Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 24/11/2022

Mme Marie-Noëlle Lienemann interpelle M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique au sujet de la déclaration en faillite de la coopérative des masques.
Cette coopérative fut créée près de Guingamp (Côtes-d'Armor) en juillet 2020, soit entre le 1er et le 2e confinement pour répondre à la pénurie de masques qui sévissait en France et contribuer à une production française. Celle-ci a débuté en janvier 2021 et était de plus de 30 millions de masques, masques chirurgicaux ou FFP2. Le lancement de cette coopérative s'est effectué 2 ans après la fermeture de l'entreprise Plaintel qui avait été délocalisée en Tunisie.
Cette société coopérative d'intérêt collectif (SCIC) a été déclarée en faillite le 12 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc car, selon les dirigeants, l'entreprise française aurait manqué de commandes, notamment de commandes publiques ! La société n'a pas été retenue dans plusieurs marchés publics importants dont celui de l'armée française ainsi que celui de la préfecture de Paris qui lui ont préféré des fournisseurs asiatiques dont les tarifs étaient moindres. On retrouve là un mécanisme déjà connu et destructeur. Dans cette logique, notre pays perd ses capacités productives même dans des secteurs jugés essentiels. Même sans permettre le choix prioritaire de masques fabriqués en France, la réglementation européenne permet déjà de privilégier des productions européennes. L'article L. 2112-4 du code de la commande publique dispose : « l'acheteur peut imposer que les moyens utilisés (…) soient localisés sur le territoire des États membres de l'Union européenne afin (…) d'assurer la sécurité des informations et des approvisionnements. ». Or les commandes sont effectuées hors du territoires de l'Union européenne, en Asie.
En mars 2020 le Président de la République, visitant une autre entreprise française de masques indiquait « Il faut produire davantage sur notre sol. » Tel n'est pas le cas et même l'entreprise qu'il visitait alors, a fermé un établissement.
Le 23 septembre 2021, j'interpellais déjà le ministre sur le risque de fermeture par manque de commande publique de ces usines.
En janvier 2022, le ministère de l'économie, des finances et de la relance publiait un « guide des bonnes pratiques et leviers d'action pour garantir la sécurité des approvisionnement » en masques, qui précisait « Il convient aujourd'hui de consolider la filière française et européenne, essentielle pour garantir la résilience de l'approvisionnement en masques en cas de nouvelle pandémie mondiale ». Pourtant aujourd'hui, le secteur industriel de fabrication de masques français est particulièrement fragilisé. Nous sommes revenus à une situation proche de celle d'avant la crise sanitaire et sommes, de fait, tributaires de la production étrangère. Tout se passe comme si aucune leçon n'avait été tirée de la crise de la covid et comme si notre pays estimait que les risques de ruptures d'approvisionnement avaient disparu alors que les déséquilibres et incertitudes du commerce international se sont accrus et notre vigilance ne saurait se réduire. Nous ne pouvons pas en rester à un simple guide quand il s'agit d'intérêts stratégiques ; il faut des consignes plus strictes aux acheteurs publics.
Au-delà de la coopérative des masques, elle souhaite savoir ce que compte faire le Gouvernement pour assurer une production suffisante de masques (chirurgicaux comme FFP2) sur le sol national et mettre en place des dispositifs orientant de façon effective la commande publique vers les productions françaises.
Elle lui demande aussi quelle est la capacité de production de masques sur le territoire national et comment il compte relancer une filière française du masque et assurer sa pérennité. Nos concitoyens ne sauraient accepter que nous restions dans cette situation qui rend vulnérable le pays aux pénuries !

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie publiée le 09/02/2023

La crise sanitaire a, en effet, mis en lumière notre dépendance en matériel de santé indispensable comme les masques, le paracétamol ou encore les gants en nitrile. Dès le début de la crise sanitaire en mars 2020, le Gouvernement a mis en place des actions visant à structurer une filière de production de masques sanitaires allant de la production de la matière première – le meltblown - à la fabrication des masques nécessaires à la lutte contre l'épidémie et au maintien de l'activité économique. L'objectif était alors de passer d'une capacité de production de 3,5 millions de masques par semaine, basée sur 1 producteur de meltblown et 4 producteurs de masques, à une capacité de production de 100 millions par semaine. Le Gouvernement a aussi fait le choix de sécuriser notre production de matières premières et c'est tout le sens de l'appel à manifestation d'intérêt qui soutient depuis octobre 2020, 11 projets à hauteur de 23 millions d'euros pour la réalisation d'unités de production de matériaux filtrants pour masques sanitaires. Ils permettront de créer près de 250 emplois sur le territoire. Comme souligné par la sénatrice, l'offre française est en moyenne plus chère que celle de la concurrence asiatique, il est donc indispensable de structurer une demande suffisante pour permettre le maintien d'une capacité de production en France et être en mesure de répondre à une éventuelle nouvelle crise sanitaire. Il est donc essentiel que nous prenions collectivement nos responsabilités pour maintenir et soutenir notre filière nationale et poursuivre cette dynamique. La stratégie d'achat des masques sanitaires par les services publics (État, hôpitaux, …) mais aussi les collectivités locales est un élément parmi d'autres qui contribuent à permettre l'émergence d'une filière souveraine de masques sanitaires. Il est indispensable de maintenir une capacité de production en France et être en mesure de répondre à une éventuelle nouvelle crise sanitaire. Nous avons pour ce faire d'ores et déjà mis en place un certain nombre de leviers. Une circulaire a été publiée le 15 décembre 2021 et un guide à destination des acheteurs publics a été élaboré en tenant compte des règles de la commande publique. Ils incitent les acheteurs à privilégier une offre française et européenne en intégrant des critères environnementaux, sociaux et liés à la sécurité des approvisionnements ainsi qu'en limitant la pondération du critère prix. Ces principes, quand ils sont appliqués, ont prouvé leur efficacité pour soutenir la filière française. Ainsi, par exemple, le consortium RéUni a fait le choix de passer le critère prix au second plan en privilégiant l'aspect technique, la sécurité de l'approvisionnement et l'impact environnemental lors de la publication de son appel d'offres pour 120 millions de masques par an sur quatre ans. Trois producteurs français en sont lauréats. Cet appel d'offre a permis de sélectionner une offre 100 % française (production de meltblown, principale matière première en France ainsi que des élastiques et de la barrette nasale). Pour assurer la pérennité de cette filière, il convient de renforcer les actions engagées. Vous le savez sans doute, le Gouvernement a soutenu la prolongation, au travers du projet de loi de finances pour 2023, du dispositif permettant d'appliquer une TVA à 5,5% sur les masques sanitaires afin de garantir leur compétitivité. Nous veillons à une bien meilleure application du guide à destination des acheteurs publics et étudions la manière de mobiliser encore davantage le levier de la commande publique. En parallèle, la direction générale de la santé travaille à l'établissement d'une doctrine pour la gestion du stock stratégique de masques et son renouvellement. Concernant le cas spécifique de la coopérative des masques, dans un contexte global de concurrence accrue et de baisse de la demande, cette entreprise a connu des difficultés depuis 2021, mais aussi liées à des problématiques internes, et de gestion. Compte tenu de ses difficultés financières, la coopérative des masques a pu bénéficier du dispositif d'activité partielle et d'un accompagnement continu des services de l'État. L'étendue des pertes constatées a cependant limité toute autre alternative à une procédure collective.

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