Question de M. KERROUCHE Éric (Landes - SER) publiée le 15/09/2022
M. Éric Kerrouche rappelle à M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire les termes de sa question n°00527 posée le 07/07/2022 sous le titre : " Critères de qualité agronomique et d'innocuité des matières fertilisantes et supports de culture ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour.
M. Éric Kerrouche interroge M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire au sujet du projet de décret relatif aux critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture qui découle de l'article 86 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
De nombreux acteurs des filières « eau », « déchets » et « biomasse » se sont alarmés de ce projet de décret dont les bénéfices environnementaux leur apparaissent discutables et les délais de mise en conformité très courts.
Tout d'abord, une part notable des déchets organiques, notamment des bio déchets risque d'être exclue de l'économie circulaire compte tenu du durcissement des exigences normatives. Certains déchets se verront donc réorientés vers l'élimination, ce qui semble entrer en contradiction avec les objectifs de politiques publiques environnementales mises en œuvre dans les territoires.
Par ailleurs, se posera en conséquence la disponibilité des installations de traitement de déchets, l'impact de ce décret n'ayant pas été pris en compte dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets. Les coûts en découlant pourraient être répercutés sur les usagers et les contribuables qui devront supporter une hausse induite par l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets éliminés.
En outre, certaines unités de valorisation organique pourraient être frappées d'obsolescence alors même que l'investissement n'est pas encore amorti, entraînant de facto une augmentation de la fiscalité locale de traitement de déchets. Il en résulterait une incompréhension de la part des usagers qui, alors qu'ils pratiquent le tri, verraient une filière potentiellement vertueuse abandonnée au profit de l'enfouissement, mettant ainsi à mal les efforts de sensibilisation en matière de prévention des déchets.
Enfin, paradoxalement, les agriculteurs n'ayant plus accès à ces matières organiques issues de l'économie circulaire, ils devront recourir à une part plus importante d'engrais chimiques, ce qui semble contraire à l'objectif recherché. Le corollaire étant une augmentation des coûts pour les agriculteurs.
Si des garanties concernant l'innocuité des matières fertilisantes issues de l'économie circulaire sont nécessaires, il semble qu'une mise en œuvre plus progressive et plus en adéquation avec la réalité des acteurs de la filière soit requise. De même, un recueil de données scientifiques plus abouties et une étude d'impact au périmètre plus élargi portant sur les conséquences environnementales, sanitaires, sociales et financières pour les services publics et leurs usagers s'avéreraient opportuns.
Il lui demande donc s'il envisage de revoir ce projet de décret et la progressivité de sa mise en application, en s'appuyant sur une étude d'impact plus étayée. Cette démarche permettrait d'en assurer la cohérence avec les autres politiques publiques territoriales et de ne pas compromettre l'objectif partagé de développement des filières de valorisation organique.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 22/09/2022
L'article 125 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (dite loi AGEC) a habilité le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives européennes relatives aux déchets. Ainsi, l'article 14 de l'ordonnance n° 2020-920 du 29 juillet 2020 relative à la prévention et à la gestion des déchets a complété le code rural et de la pêche maritime par l'article L. 255-9-1. Celui-ci prévoit qu'un décret, pris après consultation de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), fixe les critères de qualité agronomique et d'innocuité selon les conditions d'usage pour les matières fertilisantes et les supports de culture, afin de s'assurer que leur mise sur le marché et leur utilisation ne porte pas atteinte à la santé publique, à la santé animale et à l'environnement. Ce décret s'appliquera à toutes les matières fertilisantes mises sur le marché ou utilisées en France. Conformément aux recommandations du rapport Marois « Pour un pacte de confiance » publié en novembre 2019, il devra favoriser l'utilisation de matières d'origine organique en conciliant la protection des terres agricoles et la sécurité de l'approvisionnement, notamment pour les matières issues de l'économie circulaire dont l'utilisation devrait se renforcer. De plus, l'article 86 de la loi AGEC précise que les référentiels réglementaires sur l'innocuité environnementale et sanitaire applicables aux boues d'épuration en vue de leur retour au sol doivent être révisés. Il ajoute que l'usage au sol de ces boues, seules ou en mélanges, brutes ou transformées, est interdit dès lors qu'elles ne respectent pas les normes ainsi définies. Le décret susmentionné fixera donc également le cadre pour la révision des référentiels réglementaires sur l'innocuité des boues. Les travaux sont en cours et ont déjà donné lieu à un avis de l'Anses publié en mars 2021 (avis 2020-SA-0146) et à plusieurs consultations des parties prenantes. Comme souligné lors des consultations, les nouvelles dispositions relatives à l'innocuité comme à l'efficacité des matières fertilisantes auront vocation à s'appliquer progressivement, en fonction notamment des données scientifiques disponibles, de la nature de ces matières fertilisantes, des risques qu'elles peuvent présenter, des moyens existants pour les maîtriser et des délais d'adaptation pour les acteurs. Le projet, une fois finalisé, devra également faire l'objet d'un examen pour avis du conseil national d'évaluation des normes, du comité national de l'eau et du conseil supérieur de la prévention des risques technologiques dans lesquels les parties prenantes concernées par les impacts sur les installations de traitement de déchets sont représentées. Par la suite, une consultation du public ainsi qu'une notification à la Commission européenne au titre des règles techniques devront avoir lieu.
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