Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 17/11/2022
M. Sebastien Pla interpelle M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics sur les effets de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 « relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics » qui vient modifier en profondeur les responsabilités du comptable public et ainsi le contrôle de la régularité de l'usage de l'argent public.
Il souligne que le contrôle a priori effectué sur les dépenses des collectivités garantissait qu'en l'absence des pièces requises, la prise en charge et sa mise en paiement ne pouvaient être ordonnées. Ainsi en cas d'absence de trésorerie suffisante sur le compte courant au Trésor de la collectivité, le comptable public ne pouvait pas davantage procéder au paiement jusqu'à la reconstitution d'une somme suffisante. Cette procédure permet en effet à la collectivité de résoudre en amont les difficultés conjoncturelles ou structurelles ayant motivé cette insuffisance de liquidités disponibles.
Il considère dès lors que l'ordonnance sus nommée engage une réforme majeure en opérant un glissement inédit avec la fin du contrôle a priori au profit d'un contrôle sélectif a posteriori et emporte avec elle le risque de fragilisation de la qualité comptable, de possibles prises en charge de dépenses non dues ou surfacturées, voire d'un mauvais usage de l'argent public.
Il dénonce la fin de la responsabilité personnelle du comptable public au profit d'une « responsabilité partagée entre tous les gestionnaires publics » donnant aux « managers publics » la responsabilité de sanctionner les fautes autres que « d'une gravité avérée ». Ainsi donc estime-t-il que cette ordonnance met fin au contrôle visant à éviter et sanctionner l'absence de respect de la réglementation au profit d'un contrôle non juridictionnel basé sur des « fautes de gestion ».
De plus, et comme il n'a eu de cesse de le lui rappeler, cette réforme porte le risque d'un recours accru, pour les collectivités, à des agences comptables, lesquelles sont, de fait, attachées par un lien de subordination à l'ordonnateur, en lieu et place de la relation avec un comptable public, rompu aux règles de la comptabilité et de la commande publiques et offrant des garanties en matière d'usage de l'argent public.
Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les raisons pour lesquelles il entend ainsi prendre le risque d'une fragilisation de la qualité comptable laquelle ne serait pas sans conséquence sur la santé financière des collectivités et sur l'égalité de traitement entre les citoyens, et les raisons qui motivent une telle réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics publiée le 16/03/2023
La réforme met fin au régime de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) auquel sont soumis les comptables publics et conforte, en le modernisant, le régime de responsabilité financière auquel sont soumis tant les ordonnateurs que les comptables devant la cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics, instauré à compter du 1er janvier 2023, est un régime unifié de responsabilité dont seront justiciables tous les acteurs de la chaîne financière qu'ils exercent des fonctions d'ordonnateur ou de comptable. Cette réforme est l'aboutissement de réflexions engagées dans le cadre du comité interministériel de la transformation publique (CITP) d'octobre 2018 qui avait fait le constat que « le cadre actuel de gestion publique responsabilise peu les acteurs et limite leur prise d'initiative ». Des travaux menés en concertation avec la Cour des comptes et le Conseil d'État ont permis de définir, à l'été 2021, les contours du nouveau régime répressif de responsabilité financière, qui s'inspire de l'actuelle cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). L'objectif de la réforme est de réserver l'intervention d'un juge financier uniquement aux infractions les plus graves ayant causé un préjudice financier significatif à l'organisme public concerné ou celles qui, compte tenu de leur nature, sont considérées comme importantes eu égard à l'ordre public financier (octroi d'avantage injustifié, non production de comptes pour un comptable). Les erreurs ou fautes les moins graves doivent se voir apporter une réponse managériale sans l'intervention d'un juge. Le nouveau régime ne remet pas en cause la séparation des ordonnateurs et des comptables qui demeure le principe cardinal de l'organisation de la chaîne financière et sort renforcée de la réforme. Ainsi, l'ordonnance porte au niveau législatif la procédure de réquisition actuellement prévue par le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. De plus, elle institue une procédure de signalement permettant au comptable d'attirer l'attention de l'ordonnateur sur des pratiques susceptibles de relever de la cour, ce qui renforce son rôle de conseil. Enfin, les situations de gestion de fait, dès lors qu'une personne non habilitée vient agir dans le champ propre du comptable, constitueront une infraction du nouveau régime qui sera sanctionnée en tant que telle. Les comptables conservent pleinement leur rôle en matière de contrôle des fonds publics. Ils continueront de veiller à la régularité des opérations de dépenses et de recettes, conformément aux dispositions des articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. L'objectif n'est pas d'amoindrir les contrôles des comptables mais de les centrer sur les enjeux les plus importants et sur les opérations les plus risquées dans le cadre d'une approche hiérarchisée. À cet égard, la logique du contrôle hiérarchisé de la dépense ou de contrôle allégé en partenariat déjà engagée depuis plusieurs années est largement encouragée dans une logique d'efficacité. Enfin, le régime de responsabilité des gestionnaires publics est sans incidence sur l'organisation actuelle : les services de gestion comptables (SGC) mis en place dans le cadre du nouveau réseau de proximité de la DGFiP (direction générale des finances publiques) restent en charge de la gestion des dépenses et des recettes des collectivités locales, conformément au principe de séparation des fonctions d'ordonnateur et de comptable. Le modèle de l'agence comptable n'est pas d'actualité.
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