Question de M. HERVÉ Loïc (Haute-Savoie - UC) publiée le 20/10/2022
M. Loïc Hervé attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales sur la préservation des chemins ruraux.
Les communes ont des difficultés juridiques pour réhabiliter et reprendre les chemins ruraux non goudronnés.
Certains sentiers ou chemins ruraux anciens, non utilisés pour la circulation automobile ou ayant été délaissés ou encore envahis de végétation, sont barrés par des riverains qui en interdisent l'accès en toute illégalité ce qui supprime et empêche leur affectation au public telle que définie par les articles L. 161-1 et L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).
En raison de l'impossibilité d'emprunter ces chemins ruraux, les juridictions, prenant en compte uniquement l'affectation au public rendue alors impossible, considèrent que ces chemins ruraux anciens ne sont plus des chemins ruraux ou sont devenus des chemins d'exploitation appartenant alors aux riverains, qui sont totalement dépourvus d'actes ou titres de propriété.
Pourtant nombre de ces chemins ruraux sans usage actuel du public relient deux voies publiques. Alors qu'ils étaient auparavant des chemins ruraux au titre de la loi du 20 août 1881, et même du domaine public jusqu'à l'ordonnance n° 59-115 du 7 janvier 1959 relative à la voirie des collectivités locales, les communes ne peuvent le prouver ni accéder à ces archives. Elles sont dépossédées de leur patrimoine et les maires sont contestés, ne pouvant mettre en œuvre les dispositions de l'article D. 161-11 du CRPM.
Il semble donc que la législation en vigueur soit insuffisante pour aider les communes, malgré les dispositions adoptées dans la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, qui ne portent pas sur la propriété des chemins ruraux.
Il lui demande donc ses intentions pour aider les communes afin qu'elles ne soient plus dépossédées de leurs chemins ruraux anciens sans titre. Il lui demande par ailleurs de préciser leur statut, au-delà du seul usage du public quand celui-ci est interrompu et notamment, lorsque ces chemins peuvent relier d'autres voies.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 29/12/2022
En vertu de l'article L. 161-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM), « les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ». Cette dernière bénéficie, en application des articles L 161-2 et L. 161-3 du CRPM, d'une présomption de propriété lorsque le chemin rural est affecté à l'usage du public, ce qui ressort des critères alternatifs de l'utilisation du chemin comme voie de passage ou d'actes réitérés de surveillance ou de voirie réalisés par l'autorité municipale (cass. 3e civ., 4 avril 2007, n° 06-12.078). La présente question reprend le contenu d'amendements proposés lors des débats parlementaires relatifs à la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dite loi 3DS, pour introduire une nouvelle présomption de propriété des communes fondée sur le critère de la fonction de liaison du chemin rural entre deux voies. Ces amendements, qui visent les chemins ruraux tombés en désuétude et possiblement appropriés par des personnes privées, ont été rejetés. Le législateur a en effet estimé que le droit positif réservait déjà une position favorable aux communes et préservait un équilibre satisfaisant entre le droit de propriété des personnes privées et l'intérêt général de protéger les chemins ruraux. Il y a lieu d'abord de rappeler que le maire doit rétablir l'usage au public d'un chemin rural interrompu volontairement par un riverain. Dans le cadre de la police de la circulation et de la conservation des chemins ruraux définie à l'article L. 161-5 du CRPM, le maire dispose de pouvoirs de police pour préserver l'intégrité des chemins ruraux de sa commune. L'article D. 161-11 du code précité dispose, en effet, que : « lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural ( ) les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction ». Ainsi, une commune peut exiger des riverains qu'ils procèdent immédiatement à l'enlèvement de la barrière qu'ils avaient implantée sur un chemin rural sans que puisse y faire obstacle la circonstance « que l'usage public dudit chemin aurait cessé durant une longue période et que les [riverains] auraient procédé à leurs frais au nettoyage d'une partie de celui-ci »(CAA Bordeaux, 22 mars 2007, n° 03BX02163). Ensuite, l'interruption de l'usage public n'a pas en tant que tel une incidence directe sur le droit de propriété de la commune. Le chemin qui « a été utilisé par le passé comme voie de passage » demeure un chemin rural bien qu'il soit difficilement praticable, partiellement recouvert de végétation et occasionnellement entretenu par des riverains (CAA Marseille, 27 avril 2018, n° 16MA02158). En outre, en cas de conflit de propriété, la présomption de propriété des communes ne s'épuise pas par l'acte du riverain qui pose une barrière en faisant cesser la circulation sur le chemin et par l'inaction prolongée de la commune. Lorsqu'un chemin rural n'est plus, ni emprunté par le public, ni entretenu par la commune, il suffit à cette dernière d'établir que le chemin a été ouvert au public avant qu'un riverain ne le ferme à la circulation pour entrer dans le champ de la présomption (cass. 3e civ., 2 juillet 2013, n° 12-21.203). Enfin, le juge prend en considération l'ensemble des éléments qui lui sont rapportés, notamment les cadastres anciens (cadastre napoléonien) et la fonction de liaison du chemin qui peuvent jouer en faveur de la commune (cass., 3e civ., 3 juin 2021, n° 20-16.299). Ainsi, le fait de rapporter une fonction de liaison avec la voirie publique et des témoignages attestant que le chemin était ouvert à la circulation établit la propriété de la commune faute pour le riverain de pouvoir se prévaloir d'un titre de transfert de propriété (cass. 3e civ., 2 avril 2003, n° 00-13.430). En raison du choix récent du législateur et de la capacité des communes à récupérer leurs anciens chemins ruraux dès lors qu'ils n'ont pas été légitimement appropriés par des personnes privées, le gouvernement n'envisage pas de modifier la définition et le régime de propriété du chemin rural.
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