Question de M. BOULOUX Yves (Vienne - Les Républicains) publiée le 06/10/2022
M. Yves Bouloux attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences des quatre arrêts rendus le 12 juillet 2022 par la chambre criminelle de la Cour de cassation en matière d'accès et de conservation des données de connexion dans le cadre des procédures pénales.
En application de décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne relatives à la conservation des données de connexion et à l'accès à celles-ci dans le cadre de procédures pénales, la Cour de cassation a jugé que les articles 60-1, 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale étaient contraires au droit de l'Union européenne.
Selon elle, les règles actuelles du code de procédure pénale, qui permettent au procureur de la République ou à un enquêteur d'accéder à ces données, sont contraires au droit de l'Union car elles ne prévoient pas un contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante.
Si la Cour valide la compétence du juge d'instruction en la matière, elle considère donc en revanche que le procureur de la République, parce qu'il est une autorité de poursuite, ne peut pas ordonner de telles mesures d'investigation.
Ces décisions privent les magistrats du Parquet ainsi que les forces de police judiciaire d'un outil précieux dans l'identification des auteurs de crimes ou d'infractions graves.
La conférence nationale des procureurs de la République a d'ailleurs immédiatement dénoncé « un obstacle majeur à l'identification de délinquants et criminels » et alerté sur les « conséquences (de ces décisions) sur la capacité des magistrats du ministère public et des enquêteurs à exercer leurs missions de manifestation de la vérité et de protection des victimes ».
Aussi, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur ces questions et lui demande de prendre en urgence les mesures nécessaires afin de sécuriser les enquêtes pénales.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 09/03/2023
Les éléments de preuves résultant de l'exploitation des données obtenues grâce aux réquisitions délivrées aux opérateurs de téléphonie mobile revêtent une importance majeure pour la manifestation de la vérité dans le cadre des investigations pénales. La question de la conservation et de l'accès de ces données pour les besoins des enquêtes pénales fait l'objet d'une jurisprudence restrictive de la Cour de justice de l'Union européenne depuis 2016, en raison des exigences inhérentes au droit de chacun au respect de sa vie privée. Les arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 12 juillet 2022 tirent les conséquences des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne. D'une part, la Cour de cassation énonce que les données de connexion ne peuvent être obtenues que dans le cadre d'enquête pénales relatives à des infractions d'une certaine gravité. Sur ce point, la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire avait déjà limité une telle possibilité aux enquêtes relatives à une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement en application notamment du nouvel article 60-1-2 du code de procédure pénale. L'appréciation du caractère grave de la criminalité par les juridictions est également effectuée au regard de la nature des agissements de la personne mise en cause, de l'importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue. D'autre part, la Cour de cassation précise que la délivrance de réquisitions relatives aux données de connexion doit faire l'objet d'un contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante au sens où l'entend la Cour de justice de l'Union européenne. Or, un tel contrôle, portant notamment sur la nécessité et la proportionnalité des réquisitions, est réalisé par les services du parquet selon les dispositions actuelles du code de procédure pénale relatives à l'enquête préliminaire et de flagrance. La Cour de cassation a toutefois jugé que les éléments de preuve ainsi obtenus ne peuvent être annulés que si une telle irrégularité portait concrètement atteinte aux droits de la personne poursuivie. Cette interprétation permet de limiter les cas dans lesquels la nullité des actes serait encourue et de sauvegarder la plupart des procédures pénales en cours. Dès le mois de juillet 2022, des guides à destination des juridictions pénales ont été diffusés afin d'exposer la portée des décisions de la Cour de cassation et de les accompagner dans la mise en uvre de leurs conséquences. Par ailleurs, une réflexion approfondie est actuellement menée par les services du ministère afin d'apporter une solution juridiquement robuste et acceptable en pratique permettant de garantir l'efficacité de l'action des magistrats et des services enquêteurs en matière de lutte contre la criminalité.
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