Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - CRCE-R) publiée le 29/09/2022
Mme Marie-Noëlle Lienemann interpelle Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la précarité grandissante des doctorants.
En effet, selon une étude publiée par la fédération des associations générales étudiantes (FAGE) première organisation représentative des étudiants un quart des doctorants et doctorantes ne parvient pas à subvenir à ses besoins. Cette situation explique largement la perte de 10 000 inscrits en doctorat en 10 ans dans notre pays : c'est une dissonance grave entre le discours de l'excellence de la recherche tenu par le Gouvernement et la réalité du terrain où la situation sociale et le financement de la recherche sont des enjeux profondément sous-estimés.
Ainsi un quart des doctorants ne semble pas bénéficier d'un financement lors de leur première année de recherche. Les conditions de vie ont des répercussions sur leur travail de recherche et leur insertion professionnelle est majoritairement synonyme de stress. Comment tolérer qu'aujourd'hui encore des doctorants qui enseignent soient payés en dessous du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ?
Sur l'année 2020-2021, l'étude indique que 74 % des chercheurs ont reçu un financement pour effectuer leur thèse, tandis que 26 % ont obtenu un financement ne leur permettant pas de subvenir à leurs besoins. 23 % ont même dû travailler tout en rédigeant leur thèse, en majorité pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Elle avait interrogé en mai 2020 la ministre de l'enseignement supérieur (question écrite au Gouvernement n° 16213) sur les conditions dégradées rencontrées par les doctorants au plus fort de la pandémie de covid ; l'étude rendue publique par la FAGE démontre que la dégradation des conditions de recherches doctorales est en réalité systémique et qu'elle risque de déprécier à long terme les capacités de notre pays à tenir son rang international en la matière et donc à préparer l'avenir. D'ailleurs, une part non négligeable des doctorants indique vouloir partir à l'étranger une fois leur thèse acquise, considérant qu'ils y seront mieux considérés et mieux rémunérés. Elle avait, à l'aune d'un diagnostic convergent, dénoncé la loi de programmation pluriannuel pour la recherche qui ne mobilisait pas les moyens suffisants pour répondre à ces défis.
Elle lui demande si le Gouvernement compte avancer dans les plus brefs délais en faveur d'une revalorisation des rémunérations de tous les doctorants et doctorantes afin que non seulement elles ne ne puissent pas être inférieures au SMIC mais surtout que leur niveau de qualification soit pris en compte. Elle lui demande ensuite si le Gouvernement compte faciliter le processus d'accès au troisième cycle en luttant contre les inégalités d'inscription, grâce notamment à la création d'une plateforme nationale d'information et d'orientation. Elle lui demande ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour garantir enfin que chaque chercheur ait accès à un contrat doctoral financé.
Enfin, elle souhaite savoir, au regard de la situation grave de la recherche et de l'enseignement supérieur de notre pays, si le Gouvernement compte rouvrir un véritable travail collaboratif qui tienne réellement compte des contributions des chercheurs pour élaborer un nouveau projet de loi de programmation, capable de répondre aux défis urgents auxquels la France est confrontée.
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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 17/11/2022
À la rentrée 2021, 275 écoles doctorales accréditées par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ont accueilli 71 487 doctorants, soit une augmentation de 1,1 % par rapport à 2020 et de 1,6 % par rapport à 2019. Entre 2009 et 2019, le nombre de doctorats délivrés a augmenté de 3% ; dans la même période, le nombre de doctorants a en effet diminué de 10 000. Du fait des mesures prises par l'Etat, afin de diminuer la durée des thèses et améliorer l'encadrement de celles-ci, nous observons donc que le taux d'achèvement des thèses est en amélioration dans les dernières années. En 2021, le nombre de docteurs diplômés augmente de 15 %, après une baisse de 15 % en 2020. La fermeture des universités et des centres de recherche dès mars 2020 en raison de la crise sanitaire avait obligé une grande partie des doctorants à reporter leurs travaux en laboratoire ou sur leur terrain d'enquête. Les prolongations de doctorats et de post-doctorats ont représenté un effort budgétaire important, de près de 100 M entre 2020 et 2023, afin de permettre de terminer les travaux de thèse dans les meilleures conditions. À la rentrée 2021, 77 % des doctorants en première année dont la situation financière est connue (soit 98 % des doctorants, source ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche-SIES) bénéficient d'un financement dédié pour leurs travaux de recherche, ce qui correspond à une proportion en augmentation de 4 points par rapport à la rentrée 2020. Le nombre des doctorants financés par dotation du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche progresse de moins d'un point, à 31 %, et ceux financés via le processus Cifre sont stables à 8 %. 38 % des doctorants bénéficient d'autres financements (+3 points). Conformément aux engagements du rapport annexé à la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR), la rémunération minimale des contrats doctoraux a été portée de 1758 bruts à 1866 bruts pour les contrats conclus à compter du 1er décembre 2022 par l'arrêté du 11 octobre 2021 modifiant l'arrêté du 29 août 2016 fixant le montant de la rémunération du doctorant contractuel. Si ces mesures permettaient effectivement de revaloriser les nouveaux doctorants, elles ne concernaient pas les doctorants déjà en place. C'est pourquoi la ministre a souhaité modifier la trajectoire d'exécution de la LPR afin que ces revalorisations soient désormais applicables à tous les doctorants, et non plus seulement lors du renouvellement des contrats. La rémunération minimale sera ainsi portée au 1er janvier 2023 à 2044 bruts pour tous les doctorants, et l'arrêté correspondant sera publié d'ici la fin de l'année. La trajectoire de la LPR amène l'ensemble des doctorants publics à une rémunération à hauteur de 2300 à l'horizon de 2026. Ces revalorisations seront amenées à se poursuivre en 2024 et les années suivantes : comme le prévoit la trajectoire de la LPR entre 2020 et 2027, le nombre de thèses financées par l'Etat augmentera progressivement de +20% (en 2020 et 2021 ce sont ainsi 728 nouveaux contrats doctoraux qui ont été mis en place par l'Etat, en 2023 ce sont 387 nouveaux contrats doctoraux) et le montant minimal réglementaire de la rémunération des doctorants de +30%. Un site dédié à l'information des étudiants souhaitant faire une thèse est en place et l'arrêté doctoral du 16 aout 2022 enjoint les établissements à une meilleure information des étudiants désirant poursuivre en thèse. L'action du MESR sur les doctorats et les doctorants est donc volontariste. Enfin, la LPR prévoit un rapport au Parlement et une clause de revoyure en 2023.
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