Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 22/09/2022
M. Jean Louis Masson rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n°00663 posée le 07/07/2022 sous le titre : " Victimes d'accident et caisses d'assurance maladie ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu'il lui indique les raisons d'une telle carence.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 02/03/2023
L'alinéa 8 de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale impose à la victime d'un accident imputable à un tiers autre qu'un accident du travail d'appeler en déclaration de jugement commun les caisses de sécurité sociale auxquelles elle est ou était affiliée pour les divers risques, à peine de nullité du jugement sur le fond. La nullité du jugement peut être demandée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle le jugement est devenu définitif. Ces dispositions ont une portée générale et sont applicables devant toute juridiction appelée à statuer sur la liquidation de préjudices soumis au recours subrogatoire de caisses de sécurité sociale (Cass., avis, 13 juin 2016, n° 16-70.003), qu'elle soit civile, pénale ou administrative. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, cette prescription est d'ordre public (Crim 9 avril 2013 n° 12-84.178, Crim 13 mai 2015 n° 13-85.427). Ceci s'explique par l'application du principe de réparation intégrale, selon lequel le préjudice doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties (Crim 18 février 2014 n° 12-87.629). L'obligation pour la victime d'appeler les caisses de sécurité sociale à la cause facilite le remboursement par les tiers responsables des prestations servies par les organismes sociaux, en permettant à ces organismes d'exercer leur recours subrogatoire contre l'auteur de l'accident dans le cadre de l'instance engagée par la victime de l'accident. En effet, la caisse de sécurité sociale a la possibilité de former des prétentions contre le tiers responsable sans avoir à engager une nouvelle instance, ainsi que d'interjeter appel de la décision rendue sur les intérêts civils. En favorisant la concentration des demandes dans une instance unique et la communication par les caisses de sécurité sociale du décompte des prestations versées, elle répond en outre à un souci de bonne administration de la justice. La simple notification a posteriori par le greffe du tribunal correctionnel du jugement rendu ne mettrait pas la caisse de sécurité sociale en mesure d'intervenir à l'instance engagée et d'y former ses demandes, faute pour elle d'en avoir eu connaissance en temps utile. Elle ne permettrait également pas à la juridiction répressive ayant à statuer sur l'action civile de disposer du décompte des prestations servies et qui vont être servies, alors que celui-ci est nécessaire pour apprécier le préjudice indemnisable de la victime. Il n'apparait pas plus envisageable que le greffe informe en amont de l'audience correctionnelle la caisse de sécurité sociale de la tenue de celle-ci, dans la mesure où l'intervention d'un tel organisme est subordonnée au fait que la victime se constitue partie civile, ce que cette dernière peut faire y compris le jour de l'audience, jusqu'aux réquisitions du ministère public (article 419 et 421 du code de procédure pénale). L'article 15 du décret n° 86-15 du 6 janvier 1986 permet néanmoins aux caisses de sécurité sociale de ne pas se constituer à l'instance lorsqu'elles n'ont pas de prétentions à formuler, mais leur impose dans ce cas d'indiquer au président de la juridiction saisie le décompte des prestations versées à la victime et celles qu'elles envisagent de lui servir. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation considère à ce titre qu'en application du principe de réparation intégrale, les prestations versées par les tiers payeurs à la victime doivent être déduites de l'indemnité à laquelle le tiers responsable est tenu envers elle pour réparer les atteintes à son intégrité physique (notamment Cass. crim., 18 juin 2013, n° 13-80.005). Par ailleurs, cette mise en cause de l'organisme de sécurité sociale ne s'impose à peine d'irrecevabilité de la demande en réparation que pour la partie du préjudice constituant l'assiette de son recours (Crim 1er mars 1995 n° 93-83.174). Enfin, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a modifié l'alinéa 8 de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, notamment afin de répondre à la problématique soulevée par les modes de poursuite rapides, telles que la comparution immédiate, dans le cadre desquelles les victimes rencontrent des difficultés à chiffrer l'étendue de leurs préjudices et à assigner leurs caisses de sécurité sociale en temps utile. Ainsi, la loi précitée a consacré la pratique selon laquelle, dans le cas d'un renvoi sur intérêts civils, l'appel en déclaration de jugement commun peut être effectué après les réquisitions du parquet à l'audience, ce qui limite la portée de l'irrecevabilité encourue par les parties civiles. Au vu de ces éléments, il n'est donc pas envisagé de modifier le droit positif.
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