obtenir un nouveau relèvement du plafond Ukraine. La Commission européenne a accepté en octobre d'augmenter à nouveau le plafond global d'aide par entreprise de pêche à 330 000 euros, ce qui permet de pleinement mettre en uvre la prolongation de l'aide carburant et de faire en sorte que les entreprises possédant plusieurs navires puissent continuer à bénéficier de l'aide. Il s'agit désormais de trouver un dispositif de solidarité interne à la filière pêche qui puisse prendre le relais des aides carburant mises en place depuis mars. Avec une crise qui dure, l'engagement de l'ensemble de la filière est devenu indispensable. Un contrat de filière stratégique est en cours de rédaction. Il intégrera l'amortissement des aléas des coûts de production pour lequel j'attends un soutien renforcé de la grande distribution. Tous les dispositifs doivent être étudiés, y compris les logiques de couverture et d'achat à terme, trop peu mobilisés aujourd'hui par le secteur. Le Secrétariat d'État chargé de la Mer se mobilise par ailleurs pour la restructuration de la pêche française. Il soutient en effet fortement la décarbonation de la flotte. Un fonds d'amorçage de 6 millions d'euros a été lancé pour débuter ce chemin. La stratégie France Mer 2030, co-écrite avec l'ensemble des acteurs, permettra en outre d'aboutir à la construction du navire zéro émission. Le Gouvernement s'est enfin battu, auprès de la Commission européenne, pour offrir davantage de visibilité à la filière et l'inscrire dans le temps long grâce à une gestion pluriannuelle des quotas. Il a obtenu un large soutien de l'ensemble des États membres sur ce dossier.
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