Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 04/08/2022
M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la nécessité et l'urgence de renforcer la fiscalité sur le capital des ultra-riches.
Au sortir de la crise sanitaire, les inégalités au sein de la société française se sont renforcées de manière ascendante. En effet, entre mars 2020 et 2021, la richesse des grandes fortunes a augmenté de 86 %, ce qui représente un gain de près de 236 milliards d'euros. Au cours de cette même année, les cinq cents personnes les plus riches de France ont dépassé la barre symbolique des 1 000 milliards d'euros de richesse cumulée dont 50 % appartiennent aux dix familles les plus aisées du pays, multipliant ainsi leur capital par 6,5.
Pour autant, les effets de la crise sanitaire combinés à ceux de la guerre en Ukraine sont loin d'avoir un effet analogue sur les finances des couches les plus vulnérables de la société représentant un danger considérable pour ces dernières. Ainsi, en parallèle de cette richesse qui s'accumule entre les mains de quelques-uns, on estime à 10,1 millions les Français vivant actuellement sous le seuil de pauvreté.
L'insoutenabilité de cette situation d'accroissement des inégalités sociales invite donc à s'interroger sur les facteurs ayant mené à une maximisation historique du capital des ultra-riches malgré une dynamique de paupérisation d'une partie considérable de la société. La pandémie étant à l'origine d'une sur-épargne sans précédent ainsi que de la récession la plus importante depuis la Grande Dépression, l'augmentation ahurissante du capital des ultra-riches comme résultante d'une production ascendante de richesse est donc exclue du raisonnement. En effet, la maximisation de la fortune des plus aisées n'est autre que le fruit d'une augmentation de la valeur des actifs financiers, plus précisément des titres boursiers, qui ont permis la génération de dividendes dantesques.
Il ne s'agit pas d'établir un réquisitoire à l'encontre de tout enrichissement d'individus mais de mettre en évidence le paradoxe entraîné par la large défiscalisation du capital en France alors même qu'une disjonction apparente entre l'activité économique réelle des ultra-riches et l'enrichissement de ceux-ci persiste. Il convient également de rappeler le caractère hautement inégalitaire de l'inflation, qui dans notre contexte actuel, fait office de taxe universelle touchant de manière indissociée les plus riches comme les plus démunis.
Face à cette situation insupportable à l'origine d'une France à deux vitesses, le maintien des mesures fiscales autrefois prises par le Gouvernement, à l'instar de la « flat tax » ou de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) dont l'inconsistance et l'inefficacité économique criante ne sont plus à prouver, semble néanmoins témoigner d'une volonté d'établir un ensemble de politiques fiscales accommodantes à l'égard des plus aisés. À l'heure où le Gouvernement fustige les effets délétères de l'endettement induit par le financement des politiques publiques, ce dernier se refuse étonnement à mettre à contribution les ultras-riches en allant chercher l'argent là où il est indolore.
Il est donc nécessaire de remettre en place et de tripler l'ancien impôt sur la fortune, de rendre d'impôt sur le revenus plus progressif avec la mise en place de quinze tranches d'imposition, d'instituer une lutte effective contre la fraude fiscale ainsi que de supprimer les exonérations fiscales n'ayant comme résultat que l'augmentation des profits.
Il invite le Gouvernement à infléchir ses positions en établissant une refonte ambitieuse de la fiscalité de capital, mesure de justice fiscale, sociale et économique pour contrecarrer les inepties d'un système favorisant les plus fortunés et ainsi permettre de soutenir les ménages modestes.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 22/12/2022
Le Gouvernement n'entend pas revenir sur les réformes fiscales introduites au début du précédent quinquennat en matière de fiscalité du capital. Ces dernières ont en effet permis de simplifier le paysage fiscal français, d'améliorer l'attractivité de la France et d'en rapprocher la situation de celle de la plupart de nos partenaires européens. Revenir sur la transformation de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI) ne serait pas cohérent. Cela nuirait à l'attractivité de l'économie française et réintroduirait une singularité inopportune dès lors que l'impôt général sur le patrimoine a été supprimé dans la quasi-totalité des pays de l'Union européenne. À l'inverse, l'IFI permet d'assurer une contribution particulière à l'effort de solidarité nationale de la part de ceux de nos concitoyens dont le patrimoine immobilier est le plus élevé, sans incidence notable sur l'attractivité de notre territoire. Le Gouvernement partage en revanche pleinement l'objectif de soutien aux ménages dont les revenus sont les plus modestes, tout en préservant l'effort contributif plus appuyé pour les titulaires de plus hauts revenus. C'est le sens de la politique fiscale conduite depuis le début du précédent quinquennat visant à diminuer la charge fiscale pesant sur les Français au travers, notamment, de la révision du barème de l'impôt sur le revenu et de la suppression de la taxe d'habitation au titre de la résidence principale et de la contribution à l'audiovisuel public. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), assise sur une assiette plus large que celle de l'impôt sur le revenu, permet, elle, de faire contribuer de manière spécifique les foyers les plus aisés aux charges publiques. Par ailleurs, plusieurs dispositifs ont été mis en uvre pour accompagner les ménages aux revenus les plus modestes et les protéger face à l'inflation. Des « chèques énergie » ont ainsi été attribués sous conditions de ressources afin de lutter contre la précarité énergétique. Le Gouvernement a également mis en place un bouclier tarifaire pour les prix du gaz et de l'électricité afin de limiter le coût pour les ménages et de limiter la hausse des prix par rapport à la situation du marché. Enfin, la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales constitue une priorité de l'action conduite depuis plus de cinq ans. La France est fortement impliquée, sur les scènes internationale et européenne, dans les négociations visant à l'instauration d'un dispositif assurant une plus juste taxation des plus grandes entreprises multinationales. Ces mesures témoignent ainsi de l'engagement du Gouvernement à garantir la juste participation de chacun au financement des charges publiques.
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