Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 17/11/2022
M. Jean Louis Masson rappelle à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires les termes de sa question n°02053 posée le 04/08/2022 sous le titre : " Possibilité de réglementer la tenue vestimentaire des élus au sein de l'assemblée d'une collectivité territoriale ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu'il lui indique les raisons d'une telle carence.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 24/08/2023
La liberté d'expression est une liberté fondamentale dont jouissent les élus locaux dans le cadre de leur mandat (CE, 22 mai 1987, Tête, n° 70085 et CE, 28 janvier 2004, Commune du Pertuis, n° 256544). Cette liberté d'expression est protégée par la Cour européenne des droits de l'Homme, en particulier en ce qui concerne les élus de l'opposition, et ne peut se voir imposer que des limites très strictes et des restrictions dites « légitimes » (CEDH, 12 avril 2012, De Lesquen du Plessis-Casco c/ France, req. n° 54216/09). Par ailleurs, en application de l'article L. 2121-16 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), « Le maire a seul la police de l'assemblée. Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre. En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi. ». Cette disposition s'applique également au président du conseil départemental et au président du conseil régional en application des articles L. 3121-12 et L. 4132-11 du même code. Un équilibre doit être trouvé entre les pouvoirs de police dont dispose le président de l'assemblée délibérante et le respect de la liberté d'expression des élus, en particulier d'opposition. À ce titre, la chambre criminelle de la Cour de cassation (Ccas Crim., 1er septembre 2010, Commune de Montreuil, n° 10-80.584) a considéré qu'un maire ne pouvait interdire à un élu de prendre la parole lors d'une séance du conseil municipal au motif que ce dernier portait un signe religieux ostensible (en l'espèce, une croix symbolisant son appartenance à la religion chrétienne). Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise que : « il résulte des propos tenus par Jean-Pierre X que celui-ci a privé une élue de l'exercice de son droit de parole en raison du port par cette dernière d'un insigne symbolisant son appartenance à la religion chrétienne ; qu'il n'est nullement établi, qu'en l'espèce, le port d'une croix par Patricia Y ait été un facteur de trouble susceptible de justifier que le maire, usant de son pouvoir de police, la prive de son droit à s'exprimer, en sa qualité d'élue municipale ; que les juges ajoutent qu'aucune disposition législative, nécessaire en vertu de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, pour que des restrictions soient apportées à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, ne permet au maire d'une commune, dans le cadre des réunions du conseil municipal, lieu de débats et de confrontations d'idées, d'interdire aux élus de manifester publiquement, notamment par le port d'un insigne, leur appartenance religieuse ; ». En l'espèce, ni les pouvoirs de police du maire, ni le principe de laïcité - qui ne trouvait d'ailleurs pas à s'appliquer - ne sauraient justifier l'attitude de ce dernier à l'égard de l'élue, qui a porté atteinte à son droit de parole. Par conséquent, l'interdiction par le règlement intérieur d'une collectivité territoriale de l'utilisation par des élus de vêtements, d'objets ou de signes ayant un caractère politique ou identitaire est susceptible de porter atteinte à la liberté d'expression des élus si cette interdiction n'est ni limitée, ni circonstanciée et n'explicite en quoi cette utilisation est susceptible le troubler le bon ordre des séances.
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