Question de M. SOMON Laurent (Somme - Les Républicains) publiée le 27/10/2022

M. Laurent Somon attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur le sujet de la filière fécule de pomme de terre. Les féculeries françaises produisent annuellement 200 000 tonnes de fécule, à partir d'un approvisionnement d'un million de tonnes de pommes de terre féculières 100 % national. Amidon de grande qualité, avec une fabrication française internationalement reconnue, la fécule est indispensable pour nombre d'industries aval dans l'alimentaire. La fécule est également nécessaire à des productions industrielles telles que le papier-carton, la pharmacie, les cosmétiques, l'emballage pour lequel elle fournit une alternative biosourcée aux matériaux composés de ressources fossiles. 75 % de la production est aujourd'hui exportée, ce qui contribue positivement à la balance commerciale de la France. La filière de la fécule investit dans la recherche protéine végétale d'avenir, mais aussi afin de s'adapter aux conséquences du changement climatique. Cependant, la filière féculière française traverse aujourd'hui une grave crise conjoncturelle qui se traduit par une baisse rapide des engagements des agriculteurs, et donc de l'approvisionnement des féculeries, qui pourrait avoir pour conséquence un arrêt de cette activité dans l'hexagone. Les surfaces agricoles passent de 23 500 en 2021 à probablement 18 700 hectares en 2023/2024, avec un tonnage de 1 140 000 en 2021 à 841 500 en 2024. Plusieurs causes expliquent la situation. La crise sanitaire s'est traduite chez nos concurrents européens par la transformation de pommes de terre industrielles à prix dérisoire en fécule, une baisse de la demande, une augmentation des stocks et, in fine, l'effondrement des prix de la fécule, avec - 10 % du prix de contrat des producteurs en 2021, auquel s'ajoute la hausse de coût de production et des niveaux de contraintes règlementaires supplémentaires. Or la taille des féculeries impose une industrie de volume. Son modèle économique suppose des approvisionnements quantitatifs minimum pour permettre la poursuite d'activité de ses sites industriels. La baisse des surfaces, associée à un rendement moyen quinquennal également en baisse comportent donc un risque réel quant à la pérennité de l'activité sur le territoire. Dans la mesure où un arrêt de la production française aurait aussi un impact très direct sur les industries françaises utilisatrices de fécule, il lui demande les mesures que le Gouvernement met en place pour mieux prendre en considération la fécule dans les schémas de soutien à la production.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 12/01/2023

La production française de pommes de terre féculières mobilise 1 500 producteurs dans les zones de grandes cultures du Nord et de l'Est du pays, où elle occupe plus de 20 000 hectares pour une production de 1 million de tonnes de pommes de terre en moyenne, qui permettent de fabriquer 200 000 tonnes de fécule par an dans les deux usines situées au cœur des deux zones de production. Elle constitue, comme la pomme de terre pour le frais et la pomme de terre d'industrie, une culture de diversification intéressante dans les assolements de grandes cultures de ces régions. Cette production est confrontée depuis plusieurs années à des difficultés structurelles liées au changement climatique avec la multiplication des années de stress hydrique, qui entraîne une forte variabilité et une baisse tendancielle des rendements. L'irrigation ne semble pas être une solution rentable pour cette culture dont la marge à l'hectare est inférieure à celle de la pomme de terre destinée au marché du frais ou de la pomme de terre d'industrie. À ces tendances, la crise de covid-19 a ajouté une difficulté conjoncturelle avec la fermeture des entreprises de restauration qui a entraîné un report des volumes de production des pommes de terre d'industrie vers la féculerie et une baisse importante des prix de la fécule qui en a résulté. Face à ces difficultés les producteurs tendent à se désengager des contrats passés avec les transformateurs et à abandonner cette culture dans leurs assolements, d'autant plus que les prix actuellement élevés des céréales et des oléagineux constituent une concurrence forte dans les choix d'assolement faits par les agriculteurs. La production de pomme de terre féculière bénéficiait historiquement d'une organisation commune de marché très protectrice qui, dans le cadre des réformes de la politique agricole commune (PAC), a été remplacée en 2015 par une aide couplée avec une enveloppe annuelle de 1,8 million d'euros (M€), correspondant à un montant moyen de l'aide de 80 euros par hectare. Cette aide couplée a été maintenue dans le plan stratégique national pour la programmation 2023-2027 de la nouvelle PAC avec une enveloppe et un montant moyen à l'hectare inchangés, pour assurer un soutien de la filière pour les campagnes à venir. Face aux difficultés conjoncturelles liées à la sécheresse qui a sévi en 2022 et à la forte hausse des coûts des intrants, les producteurs de pommes de terre féculières peuvent bénéficier des soutiens mis en place par l'État, comme la mise en place d'un dégrèvement d'office de la taxe sur le foncier non bâti, le report d'échéances ou la prise en charge de cotisations sociales, le plan de résilience économique et sociale avec notamment la prolongation du dispositif de prêts garantis par l'État qui peut concerner les agriculteurs et le guichet d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz, qui bénéficie aux industries féculières et pourra être cumulé à partir du 1er janvier 2023 avec l'amortisseur électricité. Toutefois l'équilibre économique de la filière reste fragile. Le désengagement des producteurs, qui peuvent se tourner vers d'autres cultures plus rémunératrices, constitue un risque pour le maillon industriel dont les usines ne peuvent durablement fonctionner en sous-capacité. Face à cette difficulté le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est mobilisé et en contact régulier avec les acteurs de la filière pour trouver des solutions. Toutes les propositions sont actuellement à l'étude pour trouver rapidement une solution permettant de pérenniser une filière française d'excellence et largement exportatrice. Comme évoqué avec les professionnels, il n'est pas possible de créer un prêt garanti par l'Etat (PGE) spécifique à une filière ou un évènement climatique, néanmoins comme indiqué précédemment les producteurs de pommes de terre ont la possibilité d'émarger au PGE Résilience qui est en place et pourrait soulager en urgence la trésorerie de producteurs touchés, compte-tendu du fait que les difficultés remontées correspondent à un problème de trésorerie lié à l'inflation des coûts de production (notamment engrais), qui se voit aggravé par l'impact de la sécheresse chez certains producteurs. Concernant l'aide aux producteurs de pommes de terre fécules, s'agissant de la demande d'augmentation de l'aide couplée fécule qui bénéficie déjà d'une enveloppe d'1,8 M€, il n'est pas possible d'y donner une suite favorable en l'état des arbitrages rendus sur le plan stratégique national dans un contexte d'enveloppe globale fermée pour l'ensemble des aides couplées et de « compétition » entre les filières pour bénéficier de telles aides. Une augmentation de l'aide couplée impliquerait une réouverture des discussions avec les filières et un rééquilibrage de l'enveloppe des aides couplées qui ne pourrait être effectué qu'au détriment d'autres filières. Une piste de solution, évoquée avec les acteurs professionnels, pourrait être d'ouvrir la possibilité que la filière fécule puisse porter un programme opérationnel (PO). Dans cette perspective, il conviendrait que la filière se structure au préalable en organisations de producteurs (OP). Il s'agirait ainsi d'émarger sur l'enveloppe de 10 M€ consacrée aux autres secteurs en 2024 (hors filières protéines végétales qui bénéficient d'une enveloppe dédiée). Le paiement pourrait alors intervenir en 2024 sous couvert que le cadre réglementaire de reconnaissance en OP soit défini et que la structuration en OP soit effective à cette échéance (et que cela ponctionne d'autant la possibilité de PO pour les autres filières). Le programme pourrait en particulier permettre aux producteurs d'adapter leurs pratiques au changement climatique qui menace la production de pomme de terre féculière et de renforcer le poids de l'amont dans le cadre de sa relation commerciale avec les industriels en vue d'une meilleure valorisation de la production. Cette aide s'inscrirait dans la durée, sur toute la programmation de la PAC, avec un effet structurant sur la filière qui pourrait orienter ses programmes en fonction des besoins identifés. L'inscription des producteurs réunis en OP dans une démarche pluriannuelle de programmes opérationnels apporterait, en complément des contrats, des garanties sur la sécurisation de l'approvisionnement par ces producteurs pour la durée du PO concernée. Enfin, l'État peut intervenir de façon efficiente en accompagnant les industriels du secteur fécule dans leurs projets d'investissement via France 2030, afin de aider les industriels à dégager de nouveaux gains de compétitivité ou à conquérir de nouveaux marchés, et les pousser ainsi à augmenter le prix payé aux producteurs. Il convient de les inciter à déposer une demande en ce sens, comme l'a déjà fait un des industriels. Par ailleurs, a été lancé, le 27 septembre 2022 avec les acteurs de la filière fruits et légumes, dont ceux de la pomme de terre y compris féculière, le processus d'élaboration du plan de souveraineté de moyen et long terme. Afin d'élaborer ce plan et ces leviers d'action, des groupes de travail ont été mis en place et associent professionnels et services concernés au niveau transversal sur les grands axes stratégiques suivants : (1) Protection des cultures, (2) Compétitivité, investissements et innovation, (3) Recherche, expérimentation, formation et renouvellement des générations, (4) Dynamisation de la consommation de fruits et légumes dans le modèle alimentaire. Les travaux se poursuivent pour aboutir début 2023 à la finalisation et validation du plan.

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