Question de M. BAZIN Arnaud (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 13/10/2022
M. Arnaud Bazin souhaite rappeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur une question restée sans réponse, question n°27342 publiée au Journal officiel le 24 mars 2022, devenue caduque par le changement de législature mais néanmoins toujours d'actualité. Ayant pris connaissance du projet de modification de l'instruction relative au fonctionnement des unités cynotechniques (UC) de la police nationale (PN) du 11 février 2020 ainsi que des conditions de vie actuelle des chiens de ces unités, il attire son attention sur la situation des UC de la PN. Qu'il s'agisse des cours conducteurs et assistants, des instructions en cours et prévisionnelle relatives au fonctionnement des UC, du projet de référentiel chenil, de la note de dossier relative aux méthodes d'accroissement des capacités des brigades antistupéfiants, le chien des UC y est avant tout perçu comme un chien-utile. Or, ces chiens ne sont pas des instruments qui nécessitent un simple temps de prise en main assorti d'un manuel d'entretien. Il est impossible de faire abstraction des besoins physiologiques et comportementaux inhérents à leur statut de chien, espèce domestique de mammifères supérieurs, pas plus qu'il n'est possible d'occulter l'importance qu'accordent leurs conducteurs et assistants aux respects de ces besoins. Par ailleurs, ces attitudes contreviennent à la loi : décret n°2004-416 du 11 mai 2004 portant publication de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, lois nationales des codes rural et pénal relatives à la détention de plus de neuf chiens et aux mauvais traitements. En effet, les chiens de défense-intervention passent jusqu'à 11h de nuit muselés dans une cage dans un véhicule en patrouille suivis de 13h dans leur box, seuls. Ces chiens ne bénéficient, en guise de détente, que de deux sorties hygiéniques sur les 11h de patrouille et de quelques instants en début de deux vacations par semaine (périodes ayant lieu de surcroit majoritairement de nuit et largement occupées par l'entretien des cages). Aucune visite sanitaire ni aucun contrôle des installations hébergeant les animaux, pas plus que de cahier des charges n'existent. Faute de dispositif ad hoc en place, les chiens de défense-intervention, difficiles à placer au moment de leur retraite sans période de transition permettant de les déconditionner, quand ils ne sont pas euthanasiés, peuvent faire l'objet d'une utilisation illégale dans les mains d'un adoptant malveillant ou remis au travail dans des sociétés de gardiennage privées. De surcroit l'administration prévoit de supprimer l'assistant de recherche stupéfiant. Il a bien compris la logique d'accroissement des capacités opérationnelles des UC spécialisées en recherche stupéfiants sous tendu par cette mesure mais cette logique ne vaut pas pour des êtres vivants. Pour de nombreuses raisons, que les agents conducteurs de chien sont à même de préciser, la suppression de l'assistant sera à terme plus délétère que bénéfique en ce qu'elle rendra les chiens moins efficaces et les hommes qui les forment et les guident moins motivés. Dans un tel climat de travail, les UC ne bénéficient pas de l'engouement qu'elles devraient susciter car, lorsque l'on choisit de travailler avec un chien, c'est afin de faire équipe dans la complicité et le respect, non pas pour se servir d'un animal comme d'une machine. Ainsi, dans le cadre de la révision de l'instruction relative au fonctionnement des UC de la PN, des négociations sur les rythmes de travail et plus généralement dans l'appréhension du couple conducteur/assistant - chien, il souhaiterait savoir si la réglementation et le bien-être de ces animaux et de leurs « guides » seront pris en compte.
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Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 29/06/2023
La prise en compte des besoins fondamentaux du chien et de leur protection, inscrits dans le droit positif (code rural et de la pêche maritime, code civil et code pénal), s'impose, bien entendu, à la police nationale. L'instruction du 20 juillet 2022 - qui a remplacé une précédente instruction du 11 février 2020 - relative à l'organisation et à l'emploi des unités cynotechniques de la police nationale, le souligne et rappelle notamment les dispositions de l'article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. ». Le chien, qui est un assistant opérationnel des policiers (missions de lutte contre la délinquance du quotidien, missions d'appui, d'assistance et de dissuasion ), est placé sous le contrôle et la responsabilité de son conducteur qui doit en assurer la maîtrise permanente et « veiller à son bien-être ainsi qu'à son rythme biologique en toute circonstance » (instruction du 20 juillet 2022). La convention européenne du 13 novembre 1987 pour la protection des animaux de compagnie, en revanche, ne s'applique pas aux chiens de la police nationale. Elle concerne en effet les animaux « détenus [...] par l'homme, notamment dans son foyer, pour son agrément et en tant que compagnon ». Le bien-être des chiens de police est une évidence pour les conducteurs canins - les deux forment un binôme - et un point d'attention pour les services. En règle générale, les policiers qui occupent les fonctions de cynotechniciens sont d'ailleurs volontaires, sélectionnés et ont un réel intérêt pour l'animal. Tous sont impliqués personnellement dans le respect du bien-être animal. La notion de bon entretien de l'animal est dispensée lors de la formation des conducteurs cynotechniciens et concourt au bon fonctionnement du binôme conducteur-animal. L'efficacité d'une équipe cynotechnique en intervention est évidemment dépendante de la bonne relation entre l'homme et l'animal et notamment du bien-être de ce dernier. Bien que l'usage de la muselière soit le principe général d'emploi, l'animal peut être démuselé en cas de forte chaleur ou de station prolongée dans un véhicule. Le musellement des chiens de défense-intervention demeure cependant une préconisation de bon sens afin que l'animal soit prêt au travail, notamment pour assurer la progressivité cynotechnique de la réponse policière. Si la durée des vacations cynotechniques de défense-intervention relève de la seule compétence des directions d'emploi de la police nationale, le centre national de formation des unités cynotechniques (CNFUC) - relevant de la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale (DCRFPN) - recommande un cycle horaire permettant aux équipes cynotechniques de travailler au moins une vacation diurne, consacrée aux entraînements, aux soins animaliers, à l'hygiène et à la détente du chien. Dans ses services territoriaux, la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) a mis en place un cycle permettant de concilier les besoins opérationnels, les conditions de travail de l'agent, les règles du temps de travail et les besoins de l'animal. Le régime binaire de 11h08 en nuit a été modifié début 2022 spécifiquement pour les brigades cynotechniques, permettant un décalage d'une après-midi afin que le chien puisse se détendre en journée. S'agissant du temps réservé à la détente, aux sorties et à l'hygiène du chien, l'annexe de l'instruction du 20 juillet 2022 prévoit que le conducteur est responsable de l'état sanitaire de l'animal et des matériels qui lui sont confiés. À cette fin, il organise des phases régulières de détente durant les vacations. Il veille au respect des détentes hygiéniques de l'animal (au minimum deux fois 15 minutes par vacation). Le temps de présence du chien dans son box correspond au temps de repos des conducteurs cynotechniciens entre deux vacations, pendant lequel le chien se repose. Le conducteur s'assure du bien-être de son animal en organisant un entraînement d'endurance, en dehors de tout contexte opérationnel, d'une à deux heures chaque semaine. Il procède au suivi vétérinaire de l'animal. Un conducteur est également formé à la prophylaxie canine : hygiène des véhicules, des bâtiments techniques, des matériels cynotechniques et des chenils. Ces opérations obligatoires doivent intervenir suivant un calendrier précis. Certaines ne peuvent se dérouler qu'en journée, notamment l'entraînement et la détente. Dans les directions départementales de la sécurité publique (DDSP), par exemple, les cynotechniciens nettoient quotidiennement les boxes. L'entretien des locaux, la désinfection et la préparation des repas, afin de limiter les risques sanitaires, doivent être une préoccupation constante. L'entretien des véhicules (désinfection ) est réalisé par les agents de la brigade cynotechnique. La désinfection et le nettoyage des locaux et véhicules doivent respecter un protocole spécifique recommandé par le CNFUC. De même, les équipements (laisses, colliers ) doivent être dans un bon état d'entretien. Les chiens sont pesés de manière régulière ou aléatoire lors de visites vétérinaires. Les soins vétérinaires doivent être réguliers et les carnets de vaccination à jour. Les visites sanitaires relèvent, elles, de la compétence des directions départementales de la protection des populations. Les directions actives de la police nationale sont attentives aux exigences en la matière et peuvent saisir le centre national de formation des unités cynotechniques pour procéder à l'évaluation d'une équipe afin de détecter d'éventuels mauvais traitements ou conduites inadaptées. Ces demandes d'évaluation portent également sur les conditions d'hébergement et de vie de l'animal. En matière de contrôle des installations hébergeant les animaux, le ministère de l'intérieur et des outre-mer (direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier, en collaboration avec le CNFUC) a édité en mars 2021 un référentiel de programmation des bâtiments destinés aux unités cynotechniques de la police nationale. En outre, l'instruction du 20 juillet 2022 prévoit que « les chiens de police sont hébergés dans des chenils de la police nationale ou dans des structures administratives de la gendarmerie nationale ou encore de l'armée répondant aux normes fixées par le code rural renforcé par les lois relatives au bien-être animal ». S'agissant de la réforme du chien, elle s'effectue à l'âge de ses 8 ans, afin qu'il puisse profiter d'une « retraite » active. Au moment de leur « retraite », les animaux sont fréquemment adoptés par leur conducteur. Quand cette solution n'est pas possible, les chiens de défense-intervention, comme ceux de recherche, sont proposés à l'adoption. Ils sont alors obligatoirement examinés par un vétérinaire. La DCSP, par exemple, accorde de la souplesse aux brigades cynotechniques et autorise parfois des réformes anticipées pour favoriser un placement rapide lorsqu'une famille d'accueil solide est trouvée. Les unités cynotechniques s'attachent en effet à trouver une famille d'accueil honorable. Le placement est toutefois parfois difficile compte tenu du caractère dominant des chiens de défense-intervention. Les adoptants sont informés du caractère particulier des animaux. Certains services peuvent maintenir l'animal dans leur chenil administratif si la capacité d'hébergement est suffisante pour organiser une fin de vie digne. Les animaux présentant un caractère de dangerosité, dûment établi par un docteur vétérinaire, sont euthanasiés. Il s'agit toutefois d'une situation exceptionnelle. Seule l'adoption par le conducteur ou un particulier constitue actuellement une alternative à l'euthanasie. Enfin, il doit être souligné que la police nationale a engagé, sur proposition des représentants des organisations syndicales représentatives, de nouvelles réflexions sur les unités cynotechniques, incluant la question du suivi médical, des matériels et équipements et du « bien-être » du chien.
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